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Après « Cry father », j'avais envie de découvrir le dernier roman de Benjamin Whitmer « Les dynamiteurs ». Je remercie Babelio et les Editions Gallmeister de m'avoir permis de satisfaire mes envies.
1895, dans la ville de Denver, Colorado, pauvreté, violence, drogue, prostitution, corruption, alcool, tables de jeux (faro) se côtoient et s'entremêlent…
Cette année-là, Sam, le narrateur a 14 ans et vit avec une bande de jeunes orphelins dans une usine désaffectée. Cora, la plus âgée, protége les petits, bec et ongle, comme une mère, contre les adultes –notamment les clochards, qui cherchaient à se récupérer le lieu. C'est aussi une lutte presque philosophique, un désir de les protéger, de les empêcher d'entrer dans le monde des adultes, pervertis, dépravés, ces adultes qu'ils appelaient « les crânes de noeuds ».
Lors d'une des attaques des clochards, ils vont être secourus par un géant impressionnant, muet, appelé « Goodnight », dont le visage est à moitié défiguré. On apprendra par la suite qu'il était dynamiteur et qu'il a été gravement blessé en posant de la dynamite pour ouvrir un coffre-fort avec son amie. Peu de temps après, Cole, propriétaire d'un bar clandestin et vieil ami de Goodnight, entre en scène. Comme Goodnight ne communique qu'à travers les mots griffonnés sur un carnet, Cole propose à Sam (l'un des seuls à savoir lire), un emploi pour faire l'interprète.
Contre l'avis de Cora qui ne veut pas qu'il côtoie les adultes, qui sait tous les risques et dangers à les fréquenter, Sam accepte en pensant à l'argent qui permettra de nourrir les enfants. Et même s'il est amoureux de la belle et dure à cuire Cora, il va passer outre ses recommandations, peut-être aussi pour lui montrer qu'il est capable de s'occuper des enfants et qu'elle peut compter sur lui. Il met un pas dans l'antre du mal et sera vite aspiré dans l'oeil du cyclone. Ce sera le début d'une plongée en enfer, faite de violence, de sang, de trainée de poudre et de morts. Un aller simple et sans retour.
Sam va peu à peu entrer dans le monde des adultes, à la fois fasciné et plein de défiance. Et nous assistons en même temps que lui à des luttes et combats de plus en plus violents et meurtriers qui balaient tout sur leur passage.
Les mots qu'emploient Sam pour nous raconter son histoire nous laissent presque sans illusion. le titre de chaque chapitre contient son prénom (« Sam et xxx »). Chaque titre marquant une étape de son apprentissage, de ses découvertes d'enfant dans le monde des adultes. Il va être le spectateur de ces hommes rongés par la haine, la douleur et les blessures, presque immunisées contre la pitié ou la compassion pour les autres. Ces titres résonnent un peu comme ceux d'une histoire pour enfants qu'on lirait le soir pour les endormir. Mais avec Cole et Goodnight, il n'y a pas de « Bonne nuit les petits », pas de gentil Gros Nounours en peluche, de Marchand de sable ni de naïves marionnettes. Les bagarres décrites sont brutales, crues et surtout en montent en crescendo. de quoi en faire des insomnies…
Et si parfois on sourit aux remarques et expressions fortes imagées de Sam et des personnages qui l'entourent, ce sourire se transforme rapidement en grimace d'effroi face à ce déchainement de violence. Et le titre de ce roman ne parle finalement que de ces adultes dynamiteurs des rêves et de l'innocence des enfants.
Même si je n'oubliais pas le contexte, la période dans laquelle se déroulait l'histoire, il m'a été parfois difficile de lire ces passages tant la violence était trash, les attaques exécutées froidement comme si elles étaient dans la normalité de la vie. J'imagine que le fait qu'un enfant soit témoin de toutes ces scènes de violence me rendait la lecture difficilement supportable. Difficile aussi de le voir grandir. Difficile peut-être parfois aussi de comprendre la psychologie et les comportements de chacun. J'espérais un peu plus de douceur et de tendresse, dans ce Denver sans foi ni loi, même de la part de Sam vis-à-vis de Goodnight désigné par tous comme monstrueux avec sa moitié de visage ravagé.
J'oubliais que l'âme humaine est plus complexe que cela, plus torturée et sombre. Ce n'est vraiment qu'en toute fin de roman que j'ai enfin compris (ou au moins, un peu mieux). Et je me suis dit que le visage de Goodnight, avec un des deux côtés abimé, était peut-être l'image de l'âme humaine. Et ce n'est qu'en écrivant ce petit billet que j'en prends toute la mesure. Et j'en suis à inventer des symboles et allégories là où il n'y en a pas (comme le choix du prénom Sam qui m'a fait penser à l'oncle…).
Lors des périodes d' «action», les phrases sont sèches, courtes. Telles des images instantanées de la scène implacable qui se déroule sous les yeux du jeune garçon et qu'il nous raconte.
Mais il y a aussi tous ces autres moments entre deux rixes où Sam pense à tout cela, où il a le coeur qui palpite pour Cora, où il nous parle de ces enfants attachants, avec chacun leurs singularités. Durant ces moments-là, Sam a encore ses yeux d'enfant et, nous, adultes, ça nous fait chavirer.
Ce deuxième roman que je lis de Whitmer me confirme qu'il est un des grands romanciers américains de ces dernières années. Whitmer sait raconter des histoires, nous dessiner des personnages profonds, nous plonger dans le coeur des ténèbres de l'Amérique, une période qui a bien y réfléchir n'est pas si ancienne que cela (il suffit d'allumer un peu les informations). Un roman western des plus sombres. Un conte amer pour adultes raconté par un enfant. Une histoire qui bouscule, nous triture les boyaux, nous malaxe le cerveau, et met à mal les quelques utopies qu'ils nous restent, à nous les plus grands. Je mentirai si je disais que j'en redemande tout de suite… Va falloir quand même que je retrouve un peu d'oxygène.
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Denver, 1895. Après une crise terrible survenue deux ans plus tard La ville est plongé dans un abyme de violence et de corruption. Violence sociale et violence des gagnants menent une lutte sans partage. Sam et Cora deux jeybes oprhelins, tentent de survivre et faire le bien en veillant sur une bande d'orphelins réfugiés dans une usine désafectée et les protéger dees tentatives d'irruption de nombreux clocghards en détresse

Hélas, Sam va faire une rencontre et va finir par se bruler les ailes dans l'enfer de Denver .
Avec deux précédents romans Evasion et Pike d'excellente facture Whitmer s'impose avec " Les Dynamiteurs » comme un nouveau maître du roman noir américain.

L'auteur sait aussi y faire avec son style imagé pour décrire des scènes qui seraient certainement assez insoutenables si elles étaient portées à l'écran : la tension monte, au fil des pages et vous plonge au coeur de l'action.

Dans ce nouveau roman d'une belle puissance qui nous prend aux tripes jusqu'à la toute fin , roman politique sur la lutte des classes mais aussi formidable roman d'amour tragique entre deux laissés pour compte de la société américaine, ce roman permet à l'auteur de s'affiner dans son formidable style!

Un roman qui se déroule certes il y a certes plus d'un siècle mais qui semble étrangement parler de l'Amérique de Trump.

Une plongée foudroyante dans une Amérique qui nous montre ici une facette des plus hostiles et inquiétantes !


Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Benjamin Whitmer est le Pierre Soulages de la littérature américaine ! Comme le peintre il crée de l'Outrenoir, le noir le plus profond qui soit mais qui parvient tout de même à jouer avec la lumière.

Denver, 1895, Sam a quatorze ans et vit aux côtés de Cora dans une usine désaffectée qu'ils ont transformé en refuge pour orphelins, loin du monde des Crânes de Noeud, les adultes. Ce « foyer » accueille toute une petite bande de gamins que la vie n'a pas épargné. Ils essayent de se protéger du mieux qu'ils peuvent des dangers d'une ville violente et sans pitié. Les clochards du coin se verraient bien mettre la main sur cet abri mais Cora en mère louve défend leur antre. Lors d'une attaque une aide inattendue leur est apportée par Goodnight, un géant effrayant et muet. Ils n'ont d'autre choix que de lui faire une place mais l'arrivée du colosse signe l'entrée du monde des adultes dans leur repère. Sam va se retrouver embarqué dans des règlements de compte entre jeux, prostitution, corruption, alcool et laudanum. L'immoralité et le vice sont partout et le candide Sam va grandir, devenir petit à petit ce qu'il s'était toujours juré de ne pas être, un adulte, il va exposer à la violence ceux qu'il voudrait protéger et s'éloigner malgré lui de Cora.

Toute cette histoire racontée par Sam a quelque chose d'irrespirable. Aucune issue évidente n'apparait dans la trajectoire de Sam. On voudrait qu'il fasse marche arrière, on voudrait qu'il revienne se terrer dans l'usine mais la machine infernale est en marche. Ca s'étripe, ça se charcute, ça flingue, ça saigne et au jeu de la vie selon Whitmer tout le monde a déjà perdu. Il nous rappelle qu'une part de nos choix sont illusoires et sont déterminés par nos origines sociales
Critique d'une Amérique qui veut séparer et exclure, d'un monde cruel dans lequel les enfants sont jetés trop tôt, dénonciation de l'impossible innocence, Les dynamiteurs c'est de la violence brute à coup de meurtres, à coups de feu, à coup d'hémoglobine, sauf que dans un petit coin on entrevoit l'amour et c'est ce miracle que réussit l'auteur : nous faire supporter l'insupportable.

Traduit par Jacques Mailhos

Un grand merci, une nouvelle fois, au Picabo River Book Club grace auquel j'ai pu faire cette lecture bien noire et de haut niveau.
N'hésitez pas à frapper à la porte de ce groupe Facebook qui réunit 2000 passionnés de littérature américaine.
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1895, Denver. Sam et Cora, deux adolescents à l'enfance misérable et chaotique, vivent dans l'Usine, bâtiment désaffecté des bas-fonds de la ville, accompagnés de nombreux enfants des rues, recueillis au fil des années par Cora pour les protéger des Crânes de Noeud, autrement dit les adultes. Car ces enfants qui, à la manière des enfants perdus de Peter Pan, ne veulent pas grandir et détestent les adultes, doivent chaque jour, justement, survivre au milieu de la barbarie inhumaine qu'imposent les hommes du quartier – clochards, souteneurs, vendeurs de drogue… -, particulièrement aux enfants abandonnés. Et c'est à cause d'un Crâne de Noeud, qui va d'abord les défendre face à une attaque de clochards voulant s'installer dans l'Usine, que leur existence va radicalement changer, Sam, narrateur du roman, en tête…

Roman qui commence sur les chapeaux de roues en termes de violence et de cruauté, Les dynamiteurs nous fait plonger au plus profond des bas-fonds de Denver, une des plus grandes villes de l'Ouest américain à cette époque, particulièrement corrompue et dangereuse pour quiconque n'en connaît pas les règles tacites. Ainsi, nous découvrons comment les hommes politiques, policiers, détectives – plus précisément les Pinkerton, association de détectives créée dans les années 1850 et oeuvrant dans tous les Etats-Unis – font ce qu'ils souhaitent en ville, ont leurs propres moyens de subsistance illégaux, et se débarrassent des petits truands qui mettent à mal leur commerce… jusqu'à ce qu'un de ces truands n'accepte plus les règles imposées par les pontes de la ville. Roman en partie historique en somme, qui nous décrit la ville à l'acmé de sa déchéance, à l'âge d'or du Far West sans foi ni loi qui gangrène la société américaine.

Cette description faite sans gants de Denver, c'est Sam, adolescent des rues au coeur de la bataille, qui nous la transmet, à travers un regard d'une grande maturité pour son âge, regard permettant au roman de prendre des allures originales de récit d'apprentissage, en ce que c'est l'apprentissage pour la vie dans les bas-fonds et la marge qui est fait par Sam tout au long de son aventure.

Roman aux multiples facettes, à l'image de Denver, Les dynamiteurs est un roman que j'ai apprécié pour tout ce qu'il décrit, mais duquel je suis restée un peu trop à distance : je n'ai en effet jamais réussi à entrer pleinement dans le récit. La narration, à vouloir présenter la multiplicité et la vivacité de certaines scènes de manière quasi cinématographique, rend l'ensemble parfois indigeste à la lecture, et en toute logique peu crédible : beaucoup de coqs à l'âne sans explication et sans temps mort m'ont empêchée de m'imprégner de ce que je lisais, mon temps étant dévolu à la nécessité de remettre en place certains éléments de l'intrigue pour que le tout me paraisse logique.
Lien : https://lartetletreblog.com/..
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Avec Pike, il y avait la beauté marquante de ce ce roman noir la fois âpre et tranchant, qui nous avait permis de découvrir un nouvel auteur, Benjamin Whitmer, récidivant avec Cry Father, un second récit tout aussi désespéré se focalisant sur cette Amérique marginale avec toute une galerie de personnages souvent paumés, parfois déjantés qui se confrontaient dans un déchaînement de violence aussi soudaine que surprenante. On appréciait le côté intimiste de ces portraits d'individus aux caractères rudes et dont les échanges abruptes résonnaient comme autant d'uppercuts cinglants qui vous laissaient complètement sonnés. Se déroulant en 1968 dans le Colorado, Evasion prenait une toute autre allure avec cette galerie de prisonniers parvenant à s'extirper d'une des prisons les plus rude de l'état et traqués par toute une cohorte de gardiens tout aussi sadiques que les détenus qu'ils gardent. Dans un autre registre, Benjamin revient désormais sur le devant de l'actualité littéraire avec Les Dynamiteurs, un roman tout aussi âpre évoquant ce passage de l'enfance au monde adulte avec tout ce que cela comporte comme perte d'innocence dans le contexte impitoyable d'une ville comme Denver à la fin du XIXème siècle.


Denver, 1895. La ville est un immense cloaque miné par le vice et la corruption tandis que l'on règle ses comptes à coups de poings ou de couteaux quand on est pas tout simplement abattu comme un chien, sans autre forme de procès. Dans cet univers impitoyable, Sam et Cora, deux jeunes orphelins se sont mis en tête de s'occuper d'une petite bande d'enfants abandonnés qui survivent dans une usine désaffectée qu'ils doivent défendre farouchement de la convoitise de clochards malintentionnés qui veulent occuper des lieux. Lors d'une de ces attaques, c'est un étrange colosse défiguré qui leur vient en aide avant de s'écrouler, victimes de graves blessures que Cora va soigner du mieux qu'elle peut. Etant muet, le colosse ne communique que par l'entremise de mots griffonnés sur un carnet que Sam, étant le seul à savoir lire, parvient à déchiffrer. Se forme ainsi un duo détonnant qui va s'embarquer dans une série de règlements de compte qui touche l'ensemble des bas-fonds de la ville en précipitant Sam dans l'univers détestable du monde corrompu des adultes qui le fascine et le révulse.


Avec ces enfants abandonnés dans les rues de Denver, il y a bien évidemment quelques tonalités qui nous font penser à l'univers de Dickens même si le texte de Benjamin Whitmer se révèle bien plus abrupt en nous invitant à découvrir une ville de Denver décadente dans laquelle l'ensemble de la population semble tirer parti du vice qui y règne en subissant la corruption qui gangrène les instances étatiques dont la police sur laquelle ne peuvent compter que les plus riches de citoyens. Dans un tel contexte, on se focalise donc sur Sam, un adolescent orphelin, qui rejette ce monde des adultes jusqu'à ce qu'il croise Goodnight, un colosse muet, défiguré et violent avec qui il trouve certaines affinités tout comme Cole, propriétaire d'un bar clandestin qui doit faire face aux autorités qui n'apprécie pas cette concurrence. Ainsi ce trio va donc se révolter et affronter ces édiles de la ville dans un déferlement de violence insoutenable à l'instar de ce lynchage en pleine rue sous les yeux de la police qui regarde passivement le cadavre auquel on a bouté le feu. Mais au-delà de cette violence qui jalonne le texte, Benjamin Whitmer fait également référence à cet amour animant le coeur de Sam qui a jeté son dévolu sur la belle Cora, jeune orpheline tout comme lui, qui se méfie également du monde des adultes. C'est d'ailleurs sur cette ambivalence entre fascination et défiance pour cet univers que l'on suit le parcours destructeur de Sam subissant l'influence de ses deux partenaires en dépit des mises en garde de Cora. On assiste donc à quelques scènes d'une brutalité sauvage comme Benjamin Whitmer sait si bien les décrire, sans toutefois baigner dans la complaisance. On prend ainsi conscience que cette violence n'est finalement que l'écho de cette ville décatie de Denver que l'auteur dépeint avec une fascinante précision nous permettant de nous immerger dans les ruelles sombres de ce cloaque à la fois décadent et fascinant.


Empruntant les codes du roman noir et du western, Benjamin Whitmer nous offre ainsi avec Les Dynamiteurs, un formidable récit d'aventure à la fois épique et tonitruant s'achevant sur un épilogue de toute beauté qui ne font que confirmer la sensibilité d'un auteur talentueux. Eblouissant.



Benjamin Whitmer : Les Dynamiteurs (The Dynamiters). Editions Gallmeister 2020. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Jacques Mailhos.



A lire en écoutant : My Least Favorite Life de Lera Lynn. Album : True Detective. 2015 Harvest Records.
Lien : https://monromannoiretbiense..
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« Ce monde est un monde de têtes coupées, et il n'y a pas beaucoup de place pour les balades dans des putains de champs de jonquilles. »
Voilà ce que pense Sam, le narrateur de cette histoire glauque qui se déroule au début du XXe siècle à Denver, Colorado, une ville où règnent le vice, le jeu et l'alcool en un équilibre bien précaire, toujours proche de l'implosion.
Sam, quatorze ans, vit dans une usine désaffectée avec un groupe d'orphelins recueillis par Cora, quinze ans, qu'il aime d'un amour secret. Se tenant à l'écart du monde des adultes peu fiables, tous deux tentent de maintenir un écran protecteur autour de leur microcosme. Mais l'irruption soudaine d'un géant au visage scarifié, John Henry Goodnight, traînant dans son sillage son acolyte dénommé Cole, emportera tout sur son passage, dans une succession d'actes vengeurs d'une violence inouïe. Dynamite et nitroglycérine au menu, Benjamin Whitner met en scène, dans une suite de chapitre courts et percutants, une flopée d'agents Pinkerton appelés en renfort par des shérifs impuissants et dépassés par l'afflux du banditisme sévissant dans les villes de l'Ouest. Après Évasion, Whitner signe ici un roman d'une noirceur abyssale et absent de toute rédemption.
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Le genre du roman noir est multiple. Voilà pourtant un livre qui pourrait à lui seul le définir.

Tout y est. le contexte social (et historique ici aussi). La violence et la noirceur qui mettent d'autant plus en avant l'humanité, dans ce qu'elle a de pire mais aussi de plus beau. Des personnages forts et par qui tout arrive. Une histoire qui sonne vrai tout en étant véritablement inattendue. Des émotions puissantes, de celles qui marquent. Et, pour sublimer le tout, c'est magnifiquement bien écrit et raconté.

La vie en 1895 n'est pas une partie de plaisir, même dans une grande ville comme Denver. La peinture du milieu, loin du « nature writing » dont les auteurs américains usent et abusent, colle très vite à la peau du lecteur.

Aux côtés de ce groupe de jeunes orphelins qui n'ont comme seul objectif que de survivre, les émotions sont palpables à chaque page. La découverte du roman se fait réellement par l'entremise de personnages étonnants, atypiques, de vraies rencontres. D'ailleurs, dans ce roman, il est beaucoup question de rencontres.

Ce groupe de jeunes est en conflit, physiquement et moralement, avec le monde des adultes. Pourtant, Sam, notre « héros » va devoir s'extraire de son petit monde pour aller vers celui des « Crânes de Noeud » (comme ils appellent les adultes). le choc va être brutal, une découverte qu'il fera avec retenue mais aussi les yeux grands ouverts.

Voilà bien un roman qui risque de ne pas vous aider à garder le moral. Dur, injuste, éprouvant parce que vivant, il est pourtant aussi le lieu où de vraies émotions positives peuvent poindre parfois, entre ces pans de noirceur.

Les dynamiteurs font du bruit, Benjamin Whitmer ne nous raconte pas une berceuse. Sur fond de guerre de territoires ; territoires de non droit ; il nous fait vivre au plus près la transformation de Sam en homme.

Récit initiatique, avec la brutalité d'une Amérique qui explique bien des choses, le roman touche tellement aux tripes et au coeur qu'il est difficile de s'extirper de cette âpre histoire.

L'écrivain décrit la noirceur sans détour, et pourtant avec sensibilité. Cette aventure humaine, d'un laissé-pour-compte qui tente de sortir de son environnement, bouscule.

Qu'on ne s'y trompe pas, il n'en rajoute pas pour le plaisir de secouer le lecteur, et il sait aussi parler d'amour et de sentiments complexes. Ça rend les protagonistes d'autant plus attachants et fascinants, avec leurs manières de tenter de combattre la fatalité.

Par la grâce d'une belle et expressive plume, par un talent formidable pour créer des personnages qui sonnent juste, par ce contexte si dur, Benjamin Whitmer propose un roman qui ne s'oublie pas.

Aussi désespéré que parfois émouvant, Les dynamiteurs est l'essence même du roman noir. Un livre, un auteur, à lire absolument.
Lien : https://gruznamur.com/2020/1..
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Rude.
Mais beau.
La beauté de la noirceur et de la désespérance.
Nous sommes à Denver, nous sommes en 1895. Sam et Cora sont orphelins. Ce pourrait être le début d'un joli conte. Non. Ils veillent tous les deux sur d'autres orphelins, plus jeunes, qu'il est nécessaire de protéger contre les adultes – les clochards, les paumés, ceux qui eux non plus n'ont pas de toit sur la tête, n'ont pas de quoi se nourrir, n'ont pas de travail. « Protéger », ce n'est pas seulement donner un toit et de la nourriture (un peu), c'est surtout protéger contre toute la violence de cette ville, de ceux qui veulent prendre leur place – parce que l'usine désaffectée offre au moins un toit sur la tête. Tous les coups sont permis, et ce n'est pas une formule vide de sens. Au cours d'une de ses attaques, un homme mystérieux, défiguré, prend leur défense et récolte de nombreuses blessures. Cora le soigne, elle et Sam espèrent avoir trouvé un nouveau protecteur – oui, le pasteur les aide, parfois, notamment si l'un des orphelins est malade, il les aide mais il aimerait aussi les remettre dans le giron de la société, ces enfants qui sont déjà presque complètement perdus. Et si c'était plutôt le contraire, si l'arrivée de cet homme, dont ils apprendront petit à petit le passé, les entraînait vers des lieux plus sombres encore que ceux qu'ils ont visité ?
Oui, il ne faut pas chercher l'espoir, jamais, dans ce livre, et les commentaires du narrateur sont là pour nous avertir qu'une situation pire encore est toujours possible. A Denver, il ne s'agit pas, pour la police, de protéger et servir, il s'agit de faire le ménage pour que la ville soit montrable. Oui, les pauvres, les sans domicile, les laissez-pour-compte dérangent ceux qui ont envie d'une ville propre et de beaucoup de profits.
Si l'espoir s'enfuit au fil des pages, à la manière d'un vagabond du rail, l'amour est pourtant là, sincère, mais lui non plus ne change rien, ou presque rien à la noirceur de ce roman.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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Les romans de type western, se déroulant dans l'ouest américain dans la seconde moitié du 19ème siècle, ce n'est pas vraiment mon truc. Mais bon, un roman des éditions Gallmeister, généralement, je sais que ça vaut le coup d'y jeter un oeil. Et encore une fois, je n'ai pas été déçue par la plume, ni la traduction.

Nous nous trouvons dans une communauté d'enfants livrés à eux-mêmes, les deux plus grands, âgés de 13 ou 14 ans, s'occupant des plus jeunes, comme des parents de substitution. le jour où un adulte, sorte de monstre, vient à leur rescousse pour éloigner d'autres prédateurs tentés de les chasser de leur repaire, va modifier considérablement leur mode de vie, notamment celui de Sam qui va se retrouver plonger dans le monde peu recommandable des bas-fonds de la ville de Denver.

Près de trois mois après la fin de ma lecture, je serais bien incapable de fournir un résumé complet et intéressant de ce roman. Il me reste surtout une expérience de lecture m'obligeant à sortir de ma zone de confort, un roman que j'ai pris plaisir à lire et à découvrir grâce à une langue et une écriture à la fois réelles, dures, émouvantes, amusantes parfois, teintées de beaucoup de violence, d'âpreté mais aussi de tendresse et d'amour. Plus qu'une descente dans les tréfonds peu recommandables de l'âme humaine, Benjamin Whitmer nous offre un regard compatissant et humain sur ces laissés pour compte que nous rencontrons encore aujourd'hui sans forcément les voir ou nous préoccuper.

Lu en mars 2021
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Denver 1895, la vie est particulièrement difficile pour le jeune Sam. Orphelin, il tente de survivre dans une usine désaffectée avec Cora et d'autres enfants plus jeunes. Il faut se battre jour après jour pour garder son territoire, pour manger.... et se méfier de tous les Crânes de Noeud (les adultes) quels qu'ils soient, même le charismatique pasteur Tom qui oeuvre pour leur venir en aide.

Lorsque Goodnight, un géant muet à la gueule cassée parvient jusqu'à eux, blessé, Cora s'occupe de lui mais il n'apportera pas la sécurité escomptée, au contraire c'est le loup qui est entré dans la bergerie...
Sam se retrouve lié à lui, embauché par Cole son ami pour lire et transmettre les petits mots que Goodnight griffonne sur un carnet, sa seule façon de communiquer et il va les suivre partout, dans les bas-fonds, bars, bordels, tripots... Il devient le témoin direct d'une guerre de gangs qui dégénère, violente, sanglante, spectateur de nombreuses rixes, règlements de compte et exécutions.. Il abandonne jour après jour un peu plus de sa candeur et de son innocence, pris au piège des événements qui se succèdent irrémédiablement, alternant entre rejet et fascination de ce monde brutal. C'est un véritable engrenage et il n'y a pas de retour en arrière possible.

Benjamin Whitmer sait construire à merveille ses personnages. Sa galerie de portraits d'enfants est saisissante : Hope, Jimmy, Watson, Hiram, Lottie, Commodore, Ulysses, Fawn, Offie, Jefferson, Rena, tous ont une histoire, une particularité. Leur destin semble tout tracé malgré le dévouement de Cora pour les rassembler, les défendre.....Quel joli personnage que cette dernière ! Lumineuse, perspicace, dotée d'une faculté illimitée à accueillir, soigner, protéger. elle est le point d'ancrage vers lequel Sam revient toujours. Entre eux, le lien affectif/amoureux est très fort, les mots ne sont même pas nécessaires, il y a des silences étourdissants, des regards pénétrants, une connivence évidente... Mais peu à peu le fossé se creuse, Sam bascule dans un monde qu'elle ne peut pas intégrer.

Comment ne pas s'arrêter sue la plume de l'auteur, c'est pour moi l'atout majeur du roman. le contraste entre la noirceur du monde environnant et la narration à la première personne pleine de poésie d'un enfant qui reçoit la violence crue est remarquable. Il raconte son histoire, son amour pour Cora, les morts des hommes, des femmes et des plus petits sans pathos aucun, mais les images employées, la simplicité toute nue donnent une force d'évocation parfois particulièrement émouvante.

Toute cette histoire s'ancre dans une réalité historique et géographique : description d'un Denver gangréné par le vice, celui des laissés-pour-compte du rêve américain, de la misère crasse, évocation de la lutte des ouvriers, dialogues réalistes.
Le regard est pessimiste et même résigné mais la relation complexe entre Sam et Goodnight, la solidarité entre les rejetés de la société et surtout l'amour entre Sam et Cora illuminent le roman, lui rendent sa part d'humanité ! Magnifique !

Un grand merci au Picabo River Book Club. et à Léa sans oublier Myriam
ainsi qu'aux Editions Gallmeister pour cette très belle lecture !

Lien : https://chezbookinette.blogs..
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