Gendarmes et voleurs

Personne n’est en sécurité dans cette ville ! Et tout le monde s’en fout ! Tout tombe en panne et tout le monde s’en fout ! Il n’y en a que pour les syndicats ! Tout le monde se met en grève, les professeurs, le métro, la police, les hôpitaux ! Plus d’argent, l’argent toujours l’argent, et quand ils travaillent qu’est-ce qu’ils font, voulez-vous me le dire ? Ils enseignent ? Laissez-moi rire ! Le métro est un danger public, un danger ! Les hôpitaux ! Ha ! La voirie ? Regardez les rues ! Des augmentations de salaire et regardez-moi cette saleté !

Un ami foutrement dingue, faut dire. Capable de faire irruption chez un liquoriste, en uniforme, de braquer son pistolet et de foutre le camp avec la caisse ! Et il s’en était tiré, bien sûr, parce que personne n’allait croire qu’un voleur en uniforme de flic était en réalité un vrai flic !

Nous sommes tous massés dans cette ville, comme des bêtes affamées en troupeau, et nous nous tapons dessus parce que nous ne savons rien faire d’autre, et au bout d’un moment nous finissons par nous transformer en sauvages, parmi lesquels nous ne voulons pas voir grandir nos enfants.

Tous les paumés qui vivent dans les petits hôtels du coin passent leurs nuits accoudés à ces bars et font les yeux doux aux serveuses, et puis à l’heure de la fermeture ils regagnent leurs chambres sordides et rêvent à de grandes scènes de séduction avant de s’endormir.

Nous étions copains depuis des années, nous vivions côte à côte, nous appartenions au même commissariat, mais quand un mec vous confie un secret qui risque de le faire écoper de vingt ans, alors là, on sait que c’est un ami.