Ce livre, du moins la recherche dont il rend compte, date d'une dizaine d'années et cela se ressent. À l'époque l'ethnopsychiatrie faisait beaucoup parler d'elle, et la psychanalyse n'avait pas été totalement jetée avec l'eau du bain.
Ceci dit, j'ai trouvé l'ouvrage passionnant. Déjà, de par sa structure. le livre débute sur la question de l'identité juive, question devenue cruciale avec la Shoah et la rupture de transmission et de généalogie qu'elle engendre. Puis il se poursuit avec les témoignages, qui alternent avec le travail de recherche. le tout entrecoupé de chapitres sur la méthodologie.
L'auteur parvient ce tour de force d'être à la fois totalement immergée dans son sujet et de pourtant parvenir à l'analyser. Elle est de plus, à ma connaissance, la seule à s'intéresser d'aussi près aux générations qui suivent.
Il lui manque à mon avis un second volume. Quid du rapport à Israël, plus encore à l'heure actuel ?
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Une des expressions psychopathologiques de sa souffrance, l’alcoolisme, constitue elle aussi une marque de son errance : alors que pour un français du terroir l’alcoolisme est une maladie courante, conforme aux attentes du groupe, elle est, pour les juifs, une marque de non conformité qu’il faut interpréter ici, non pas comme l’expression d’un conflit intrapsychique spécifique, mais comme le signe d’une inadéquation de l’individu à son milieu culturel.
Alors que l’alcoolisme du terroir constitue ce que Devereux appelle un désordre ethnique, une pathologie complexe et culturellement codée, reconnaissable et interprétable par le groupe, il est pour le monde juif une marque de désordre absolu, un signe de détachement.