Un titre attirant, une quatrième de couverture en symbiose avec l'actualité, une collection “Un endroit où aller” qui a fait ses preuves, alors j'ai lu, et j'ai aimé, oh! combien.
Il s'agit de l'histoire de
Thomas Müntzer, né aux alentours de 1490 et dont le père meurt en 1500, pendu sur l'arbitraire condamnation d'un comte, déclenchant ainsi un sentiment profond d'injustice chez le jeune homme. Il bénéficie, en dépit de la pauvreté de sa mère, d'une bonne éducation : il sait lire et écrire et fera donc ses études au séminaire. La merveilleuse invention de Gutenberg, cinquante années plus tôt, les caractères mobiles d'imprimerie typographique : c'est ainsi “qu'une pâte brûlante avait coulé, elle avait coulé depuis Mayence sur tout le reste de l'Europe”(E.V. ) lui donnera accès à tous les écrits qui le galvanisent.
Thomas Müntzer deviendra ainsi un homme de lettres et d'écriture. Il ne cessera de stigmatiser les puissants qu'il vouera aux gémonies durant toute sa vie. Il devient un prédicateur de renom et ses prises de position lui valent une popularité qui le conduira à prendre la tête d'une révolte sociale.
Eric Vuillard nous raconte ainsi la genèse de toutes ces révoltes populaires, insurrections paysannes, qui soulèvent le peuple très régulièrement, emporté par l'exaspération de la pauvreté, la détestation de l'ostentation de la richesse et du pouvoir, l'espoir galvanisé par les propos enflammés de ceux qui les guident, issus de leurs rangs. Et surtout l'histoire se répète, inlassablement, les mouvements populaires naissent et enflent sans guère d'encadrement, de représentation et les puissants se coalisent, forts de leur organisation éprouvée, s'appuyant sur des forces armées dévouées. Ils entament des négociations, font des propositions, “Il fallait que ça traîne en longueur, afin de démoraliser l'adversaire et de gagner du temps. La négociation est une technique de combat”. (E.V. ). La dissension gagne les révoltés, certains souhaitent négocier, d'autres s'entêtent, et le doute s'installe, éternel diviseur, conduisant les révoltés à leur perte sans que quoique ce soit change vraiment en dépit des promesses.
Eric Vuillard, avec cette passionnante histoire de
Thomas Müntzer, et de Wyclif puis Wat Tyler en Angleterre quelques deux cents ans plus tôt, nous instruit des mécanismes de la richesse et du pouvoir avec une rigueur implacable et un grand talent de conteur. Ce récit est passionnant de bout en bout et son intérêt se trouve renforcé du fait de l'actualité des manifestations en France depuis novembre dernier. Bien sûr
Thomas Müntzer était un prédicateur, à l'époque impossible de savoir lire et écrire ni de faire des études sans appartenir à cette classe sociale, mais la transposition de sa conception de la vie et son refus de la toute puissance de la richesse demeurent extrêmement actuels.
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