Comment ce livre sélectionné parmi les quatre finalistes n'a pas obtenu le Goncourt en 2017 ?
J'ai pourtant lu “
L'Ordre du jour” d'
Eric Vuillard, il n'y a pas photo !
Je vais lire les autres titres de la short list car cette année-là le jury du Goncourt n'avait pas voulu saluer des histoires exotiques (
Véronique Olmi “
Bakhita”).
Les lycéens ne s'y sont pas trompés en décernant à
Alice Zeniter leur Goncourt.
Disons le simplement et tout net “
L'art de perdre” est un livre fort, un roman puissant. Naîma, le personnage principal contemporain essaie de reconstituer ses origines et son identité via l'histoire de son père Hamid et de son grand-père Ali.
La première partie n'a pas beaucoup été racontée.
C'est l'histoire d'Ali, celle des Harkis, ces militaires autochtones d'Algérie qui servaient comme supplétifs aux côtés des Français.
Ces Algériens ont combattu durant la première et la deuxième guerre mondiale et seront pris entre les exactions du FLN et les manoeuvres des militaires français pour obtenir des renseignements : “la mort menace tout un chacun, qu'importe le côté d'où elle vient.”
“L'Algérie les appellera des rats. Des traîtres. Des chiens. Des apostats. Des bandits. Des impurs.”
En creux, c'est aussi l'attitude de notre société qui défile quand ils arrivent en France : “ La France ne les appellera pas, ou si peu. La France se coud la bouche entourant de barbelés les camps d'accueil.”
Et même si les couleurs sont moins vives dans la deuxième partie, - et pour cause car elles se passent dans le camp de Rivesaltes, dans les préfabriqués à Jouques ou dans le HLM neuf à Flers -, l'auteur sait décrire ce que certains appellent l'intégration (voir citation).
Troisième partie, troisième génération, Naîma nous emmène à la quête de ses racines au vingt et unième siècle et cette partie aurait pu faire un livre en soi, c'est dire la richesse de ce que nous propose
Alice Zeniter.
Le style est efficace, sans fioritures mais habité pour traduire un ressenti sensible.
J'ai beaucoup aimé comment l'autrice évoque les situations (la rencontre de chacun des enfants avec les parents de l'autre sont des scènes “éclairées”).
De nombreuses situations sont mises en scène mais ce n'est pas du cinéma, juste de la grande littérature !