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3,61

sur 371 notes
Il y a chez cet auteur une écriture très particulière, à la fois exigeante et drôle, et une façon de nous raconter posons forme d'anecdotes les grandes lois et répétitions de l'Histoire.
Avec La guerre des pauvres il aborde la révolte du peuple par un axe surprenant : l'insurrection paysannes en Allemagne au 16ème siècle. de la colère d'un homme (Thomas Müntzer) contre les privilégiés et son indignation face à l'inégalité et d'une étincelle (un impôt jugé injuste), Eric Vuillard met en lumière les prémices de la rébellion qui trouve ses racines dans des épisodes violents antérieurs, l'embrasement et la répression arbitraire, sans aucune remise en question d'un monde qui vacille.
La parution de cet essai pendant la crise des Gilets Jaunes a nourri les critiques d'opportunisme , ce qui m'importe peu au vu de l'intelligence du texte et de la précision de la démonstration. Son travail de recherche pour sortir de l'anonymat ces personnages historiques et rendre aux invisibles leur légitimité devrait nous inciter à regarder le monde d'aujourd'hui par un autre prisme...
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Un titre attirant, une quatrième de couverture en symbiose avec l'actualité, une collection “Un endroit où aller” qui a fait ses preuves, alors j'ai lu, et j'ai aimé, oh! combien.

Il s'agit de l'histoire de Thomas Müntzer, né aux alentours de 1490 et dont le père meurt en 1500, pendu sur l'arbitraire condamnation d'un comte, déclenchant ainsi un sentiment profond d'injustice chez le jeune homme. Il bénéficie, en dépit de la pauvreté de sa mère, d'une bonne éducation : il sait lire et écrire et fera donc ses études au séminaire. La merveilleuse invention de Gutenberg, cinquante années plus tôt, les caractères mobiles d'imprimerie typographique : c'est ainsi “qu'une pâte brûlante avait coulé, elle avait coulé depuis Mayence sur tout le reste de l'Europe”(E.V. ) lui donnera accès à tous les écrits qui le galvanisent. Thomas Müntzer deviendra ainsi un homme de lettres et d'écriture. Il ne cessera de stigmatiser les puissants qu'il vouera aux gémonies durant toute sa vie. Il devient un prédicateur de renom et ses prises de position lui valent une popularité qui le conduira à prendre la tête d'une révolte sociale.

Eric Vuillard nous raconte ainsi la genèse de toutes ces révoltes populaires, insurrections paysannes, qui soulèvent le peuple très régulièrement, emporté par l'exaspération de la pauvreté, la détestation de l'ostentation de la richesse et du pouvoir, l'espoir galvanisé par les propos enflammés de ceux qui les guident, issus de leurs rangs. Et surtout l'histoire se répète, inlassablement, les mouvements populaires naissent et enflent sans guère d'encadrement, de représentation et les puissants se coalisent, forts de leur organisation éprouvée, s'appuyant sur des forces armées dévouées. Ils entament des négociations, font des propositions, “Il fallait que ça traîne en longueur, afin de démoraliser l'adversaire et de gagner du temps. La négociation est une technique de combat”. (E.V. ). La dissension gagne les révoltés, certains souhaitent négocier, d'autres s'entêtent, et le doute s'installe, éternel diviseur, conduisant les révoltés à leur perte sans que quoique ce soit change vraiment en dépit des promesses.

Eric Vuillard, avec cette passionnante histoire de Thomas Müntzer, et de Wyclif puis Wat Tyler en Angleterre quelques deux cents ans plus tôt, nous instruit des mécanismes de la richesse et du pouvoir avec une rigueur implacable et un grand talent de conteur. Ce récit est passionnant de bout en bout et son intérêt se trouve renforcé du fait de l'actualité des manifestations en France depuis novembre dernier. Bien sûr Thomas Müntzer était un prédicateur, à l'époque impossible de savoir lire et écrire ni de faire des études sans appartenir à cette classe sociale, mais la transposition de sa conception de la vie et son refus de la toute puissance de la richesse demeurent extrêmement actuels.
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La guerre des pauvres faisait à sa parution clairement référence aux Gilets jaunes. Non comme un enrôlement de l'histoire ou une captation de l'actualité, mais pour inscrire les luttes d'aujourd'hui dans une continuité historique, par-delà les révolutions dites bourgeoises qui ont fondé nos sociétés modernes.
Les manifestations des GJ étaient qualifiées de "jacqueries". Eric Vuillard rend justice, dans son style à la fois sec et lyrique, à ces révoltes en apparence confuses, dans leurs raisons comme dans leurs buts, recouvertes dans l'histoire par l'ombre que jettent dessus leurs puissants vainqueurs.
Ce pourquoi ce tout petit livre très puissant, écrit dans un moment particulier, à une valeur universelle et fait écho à chaque combat mené par les pauvres contre les riches, les faibles contre les puissants, tous ceux à qui la défaite est promise et qui font pourtant trembler l'ordre établi.
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C'est le roman d'Eric Vuillard le moins intéressant me semble-t-il. le thème est pourtant très puissant et pourrait faire écho aux révoltes actuelles mais la narration est très confuse et l'écriture moins aboutie qu'à l'accoutumée. Je conseille plutôt « Une sortie honorable » et évidemment « L'ordre du jour ».
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Dans un court livre de 68 pages , Eric Vuillard relate un"soulèvement de "l'homme ordinaire" dans les années 1524-1525 dans le Saint Empire romain germanique.Il relit avec talent L Histoire,esquissant en quelques lignes un cadre historique, social et géographique, montrant la permanence historique et géographique des injustices.Pour le lecteur c'est un bonheur de se plonger dans ce récit à l'écriture cinématographique ,de s'intéresser soudain à des pans de l'Histoire et, guidé par la plume et le regard d'Eric Vuillard ,de constater le caractère universel de ces mouvements révolutionnaires et leur actualité.
Cette rébellion contre les Princes du début du xvie siècle est de même nature que celles qui ont secoué le Kent des siècles plus tôt quand les pauvres paysans se sont révoltés contre les taxes, le servage ,leur chef Wat Tyler est massacré en 1381.Le Roi ne tiendra pas ses promesses.Quand Jean Hus prêche en Bohême il est considéré comme hérétique et brûlé en 1415.
Le livre déroule la vie de Thomas Muntzer dont le père a été pendu.Muntzer partisan de Luther est d'abord prédicateur en Saxe.Il prêche une chrétienté pure, désintéressée qui parle aux pauvres mais déplait aux riches.et au clergé Il prône le contact direct avec Dieu, s'en prend au latin , dit la messe en allemand.La Réforme protestante ébranle l'ordre social.En 1524 la révolte gronde, les châteaux sont rasés en Saxe, en Thuringe.Les Princes mobilisent des armées...
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Superbe récit (très) bref et percutant d'Éric Vuillard sur la manière dont l'esprit de révolte s'incarne dans la chair des opprimés à travers l'histoire de la guerre des paysans allemands et en particulier du prédicateur Thomas Müntzer († 1525). J'ai apprécié le fait qu'à travers son récit, Vuillard parvienne à montrer que cet épisode important de l'histoire de l'Allemagne (et qui sera analysé successivement par Friedrich Engels et Ernst Bloch) résulte d'une rencontre de conditions à la fois matérielles et spirituelles. C'est ce subtil mélange qui donnera naissance à cet esprit révolutionnaire en pleine Réforme. Mélange que malheureusement Luther s'évertuera à séparer au nom de la soumission aux autorités, mais jusqu'à quel point ?
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Né vers 1490 à Stolberg dans une famille pauvre, Thomas Müntzer perdit très jeune son père, pendu pour avoir déplu à un comte. Il fit néanmoins de bonnes études de théologie à Leipzig et devint curé à Halberstadt et Brunswick. Partisan de Luther, souvent renvoyé de ses paroisses, il devient prédicateur à Zwickau en 1520. Il s'installa ensuite à Allstedt où il écrivit ses « Protestations ». Ses messes dites en allemand eurent un grand succès auprès des petites gens tout heureux d'enfin comprendre ce que racontaient les textes liturgiques. Une énième révolte paysanne se déclencha sur les terres du prince Albert de Mansfeld. de partout, les gens se rassemblaient formant une troupe hétéroclite, mal armée et mal ravitaillée, qui devait affronter des troupes de mercenaires disposant de canons. Müntzer prit la tête de la cohorte de gueux. Mais tout se termina dans un bain de sang. Cinq mille paysans furent passés par les armes. le curé fut emprisonné et décapité le 27 mai 1525 à Mülhausen, devant toute la haute noblesse de la région…
« La guerre des pauvres » est court roman (92 pages) basé sur un fait historique relevant des révoltes paysannes qui furent fort récurrentes pendant de nombreux siècles en Allemagne tout comme en France avec nos « Jacqueries » et qui atteignirent leur apothéose avec la révolution de 1789 et toutes les autres, la guerre de Vendée, 1830, 1848 et la Commune de Paris en 1870. Tous ces soulèvements populaires contre l'oppression royale, ecclésiastique, ou républicaine s'achevèrent systématiquement dans des répressions féroces, le dernier en date étant le mouvement des « Gilets jaunes ». le style de Vuillart est agréable, léger, facile à lire et un tantinet minimaliste. Pas de descriptions interminables, ni d'états d'âme alambiqués, juste l'essentiel, rien que l'essentiel. « Close to the bone », comme disent les Anglo-saxons. L'inconvénient de cette qualité c'est qu'on termine le livre en restant un peu sur sa faim. On aurait aimé en savoir un peu plus sur ce fou de Dieu révolutionnaire protestant finissant par contester Luther lui-même et sur ces révoltes populaires si peu ou si mal étudiées dans les cours d'histoire. Merci à Eric Vuillard d'avoir braqué son projecteur sur ce personnage assez peu connu chez nous.
Lien : http://www.bernardviallet.fr
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"Il veut en finir avec la pompe et ce luxe de chien"
Thomas Müntzer, né vers 1489 à Stolberg dans le Harz (Allemagne actuelle) était l'un de ces prédicateurs instruits, connaissant le latin. L'imprimerie permettait depuis peu de diffuser en plus grand nombre des textes que les copistes auraient du écrire pendant plusieurs années.
Zwickau est une petite ville, au coeur d'un pays de mines et tissages. Les ouvriers fabriquent des draps de qualité. Comme toutes les villes, elle est partagée entre deux populations, patriciens et plèbe, bourgeois et ouvriers...
Un autre partage de population se fait jour, un partage entre catholiques d'une part, et partisans d'Erasme et de Jean Hus d'autre part....la messe en latin et ses pompes, d'une part et la prière en allemand d'autre part..la parole divine propriété des curés et la célébration comprise de tous.
Premières guerres de religion, premiers affrontements pour des idées...un affrontement qui verra des prédicateurs comme Thomas Müntzer proposer "un monde sans privilèges, sans propriété, sans État" une parole qui séduit les plus pauvres...des plus pauvres qui s'élèveront contre les puissants, qui prendront les armes, les fourches et feront vaciller le pouvoir, galvanisés par les sermons de Thomas Müntzer.
"Si Dieu avait condamné certains hommes à vivre dans la servitude et d'autres à vivre libres, il les aurait sans douté désignés."
C'est cet affrontement, dans les années 1520, l'un des premiers, entre seigneurs détenant le pouvoir et plus pauvres, instruits par Thomas Müntzer qu'Éric Vuillard nous conte. Affrontement entre latin et allemand, affrontements entre riches et pauvres...affrontement à l'issue duquel Thomas Müntzer perdra la tête
Un texte court, un petit bijou, lu en peu de temps, qu'on prend plaisir à relire, un texte qui fait écho avec d'autres temps, d'autres émeutes populaires..et presque avec notre actualité. Ce n'est pas en coupant la tête des meneurs qu'on stoppe une révolte...l'histoire nous le rappellera plusieurs siècles plus tard.
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Comme toujours avec Vuillard, cela démarre fort puis perd un peu de son intensité, mais cela reste d'une tenue exemplaire ! Il est trop fort pour replonger dans l'histoire et là, pour la plupart inconnue... Des révoltes populaire en Angleterre (la meilleure) à l'Allemagne. de quoi apprécier le fait que les révolutions ne sont pas toujours abouties. Il nous donne de quoi méditer et dans une langue merveilleuse. Dommage que ce ne soit pas plus long !
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Vuillard interroge la radicalité folle de Thomas Müntzer. En re-racontant son histoire, en transformant le personnage historique en personnage de fiction dont on doit penser les actions, expliquer les choix et décrire les mouvements, peut-être obtiendra-t-on les clés pour comprendre la genèse d'un enragé révolutionnaire ? le récit relève d'un genre qu'on pourrait appeler "bio-fiction", sur le modèle par exemple des Vies imaginaires de Marcel Schwob. L'enjeu principal est de remplir les interstices du récit événementiel tiré des sources historiques, de combler, d'expliquer les causes et motivations des personnages par une certaine déduction sociale, psychologique, etc. Il y a une certaine ressemblance avec le processus de Zola, exposé dans son essai le Roman expérimental, mais inversé, car ce dernier l'applique à des personnages de fiction, donnés, en vue de déduire les événements qui vont logiquement se dérouler. Dans une démarche littéraire semblable, Jérôme Ferrari dans le Principe, cherche à comprendre la position trouble du physicien Heisenberg pendant l'Allemagne nazie, et tente de reconstituer ce qu'ont pu être ses questionnements philosophiques, ses dilemmes…

Le récit entre finalement peu dans la fiction. le narrateur s'imagine quelques micro-scènes, émet quelques hypothèses sur son personnage... L'écriture est caractérisée par un usage généralisé de la modalisation (conditionnel, précautions oratoires...). On entre pas vraiment dans le personnage. L'auteur pose seulement quelques traits, comme par pudeur. Comme s'il souhaitait juste rematérialiser brièvement cet intrigant personnage pour le reconsidérer. On entend parler de lui, on se rend en Allemagne, on entre, on approche de sa chaire, éclairée d'une lumière douce. On capte quelques bribes de discours, les mots sont lourds de sens, mais chaleureux, finalement, ça ne crie pas autant qu'on l'imaginerait. Prudence narrative, Vuillard suggère : une esthétique de l'esquisse. Cela a pour effet d'adoucir son personnage. La simplicité du trait, la légèreté du récit, accompagnée d'une touche de pitié, illustrent la naïveté qu'on prêterait volontiers au personnage, un idiot de Dostoïevski. Thomas Müntzer, reste en effet dans l'histoire comme une incarnation de l'excès menant à la folie, de la naïveté de l'idéalisme menant à l'erreur, de la radicalité menant au massacre… Mais le ton délicat de l'auteur est lourd d'ironie et cache une critique acerbe du cynisme des analystes historico-politiques, qui font le jeu des oppresseurs et de l'injustice en rangeant systématiquement les âmes révoltées dans la case des doux rêveurs. Thomas Müntzer apparaît comme un homme sensible, profondément intègre, expert dans sa connaissance des Évangiles, engagé corps et âme auprès du peuple et finalement balayé par la dureté de l'histoire des vainqueurs. Héros du peuple, abattu par les pouvoirs corrompus, comme un Che, un Lumumba… ou bien-sûr comme Jésus de Nazareth même ! Sa lecture du Nouveau Testament, choquante même pour la Réforme de Luther (qui passa un accord avec les princes pour écraser la révolte et sauver sa Réforme), rejoint l'interprétation du jongleur médiéval de Dario Fo (dans Mystère bouffe) : Jésus était moins un théologien rigoriste qu'une figure d'agitateur politique, favorable au petit peuple ; son royaume de Dieu n'était pas l'attente d'un dévoilement (apo-calypse) futur à la fin du monde, mais bien l'appel à une révolution concrète ici et maintenant contre un pouvoir oppressif (romain), des élites et des institutions religieuses complices (prêtres et pharisiens), une morale sévère pour les pauvres mais lâche pour les grands…
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