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Iryna Dmytrychyn (Traducteur)
EAN : 9782375720554
150 pages
L'espace d'un instant (07/12/2023)
3.62/5   4 notes
Résumé :
Katia et Oksana pleurent la perte de Sacha, colonel de l’armée ukrainienne, décédé d’un arrêt cardiaque, mais continuent à lui parler comme s’il était encore auprès d’elles. Après quelques années, la blessure guérit, mais une guerre éclate en Ukraine. Sacha apparaît alors : il veut retourner dans ce monde pour remplir son devoir militaire et protéger sa famille et son pays.
Le Dépôt de grain est une pièce sur les événements tragiques de 1933 en Ukraine, lorsq... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
"La voix du lecteur tremble de haine juste et de tristesse."

Des gâteaux fourrés, un souvenir d'enfance, la facture des charges, faire un effort, l'impression qu'il est ici, des fleurs fanées, une meute de chiens, la question est close, une chanson, demander de l'aide de l'au-delà, un paysan ordinaire, une fuite, une journée de labeur, un tournant historique, un brouhaha étonné, un corbeau noir, un peuple trompé, des mesures exceptionnelles, s'occuper de tout, une nuit de pleine lune, de l'alcool, du blé pourri, des paroles et des serments, une carriole morbide, un mauvais mari, des camarades agitateurs, une lenteur non naturelle, un cachot, la fête du village, un pistolet, la vérité et le rêve...

J'ai eu du mal à lire cette pièce de théâtre, du mal à me concentrer, mais j'ai bien apprécié les notes à la fin de l'ouvrage pour mieux le comprendre, et j'en ai donc relu des passages avec plus d'attention.

L'atmosphère est pesante, spéciale, sinistre, étrange, sensible, tragique...

Merci à Babelio, à la masse critique, aux Éditions l'espace d'un instant ( diversités et partage) pour la découverte de cette écrivaine, scénariste, cinéaste ... de son histoire et de son univers.



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Pour cette première Masse Critique de l'année 2024, j'ai eu la chance de lire ce recueil de deux pièces de théâtre, paru chez les Editions L'espace d'un instant, et dont l'autrice Natalka Vorojbyt, Наталія Анатоліївна Ворожбит, est ukrainienne. Elle est à l'origine déjà d'une vingtaine de pièces, qui ont été jouées sur les scènes ukrainiennes et internationales, l'une d'entre elle, Mauvaises routes, a même été adaptée au cinéma. Quant à ces deux pièces-ci, elles ont été l'objet de lectures en France : Sacha, sors les poubelles, au Théatre dans la forêt à Parlatges, Le dépôt de grain, place des Célestins à Lyon. La traductrice des pièces, Iryna Dmytrychyn, j'ai déjà eu l'occasion de la rencontrer à travers mes lectures, car elle a également traduit Les abricots du Donbas de Luba Yakymtchouk, et elle a participé au numéro 77 de la règle du jeu Lumière sur l'Ukraine. Quant à moi, c'est une première d'évoquer non pas une, mais deux pièces de théâtre sur ce blog, autant dire que cela fait un très long moment que je n'en avais pas lu.

Commençons donc par Sacha, sors les poubelles. Trois personnages, Katia, Oksana, fille de Katia, et Sacha, mari et beau-père d'Oksana. La pièce est très courte, de constitution plutôt moderne, à peine une vingtaine de pages. Le découpage se fait en deux parties distinctes, sans acte, ni scène. En revanche, de longues didascalies pour planter le décor, en l'occurrence, la mère et la fille, enceinte d'un garçon du nom de Kolia, lors de ce qu'il semble être un banal moment de cuisine. Une discussion au beau milieu de la préparation d'un repas ayant pour sujet un troisième individu, Sacha, présent sous la forme fantomatique, puisqu'il vient de mourir d'une crise cardiaque. Sacha était colonel au sein de l'armée ukrainienne alors quand la guerre éclate en 2014, c'est tout naturellement que le revenant qu'il est veut y aller. La guerre, et l'armée, sont ici en arrière-plan : sur le mode mi-tragique, mi-comique, c'est la perte d'un être cher qui est pleurée, célébrée, à travers un dialogue à trois improbable avec un Sacha au milieu, qui n'a plus d'existence. Comique parce que Sacha revient, très naturellement et l'air de rien, auprès de sa femme et de sa belle-fille, et avec l'envie de partir à la guerre. Tragique, car les deux femmes, de par leur deuil, sont blasées et portent la faute de la défaillance cardiaque du défunt à l'armée et à la façon dont ses soldats sont traités. Ce Sacha témoigne encore de sa présence à travers un paquet de bonbons oublié.  Cette pièce se lit très facilement, si on est fâché avec le genre dramatique, c'est un texte parfait pour s'habituer à lire du texte dramatique.

La seconde pièce Le dépôt de grain est bien plus longue et également plus riche en personnage : elle est également de présentation plus classique avec ses deux actes. Elle nous ramène plus loin dans le temps, d'abord en l'an 1926, puis 1931, 32, 33 dans la première scène, le restant de l'année 1933, à partir du 16 avril, dans une seconde scène. Tout démarre dans une propriété terrienne, où des villageois et la famille Starytska, des "paysans ordinaires" assistent à un spectacle monté et mis en scène par une troupe d'agitateurs, des propagandistes soviétiques, des personnages quelconques, dont un Ivan Ivanovytch, qui agitent leur propagande à travers la scène qu'ils reproduisent : une comédie qui reproduit une scène quotidienne tout en cherchant à dénoncer la vénalité et la corruption des religieux. Rien de bien surprenant quand on se rappelle les préceptes du bon communiste, qu'un personnage sans nom, Le lecteur, souhaite transformer l'église en dépôt de grain. Plusieurs de ces mêmes tableaux pour dénoncer et annoncer un autre modèle de vie se déroulent successivement autour de Mokryna, fille de Feodosiy, et Arsey, à la fois amoureux de la jeune femme, et jaloux de la famille Starytska.

Dès le début, on lit cette séparation entre les plus jeunes, les plus crédules mais aussi les plus pauvres, qui se font volontiers abusés par la propagande anticléricale soviétique et les plus âgés, qui ne se laissent pas volontiers défaire de leurs croyances. Avec un pèlerin grand propréteur de la catastrophe qui s'annonce, Arsey détonne dans ce village, il est le seul qui prend le parti des propagandistes soviétiques, qui impose dékoulakisation et collectivisation, appauvrissement et famine. De ces brigades de propagande qui montent des tableaux burlesques et grossiers, et cette mise en abîme de l'autrice, laquelle, de fait, a également a monté son propre tableau reconstituant l'histoire d'un village ukrainien banal : des paysans divisés, entre ces Koulaks, propriétaires terriens accusés de s'enrichir sur le dos des autres paysans, qui survivent tant bien que mal. Ce tableau permet de comprendre ce qui s'est joué au début des années 1930, avec le paupérisme progressif de la population affamée, privée de sa religion et de ses lieux de culte, transformées en dépôts inutiles, où les céréales moisissent. L'important ici c'est que les autorités soviétiques exercent leur domination et exterminent les soi-disant ennemis d'état.
La juxtaposition des deux pièces forme un tout : alors que la première relativement courte évoque la mort et l'enterrement de Sacha, l'anniversaire de sa mort, avec en arrière-fond le thème de la cuisine et de la nourriture relativement abondante, la seconde évoque L'Holodomor, la famine provoquée par les autorités soviétiques, la mort progressive de chacun des habitants du village, soit d'inanition, soit d'avoir osé se rebeller et d'avoir touché aux réserves de nourritures qui se périment sous leurs yeux. Dans l'une, c'est un problème de santé à l'origine de la mort, la nourriture y est foisonnante, l'autre, c'est le contraire, mais l'une comme l'autre, c'est ce conflit en arrière-plan avec la Russie colonisatrice, puis la tutelle soviétique, qui aliène les Ukrainiens. Tour à tour sur le ton du burlesque, de la dérision, de la satire, sous la figure du revenant, et des tableaux, la forme dramatique met en relief l'absurdité tragique de l'attitude des soviets en Ukraine, du collectivisme en général. Une absurdité, échafaudée par ces têtes sur les petites épaules des tyrans de seconde zone, qui tue, inutilement, sans aucun sens, sans que cela n'apporte rien de plus aux soviets : l'historienne montre l'inanité d'une idéologie qui a chassé ses religions pour la remplacer par un matérialisme pur et dur, au moins aussi vain, si ce n'est meurtrier.

La seconde pièce s'achève sur un monologue, une prière à Dieu, d'un Havrylo intemporel, qui récapitule les malheurs de l'Ukraine, et ponctue cette fin de pièce en une ultime pointe d'ironie, sur la situation actuelle, sur ce Dieu, qui semble avoir fait son come-back depuis la fin du communisme, avec cette prière dans laquelle il signifie son désir de maigrir! Merci aux Editions L'espace d'un instant et merci à Babelio !


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Deux pièces ukrainiennes sont rassemblées ici, deux petits bijoux de l'autrice Natalka VOROJBYT, elle-même ukrainienne. La première tout d'abord, brève. Oksana est une jeune femme prête à accoucher. Sa mère est à ses côtés, le mari de cette dernière (et beau-père d'Oksana) est décédé. Pourtant un dialogue à trois s'amorce, les deux femmes convoquant le défunt, par ailleurs ancien officier ivrogne. Un an plus tard, sur sa tombe, les deux femmes reviennent lui rendre visite, Okasna est à nouveau enceinte. Dans de brèves scénettes fortement imprégnées de l'esprit de Nikolaï GOGOL (lui-même ukrainien), mais avec une forte teinte politique, le texte finit par entrer en résonance avec l'actualité (mais écrit en 2015, au lendemain des événements de Maïdan), se clôturant en 2014 à Kyïv (Kiev). Ou comment passer de l'intimiste au global avec pertinence.

N'ayons pas peur des mots, « le dépôt de grain » est un petit chef d'oeuvre. de format bien plus long que la pièce précédente, celle-ci met en scène de nombreux personnages. Pièce ambitieuse, elle a pour but de raconter en 100 pages l'Holodomor, la famine majeure survenue en 1933 en Ukraine sur orchestration machiavélique du camarade STALINE. Après une scène en 1926, l'histoire se déroule entre 1931 et 1933 en Ukraine. Début des kolkhozes de masse, et débuts des désaccords entre les paysans, les pros et les anti, tensions exacerbées par le sujet de la religion : « Au nom du pouvoir soviétique, sauvons le peuple de l'oppression religieuse. Transformons les églises en dépôts de grain. Donnons à l'État les cloches de cuivre. Recevons en échange les tracteurs et autres équipements ! ».

Les plus rétifs à la collectivisation vont le payer cher, très cher. Par des scènes figuratives, l'autrice met en scène des paysans tiraillés, y compris au sein des familles, entre la volonté de rester indépendants et crever à petit feu, ou celle de rentrer dans le rang en se soumettant à l'ogre soviétique, sans aucun gage de stabilité ni d'avenir. L'Holodomor est un événement majeur de l'histoire soviétique, la plus grande exécution de masse ordonnée par STALINE affamant toute une population. Dans cette pièce, Natalka VOROJBYT permet de reconstituer les faits, les scènes. La propagande stalinienne est partout. Soucieuse de coller au plus près aux outils de communication en vogue, elle s'installe dans le cinéma.

Certaines séquences sont dures, mais nécessaires pour bien rendre compte de la velléité génocidaire. « Et le chien n'a pas aboyé. (Se souvenant) Ah, oui, nous l'avons mangé à l'automne ». Tout comme on a fini par manger le chaume des toits des habitations. « le dépôt de grain » est d'une grande force, n'oubliant pas les traits d'humour pourtant difficiles à glisser devant un tel sujet. Natalka VOROJBYT construit son texte de manière patiente, sans faux-semblants ni trémolos, peut-être pour aller encore plus droit au coeur. Car le fond de cette pièce gifle, il réveille une extermination trop longtemps cachée. Écrit en 2009 sur des événements de 1933, il fait écho (indirectement bien sûr) en partie à l'actualité et un peuple ukrainien toujours pas reconnu comme tel par le pouvoir russe.

Le livre est d'une grande pertinence et d'une profonde acuité. Les deux pièces semblent comme antipodiques, et pourtant elles se rejoignent dans l'horreur, la guerre, le balbutiement de l'Histoire. Elles sont deux petites pièces d'orfèvrerie, chaque élément se trouvant au plus juste. Elles sont aussi une manière originale de raconter l'Histoire ukrainienne par les ukrainiens eux-mêmes. L'ouvrage, traduit de l'ukrainien par Iryna DMYTRYCHYN, vient de sortir aux éditions L'espace d'un Instant, il est parfait pour découvrir le catalogue de cette maison s'il vous est encore inconnu à ce jour. Une maison à soutenir, à relayer, et ce livre prouve une fois de plus la grande qualité de la ligne éditoriale. Une pièce de la même autrice, « Mauvaises routes » était déjà parue au catalogue en 2022, je vous l'avais présentée en son temps. Tiens, je n'ai même pas dit à quel point je trouve la couverture magnifique, mais la place me manque.

https://deslivresrances.blogspot.com/
Lien : https://deslivresrances.blog..
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Honnêtement, je n'ai pas gardé en mémoire la première pièce, intitulée Sasha, sors les poubelles.

En ce qui concerne la seconde, le dépôt de grain, je l'ai trouvée assez elliptique : on saute parfois du coq à l'âne, on avance très rapidement au fil des années, de nombreux personnages se croisent, ils se mettent parfois eux-mêmes en scène.... La pièce gagnerait clairement en "lisibilité" à être vue plutôt que lue.
Des passages drôles encadrent le morbide (l'absurdité et l'horreur de la vie dans toute sa splendeur). le sujet est intéressant, mais j'aurais justement apprécié un apport historique plus conséquent en fin d'ouvrage, surtout quand la 4e de couverture nous annonce que la pièce est "basée sur l'étude de documents historiques et d'histoires familiales personnelles de l'autrice". Pourtant, nous n'aurons pas la chance de les parcourir.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Il arrive que tu sortes le matin dans le pré et tu es pétrifié de beauté : le brouillard moelleux qui couvre le sol dans lequel dorment les oies blanches comme dans une couette.
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YOURKO - Croyez-bien, bonnes gens, il n'y a pas de Dieu.
Il faut croire au 1er Mai, fête des travailleurs !
Chers camarades ! Ne soyez pas bêtes !
Demandez le bonheur au pouvoir des soviets !

La jeunesse rigole et applaudit les artistes agitateurs. Les vieux se signent discrètement.

HOROBETS - Bravos les artistes ! On dirait qu'ils parlent de notre femme de prêtre.
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D'en haut, les anges observent Havrylo avec pitié.
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