Dr Strange, tome 4 : Le dilemne

Ce tome fait suite à Doctor Strange by Mark Waid Vol. 3: Herald (épisodes 12 à 17) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant. Il contient les épisodes 18 à 20 et annuel 1, initialement parus en 2019, écrits par Mark Waid pour les 18 à 20. Les épisodes 18 & 19 ont été dessinés, encrés et mis en couleurs par Jesús Saiz. L'épisode 20 a été dessiné et encré par Javier Pina, et mis en couleurs par Brian Reber. le numéro annuel a été réalisé par d'autres créateurs.

Épisode 18 - Dans la petite ville de Mynnatown au Kansas, Gene Stanton et son épouse sont en train de préparer la fête pour célébrer la seconde place de leur fille Madison à une épreuve de patinage artistique. Monsieur est en train d'installer la bannière au travers du salon. Madame a préparé le gâteau avec une petite figurine de patineuse. La mère remercie le père d'être présent, même si ça signifie qu'il n'effectue pas la réparation prévue d'air conditionné chez une particulière et que sa paye s'en trouvera diminuée d'autant. Enfin quelqu'un toque à la porte de leur pavillon, le père supposant qu'il s'agit de Madison qui a oublié sa clef. Il ouvre la porte pour se retrouver face à un monsieur en costume moulant noir qui porte une longue cape rouge et qui leur déclare s'appeler Docteur Strange et que c'est tout ce qu'ils ont besoin de savoir. Il s'avance dans le salon et se met par terre pour pouvoir vérifier ce que contient la cheminée. Puis il avise un tableau et passe son bras au travers. D'un geste il lance un sort qui sectionne le fauteuil en deux. Même s'ils ont identifié un Avenger, le couple commence à s'agiter. Épisode 19 - La mère Tonya conduit sa voiture sur une route de campagne de nuit et son fils Danny lui dit qu'il pense qu'ils sont perdus. Soudain un individu surgit au milieu de la route : Tonya fait faire une embardée à la voiture et c'est l'accident. Doctor Strange arrive peu de temps après pour s'occuper du spectre, mais Danny doit être transporté au plus vite dans un hôpital pour traiter son hémorragie dans la boîte crânienne.

Après 2 premiers tomes remarquables, l'intérêt du lecteur avait chuté du fait d'une histoire étirée et d'une partie graphique en deçà dans le tome 3. Il remarque avec plaisir que Jesús Saiz est de retour et réalise entièrement ces 2 épisodes. Effectivement ils sont de toute beauté. L'artiste réalise des planches dans un registre réaliste et descriptif avec un haut niveau de détails. Dans l'épisode 18, il donne à voir l'environnement domestique du pavillon des Stanton : le tapis à motif de peau de vache marron, la table basse avec la télécommande, le fauteuil, le canapé avec les coussins, une chaise pliante, la table à manger avec ses chaises, le pot de fleurs, le guéridon avec la lampe. Au fur et à mesure que Doctor Strange visite les pièces et les met sens dessus dessous, le lecteur laisse son regard s'attarder dans la chambre des parents pendant qu'il vide la commode et le placard, dans la cuisine aménagée qui ne l'est plus du tout après ses recherches, dans la buanderie au sous-sol. L'épisode 19 commence avec le même degré de détails pour la voiture (extérieur et intérieur), mais évolue dans une autre direction du fait que l'action se déroule sur une pelouse naturelle, sans beaucoup d'autres éléments, mais le dessinateur représente chaque brin d'herbe.

Jesús Saiz se charge donc de la totalité des visuels. Il a choisi de conserver des traits d'encrage pour détourer les éléments avec un trait de contour. Il utilise également des zones de noir pour donner plus de poids à certaines parties et pour rendre compte des ombres portées. Il utilise réalise la mise en couleurs avec une approche naturaliste et il utilise les nuances de couleurs pour rehausser les reliefs. Il se sert également du potentiel infini de l'infographie pour visualiser les énergies magiques, avec des effets spéciaux. le lecteur peut voir cette énergie apparaître sous la forme de diagrammes cabalistiques alors que Stephen Strange lance des sorts par des signes de main, ou sous forme d'énergie libre se répandant de manière destructrice comme l'apparition de Xennerak, ou l'énergie émanant du spectre sur la route, ou encore de l'entité extradimensionnelle Channok, le gardien des sorts interdits. L'artiste sait leur donner une texture et une luminosité à chaque fois différente, rendant compte de l'action qu'elles ont. le lecteur jouit donc d'un spectacle de très grande qualité et se laisse emmener dans le récit, ayant déjà reçu son content de divertissement.

La première histoire est une aventure amusante dans laquelle Doctor Strange fait irruption dans la banalité du quotidien d'un pavillon ordinaire et casse tout sur son passage. Mark Waid sait donner une personnalité adulte aux parents qui ne deviennent pas hystériques mais qui constatent qu'ils sont dépassés, qu'ils ne sont pas de taille à s'opposer aux actions de Doctor Strange, et qu'il semble bien y avoir une menace réelle d'une nature totalement étrangère à leur quotidien. L'intrigue en elle-même ne renouvelle pas le genre et se déroule de manière linéaire, mais la narration visuelle lui apporte une saveur délicieuse. La deuxième histoire apparaît tout d'abord comme un sauvetage banal mettant Stephen Strange face à ses limites, et il sort une solution du chapeau comme si elle avait toujours été là. À nouveau la narration visuelle implique le lecteur et la fin apporte un changement significatif dans le statu quo du personnage, annonçant la saison suivante Dr. Strange, Surgeon Supreme Vol. 1 par Mark Waid & Kev Walker.

Épisode 20 - Stephen Strange vient de faire un cauchemar dans lequel Nightmare n'est pas loin, mais surtout il se retrouve à devoir réaliser une opération chirurgicale experte et il se rend compte que ses compétences professionnelles ne sont pas à jour en termes technologiques. Il décide de demander de l'aide à Kanna (Pkzkrfmknna) qui l'entraîne à son tour dans une guerre sur la planète Dakkar-7 envahie par Chondar². Javier Pina effectue un travail correct en termes de narration visuelle, mais d'une qualité très inférieure à celle de Jesús Saiz. La comparaison de la mise en couleurs de Brian Reber avec celle de Saiz est en défaveur du premier, car beaucoup moins peaufinée, moins sophistiquée, moins nuancée. Les fonds de case de Pina sont plus souvent vides que comprenant une information visuelle, donnant l'impression que l'affrontement se déroule sur un plateau sans caractéristiques. Dans le même temps, l'intrigue est plus étoffée que les précédentes. Stephen Strange cherche à se mettre à niveau pour assumer son serment de médecin. Il se retrouve impliqué dans un combat pour sauver l'Ancien qui n'est pas celui qu'il connaît, mais une créature sortant de l'ordinaire. Néanmoins cela ne suffit pas à pallier la chute dans la qualité des dessins.

Annuel, histoire 1 (scénario de Tini Howard, dessins et encrage d'Andy MacDonald, mise en couleurs de Triona Farrell) - C'est le soir d'Halloween et Stephen Strange a réuni plusieurs praticiens de la magie chez lui pour faire face aux entités qui ne vont pas manquer de débarquer : Doctor Voodoo (Jericho Drumm), Scarlet Witch (Wanda Maximoff), Talisman (Elizabeth Twoyoungmen), et Agatha Harkness. Enfin la dernière invitée arrive : la jeune Zelma Stanton. Chacun rappelle aux autres quelle genre de magie il manipule. Soudain un groupe de chevaux spectraux traverse la pièce où ils sont réunis : Talisman parlemente avec le chaman fantôme qui les mène. Fidèle à son objectif de vendre le plus de papier possible, l'éditeur Marvel profite du bon accueil de la série écrite par Mark Waid et de l'augmentation de la visibilité du personnage grâce au film Doctor Strange (2016) réalisé par Scott Derrickson avec Benedict Cumberbatch, pour mettre plus de produits sur le marché. L'histoire en elle-même tient ses promesses : le groupe de magiciens luttent contre des fantômes qui se manifestent à l'occasion de l'ouverture qui se produit entre le monde des morts et la réalité lors de la nuit d'Halloween. Tini Howad commence bien en mettant à profit des personnages secondaires de l'univers partagé Marvel, pour lesquels le lecteur peut éprouver de la sympathie et les faisant se présenter pour montrer en quoi ils diffèrent au-delà de leur costume coloré. Mais très vite, le récit se cantonne à une suite d'affrontements basiques sans humour, mis en scène de manière très fonctionnelle par Andy MacDonald, avec un réel investissement de sa part, mais pour une narration très appliquée.

Annuel histoire 2 (scénario de Pornsak Pichetshote, dessins de Lalit Kumar Sharma, encrage de Sean Parsons, couleurs de José Villarrubia) - Hector et Connor ont découvert qu'ils sont capables de s'introduire magiquement dans des propriétés privées : ils ont décidé d'embrasser la carrière de cambrioleurs. Cette nuit-là, ils se retrouvent confrontés à un système de défense constitué d'entités anthropoïdes surnaturelles. Ils se retrouvent vite séparés, mais Trevor réussit à mettre la main sur une épée surnaturelle Gu Baodao. Par rapport au récit précédent, le lecteur constate que le scénariste s'est beaucoup plus investi pour raconter une histoire plus originale et beaucoup plus dense. Les dessins sont de même qualité que l'histoire précédente. Si le début de l'intrigue est plus accrocheur, sa résolution se perd dans une explication un peu poussive, mais revenant intelligemment sur la relation entre Stephen Strange et Wong.

Ce tome vaut surtout pour les 2 premières histoires simples et visuellement magnifiques. La troisième histoire est plus fournie mais la qualité de la narration visuelle a singulièrement baissé. Les 2 dernières sont anecdotiques, mais si Pornsak Pichetshote montre une connaissance fine de la mythologie de Stephan Strange.