De quoi ça parle ?
États-Unis, XIXème siècle, l'esclavage bat son plein : Cora une jeune noire condamnée à la récolte du coton sur une plantation – où sa mère et sa grand-mère ont travaillé avant elle – a depuis longtemps arrêté de rêver à un futur meilleur. L'a-t-elle d'ailleurs jamais vraiment fait ? Sur la plantation, on raconte que sa mère Mabel est la seule esclave à avoir réussi à s'échapper sans jamais être retrouvée. Tout ce que sait Cora pourtant, c'est que sa mère l'a abandonnée, petite fille. Autrement dit, l'a livrée à elle-même. Comment tirer fierté de cet abandon ?
Puis un jour, un esclave de la plantation propose à la jeune fille de s'échapper avec lui : est-ce pure folie ? Un rêve délirant et inatteignable ? de plus, Cora est-elle sa compagne de voyage désignée pour ses qualités ou pour son aura de porte-bonheur légué par sa mère ? Alors que la folle course des deux comparses va se révéler de plus en plus difficile et semée d'embuches, une question persiste dans l'esprit de Cora : la chance de Mabel est-elle véritablement héréditaire ?
Mon avis :
C'est le premier roman de
Colson Whitehead que je découvre, et je dois dire qu'après avoir entendu tant de personnes chanter les louanges de l'auteur, notamment à propos de
Nickel Boys, je suis un peu déçue.
Ce n'est pas tant que le sujet de l'esclavage soit mal traité, irréaliste ou cliché, loin de là, mais j'ai eu l'impression qu'en fin de compte, tout retombait à plat. Quelques explications s'imposent afin de vous permettre de mieux saisir ma pensée.
Premièrement, les personnages. Ils ne sont pas marquants. Encore une fois, ce n'est pas qu'ils manquent d'intérêt, mais plutôt qu'ils sont dépourvus du petit quelques chose qui les rend remarquables et donc mémorables. Quelques mois seulement après l'achèvement de ma lecture, je ne me souviens que de Cora comme une jeune femme intelligente, qui ne se laisse pas marcher sur les pieds ; mais je suppute que l'auteur lui avait envisagé une personnalité plus profonde. Il se trouve cependant que les contours de son caractère se sont très vite dilués dans ma mémoire. Et qui sait si dans un an je me souviendrais même de son nom, ayant déjà oublié la plupart des autres…
Maintenant, les péripéties : c'est peut-être qu'il y en a trop ou qu'elles sont mal agencées… Là encore je suis déçue. Si le lecteur prend un peu de recul pour contempler l'histoire dans son ensemble, il s'aperçoit qu'il n'est confronté qu'à des personnages opprimés qui tentent de s'échapper, se font rattraper, s'enfuient de nouveau et ainsi de suite. Au fond, c'est un schéma narratif passe-partout qui pourrait s'appliquer tout aussi bien à un groupe d'adolescents qu'à des aventuriers dans un roman de fantaisie.
À force d'escapades, de captures, etc., c'en devient redondant et même lassant. Bien que la structure soit agrémentée de nombreux détails plutôt intéressants et instructifs, notamment tout ce qui concerne les informations historiques concernant l'esclavage, l'ensemble quant à lui, manque d'originalité. Alors que je compose cette critique, je me rends compte que plusieurs pans de l'action se sont déjà effacés de ma mémoire : signe pour moi que quelque chose manque dans ce récit.
Pour finir, le contexte : pour le coup, et paradoxalement, le point positif de ce roman. On mesure sans mal toute la difficulté qu'il y a à composer une vraiment bonne histoire qui traite de l'esclavage – alors que nous-même (l'auteur y compris souvent) n'avons jamais connu cette période – sans tomber dans le pathos, le surfait et le « je te martèle mes morales bien-pensantes avec mes gros sabots ». Ici, c'est très bien maîtrisé par
Colson Whitehead : j'ai découvert de nouveaux aspects historiques effrayants de cette terrible période : le remplacement des esclaves par une main-d'oeuvre chassée d'Irlande par la famine, l'utilisation des esclaves comme des cobayes… En somme, un livre macabrement instructif.
En conclusion, ce que je retiens le plus de ce roman, c'est son portrait saisissant de l'esclavage. Mais la mise en place d'une structure originale a grandement manqué à l'ouvrage qui n'a pas réussi à me marquer autant qu'il l'aurait pu/dû.
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underground-railroad-de-colson-whitehead/
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