Valider l'item 14 "L'action de ce roman se situe essentiellement en bord de mer ou de lac" dans le cadre du Challenge Plumes Féminines 2024 : l'occasion était trop belle de relire : To the Lighthouse – Au Phare, de
Virginia Woolf, une de mes autrices préférées, pour ce qu'elle représente par son engagement, pour avoir été l'une des écrivaines ayant révolutionné l'écriture avec sa technique du flux de conscience, pour la poésie de son style et juste pour le bonheur de lire une belle plume. Je me dis qu'il est trop difficile de choisir seulement six livres que j'emporterais sur une île déserte, mais To the Lighthouse, assurément, en ferait partie, pour Mrs Ramsay – comment ne pas tomber sous son charme - et pour cette maison des Hébrides, ouverte à tous les vents.
L'action se situe au Sud de la mer d'Ecosse, dans l'archipel des Hébrides, sur l'île de Skye.
La famille Ramsay et ses invités séjournent dans la villa d'été et le roman s'ouvre par une première partie intitulée "La Fenêtre" (il est découpé en trois parties : La Fenêtre, le Temps passe et le Phare) et sur ces mots "Oui, bien sur, s'il fait beau demain", dit Mrs Ramsay. "Mais, ajouta-t-elle, il faudra que tu te lèves à l'aurore". Cette phrase est adressée au plus jeune de ses garçons, James, impatient à la perspective d'aller faire la promenade au phare promise.
La fenêtre, vers laquelle convergent tous les regards afin de s'enquérir de la météo : fera-t-il beau demain ? Ira-t-on au phare ? Impossible par "gros temps". La fenêtre, ouverture vers un avenir incertain (l'action se déroule avant la première guerre mondiale). La fenêtre vers laqu
elle se tient Mrs Ramsay, personnage central du roman, qui veille à tout et sur tous, dans cette grande maison de vacances "ouverte à tous les vents", alors que le déferlement des vagues ponctue les pensées de Mrs Ramsay et lui fait songer à l'éphémérité de chaque chose, que le lecteur est emporté par le flot de conscience des différents personnages (leurs pensées, leurs sensations), les changements de point de vue, la perception du temps par chacun, ces
instants de vie que l'on essaie de capturer par les mots – Virginia, par la peinture – le personnage de Lily Briscoe, l'une des invité-es, artiste-peintre qui travaille au portrait de Mrs Ramsay "à la fenêtre", avec James.
La maison de l'Île de Skye, "ouverte à tous les vents", accueille famille et amis, les réunit autour du fameux boeuf en daube, "le chef d'oeuvre de Mildred". Chacun y a sa place à table, sa chambre, y bénéficie de l'attention bienveillante de la lumineuse Mrs Ramsay, y pose ses valises, y participe à de longues discussions, appartient à la maisonnée, le temps d'un été.
Autour du couple Ramsay, Mrs Ramsay, figure maternelle qui s'oublie pour les autres, qui admire son époux, Mr Ramsay, philosophe assez tyrannique, gravitent les enfants – ils sont 8 – les amis dont l'artiste-peintre Lily Briscoe, Charles Tansley, étudiant de Mr Ramsay, William Bankes, ami de Mr Ramsay, Mr Carmichael etc.
La Promenade au Phare aborde les relations humaines - que connaissons-nous des autres ? - que laissent-ils percevoir ? "nos manifestations, les choses par quoi vous nous connaissez, sont tout simplement puériles. Au-dessous tout est noir, tout est tentaculaire et d'une profondeur insondable ; mais de temps à autre, nous montons à la surface et c'est à cela que vous nous voyez" - tout ce que nous ne parvenons pas à leur dire, le temps qui passe, le travail de l'artiste...
La première partie : "La fenêtre" relate une journée qui s'étire sur 150 pages environ, Tous les personnages sont réunis dans la maison de l'Île de Skye...., l'espace-temps se dilate par le flot de leurs pensées nous berçant comme le ressac, nous immergeant dans l'univers si singulier de
Virginia Woolf.
La deuxième partie "Le temps passe" ne représente qu'une vingtaine de pages. "Ici Mr Carmichael, qui lisait du
Virgile, souffla sa bougie. Il était minuit passé". Puis le temps passe très vite. Les ténèbres de la nuit qui suit cette journée où tous étaient encore réunis, les ténèbres de la guerre qui rugit au dehors tout comme la tempête "Les nuits à présent sont pleines de vent et de saccage ; les arbres plongent et se courbent et leurs feuilles tourbillonnent pêle-mêle avant de tapisser la pelouse, de s'entasser dans les chéneaux, d'engorger les conduits et de joncher les sentiers détrempés. La mer aussi se soulève et se brise (...)" et les ténèbres de la mort – 3 protagonistes meurent – Et puis, il y a l'écriture de la maison vide : "La maison était abandonnée ; la maison était désertée. Abandonnée comme un coquillage sur une dune, à se remplir de grains secs et salés à présent que la vie s'en est retirée. La longue nuit semblait s'être installée ; les tout petits airs grignoteurs, les souffles humides et fouineurs, semblaient avoir triomphé. La casserole avait rouillé et la natte pourri. Des crapauds s'étaient frayé un passage. Nonchalamment, futilement, le châle oscillant se balançait d'un côté à l'autre. Un chardon surgit entre les carreaux du cellier. Les hirondelles nichaient dans le salon ; le plancher était jonché de paille ; le plâtre tombait par pelletées entières (...)";
La maison reprendra vie dans la troisième partie "Le Phare" et les protagonistes survivants la feront cette promenade au phare et c'est Lily, l'artiste qui conclura le roman : "C'était fait ; c'était fini. Oui, se dit-elle, reposant son pinceau avec une lassitude extrême, j'ai eu ma vision."
Une relecture à nouveau avec un immense bonheur et ravie d'avoir pu associer Virginia à mes lectures pour ce challenge.
Ce choix pour l'item 14 "L'action de ce roman se situe essentiellement en bord de mer ou de lac"
# Challenge Plumes Féminines 2024