J'avais une appréhension avant de lire ce livre, parce que le seul autre livre de Delphine de Vigan que j'avais lu ne m'avait pas vraiment plu. L'histoire m'a intéressée (mais celle du livre précédent aussi), je me méfie des témoignages autobiographiques, mais je n'ai pas d'a priori contre le genre en lui-même, l'évocation d'une relation entre une fille et sa mère bipolaire me paraissait un sujet intéressant. C'est d'ailleurs ce que j'ai le plus apprécié dans ce roman. le problème c'est que
Delphine de Vigan est censée être écrivain de profession, j'attends donc d'elle un minimum de style (qu'il me plaise ou non) et là ,j'ai trouvé que c'était plat, du même niveau que le style d'un inconnu dont c'est le premier (et probablement unique) livre. Spontanément j'ai envie de citer deux ou trois livres de personnes dont l'écriture littéraire n'est pas le métier principal et qui ont écrit de bien meilleurs livres de témoignage (Olivia Ruiz,
Philippe Torreton,
Anny Duperey, …) superbement écrits en prime. Je pardonne d'autant plus volontiers une écriture plate à un inconnu dans la mesure où elle a pour lui un effet cathartique, et éventuellement le même effet sur les lecteurs concernés par ce qu'il écrit. Mais là, non, c'est plat, et presque froid, juste rattrapé à quelques grands moments, par l'histoire, d'abord celle de la famille de Lucile, famille nombreuse qui vit hors norme (mais qu'est-ce qu'une famille dans la norme ? Y en a-t-il vraiment d'ailleurs?) certes, mais qui est attachante, un peu envahissante (mais comme l'auteur le dit si bien, c'est un peu le propre de toute famille nombreuse) ; ensuite j'ai bien aimé la façon dont
Delphine de Vigan décrit son adolescence, la transformation des relations en fonction du comportement de Lucile, son obligation finalement à se comporter en adulte avant l'heure. Mais beaucoup de points sont à peine effleurés, au prétexte qu'elle a déjà écrit à ce sujet dans d'autres livres (ou aussi parce qu'elle le fera?). C'est assez crispant car il est difficile que tout ne soit pas un minimum lié ou, à tout le moins, imbriqué. le lecteur reste sur sa faim. Les personnages des grands-parents, piliers de cette grande famille, m'interrogent bien plus que ce que ne semble le faire l'auteur : je crois que je comprends bien moins Liane et Georges que leur fille Lucile ! Quand à tous les passages où
Delphine de Vigan s'interroge sur ce qu'elle écrit, sur ce qu'elle choisit ou non d'écrire, ils m'ont plus énervée qu'autre chose, car je n'y ai pas senti une pleine et totale sincérité, parce qu'il y a trop de mélanges de genre : fiction (c'est un roman), autofiction (mais dans la première partie, elle est une narratrice extérieure, puis ensuite elle narre à la première personne, plus les incises au présent de l'écriture, ça commence à faire un peu beaucoup), biographie (celle de sa mère), autobiographie (la sienne), variations incessantes d'époques. Un tel mélange demande un doigté et une qualité d'écriture que je n'ai absolument pas senti ici. J'ai pourtant été attirée jusqu'au bout par les bonheurs et malheurs de cette famille. J'ai bien aimé que, quoi qu'elle en dise, on ne sait pas trop où en est vraiment l'auteur dans sa relation filiale. Mais on peut comprendre un comportement sans pardonner ce qu'il a entraîné, ou pardonner un être aimé sans tout comprendre des causes de son comportement. Bref, j'ai nettement préféré ce livre à «
D'après une histoire vraie» mais malgré cela je crois que je ne lirai pas un troisième livre de cet auteur.