Après Fear: Trump in the White House publié en 2018,
Bob Woodward poursuit son étude du fonctionnement du président américain en place, comme il a l'habitude de le faire depuis des décennies. Trump en est à la moitié de son mandat et se projette déjà en vainqueur des élections présidentielles de 2020. Sauf qu'entre-temps, un impondérable qui s'appellera Covid-19 vient chambouler un paquet de choses...
Le ton change pour ce deuxième opus consacré au président Trump, car ce dernier a voulu participer à la rédaction de cet ouv
rage, pensant, après avoir lu le premier qui n'était pas à son avantage, que cela lui permettrait d'être mieux vu, lui qui pensait que Woodward n'avait pas été "juste" avec lui. Ainsi, l'auteur et le président ont échangé à de nombreuses reprises lors d'interviews en personne et par téléphone. L'intérêt majeur de ce livre-ci, c'est bien la parole directe de Trump qui est retranscrite mot pour mot. Et ça continue de faire peur, tout en faisant rire un max vu certaines énormités, et vu l'avenir qui se dessinait alors (le livre est sorti deux mois à peine avant l'élection présidentielle, ce qui nous vaudra d'ailleurs un troisième ouv
rage intitulé Peril que je ne vais pas me gêner de lire aussi).
On pourrait croire à tort que ce "tome" se concentre sur la gestion du Covid : au contraire, il reprend plus ou moins là où Woodward nous a laissés, fin 2018 début 2019. Ainsi donc, toute la première partie de l'ouv
rage se concentre sur plusieurs points, notamment la relation de Trump et du dictateur de Corée du Nord Kim Jung-Un, qui se sont rencontrés plusieurs fois et se sont envoyé des lettres enflammées tout en se promettant monts et merveilles alors qu'on était à deux doigts quelques mois plus tôt de vivre une nouvelle guerre nucléaire. Ces épisodes sont fascinants de grand n'importe quoi et montrent Trump comme étant bien trop vulnérable aux flatteries et surtout toujours aussi peu sensible aux questions géopolitiques.
Le deuxième grand point, c'est le Mueller Report, cette fameuse investigation sur la possible ingérence de la Russie dans l'élection présidentielle de 2016 en coordination avec l'équipe de campagne de Trump, ainsi que sur une obstruction à justice de la part de ce dernier. 22 mois qu'elle a pris cette enquête, de quoi rendre le président complètement fou. de quoi accroître sa paranoïa.
Le troisième point majeur, c'est son (premier) impeachment de 2019, Trump étant accusé d'obstruction au Congrès et d'abus de pouvoir, alors qu'il avait demandé au tout nouvellement élu président ukrainien Zelensky d'enquêter sur les Biden afin d'influencer les élections de 2020. Ohh qu'il était fier de lui, Trump, se cachant derrière des excuses bidons de "corruption" pour justifier ses gestes, tout content d'avoir enquite été acquitté (par un vote complètement partisan, alors que les Républicains avaient encore la majorité au Sénat) !
Si cette première partie n'était pas attendue, elle apporte quand même son lot de révélations, de précisions sur les coulisses du pouvoir, surtout sur ce qui s'est joué à deux doigts avec la Corée du Nord. Les réactions de Trump, après trois ans au pouvoir, vacillent toujours entre l'incompétence absolue marquée par d'incontrôlables tweets de jour ou de nuit et l'application à reculons des recommandations de ses conseillers. Les interviews montrent à quel point il est obsédé par son image, imbu de sa personne, avec une personnalité orgueilleuse construite avec le temps qui joue sur l'idée qu'il en est à la fois intimement convaincu qu'il est le meilleur en tout et/ou qu'il veut le faire croire à qui l'entend, y compris lui-même (dans tous les sens il est vainqueur selon lui, c'est cette fameuse gagne qui le définit). Trump participe obsessivement à la préparation de ce bouquin et veut à tout prix que son image en ressorte glorieuse, au point de souvent mentionner le processus d'écriture à Woodward, de le titiller sur leurs différences de point de vue, sur le fait qu'il soit démocrate ou travaille pour les médias que Trump qualifie systématiquement de "fake" ou de "corrupt" dès lors qu'ils ne vont pas dans son sens. le ton général est quand même largement plus apaisé voire respectueux, mais Woodward n'est pas dupe et hallucine souvent dans sa tête tout en parvenant à conserver un visage impassible...
Et puis fin 2019 pointe le bout de son nez, il est l'heure de parler de ce nouveau virus qui s'est déclaré en Chine et dont nombre de professionnels de la santé s'alarment déjà. On en est à la moitié du livre et ce sujet nous accompagnera jusqu'à la fin. Si on veut en apprendre plus sur la gestion de la pandémie par le gouvernement américain, ce livre est une excellente référence. le plus, cela reste les échanges avec Trump qui partage ses propres communications avec Xi Ji-Ping. On découvre également, même si les médias se sont chargé de tenir informé un minimum le grand public à l'époque, à quel point la Chine a fait de la rétention d'informations et a entravé l'effort mondial pour maîtriser un tant soit peu la contamination ou comprendre pourquoi et comment les choses ont pu se produire, des actes qui ont mené à des conséquences dramatiques et surtout mortelles.
C'est finalement dans ce contexte de Covid que Trump, bien que faisant quand même régulièrement n'importe quoi, a su prendre des décisions raisonnables (bien que tardives), a pu se rendre compte à quel point il a pu se faire berner par la Chine, ou a finalement l'air le plus humain en ayant conscience de l'impact humanitaire. C'est cet évènement qu'il qualifie d'"injuste" pour son mandat (moi moi moi, n'oublions pas d'autant plus que TOUTES les idées viennent de lui) qui l'aura rendu presque normal à certains moments.
Je suis juste surprise que Woodward, journaliste rigoureux, n'ait pas fait mention de la suggestion de Trump de guérir le Covid à l'aide d'ultra-violets ou d'injections de désinfectant (il n'a jamais dit le mot "Javel" ou "bleach", je viens de revoir la vidéo), chose qui a fait hurler les médecins du monde entier. Dommage aussi que Woodward ait publié son livre en septembre 2020, car début octobre, Trump a eu le Covid et a été à deux doigts d'être mis sous ventilateur, lui qui a pendant des mois et des mois minimisé la chose en disant que le virus passerait très vite. Très dommage qu'il n'ait pas pu mentionner cette grande ironie de la vie (ou le karma, voyez-le comme vous voulez)...
Sont ainsi donc arrivés en 2020 et ont été développés dans ce livre : les confinements, le chômage qui a explosé, les négociations avec les gouverneurs, les déconfinements trop rapides et hyper mal gérés, la course au vaccin, George Floyd et les manifestations Black Lives Matter, la photo-op de la Bible devant l'église proche de la Maison Blanche... ; mais également la campagne de Trump pour les élections de novembre, qui l'accaparait parfois bien plus que son job de président d'un pays en grave crise économique et sociale. Souvent d'ailleurs, précise-t-il qu'il n'a aucun plan, aucune stratégie, ni pour le pays, ni pour son potentiel mandat à venir, le flou parfait étant certes l'une de ses marques de fabrique mais fait hyper flipper quand on veut diriger un pays.
Des citations de ce bouquin, j'en ai un paquet. de nombreuses phrases sont phénoménales. Ce livre devrait être mis entre les mains de tous ces électeurs qui ne se rendent pas compte qu'ils se font manipuler au quotidien et dont on compte bien sûr sur les voix endoctrinées, profitant de leur misère et ras-le-bol à plusieurs niveaux, et profitant aussi d'un système électoral archaïque que les GOP et surtout la branche MAGA font tout pour ne pas faire évoluer, au risque d'avantager tous ces "gauchistes" et démocrates-libéraux" qui polluent un pays conservateur dont les lois ne sont pourtant plus en adéquation avec notre époque.
Ah ça oui, Trump provoque la
rage. Tout comme lui-même la ressent et l'exprime sous forme de coups de gueule enragés que son équipe ne peut contrôler. le titre est parfaitement choisi... Bref, c'est encore une belle bombe à lire.
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