Il y eut des jours et des nuits blancs
Dans le monde des employés polemploi (et de leurs cravates multicolores), de l'adaptabilité, de la flexibilisation, de « la ludification des rapports entre collaborateurs et responsables », du ministère de la Volonté du travail, des décrocheurs, du déficit d'adaptabilité, du « boostage » de parcours professionnel, des stages « de formation pour aidants à la formation animée par un formateur de formatants », un homme, Julien, dont la seule « compétence » semble être la capacité de rêver.
Une voisine, devenue écrivaine publique après un licenciement nommé départ volontaire d'office, « Moi j'écris pour des personnes qui sont émues par leur désir d'écrire, des personnes timides avec leur désir qui ne les lâche pourtant pas », et que ne rêve plus.
Julien, « sa » Nathalia, sa crainte de l'insomnie totalitaire « qui vous enclôt entre les barbelés de la conscience », ceux et celles qui ne rêvent jamais, « Hé bien, la voilà la solution ! S'exclama-t-il. Il y a ceux qui ne rêvent jamais et moi qui rêve chaque nuit. Ceux qui n'arrivent pas à rêver, et moi qui ne sais faire que ça ».
Christiane Veschambre, avec une ironie pleine de tendresse, présente Julien et ses rêves pour autrui, son écoute sur le vide du sommeil ou la clôture de l'insomnie, les bouleversements de chacun·e face au rêve devenu leur rêve.
« Ici je vais insérer un cahier de rêves, comme dans les livres qui parlent de peintures, de films, d'éléments visuels, on trouve au centre un cahier de reproductions, photos ou images des oeuvres citées. Il s'agit bien sûr de quelques-uns des rêves que Julien fait pour l'une ou l'autre personnes dont il sa fait le rêveur.
Cahier que le lecteur curieux peut lire, feuilleter, et que le lecteur blasé peut délaisser. ».
Je ne suis pas un lecteur blasé mais je ne vous en dirai rien…
Et lorsque l'espace des rêves se développe, la réalité formatée peu perdre du terrain, et les employés perdre leur cravate !
La vie change aussi pour Julien, ses rêves à lui s'espacent, « Un rêve amaigri est un rêve qui n'aura bientôt plus la force d'accompagner le rêveur dans son passage de la nui au jour. Un rêve mort-né, englouti par la marée nocturne », la nuit aucun rêve étranger lui faisait signe…
Un petit livre, traversé par un insecte aboyeur, ouvert sur l'infini des possibles, « du bord de ce trou noir, il semblait que l'horizon des événements s'étaient immensément élargi ». Contre la sclérose de l'ordre managérial…
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