J’étais spécialement captivé par un certain Gebhardt, jeune homme d’une beauté et d’une vigueur incomparables. De sa taille de héros, il nous dépassait tous. Se promenant un jour par les rues, bras dessus bras dessous, avec deux de ses condisciples des plus robustes, il lui prit fantaisie de les soulever de terre par la seule force de ses bras et de courir ainsi comme avec une paire d’ailes humaines. D'une main il arrêtait un fiacre au grand trot en empoignant une roue par un de ses rayons. On craignait trop sa force pour lui laisser voir qu’on le trouvait bête, de sorte que, par cela même, son manque d’intelligence ne se remarquait guère.
Né le 23 mai 1813, à Leipzig, sur le Brühl, au deuxième étage du « Lion rouge et blanc », j ’ai été baptisé, deux jours plus tard, en l’église Saint-Thomas, sous le nom de Guillaume-Richard. A ma naissance, mon père, Frédéric Wagner, était secrétaire à la direction de la police. Il avait l’espoir de devenir directeur, quand il mourut au mois d’octobre de cette même année. Surmenée par l’énorme travail qu’imposèrent a son département les affaires résultant des troubles de ce temps-là et de la bataille de Leipzig, sa constitution ne put résister à la fièvre typhoïde, alors épidémique.
Richard Wagner. Le Vaisseau fantôme. Bertrand Roulet 1/5