Bataille des buttes chaumont

« Les temps étaient rudes. Nous traversions une époque de ténèbres! Fuyant les épidémies qui ravageaient l‘Afrique noire, ou terrorisés par les despotes islamistes qui régnaient sur le Maghreb, les va-nu-pieds arrivaient en masse sur notre belle terre de France. Malgré la fermeture des frontières méditerranéenes grâce à la fameuse ligne Maigret -un réseau serré de barbelés et de miradors implantés de Biarritz à Nice- ils étaient toujours plus nombreux à s'infiltrer dans nos murs. Un sang impur abreuvait nos sillons. La France ne pouvait décemment pas accueillir toute la misère du monde. Il fallait en finir. Frapper fort ».
En lisant les premières pages de La bataille des Buttes-Chaumont, j'ai presque cru que Thierry Jonquet avait reçu un coup sur la cafetière et s'était pris pour Jean Raspail. Trente-six pages, une nouvelle, ambiance dystopie, Paris 2028 est scindé en quartiers. Les Européens de l'Est tiennent Stalingrad, les Arabes Belleville, les Chinois La Villette. Pour bouter l'étranger hors de la capitale, il y a le narrateur. Il a tué des manants sous Philippe le Hardi, des communards au XIXème, des résistants rue des Saussaies… Qui est-il? D'où vient-il? Est-ce un vampire? Un ange de la mort? Qui se cache derrière l'exécuteur zélé de la loi et l'ordre?
La bataille des Buttes-Chaumont, paru en 1996, est certainement une des meilleures nouvelles que j'ai lue, une véritable leçon de concision, d'humour noir et de causticité dont il est impossible de deviner la fin. Jonquet, tu nous manques.

La deuxième nouvelle, Un quart d'heure pas plus est signée Francis Mizio. Un farfelu anonyme désireux de connaître la gloire déclare l'indépendance de sa propriété, et se proclame Roi de Krobkie. Vêtu de son nouvel uniforme officiel, une cape taillée dans une vieille bâche, une couronne de galette des rois sur la tête et un collant de coureur cycliste, son Altesse Royale fait bientôt les premières pages des journaux: "Le week-end qui suivit la diffusion du reportage, quelques familles déboulèrent pour prendre des photographies des abords de la Krobkie. Certains ne cessèrent de tambouriner au poste frontalier pour visiter mon pays moyennant quelques francs ou une devise de mon choix. Je me fis tirer le portrait de bonne grâce et acceptai de tripoter quelques ventres stériles de romanichels désirant retrouver leur fécondité quoique ceux-là fussent désolés de ne pas avoir d'écrouelles à me soumettre lors de la même consultation et pour le même prix. " Mais quand l'amour s'en mêle, même les doux dingues peuvent commettre l'irréparable. Avec Un quart d'heure, pas plus, Mizio prouve une nouvelle fois que polar et humour font bon ménage

La Bataille des Buttes-Chaumont jumelé avec Un quart d'heure, pas plus chez La Loupiote, 93 pages de fantaisie polardeuse à lire pour rire.