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Citations sur Le voyage dans le passé (115)

Cependant l'amour ne devient vraiment lui-même qu'à partir du moment où il cesse de flotter, douloureux et sombre, comme un embryon, à l'intérieur du corps, et qu'il ose se nommer, s'avouer du souffle et des lèvres. Un tel sentiment a tant de mal à sortir de sa chrysalide, qu'une heure défait toujours d'un coup le cocon emmêlé et qu'ensuite, tombant de tout son haut dans les plus profonds abîmes, il s'abat, avec une force décuplée, sur un cœur terrorisé.
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....ces instants clandestins où ils s'embrassaient, s'enlaçaient en frémissant entre des portes mi-closes, ces instants angoissants, se mirent, comme des Bacchanales, à déborder de plaisir et d'angoisse mêlés.
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Ces lettres étaient devenues l'eau et le pain du solitaire. Tout à sa passion, il les prenait avec lui lors de ses voyages à travers les steppes et les montagnes ; il s'était fait coudre des poches à sa selle afin de les protéger des averses soudaines et de l'humidité des fleuves qu'il leur fallait traverser pendant les expéditions. Il les avait lues si souvent qu'il les connaissait par coeur, mot pour mot, ouvertes si souvent que les parties pliées étaient devenues transparentes et que certains mots avaient été effacés par les baisers et les larmes. Parfois, quand il était seul et savait qu'il n'y avait personne alentour, il les sortait, pour les prononcer mot à mot avec son intonation à elle et conjurer ainsi l'absence de celle qui était loin. Parfois il se levait soudain dans la nuit, lorsqu'un mot, une phrase, une formule de conclusion lui échappait, il allumait sa lampe pour les retrouver et, pénétrant sa graphie, reconstituer en songe l'image de sa main, et à partir de la main, le bras, l'épaule, la peau, toute sa silhouette transportée jusqu'à lui par-delà les terres et les mers. Et tel un bûcheron dans la forêt vierge, il s'attaqua avec une fureur et une force guerrières au temps qui, sauvage et encore menaçant, impénétrable, lui faisait face, déjà impatient de les voir apparaître, elle, la perspective du retour, les heures de voyage, cette perspective, mille fois imaginée, de leur première étreinte de retrouvailles.
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Dès leur première rencontre, il l'avait aimée, mais ce sentiment, qui le submergeait jusque dans ses rêves, avait beau être une passion absolue, il lui manquait néanmoins l'événement décisif qui viendrait l'ébranler, c'est-à-dire la claire prise de conscience que ce qu'il recouvrait, se dupant lui-même, du nom d'admiration, de respect et d'attachement, était déjà pleinement de l'amour, un amour fanatique, une passion effrénée, absolue. Mais une espèce de servilité en lui réprimait violemment cette prise de conscience : elle lui semblait si lointaine, trop haute, trop distante, cette femme radieuse, ceinte d'un halo d'étoiles, cuirassée de richesses, de tout ce qu'il avait expérimenté de la féminité jusqu'ici. Il aurait ressenti comme un blasphème d'admettre qu'elle aussi était assujettie au sexe et à la même loi du sang que les quelques autres femmes que sa jeunesse d'esclave lui avait accordées, que cette fille de ferme qui avait ouvert sa porte au précepteur, juste une fois, curieuse de voir si l'étudiant s'y prenait d'une autre manière que le cocher et le valet, ou que cette couturière qu'il avait rencontrée dans la pénombre des réverbères en rentrant chez lui. Non, là c'était autre chose. Elle irradiait depuis une autre sphère où le désir n'était pas de mise, pure et immaculée, et même le plus passionné de ses rêves n'avait pas la hardiesse de la dévêtir. Troublé comme un enfant, il s'attachait au parfum de sa présence, jouissant de chacun de ses mouvements comme d'une musique, heureux de la confiance qu'elle lui témoignait et constamment effrayé à l'idée de trahir si peu que ce fût quelque chose du sentiment excessif qui l'agitait : sentiment qui n'avait pas encore de nom, mais qui s'était constitué depuis longtemps et s'attisait à demeurer tapi.
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De nouveau ils se tinrent l'un en face de l'autre sans se faire signe ni se parler, et, s'ils s'embrassaient, ce n'était que du regard.
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[...] et s'ils s'embrassaient, ce n'était que du regard.
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Cependant l'amour ne devient vraiment lui-même qu'à partir du moment où il cesse de flotter, douloureux et sombre, comme un embryon, à l'intérieur du corps, et qu'il ose se nommer, s'avouer du souffle des lèvres. Un tel sentiment a tant de mal à sortir de sa chrysalide, qu'une heure défait toujours d'un coup le cocon emmêlé et qu'ensuite, tombant de tout son haut dans les plus profondes abîmes, il s'abat, avec une force décuplée, sur un coeur terrorisé.
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Ils sortirent de la gare, mais à peine passée la porte, un grondement les assaillit scandé par des tambours, traversé de sifflements stridents, vacarme imposant, retentissant - une manifestation patriotique d’associations d’anciens combattants et d’étudiants. Mur mouvant orné de drapeaux, se succédant par rangées de quatre, des hommes à l’allure militaire marchaient au pas de parade, en cadence, comme un seul homme, la nuque raide, rejetée en arrière - résolution violente- la bouche grande ouverte, pour chanter, une voix, un pas, une cadence. Aux premiers rangs, des généraux, sommités chenues, couverts de décorations, flanqués d’une organisation de jeunesse, portaient à la verticale, avec une raideur athlétique, des drapeaux gigantesques, têtes de morts, croix gammées, vieilles bannières de l’Empire, flottant au vent, ils bombaient le torse, le front rejeté en avant, comme s’ils avançaient à la rencontre de batteries ennemies. [...] « Folie » balbutia-t-il à part lui, stupéfait, pris de vertige. Que veulent-ils ? Une fois de plus, une fois de plus
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"Nous allons bientôt arriver", dit-elle comme pour elle-même.
"Oui", il soupira profondément, "cela a duré si longtemps."
Il ne savait pas lui-même, en prononçant cette plainte impatiente, s'il faisait allusion au trajet, ou à toutes les longues années qui aboutissaient à cette heure : la confusion entre rêve et réalité le déroutait. Il ne sentait qu'une chose, le cliquetis des roues qui filaient sous lui, vers quelque chose, un certain moment, que, du fond d'une étrange torpeur, il n'arrivait pas à discerner. Non, il ne fallait pas y penser, juste se laisser emporter par une puissance invisible, abandonné, les membres détendus, en attente de quelque chose de mystérieux. C'était une sorte de veillée nuptiale, suave et sensuelle et à laquelle pourtant se mêlaient aussi obscurément l'angoisse de l'accomplissement, ce frisson mystique qui vous prend, quand, soudain, ce à quoi on a infiniment aspiré devient palpable, s'approche d'un coeur qui n'ose y croire. Non, pour le moment, ne penser à rien, ne rien vouloir, ne rien désirer, juste rester ainsi, entraîné vers l'incertain come vers un rêve, porté par un flux inconnu, percevant à peine son corps, s'en tenant à un désir sans but, ballotté par le destin et en plein accord avec soi-même. Juste rester ainsi, des heures encore, une éternité, dans ce crépuscule prolongé, nimbé de rêves : mais déjà, comme une légère appréhension, la perspective d'une fin imminente se profilait.
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Séparés tout ce temps par une distance infranchissable, ils ressentaient désormais avec une violence décuplée cette proximité retrouvée qui se passait de mots.
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