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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
"Elle glisse en arrière vers ce qu'elle ne sait pas." Dès la première phrase, on sait qu'on entre dans un univers singulier que l'on découvre au fil des pages empreint de sensibilité et de poésie. le style surprend le temps de quelques chapitres avant de s'effacer pour mieux laisser l'émotion affleurer. Par petites touches, comme un peintre, l'auteur dessine une vie, une femme, mais également un pays, une nature incroyablement présente et une atmosphère incomparable de Grand Nord.

Nous sommes au nord de la Norvège, sur la côte où les petits villages vivent au rythme de l'Express Côtier qui les relie les uns aux autres. Elle est une jeune fille solitaire dont on ne connaîtra pas le nom, un être sensible aux sentiments enfouis, à cause d'un secret, peut-être plusieurs sur lesquels rien n'est écrit noir sur blanc mais tout est pressenti. Une mère dévouée mais distante, un père haï. Très jeune, trop jeune pour devenir mère à son tour. Elle laisse son petit garçon derrière elle le temps de ses études. Se cherche, hésite, tâtonne. Ne sait pas à qui faire confiance. Écrit des poèmes. Se réfugie dans la lecture. Tient de longues conversations avec les héros de ses livres, avec leurs auteurs même parfois. Cherche dans la fiction des réponses aux mystères de la vie. Se marie. Non par amour (un concept trop éloigné) mais par conscience des convenances, pour tenter de se conformer à ce que l'on attend d'elle, de toutes les femmes en fait. Devient institutrice après avoir rêvé d'être peintre. Découvre la vie conjugale et par là-même la difficile réalité de la condition féminine. S'émancipe. Reprend ses études. Ose croire en ses chances... Devient un écrivain renommé dans son pays et au-delà. Continue à chercher, à tâtonner. S'autorise enfin à aimer et à être aimée.

Ce n'est pas tant l'histoire, presque universelle dans un sens que la manière de la livrer au lecteur qui suscite l'enthousiasme. Les phrases se frayent un chemin au plus profond des recoins secrets que nous avons tous en nous. Doutes, peurs, incompréhensions face au monde. Qui ne s'est jamais senti "à côté" ? L'auteur décortique les sentiments pour tenter de s'approcher au plus près de ce qui constitue l'essence même d'un être humain. Qui doit se battre pour exister et exprimer sa singularité.

En toile du fond il y a l'histoire de la Norvège, marquée par l'occupation allemande. Mais surtout, à tous les coins de page, une nature superbe, toute puissante qui contribue grandement à forger les caractères des femmes et des hommes qui la côtoient. Les couleurs du ciel flamboient, illuminent tels des feux d'artifice. On nage dans des lacs gelés, on affronte la nuit polaire, les nattes gèlent, ça sent la neige mouillée, les feux crépitent dans les cheminées.

Un magnifique roman, un très beau portrait de femme qui m'a donné envie de rattraper le temps perdu et de découvrir l'oeuvre de cette auteure. La fin est poignante et, bien que pleine d'espoir, mieux vaut prévoir un petit mouchoir au cas où.
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Elle, c'est la narratrice, sans nom, sans visage mais pas sans personnalité.
Elle se raconte : sa famille, sa mère insaisissable, son père qu'elle hait et qu'elle voudrait oublier : "Son père est une ombre qu'elle essaie toujours de gommer, mais ça ne marche pas.", son fils, né d'une rencontre éphémère avec un électricien.
"Probablement suis-je ainsi faite que je glisse le bonheur dans ma poche quand je mets la main dessus, mais oublie de le ressortir pour le regarder.", ainsi est-elle faite et va sa vie : la honte, les études à la ville loin de son fils, qui lui manque, la rencontre avec cet homme, qu'elle épouse, leur vie commune avec le fils et la fille qui bientôt naîtra, leur vie quotidienne d'instituteurs, et puis sa passion de la lecture, l'écriture, et enfin le succès avec la publication d'un premier roman qui s'attire les critiques les plus élogieuses, puis un deuxième, un troisième, une nouvelle vie qui se reconstruit autour de l'écriture.
Elle est dure avec elle-même, sans doute trop, s'obstine à ne pas voir ce qui ne va pas chez les autres, à commencer par son mari, mais même si au fond elle le sait et le devine, elle continue d'agir comme si de rien n'était, parce que c'est ainsi qu'elle a été élevée, dans ce Grand Nord si majestueux mais si rude.
Mais elle est aussi lucide avec elle-même et sait que les mots ne pourront pas tout faire, jamais : "Elle sait bien ce qu'il y a de pire. Ce ne sont pas les mots qu'elle écrit ni ceux qu'elle n'arrive pas à apprendre par coeur dans un manuel. le pire, ce sont les mots qui ne pourront jamais être dits, et donc jamais écrits. C'est la destruction même. Ce qui jamais ne passe.".

J'ai découvert Herbjørg Wassmo avec le splendide "Livre de Dina", voici que je la retrouve ici sous une autre facette, plus personnelle que celle sous laquelle j'ai pu la découvrir, mais le style est là, inchangé, toujours aussi magnifique et percutant.
Mon coeur a longtemps balancé, et balance toujours, pour savoir la nature exacte de ce livre : à quel point est-il autobiographique ? Et romancé ?
Sans doute autant l'un que l'autre mais le fond y est, la beauté aussi.
Je me suis laissée emportée par le style inimitable de l'auteur, l'art de l'ellipse qu'elle manie fort habilement et toujours à propos, son urgence d'écrire ce qu'elle a à dire, ce qu'elle ne sait pas et qu'elle cherche désespérément : "En écrivant, elle cherche à explorer ce qu'elle ne comprend pas dans la vie; dans la vie, elle se laisse décontenancer et oublie toute référence à la réalité.".
Elle mène dans ce roman une réflexion intéressante sur le processus créatif, sur ce qui pousse un auteur à écrire, les raisons pour lesquelles il le fait et les personnages qui viennent le hanter et deviennent comme une deuxième famille pour lui.
Car ici, Herbjørg Wassmo est habitée littéralement par ses personnages, ils finissent par la guider dans ses choix de vie et j'ai assez aimé ce côté fantasmagorique qui donne une autre dimension un peu surréaliste à l'histoire, à l'image des paysages et de la rude nature de la Norvège qu'elle décrit.
J'ai également été frappée par le peu de concessions qu'elle se fait vis-à-vis d'elle-même, ou de son double romancé, elle ne s'épargne pas à tel point que j'en ai ressenti de la douleur pour elle : "Sa vie a toujours été fiasco et douleur. N'est-elle pas ainsi construite ? N'est-elle pas quelqu'un qui démolit toutes les chances qui pourraient se présenter en pensant et en agissant de façon destructive ?".
J'ai eu la sensation tout au long de ma lecture que ce roman était une mise à nu de Herbjørg Wassmo, mais loin d'être impudique il offre au contraire la vision d'une femme qui a vécu, qui s'est forgée de ses propres mains son destin et qui vit aujourd'hui libérée de toute chaîne, de toute entrave, qui n'a eu de cesse de se battre pour sa liberté et pour vivre comme elle l'entendait, une belle ode à la liberté en somme.

"Ces instants-là" de Herbjørg Wassmo fait partie de ces romans difficilement qualifiables d'un point de vue littéraire mais qui habitent autant l'auteur qui l'a rédigé que le lecteur, un instant de lecture rare qui remue au plus profond de l'âme.
Lien : http://lemondedemissg.blogsp..
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Je remercie vivement Babelio et les éditions Gaïa qui m'ont fait parvenir ce livre grâce à un masse critique.


J'ai découvert Herbjørg Wassmo l'année dernière avec son roman Cent ans que j'avais adoré (cela avait même été un coup de coeur! ). En voyant que pour cette rentrée littéraire 2014, elle en sortait un autre, j'ai immédiatement voulu le lire. Et j'ai eu la chance de le gagner au masse critique, j'étais donc vraiment ravie et je me suis plongée dedans.


Tout d'abord, je souhaite dire un mot sur la couverture de l'édition française : je la trouve très bien choisie. Elle est très belle et poétique et elle m'a donné envie de le lire! de plus, une fois le livre lu, je l'ai trouvé très bien choisie par rapport à l'ambiance du récit.


Ce fut sans hésiter une lecture agréable. J'avais envie de savoir la suite et j'ai passé un très bon moment.


Pourtant c'est un livre…compliqué. Est-ce un roman? une autobiographie? Un récit autobiographique romancé?
Je penche plutôt sur ce dernier. On sait qu'Herbjørg Wassmo y raconte sa vie (de son adolescence à ses 50 ans environ) mais à quel point est-ce romancé? Je ne le sais pas.


En ce qui concerne l'écriture, il n'y a pas de véritable rythme, les phrases sont assez courtes et abruptes parfois, ce qui rend la lecture parfois un peu difficile. On pourrait dire que cet ouvrage est essentiellement constitué de « flashs », de morceaux hachés de sa vie. Cela ne plait pas à tout le monde.
Il faut réussir à rentrer dedans et à ne pas se laisser distraire. Mais une fois que c'est fait, il ne faut plus que se laisser aller et lire tranquillement!
Voici le véritable problème, à chaque fois que je reprenais ma lecture, il fallait se remettre dans le bain de cette écriture si particulière.


De plus, on reste très en surface par rapport aux autres personnages : on ne connait aucun nom, surnom…ils sont comme sans identité : ils sont nommés la mère, le père, l'époux, le fils, la fille…c'est assez surprenant!


C'est donc l'histoire de cette femme qui se cherche et essaye d'obtenir ce qu'elle veut : être libre et pouvoir mener sa vie sans culpabilité. Ce qui n'est pas simple à son époque en Norvège : il y a toujours une forme de culpabilité qui la suit : abandonner son fils pour terminer ses études, ne pas être une bonne épouse joviale, ne pas être une bonne mère, ne pas rester à sa place, vouloir évoluer, écrire…


Non seulement veut-elle s'affirmer en tant qu'écrivain, mais il faut aussi le faire en tant que femme écrivaine. Et c'est tout sauf simple, c'est un combat égoïste de tous les jours. Elle doit non seulement se battre contre les autres, qui n'acceptent pas cette différence, mais aussi contre elle-même.


La Norvège n'est pas un pays qui m'attire particulièrement, mais j'aime beaucoup l'entendre en parler. J'aime cette ambiance glaciale, neigeuse.


———————————————-

Je remercie encore une fois Babelio et les éditions Gaïa pour l'envoi de ce livre, j'ai été ravie de le lire et je ne peux que le conseiller! Il est finalement assez difficile de parler de ce roman, j'espère avoir réussi, moi en tout cas, il m'a plu.
Lien : http://writeifyouplease.word..
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Etrange roman que celui-ci.
Certes il semblerait que les auteurs "nordiques" (au moins ceux dont j'ai lu les bouquins jusque là) soient particulièrement attirés par des ambiances étranges / tourmentées / ... à croire que leur situation géographique les influence. Ce roman ne fait donc pas exception !
On suit la vie d'une jeune fille à femme de 50 ans. Par bribes. En fait, tout dans le style renforce cette impression étrange d'une personne déconnectée de sa vie (et pourtant) ou "en décalage" : sur toute la durée, le livre est écrit au présent ou au conditionnel, les phrases courtes, le rythme haché. Comme si elle vivait une suite de flashes sans vraiment de liens entre eux, comme si elle ne maîtrisait rien dans sa vie, que celle-ci se déroulait avec elle plutôt comme spectatrice qu'actrice, même si dans certains passages du livre et de sa vie, elle entre dans la vie / dans l'action.
Il y a cette haine pour son père, sa relation étroite et pourtant lointaine avec sa mère, son mari, ses enfants, aucun nom ou prénom ( mentionne "le garçon" ou "la fille" pour ses enfants).
Il y a la conscience de l'existence de règles de la vie en société sans qu'elle semble les connaitre ou les comprendre ...ou vouloir/pouvoir s'y plier.
Etrange et étonnant .... envoutant comme ces jours ou ces nuits sans fin, là-bas, plus haut, dans le Nord.
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Ces instants-là sont tous les moments qui reviennent en mémoire à l'auteure lorsqu'elle se retourne sur sa vie, en commençant par l'entrée au collège. Elle fait des études, devient institutrice, se marie, commence à écrire, cherche à diriger sa vie. Cela pourrait être monotone, cette suite de courts chapitres de la vie d'une femme, c'est tout simplement passionnant, en partie parce qu'elle est norvégienne, et que le léger décalage de quotidienneté avec des épisodes de vie d'une femme française apporte quelque chose à la lectrice, mais aussi parce qu'elle raconte particulièrement bien, formidablement bien, sans entrer dans les détails, en éludant avec élégance certains moments, qu'ils soient trop douloureux ou trop communs… Elle exprime avec intensité, mais pudeur, comment elle était littéralement poussée par son enfance difficile, à avancer dans la vie, à devenir écrivain, comment ce drame de l'enfance lui a laissé à jamais une méfiance immense envers les hommes. Admiratrice de Simone de Beauvoir, et du deuxième sexe, elle est pourtant mal à l'aise lorsqu'elle se retrouve seule à Paris, pour quelques jours, c'est toujours ce sentiment d'inquiétude qui la poursuit.
La langue utilisée par Herbjørg Wassmo n'est pas commune, on ne rencontre pas un tel style tous les jours, avec ses phrases courtes et percutantes, et la traduction en rend très bien la musicalité, me semble-t-il… Je ne dis pas que ce récit plaira à tout le monde, mais si vous aimez les romans de cette auteure, par lesquels il est sans doute plus facile de l'aborder, vous pouvez pousser sans crainte la porte de ses souvenirs.
Lien : http://lettresexpres.wordpre..
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Encore un roman de littérature scandinave et je ne m'en lasse pas ! quel régal. Mais quel livre difficile à critiquer ! nous sommes dans un roman (ou autobiographie voilée) à l'écriture exigeante et riche en fantasmagories mais aussi incisive sur la poésie des mots, sur l'esthétique et sur la précision du verbe. le lecteur peut être dérouté au démarrage par le fait que presque aucun des personnages n'a pas de nom, ils ne sont cités que par leur fonction ou statut. C'est l'histoire d'une destinée hors du commun et d'une introspection sans concession sur les états d'âme d'une jeune fille qui veut faire quelque chose de sa vie en opposition à un père qu'elle hait et une mère trop soumise.

Nous suivons cette jeune femme tout au long de sa vie et sur ses choix dans le grand nord norvégien. Je l'ai déjà dit dans ma précédente critique de « Je refuse » de Per Petterson, mais dans toute cette littérature nordique, la nature est un personnage à part entière qui créée un envoutement particulier. La lumière, le froid, l'isolement, le manque de lumière, tous ces éléments ont une influence sur les destinées.

Cette jeune femme que l'ont voit évoluer, se battre contre ses démons ( des crises d'épilepsies sans doute) contre son impression d'être sans intérêt, même quand on lui prouve le contraire est particulièrement attachante. Son combat pour donner un sens à sa vie, sa carrière d'institutrice mais surtout sa réussite en littérature son entachés par ses remises en questions personnelles. Elle est dans une solitude totale et parait en permanence étrangère à sa propre vie.

» Elle flotte dans son propre cerveau vide sans que quiconque sache qu'elle existe » p.68

« le pire … ce ne sont pas les mots qu'elle écrit, ni ceux qu'elle n'arrive pas à apprendre par coeur dans un manuel. le pire, ce sont les mots qui ne pourront jamais être dits et donc jamais écrits. c'est la destruction même. Ce qui jamais ne passe. » p.70

« Quand elle parle avec des gens, elle entend elle même la fausseté. Son dessein est d'enjoliver l'instant pour être aimée ou en tous cas acceptée. « p.74

« Rien ne sert de croire au destin, il faut le fabriquer soi-même. « p.81

Ces quelques citations reflète l'état d'esprit de cette jeune femme qui doute de tout et surtout d'elle même dans les moindres recoins de son âme.

Pour prendre possession d'elle-même, elle s'engage dans le métier d'institutrice. Elle se forge sa personnalité en s'opposant à la société patriarcale norvégienne. C'est une artiste, elle écrit et sera reconnue pour ses publications, elle dessine, tout cela lui confère une sensibilité particulière. Son attitude féministe lui donne l'apparence d'une assurance dont elle est dépourvue au fond d'elle même. Elle est très influencée par Simone de Beauvoir. Elle ne sait parler de ses sentiments qu'à travers l'écriture, car dans ces moments là, elle n'est plus elle-même.

La vie n'est qu'apparences, le principal c'est que les autres y croient !!!

« L'éternité et le chagrin songe t elle. Ces deux dimensions, elle en est une portion infime. Etrange. le chagrin d'une personne est plus petit qu'une particule de poussière dans l'univers » p. 174

Cette écriture saccadée, précise et souvent poétique est originale. La construction littéraire peut dérouter parfois mais fait vraiment partie du charme de ce roman.

Voilà un livre très riche émotionnellement car il résonne forcément en nous. Il est implacable et sans concession sur la personnalité de l'héroïne ( l'auteur ?).

Voilà donc vraiment un livre à découvrir et à déguster. Encore une littérature nordique à ne pas rater car elle sort des sentiers battus.

Lien : http://bibliothequedechalipe..
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Cet avis va être délicat a rédiger car ce livre m'a complètement perturbée.
Il est dérangeant, mais attention pas dans le sens malsain. Non, je dirai plutôt dans le style de l'écriture de l'auteure qui est tout ce qu'il y a de plus étrange pour ma part, d'autant que c'est mon premier ouvrage de Herbjørg Wassmo.

Je n'avais jamais rien lu de tel auparavant, narré de cette façon, me laissant en proie aux doutes et en même temps à une irrésistible envie de continuer cet ouvrage.

Si je devais vous décrire ma lecture uniquement avec des mots, voici ceux que je choisirai : dérangeant / fascinant / tristesse / folie / passion / révolte / pesant / fragile / courage / liberté
(oui je sais, ça fait beaucoup mais c'est tellement vrai !)

Nous avons affaire au tout début, à une jeune fille qui est en proie au doute, à la colère, à la honte.
Elle a une soeur qu'elle protège fermement, une mère qui n'est que l'ombre d'elle-même ou bien son ombre à elle, allez savoir, et surtout un père qu'elle déteste. Elle se répète sans arrêt cette phrase "ne devient pas comme lui".
Et un jour, elle danse avec un homme, puis un instant d'insouciance et c'est la honte qui lui tombe en pleine figure.
"Après, elle commence à observer sa mère pour savoir à quel point c'est dur pour elle. Plus sa mère a l'air pâle et fatiguée, plus elle s'efforce de manger. Mais ça remonte. La honte ne veut pas être gavée."
Elle doit donc faire face à ses actes et penser à gagner sa vie, du moins, à faire quelque chose de son futur. Alors elle part étudier, malgré sa fragilité, sa peine, sa révolte intérieure qui grondent en elle.
Elle ne se sent pas bien, mais un jour la chance lui sourit dans son désespoir et elle écrit.
Elle se sent vivre quand elle est face à son cahier de brouillon de rédaction et qu'elle met ensuite tout au propre sur des feuilles A4 lignées. Elle espère enfin et commence à sortir de sa coquille. Même si sa bulle, elle l'apprécie.

Elle le sait, elle ne sera jamais comme les autres, non, cette femme ne souhaite pas rentrer dans un moule, elle s'insurge contre les habitudes ancestrales. Sa vie, elle l'a construira à sa guise, quitte à faire tomber des barrières.
Sa fragilité demeurera intacte mais son esprit sera toujours aussi fort et déterminé.
Malgré ses pas hésitants, elle veut y croire !
Ce sont ses instants de vie qui vont bouleverser son quotidien et qui vont nous montrer son être profond, avec ses cotés complexes et sombres dont elle a conscience mais qu'elle arrive parfaitement bien à gérer.


J'ai aimé cette lecture car je ne savais pas où je mettais les pieds.
Je ne connaissais pas un tel univers, rude, authentique, noir, épuré et pourtant j'ai l'habitude avec Emile Zola (dont je suis fan) mais cette fois-ci, la grande surprise c'est la tournure des phrases, le fait qu'il y ait de nombreux points partout, des phrases courtes, des chapitres courts qui rendent la lecture au début délicate puis rythmée.
C'est un roman au style non conventionnel qui est rempli d'émotion car une fois le rythme pris, on embarque dans l'esprit de l'héroïne où l'auteur nous dévoile son intimité.
Elle nous "retourne" le cerveau, on croit que des évènements se sont produits mais en fait, elle joue avec nos nerfs. Est-ce que les choses sont comme on l'imagine ou pas ?

Les personnages ne sont pas nommés par leurs prénoms ou noms de famille (sauf exception quand l'auteure fait référence à des personnes connues) mais par leur fonction dans la vie, dans l'histoire.
Résultat il est difficile de s'en sentir proche au début, mais on arrive tout de même à s'approcher petit à petit d'eux et à faire leur connaissance. On s'attache surtout à l'héroïne bien évidement car sa mentalité est tellement divisée qu'on veut à tout prix la suivre pour mieux comprendre ses réactions.
Et puis le lieu dans lequel se situe l'histoire, le Grand Nord, c'est quelque chose ! Nous ne sommes pas en reste au niveau des description des paysages, c'est tellement bien écrit que l'on se fond dans le décor.

En bref, j'ai eu du mal à accrocher au départ car je n'avais pas mes repères habituels mais au fil des pages, j'ai ressenti une fascination pour le personnage principal. Alors ma curiosité m'a poussée à découvrir la suite et j'ai plus qu'apprécié ce roman dramatique certes, mais au style inclassable et remarquable.

Bravo à l'auteure qui a su complètement me transmettre les émotions de ce livre.
Lien : http://resplire.blogspot.fr/..
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Ce magnifique roman raconte la vie d'une femme sans jamais mentionner son prénom. La vie d'une femme qui pourrait être celle de n'importe quelle jeune enfant, devenue mère trop tôt et qui se construit malgré un père dominateur et une mère qui s'éloigne. On observe à travers ces mots délicatement choisis, la renaissance après la douleur d'une blessure, l'espoir d'une nouvelle chance et la concrétisation d'un projet d'écriture... Ce livre étonnant mais bien construit, inspire et suscite la réflexion sur ses propres engagements dans un monde fragile où la désillusion l'emporte parfois sur le rêve.
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Comme Cent ans, du même auteur (fantastique bouquin, à lire !), c'est une histoire de femme, au singulier cette fois. Histoire d'une femme, dont on a la tentation, à cause du style froid et de l'opinion de personnages à l'esprit étriqué, de confondre la force de caractère avec de l'insensibilité. D'autant qu'avec une histoire se passant en Norvège, il y a presque risque de choper des engelures rien qu'en tenant le livre. L'avantage de suivre cette femme sur le temps long, c'est son cheminement, que ce soit comme femme, comme écrivain, comme mère aussi.

« Tu pourrais témoigner un peu plus d'amour, affirme-t-il en plongeant en elle de grands yeux fixes. Sans paupières, juste des boules rondes menaçantes. Des globes.
Amour, c'est un très grand mot, murmure-t-elle comme pour s'excuser.
Mais c'est ce que tu devrais ressentir. Naturellement pas comme si tu y pensais tout le temps, mais assez souvent pour avoir mauvaise conscience à cause de ce que tu ne ressens pas, tempête-t-il. »

C'est cette volonté de vivre pour elle-même qui crée, page après page, des conflits avec… à peu près tout le monde. Avec les femmes qui ne comprennent pas, mais surtout avec les hommes. Peu, d'ailleurs, s'en sortent avec les honneurs. A désespérer de la gente masculine, des relations de couple et des mentalités moyenâgeuses.

« Tu fais preuve d'une singulière capacité à tomber sur des hommes minables, remarque l'auteur.
Et que dois-je y faire ? demande-t-elle en s'efforçant de camoufler que l'incident occulte encore ses pensées.
Il faut les ignorer. Ils ne sont pas à toi. Ne les laisse pas avoir l'occasion de croire d'un organe sexuel et des mains suffisent.
Dois-je soupçonner tous les hommes ? M'abstenir de leur parler ?
Non, mais il faut leur montrer qui tu es dès le premier instant, affirme Simone. »

Il me faut toujours un peu de temps pour me faire à ces styles dépouillés, durs qui semblent vouloir mettre un mur (transparent sinon c'est pas pratique) entre le lecteur et le personnage, qui refusent de coller un prénom qui conduirait plus facilement à de l'attachement. Pour donner au personnage un côté plus universel ? J'entends aussi parler d'autobiographie romancée, mais je ne suis pas un intime d'Herbjorg, je me garderai de toute (brève) analyse (de comptoir).

Les chapitres sont très courts, comme les phrases, déroutant au premier abord mais sans doute nécessaire alors que tant de chose se passent dans la vie et la tête de cette femme. Herbjorg Wassmo évite l'écueil du tout factuel et s'attarde sur les réflexions de la femme sur son rapport a son mari, sa famille et surtout à son propre épanouissement personnel. A la fin de la lecture, le livre ne pourrait mieux porter son nom.

« -Tiens-toi à l'écart de ma chaise ! Ils rigolaient ! Tu n'as pas vu ?
À cet instant, elle voit qu'il est figé dans ses petites routines masculines rassurantes, sans saisir que le monde saigne. Et d'un seul coup, elle grandit à ses propres yeux pour prendre des dimensions qu'il ne saurait contenir. »

Un style subtil, poétique même, et toujours juste. Des phrases magnifiques, au point que la concision du style n'est plus dur ou froid, juste une nouvelle couleur a la palette d'artiste d'Herbjorg Wassmo. Il y a ainsi des passages qu'on relit plusieurs fois, juste pour le plaisir. On part même assez loin lorsque le personnage s'abandonne dans ses rêveries et devise avec son imagination (et notamment la figure rassurante de Simone de Beauvoir). La lutte avec autrui ne suffit pas, il faut aussi (surtout ?) qu'elle lutte avec elle-même.

Mais contrairement à ce que j'espérais de la part de cette auteur, il y a aussi eu des moments où mon attention se relâchait, à cause de longueurs où parce que le contenu m'intéresse moins, ces moments, souvent redondants, étant plus nombreux sur la troisième – et dernière – partie du livre. Cette fin en demi-teinte m'a laissé déçu et empêché de livrer une critique dithyrambique sur ce que j'aurais souhaité être le dernier chef-d'oeuvre de l'auteur.



Et pour ne pas finir, moi aussi, en demi-teinte, je tiens quand même à précise que Ces instants-là reste un livre puissant à découvrir et qui, par la neutralité froide de la forme et les luttes passionnelles du fond, a vraiment la capacité de parler à chacun.
Lien : http://blogameni.wordpress.c..
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Toujours les mêmes thèmes, dans des romans proches, peut-être spécialement pour une française éloignée de la Scandinavie. Enfin, peut-être pas si proches. Nous sommes loin ici des pêcheurs de "100 ans" ou de la douleur qui émane de la trilogie de Tora, même si pêcheurs du dimanche et douleur il y a. La pauvreté est en marge, tout comme les mots sur l'inceste, qui restent allusifs. Ils touchent toutefois au coeur, ravivant la trilogie citée pour qui a lu un peu l'auteur. La mère est aveugle et distante, l'héroïne, blessée. Sa fêlure est contagieuse, et rend la lecture parfois difficile. Mais la fin quitte la gangue. L'héroïne s'affranchit et s'approche du bonheur, ou d'un calme intérieur. le tout dans des lignes qui exhalent toujours le sel, le cercle polaire, la côte comme la montagne et la forêt, la chasse, l'après-occupation, et l'amour de l'écriture, puits de mots qui chantent l'indicible, scintillants et coupants comme le givre.
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