On pourrait imaginer que les historiens spécialistes de la Rome antique sont des rats de bibliothèque, austères et désincarnés.
Paul Veyne, né en 1930, nous prouve qu'il n'en est rien.
«
Et dans l'éternité, je ne m'ennuierai pas : souvenirs » est un livre très personnel et original. Une autobiographie certes, fournissant tous les repères chronologiques nécessaires à l'établissement d'une « vie d'historien », mais pas seulement.
L'auteur lui-même avoue avoir eu une grande joie à écrire ce texte, comme « une descente à skis ». Il le qualifie avec ironie et détachement de « document social et humain à l'usage des curieux. »
Nous apprenons en effet comment
Paul Veyne est devenu historien : les lectures d'enfant, l'« Odyssée », l'acquisition des connaissances et l'« ascenseur social républicain », la découverte de l'École des Annales.
Sous l'influence de ce mouvement qui engageait à abandonner l'histoire linéaire traditionnelle,
Paul Veyne va révolutionner les études antiques, en se consacrant à des sujets relevant de l'histoire des mentalités, comme par exemple l'homosexualité à Rome, le cirque, ou encore la christianisation du monde ancien.
Paul Veyne ne cache rien. A l'image de son visage déformé par une maladie congénitale, il n'élude pas les épisodes étranges ou qui ne s'inscriraient pas dans une biographie idéalisée.
Il parle de sa famille « collabo », de son adhésion au parti communiste (dont il déchirera la carte en 1956).
Il parle de son goût de l'escalade, de la montagne, des « Dentelles de Montmirail », où il a failli mourir.
Il parle de ses expériences extatiques.
Et dans un dernier chapitre particulièrement poignant, il révèle, en vrac, ses drames personnels, le suicide de son fils, la douleur de ses mariages ratés, et le dernier ménage à trois qu'il forma avec Estelle et Françoise.
Ces révélations étaient-elles nécessaires ? Elles apparaissent comme une libération.
Ce livre est émouvant, classiquement écrit – on n'en attend pas moins d'un helléniste-latiniste . Il saute d'un motif à l'autre, anticipe, revient en arrière, sans jamais oublier l'autodérision si nécessaire.
A découvrir, car
Paul Veyne se lit aisément.
J'aime particulièrement ce qu'il dit du « vouvoiement de l'aimée »…