AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de DOA (446)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Rétiaire(s)

Flics vs Voyous. La Loi vs trafic de drogue. On connaît l'affiche mais DOA réveille ces images bien connues afin de proposer au lecteur une expérience de lecture à l'intensité surpuissante hors des sentiers gentiment balisés. Et le dynamitage commence dès la scène inaugurale. Elle te colle à la rétine des images chocs qui te viennent durant toute la lecture. Un cri plein de haine retenti dans les sous-sol du 36 :



« Hadjaj ! »

De peu, le cri précède le tir. A bout touchant diront sans doute les expertises médico-légales. Hadjaj, Nourredine, né aux Lilas le 7 avril 1989 et défavorablement connu des services de police, s'effondre. Son visage, un masque grotesque, sanguinolent et cabossé.

Les larmes aux yeux, son meurtrier rigole. Dernier crachat sur le cadavre et le pistolet remonte, fils vers sa bouche ouverte.

Théo mange son canon. »



Théo, le flic ripoux survit à sa tentative de suicide. Pas le lieutenant des Cerda, clan yéniche qui règne sur le trafic de drogue, Est parisien. Un assassinat qui créée le chaos mais va peut-être permettre de rebattre les cartes. Aussi bien côté flics – exsangues car dépassées par la créativité criminelle de leurs adversaires retors – qui y voit une opportunité pour remettre de l'ordre, que côté voyous où s'est ouverte une crise de succession depuis la mort de deux parrains Cerda.



A partir de cette situation posée cash d'emblée, DOA a construit un scénario d'une complexité vertigineuse en mode billard à dix bandes qui met dans la partie un nombre impressionnant de personnages dont les interactions millimétrées - alliances ou mésententes, parfois très inattendues - prennent totalement sens une fois le texte achevé. Il faut un peu de temps pour s'installer complètement dans le récit et maitriser la trentaine de personnages principaux recensés dans le glossaire ( qui m'a beaucoup servi ).



La violence se déploie dans toute sa brutalité crue, menaces ou passages à l'acte ( incroyable épisode à La Courneuve ). La tension liée à l'attente de sa survenue est renforcée par l'effet de réel. Contexte COVID qui contraint et perturbe les activités illégales. Mondialisation d'un narcobanditisme en pleine expansion, structuré, professionnalisé pour corrompre de nombreux secteurs d'activité. C'est évident que l'auteur a fait un travail monstrueux de documentation pour parvenir à autant de détails, mais là où un didactisme clignotant aurait pu alourdir le récit, l'élégance de la conduite de la narration de DOA le fait totalement oublier.



La rigueur du vérisme qui innerve ce roman rend le récit très immersif. D'autant que les personnages sont tous furieusement incarnés, tous passionnants ( j'ai particulièrement apprécié celui de Théo le flic guerrier, charismatique et solitaire qui n'a plus rien à perdre, et celui de Lola Cerda, la badass prête à prendre la relève sans en demander l'autorisation ) et animés par des émotions fortes.



Trahisons, jalousies, rivalités, vengeances, amours, désir, désillusions, l'auteur a le sens du tragique pour brouiller la coutumière frontière entre Bien et Mal, plus perméable que jamais avec ces rétiaires dans l'arène. Flics et voyous, ces gladiateurs combattent fragiles et exposés, avec de quoi attaquer mais bien peu pour se défendre au final. L'auteur se concentre sur leurs destinées tout en faisant avancer sa sinueuse intrigue tel un pilote de drone survolant le champ de bataille sous tous les angles.



Un roman d'une noirceur absolue, magistralement porté par une écriture nerveuse et syncopée qui travaille la langue jusqu'à la défibrillation. Remarquablement puissant comme tout ce que publie DOA.



Commenter  J’apprécie          12214
Pukhtu

Violent, atroce, sale, réaliste, passionnant.





Afghanistan, 2008, côté américain mais aussi côté afghans. Tout est dit. Tellement plus noire et glauque que le laisse penser la gentille histoire que nous raconte la quatrième de couverture.





Dans un roman d'aventure, politique, d'action paramilitaire. Un vilain panier de crabes, une mare où nagent de très dangereux poissons. La CIA, les contractuels, la DGSE, les moudjahidin.

Un regard lourd, sans concession sur les motivations djihadistes, sur les gouvernements et dirigeants corrompus. Sur les mercenaires cupides et sans pitié. Avec une constante, tout tourne ou presque autour de l'opium, précurseur de l'héroïne et le pognon qu'il génère.





Du sang, du sexe (et pas du romantique), une galerie de personnages impressionnante et noire. Un roman à 100 à l'heure, mais il faut avouer que côté bémol, la route est longue, parfois trop longue pour cette première partie.
Commenter  J’apprécie          1124
Rétiaire(s)

Au fil de ses intrigues, DOA dessine la géographie du traffic des stupéfiants et après l’Afghanistan (série Pukhtu) c’est l’Amérique Latine qu’il explore dans des « interludes » qui expliquent la géopolitique de la Bolivie, de la Colombie et du Pérou et dessinent les itinéraires qui empoisonnent l’Europe via Gibraltar ou Marseille.



La chaine logistique est décrite avec ses métiers (chimistes, transporteurs, gardes du corps), les contrats qui lient les divers « prestataires de services » et notamment les conseillers financiers qui blanchissent les liquidités collectées. L’agilité de ces business-men, leur rapidité d’adaptation, leur permet de s’adapter au confinement COVID et de profiter de l’anonymat offert par les masques. C’est business as usual avec un marketing agressif et une concurrence exacerbée …



Rétiaire s’inscrit dans ce contexte et nous offre une place à l’ombre de La Santé, aux cotés de Théo, un flic accusé d’avoir exécuté Hadjaj … Chez DOA, les bleus sont souvent gris, borderline, et Théo n’est pas le seul dossier de l’IGPN.



De toute éternité la police emploie des indicateurs pour infiltrer la pègre … aujourd’hui les règles du jeu des gendarmes et des voleurs ont évolué et la tribu Cerda pilote ses indicateurs au sein des forces de l’ordre (douane, gendarmerie, police). Autant dire que la prochaine cargaison en provenance d’Amérique Latine est attendue impatiemment par divers concurrents et plusieurs enquêteurs, avec tous les coups bas imaginables.



L’intrigue, que je m’interdis de divulgacher, n’est pas le seul atout de ce roman qui délivre un véritable cours de linguistique contemporaine (étayé d’un glossaire de 4 pages) qui fera gagner beaucoup de temps à nos académiciens pour la prochaine édition du Dictionnaire de l’Académie française : « Le mot schmitt se répand comme une trainée de poudre et, à chaque nouvelle répétition, se trouve prononcé plus fort, scandé, hurlé, avec toujours plus de rage. Walah, on va briser des schmitts. La rumeur enfle, des petits groupes de deux, de trois, de quatre se forment. Oh, baisez-les. Ils avancent vers les fonctionnaires. Allahû Akhbar. Prudents mais provocateurs. Fils de pute. Encouragés par leurs cris. Gros, téma la salope. Et ceux de leurs copains. Niquez-les. Certains sautillent, d'autres dansent. Allahû Akhbar. Des doigts d'honneur se dressent partout. Niquez-les. Les imitations d'animaux fusent. »



Convenons en : belek askip le dico a besoin de munes ;-))



Enfin cette intrigue démontre que la parité hommes-femmes est enfin atteinte, voire cruellement surpassée, et que reums et meufs tiennent leur juste place au sommet de la pègre.



Addictif et brillant, ce page turner est à déconseiller évidemment aux lecteur.e.s rétif.e.s aux tortures et cruautés ; Série Noire oblige !
Commenter  J’apprécie          730
Pukhtu

J'ai reçu le roman de DOA «Pukhtu Primo», dans le cadre d'une masse critique en prévision de la rencontre avec l'auteur au siège des éditions Gallimard.

Je ne connaissais pas DOA, et en déballant de son enveloppe à bulles ce pavé de 658 pages, sans compter les annexes, j'avoue avoir eu une réaction mitigée du genre « il va falloir que je m'infuse toutes ces pages !».

En écrivant ces lignes, je ris de ma réaction, je suis triste d'être arrivé à la fin de ce roman, lu d'une seule traite, d'avoir cessé de vivre avec ses personnages, d'avoir quitté les montagnes afghanes et pakistanaises et attend maintenant, avec impatience, le 8 octobre 2015 date prévisionnelle de sortie de «Pukhtu Secundo», la suite de «Pukhtu Primo».

Doa a bien fait les choses, Primo se termine sur une accélération des événements et sa fin nous laisse haletant, désireux de voir comment les différents personnages, notamment ceux qui se retrouvent en situation inconfortable, vont s'en sortir.

Mais revenons au début de «Primo». Nous avons à faire à un auteur consciencieux qui ne laisse pas son lecteur en rade.

Avant de partir pour ce long récit, un prologue et des cartes associées, nous préparent à la randonnée, (un peu comme un guide de montagne vérifie l'état des sacs à dos - pain pour lutter contre l'hypoglycémie, eau en quantité suffisante, polaires, vêtements de pluie, chaussures, compeed pour soigner les ampoules, gants etc...), et Doa nous incite à lire les annexes, pour :

nous familiariser avec les acronymes (anonymes ?) des forces en présences (militaires, civiles, ONG, forces gouvernementales, armées, rebelles, clans etc...),

mieux connaitre les différentes versions des armes utilisées (les nombreux types de Kalachnikov, acronyme AK et toutes ses désinences, les calibres, les lances-roquettes, les drones etc...)

bien nous faire connaître les personnages et les relier à un pays, une organisation, un parcours personnel.

Ces annexes sont une aide précieuse, non pas qu'il faille sans arrêt les consulter pendant la lecture, mais comme assistance permanente, en ligne, indispensable avant la lecture et le cas échéant pendant la lecture.

L'action se déroule en Afghanistan et au Pakistan essentiellement pendant l'année 2008, le contexte de l'après 11 septembre 2001, la chute du premier gouvernement des Talibans, (celui du Mollah Omar), la mise en place du gouvernement Karzaï, la permanence de la force d'intervention de la coalition et la reprise des attentats des moudjahidines depuis leurs bases arrières au Pakistan.

Pour la compréhension du contexte on trouve de nombreuses références à la situation de ces pays au XIXème et au XXème siècle, partition des zones tribales, entre l'Afghanistan et le Pakistan au mépris des réalités ethniques, par les Britanniques (Ligne Durand), position à géométrie variable des USA qui pour lutter contre l'impérialisme soviétique ont armés des clans qui rejoindront les Talibans, puis après l'invasion du pays par la coalition sont confrontés à leur incapacité à comprendre la complexité des données ethniques, la culture des clans et leur code d'honneur.

Le roman parle de la guerre, pas n'importe quelle guerre, une guerre où se mêle le bizness : « le bizness dans la guerre solution à la guerre. » :

Avec tous les aléas de l'acceptation de ce bizness par les populations locales : « L'homme semble d'un âge proche de ceux qui les entourent et a sans doute été confronté aux mêmes choix, la guerre pour Dieu et l'honneur d'une mort debout, ou la peur et la lente agonie de la misère. Ou la honte du pain de l'ennemi. »

Avec les incertitudes sur la destination finale des aides au développement : « Enveloppes, sacs plastiques, mallettes, inutile de faire un dessin, tout le monde se sert.»

«La guerre d'ici est une guerre de pauvres. Elle emmerde la gouvernement des Etats Unis, qui les a pourtant envoyés dans cet enfer. Et aussi les soi-disants alliés de l'OTAN, dont les troufions ont interdiction de se battre.»



Cette guerre comme le dit à juste titre Doa, est la conséquence de : « l'aveuglement sur son modus operandi d'un système désormais en roue libre, la disparition de toutes forme d'honorabilité en faveur du fric et le traumatisme d'un 11-Septembre autorisant les réactions expéditives sont autant de conditions ayant permis, en Amérique, l'élan de privatisation de la chose militaire sans précédent constaté à l'occasion des invasions de l'Afghanistan et de l'Irak.»

C'est sur ce substrat de guerre nouvelle que se déroule Pukhtu Primo.

Mais, comme dans tous les bon romans, si le contexte est important, l'intérêt du récit se trouve dans les personnages. Une galerie hallucinante de personnages gérant au mieux leurs priorités personnelles dans des situations souvent inextricables, avec la mort comme récompense.

Le récit fait bien ressortir les différences de culture entre des soldats qui viennent en Afghanistan pour des raisons d'opportunités et les combattant pachtounes ou talibans :

«...et ce n'est pas nécessairement un ardent patriotisme ou une volonté de venger la lâche agression terroriste du 11 septembre 2001 qui a amené la plupart de ces recrues ici. Pour beaucoup, c'est un premier déploiement. Endosser l'uniforme a été une façon d'obtenir la nationalité américaine, ou payer ses études, ou de nourrir sa famille. Ou simplement de se sortir d'une situation difficile. Néanmoins, Fox le voit aux visages, aux regards, pour la quasi-totalité d'entre eux, le drapeau flottant au-dessus du tarmac a finit par devenir un symbole assez fort pour penser au-delà de soi et se battre pour autre chose que soi et peut-être en crever.»

La qualité essentielle du roman, est qu'il ne sombre ni dans le «complotisme», ni dans la complaisance, ni dans le cliché, ni dans le manichéisme. Pukhtu est «l'anti-breaking news», il fuit le sensationnel et la mousse, chaque situation chaque personnage chaque action est décrite en nous donnant un choix impressionnant de clefs de lecture.

On entre dans le récit par un coup de poing qui assomme. La description de l'attentat du14 janvier 2008 contre l'hôtel Serena de Kaboul, et, comme l'assistante du Ministre norvégien des affaires étrangères, nous sommes plongés dans l'horreur avec nos a priori d'occidentaux, incapables de nous extirper de cette horreur qui remet en cause notre vie insouciante et notre confort économique.

Aussitôt après cet attentat, nous voilà partis pour la Chine, près de Shenzhen, toujours en janvier 2008. La production d'une usine de produits chimiques est embarquée à destination de «Jebel Ali le principal port du golfe persique». Mais une tonne de ce produit, de l'anhydride acétique, est détournée sur le quai et poursuivra un périple particulier jusqu'au Pakistan via l'Inde et continuera jusqu'en Afghanistan. Ce convoi clandestin va concerner la plupart des personnages du roman et reviendra se rappeler à nous de façon récurrente.

Peu à peu on assimile cette nouvelle logique de guerre où : « Pour les hérauts du capitalisme, l'enjeu commercial premier n'a jamais été la captation des richesses du pays, mais la guerre elle même, source d'immenses profits.»...Un grand nombre d'opérations ne font plus partie du pouvoir régalien des états et de leur armée, «tout cela n'est plus du ressort de l'armée, mais de celui de boites privées ; elles se livrent un combat sans merci, afin d'obtenir leur part d'un énorme gâteau qui après six ans de Barnum mortifère, se chiffre déjà à près d'un millier de milliards de dollars.»

C'est dans ce «Barnum» qu'interviennent les héros du roman, ce sont tous des personnages en rupture de quelque chose, société, femmes, passé, voire eux mêmes, mais ils ont des projets plein la tête pour un après guerre qui se défile au fur et à mesure qu'ils avancent vers lui : Gareth Sassaman dit Voodo et ses collègues de l'organisation 6N, Tiny, Ghost et Wild Bill, avec lesquels Fox, alias Majid Anthony Wilson Jr, tente de communiquer malgré son passé de français musulman, fils de harki, «récupéré» par la CIA.

Eux ce sont des combattants, des mercenaires, qui se frottent aux réalités de l'infiltration, dont le boulot est d'aller sur place, vérifier de visu que les cibles des drones sont bien au rendez-vous, un boulot hyper dangereux qu'ils adorent, pour lequel ils sont bien payés, et dont ils pensent qu'il les autorise à faire un peu de gratte, via la culture du pavot...leurs priorités personnelles ne sont pas stratégiques, mais ils ne sont pas forcément cyniques, ils font leur métier en professionnels, soucieux de réussir :

« Les nouveaux mouchards sont efficaces, notre embryon de réseau s'est bien démerdé et sinon, je ne crois pas au renseignement à coups de missiles.»

«Il y a plein de mecs qui se font un max de blé entre l'Irak et ici sans jamais être allés au front. Beaucoup plus que toi, moi et les autres.»

« C'est mieux payé. « « Faut raquer les traites de la baraque.»

« Ghost fait partie de ceux-là et il résiste de plus en plus mal. Et seulement à grand renfort d'expédients. »

Mais ils sont rattrapés par la patrouille : « Pourquoi ça part en couilles maintenant putain ? Une grosse année, il a encore besoin d'une grosse année. Pas question que des connards, journalistes, camé», colonel de merde ou planqué affairiste, lui niquent sa retraite.»

Peter Dang un journaliste en mal de scoop pour compenser ses échecs personnels croise la route du sergent Canarelli,un soldat honnête qui à la suite d'une machination se trouve le nez sur le trafic de Fox et de ses petits camarades.

Dès lors, ils se battent sur plusieurs fronts :

«Les politiciens nous ont muselés par tous les moyens pendant vingt ans et ils nous l'ont mis bien profond après New York. Pointer notre incompétence du doigt leur éviterait d'avoir à admettre leur manque de couilles passé. Et ils sont en train de recommencer»

Les shabnameh, ces lettres d'avertissement des talibans aux populations locales rendent de plus en plus difficile le recrutement de pachtounes pro-américains, elles mettent en garde «...tout ceux qui travaillent avec ou sont au service de l'armée croisée...»

«..chaque nouvelle victime collatérale ne fait que renforcer le sentiment anti-américain.»

La description des opérations menées est toujours palpitante, on les vit avec les combattants, Doa nous les montre dans la nuit, cherchant leur chemin dans un relief hostile et complice, suant leur sang, de peur, de froid, risquant leurs vies à chaque minutes pour faciliter le travail de drones contrôlés par des pilotes qui sont confortablement installés au chaud : Kristen Robertson et Naomi Wright papotent en attendant le signal pour tirer, « Nouvelle photo ? fais voir. » «Aussi beau que son père.» «pour elle cette nuit c'était Mocha Frappuccino.» «A la hauteur du regard de Naomi et Kristen, un paysage apparait avec, en fine surimpression blanche .....des échelles latérales agrémentées de curseurs....pour les renseigner sur l'orientation géographique générale et le cap suivi.»

Dao joue sans arrêt sur l'opposition entre la position inconfortable des combattants sur place et la technologie avancée dont ils sont la prothèse indispensable.

De même on est toujours surpris par la froideur et la terminologie laconique des rapports d'opérations, qui se contentent d'enregistrer le lieu, l'heure, le nombre de blessés ou de tués, les armes et les forces engagées, sans témoigner de l'énergie dépensées par les combattants, et les séquelles de toutes sortes qu'ils conserveront de la répétition des ces opérations à haut risque.

Le personnage le plus attachant du roman, n'ayons pas peur des mots, est Sher Ali, le combattant pachtoune. Très jeune, il s'est illustré contre les soviétiques et y a gagné ses galons en tuant un officier russe, «Ce grand russe si blond était le dernier survivant d'un bunker et refusait de capituler....Pourtant, il fut incapable de tuer ce gamin surgi de nulle part et brandissant une kalachnikov trop grande pour lui.». «La fameuse embuscade » fait sa gloire encore aujourd'hui.

Il est un vrai chef de clan un Khan, Sher Khan, le roi lion, il y a du commandant Massoud derrière ce personnage, il est musulman mais considère sa fille Badraï comme celui de ses enfants qui mérite le plus son attention, en cela il surprend et étonne ses combattants, « Nos femmes sont là pour faire du pain et des enfants, rien d'autre. Ce sont des vaches dans leur étable.» et aussi son propre fils Adil : «Pourtant son père n'est pas avec lui, fier de lui. Il a préféré partir marcher dans la montagne en compagnie de Badraï. Que font-ils là haut ensemble, il se le demande.»

Sher Khan est un combattant, intègre, qui croit en l'honneur de la guerre. Il méprise les méthodes de combat indignes des croisés (les américains) : « Sher Ali se tient près de l'Américain aux longs cheveux. Il l'a vu s'immobiliser et refuser de s'en prendre à son jeune guerrier. Ce sont des lâches, ils préfèrent laisser leurs machines assassiner les enfants pour eux. » ; mais aussi celles des Talibans : « Sher Ali se crispe, le recours aux kamikazes lui déplait. C'est pour lui une fin indigne d'un guerrier et il l'a exposé clairement à l'occasion de la réunion secrète de Khost. Il n'a pas été entendu.»

L'homme intègre va être rattrapé par le conflit, une attaque de drones tue ses deux enfants, pour se venger de ce meurtre, il épouse, en connaissance de cause, la cause des talibans, acceptant de se lier à eux : « Sher Ali brise le silence après une éternité de secondes. « Si vous êtes mes alliés, je serai le votre.»

La réplique de Tajmir ne tarde pas. « Nous sommes tes alliés.

Alors mon territoire vous appartient. Et ma parole vaut beaucoup mieux que celle de beaucoup d'autres. »

Je laisserai la conclusion à cette phrase échangée entre Voodo et Ghost :

«Ils tuent des gens, on tue des gens. On lutte pour le bien, eux contre le mal.»

Vivement le 8 octobre 2015 !


Lien : http://desecrits.blog.lemond..
Commenter  J’apprécie          7029
Pukhtu

Quels liens y a-t-il entre un français musulman d'origine Harki qui s'est retrouvé à travailler pour la CIA, un mercenaire à qui il faut encore un an à transbahuter de la drogue avant de pouvoir passer sa retraite au soleil, un journaliste qui veut percer et rencontre un militaire malmené par ledit mercenaire et sa clique, un chef de clan patchoune qui se fait appeler Sher Khan depuis que ses enfants sont morts suite à l'attaque d'un drone américain, et tant d'autres personnages dont on partage, au fil de 700 pages, les histoires passées et actuelles ?

La route de toutes ces personnes sont en lien, plus ou moins direct, avec le Pakistan de 2008, ses évènements, ses combattants, ses terroristes, ses trafiquants en tout genre, ses populations d'ethnies différentes, et ses frontières floues avec d'autres pays.

La première chose que l'on peut dire de Pukhtu, c'est que c'est un livre foisonnant, tant en terme d'intrigues, de personnages, de situations, de lieux... A tel point qu'il est parfois compliqué de se rappeler qui est qui ou qui a fait quoi. Heureusement, le glossaire présenté en fin d'ouvrage permet de resituer les personnages récurrents, en plus de décrire les abréviations dont est truffé le récit.

Pour moi, le tour de force de DOA est d'arriver à présenter à quelqu'un qui n'y connait rien une vision claire de la géopolitique de cette zone sensible et instable, à faire "avaler" tout un tas de combats menés avec du matériel militaire au nom barbare sans ennui, et surtout, sans me laisser sur le carreau, au détour d'une attaque de drone ou d'une action éclair ! Les liens entre le trafic de drogue qui finance les combats, et les actions armées qui permettent son existence, sont particulièrement bien explicités. Les personnages que l'on croise sont avant tout humains, et l'on se surprend à compatir vis-à-vis de Sher Khan ou de Ghost. Dans ce coin perdu de vue par Dieu (quel qu'il soit), la violence est omniprésente, et le récit compte un certain nombre de scènes de torture, viol, décapitation, etc... ultra réalistes. Même si l'écriture descriptive et factuelle de l'auteur permet de prendre une certaine distance avec les évènements relatés, mieux vaut avoir l'estomac bien accroché !

Le récit alterne les évènements arrivant aux différents personnages, des articles de journaux et des rapports sur l'efficacité des actions menées. Cette redondance de mêmes fait nuit parfois, à mon avis, au rythme de l'intrigue.

Je ressors de ces 650 pages avec un gout amer dans la bouche. Le constat est pessimiste et peut, à mon avis, être généralisé à tous les sales guerres de ce type. Le vrai problème, c'est que personne n'a intérêt à ce que cessent ces situations ambiguës. Une fois qu'on a dit ça, difficile de rajouter autre chose. Chacun essaie de s'en mettre le plus dans les poches tout en conservant sa vie, et les idéaux sont foulés aux pieds des attaques aveugles qui ciblent aussi bien de grands bonnets terroristes que des "civils" dont ils s'entourent. Dans ce contexte, que ce soit par intérêt, par pouvoir, pour l'argent, pour la religion, pour l'idéologie, sous la contrainte, bref, quel qu'en soit le motif, chacun est amené à prendre un fusil et à se battre. Et j'ai beau être utopiste, je ne vois pas le bout de la queue d'une solution qui pourrait y mettre un terme !

Pukhtu est un livre ambitieux, exigeant mais abordable par tout lecteur dont "l'âme n'est pas trop sensible", et ça, ce n'est pas un mince exploit. Après, reste à savoir si le mystérieux DOA est très documenté ou très imaginatif ! (Moi, je pense qu'il est les deux...).

Je remercie Babelio et les éditions Gallimard de cette découverte, et m'excuse pour le retard de ma critique...
Commenter  J’apprécie          572
Pukhtu

Un thriller dans son expression la plus vive. Un roman d'une extrême complexité, terrifiant, atroce, révoltant, désespérant... mais absolument passionnant. Pukhtu (*) est un tableau hyperréaliste de péripéties dramatiques s'enchaînant en 2008 au coeur de la guerre d'Afghanistan menée contre les Talibans.



La complexité des intrigues est inouïe. Elles mettent en scène une multitude de personnages de toutes origines, aux patronymes – ou noms de code – difficiles à mémoriser. Pour ceux qui ne veulent pas comprendre : d'un côté « les croisés », de l'autre « les insurgés »... Mais c'est bien plus compliqué que cela. Dans la coalition des Américains et de leurs alliés, chacun dépend d'organismes militaires, paramilitaires, civils, secrets ou officiels, tous plus ou moins rivaux et antagonistes. Chez les autochtones, il y a les Talibans et des populations partagées en un écheveau inextricable de nationalités, d'ethnies, de tribus, de clans, de pratiques religieuses. En arrière-plan, infiltrés de part et d'autre, des réseaux de trafics et de corruption dont les ramifications s'étendent jusqu'aux quatre coins du monde.



Une guerre polymorphe où les motivations des uns et des autres sont diverses, changeantes, parfois surprenantes : défense d'une cause, allégeance identitaire, fanatisme religieux, culte de l'honneur, sens de la discipline, goût de l'aventure, vénalité, préservation de sa sécurité personnelle... Les affinités et les alliances basculent d'un jour à l'autre.



La complexité est parfaitement maîtrisée par l'auteur, dans un ensemble très documenté et d'une grande cohérence. L'ouvrage est toutefois difficile à suivre pour le lecteur. Tout au long des huit cents pages, il faut s'accrocher pour ne pas perdre le fil. le recours au glossaire final est utile mais pas suffisant ; pour ma part, j'ai utilisé à plein les possibilités de recherche en arrière de ma liseuse.



Le récit est terrifiant, car là-bas, nul – homme, femme, enfant – n'est certain d'être vivant ou indemne le lendemain. La menace est partout, pour tous, à chaque instant. Combattant ou neutre, chacun doit affronter la violence de l'autre, absolue, mortifère, sans merci. Comment vivre avec la probabilité de faire partie un jour ou l'autre des dommages collatéraux d'un acte aveugle, attentat suicide ou bombardement d'un drone ?



Des passages atroces, des scènes insoutenables. Aucun détail réaliste n'est épargné des ravages causés par les lames, les fusils mitrailleurs, les explosifs, les bombes.



Des développements révoltants, du fait des ignominies commises au nom d'Allah, mais aussi parce que des prétextes nobles et humanistes, pour lesquels certains déclarent combattre, masquent des intérêts financiers fondés sur des trafics de drogue et d'armes à une échelle invraisemblable.



Désespérant, le dédain des meneurs islamistes pour les jeunes imbéciles candidats à la mort en kamikazes. Désespérant, l'enfermement des occidentaux dans leur certitude naïve d'être les sauveurs de la civilisation. Désespérante, la corruption, véritable cancer généralisé. Désespérante, la haine qui, dans chaque camp, se nourrit de la peur et de la paranoïa.



Passionnant, Pukhtu m'a tenu en haleine de bout en bout. Les événements, très réalistes, sont narrés comme de véritables chroniques de guerre. L'auteur sait maîtriser ses effets. le détail de chaque péripétie est dévoilé graduellement, comme une mosaïque d'écrans qui s'allumeraient l'un après l'autre, démasquant chacun une partie de l'image, jusqu'à en pouvoir saisir toute la signification.



Le développement romanesque s'appuie sur le parcours de quelques personnages. Un contrebandier, chef de clan patchoune, devenu un moudjahidine acharné après un bombardement tragique pour les siens. Un paramilitaire de la coalition, français fils de harki, en rupture de ban et tenu par la CIA, tourmenté par les notions du Bien et du Mal. Un journaliste canadien sur la piste d'un immense trafic impliquant des officiers américains et des dirigeants occidentaux.



J'ai souvent dit qu'un livre qu'on aime est un livre dont on regrette qu'il se termine. En l'occurrence, mon regret à été proche de la frustration, car Pukhtu – en fait Pukhtu primo – s'achève sans réelle conclusion. Il me faut attendre la suite, Pukhtu secondo, pour aller au bout des aventures des trois personnages que je viens d'évoquer. Et en savoir plus sur d'autres, des Français, dont deux jeunes femmes très sexy et sur une mauvaise pente. Ces Français, semble-t-il présents dans des romans précédents de l'auteur, pourraient être impliqués dans les trafics...



Pukhtu primo, formidable chronique romanesque qui peut quasiment se suffire à elle-même, est aussi l'élément central d'une vaste fresque regroupant plusieurs ouvrages. Mais n'ayons pas trop d'illusions sur la fin. Ce n'est pas sans raison que l'auteur, qui préserve son anonymat, à choisi comme pseudonyme DOA, pour Death On Arrival.



(*) Pukhtu est un être mythologique, père spirituel du peuple patchoune, établi en Afghanistan et au Pakistan.
Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
Commenter  J’apprécie          531
Pukhtu Secundo

J'ai repris ,après deux ans ou presque, mon kefieh, mes patous, mes rangers - pas ma kalash' quand même, faut pas pousser grand'mère!- ..et mis mes pas dans ceux d'une ménagerie un peu oubliée: un Lynx, un Renard- ou un Fennec?- , un Lion...



Pukhtu, le retour...



Ben, le début n'a pas été facile, j'avoue...



Bouquin de mecs, râlais-je entre mes dents-, marre de tous ces acronymes- et de ces aller-retour fréquents au lexique-, de toutes ces armes, de toute cette violence- ma petite vieille, l'Afgha' , si c'était une destination de club med', ça se saurait!!- marre aussi dans les deux cents premières pages, de tous ces "trucs" de scénariste: et je te coupe la chique au pire moment, et je te zappe le pire moment, et je te catapulte juste après le pire moment , à toi de faire le raccord, c'est le règne du jump cut!-, ou alors ,flash back, je te le raconte après, - bref, marre de tous ces atermoiements qui ,loin de me remettre dans l'ambiance si bien campée dans Pukhtu Primo, me noient le poisson, me font mijoter, puis bouillir-moi, pas le poisson.



Donc premier tiers difficile, magie brisée, pas envie de continuer mais voilà que surgit Roni, alias Lynx, et qu'on change de décor- petit saut au Mozambique...Et là tout le charme félin du récit m'a reprise! J'étais même d'accord pour retourner, après, crapahuter dans les zones tribales!



Le reste je l'ai avalé d'un trait, et je vous renvoie à la magnifique critique d'Archie!



Mon petit bémol perso: pourquoi les quelques femmes de ce long thriller bourré de testostérone, sont -elles toutes des victimes, et ne se retrouvent-elles que, au choix, dans des personnages de putes, de droguées, de mémères possessives ou d' idiotes?



Même Amel, la belle journaliste, qui réussit le tour de force de mobiliser les énergies et les attentions d'un journaliste, d'un photographe, d'un policier, de deux tueurs professionnels et d'un vieux chef de tribu afghan- permettant ainsi de nouer autour de sa petite personne les fils épars d'une narration explosée géographiquement- , même Amel donc est une irresponsable, qui se jette tête baissée dans les emmerdes en y entraînant les autres...



Livre de mecs, jusqu'au bout, jusque dans une certaine misogynie primaire?



Ou alors serait-ce que les vieux clichés de la belle en détresse et des sauveurs intrépides restent les meilleures ficelles pour tendre un suspense?



Voilà, j'ai marché, j'ai même couru, mais pour ces deux cents premières pages et ces rôles féminins piteux, je ne mets que trois étoiles et demi.



Commenter  J’apprécie          5115
L'honorable société

Voilà un polar français de belle facture. Il faut dire qu'ils s'y sont mis à quatre mains, les nominés sont Dominique Manotti et Doa. On y trouve pêle-mêle des écolos terroristes, une élection présidentielle, des flics sur les dents (certains sur les rotules) après le meurtre de l'un des leur, un père qui revient à ces premiers amours, pour retrouver sa fille. Ajoutez-y une pincée de politiques véreux, de chefs d'entreprises du CAC imbuvables de policiers ripoux (pour ces trois catégories rayez les mentions inutiles).Et vous voilà aux mains d'un bolide qui tient plutôt bien la route. Des personnages détestables, d'autres border line, des évènements qui s'enchainent sur un bon tempo. Certes, les auteurs cèdent parfois à la facilité, aux raccourcis téléphonés. Mais le roman montre la collusion entre politique, médias et différents services de l'état.

Ce n'est guère réjouissant et apporte un semblant de réponse à la défiance des français envers nos institutions? comme on dit dans ces cas-là, toute ressemblance avec des personnes ... Un bon moment de lecture.
Commenter  J’apprécie          510
Citoyens clandestins

C’est un auteur que je voulais découvrir depuis un certain temps. Je ne sais plus comment je me suis procuré ce roman...

Mais je n’avais pas lu la quatrième de couverture. J’avais seulement distingué le nom de l’auteur, rien de plus.

Donc je fus surprise de découvrir que c‘était un livre d’espionnage… Et je suis d’autant plus surprise de m’apercevoir que plus j’en lis plus j’aime ça…

J’ai adoré les trois personnages principaux, même si j’ai une petite préférence pour le lynx… j’ai aimé son côté froid, déterminé et toujours sous contrôle…

Un récit qui vous fait gambergé et qui vous fait douter sur ce qui est vrai et ce qui est caché par le gouvernement (même si je n’en doute pas vraiment… tant de chose nous sont dissimulés!).



Un auteur à suivre… et encore un !



Bonne lecture !



CHALLENGE MULTI-DEFIS 2024

CHALLENGE PAVES 2024
Commenter  J’apprécie          461
Citoyens clandestins

Un roman français qui mèle habilement polar, espionnage, manipulations et enjeux politiques c'est pas tous les jours. Et DOA (pour Death on arrival) avec ce "citoyens clandestins" y parvient haut la main. En situant son action au début du troisième millénaire, DOA choisit une période ou paranoia et peur primale secouent sérieusement l'Occident. La grande force du récit vient du fait que DOA s'appuie sur des évèvements réels pour nous concocté une fiction à la fois complexe, brillante et un brin flippante. Cette plongée dans les arcanes du pouvoir et ces luttes intestines est formidablement décrite. A travers plusieurs personnages centraux, DOA ajoute une galerie de portraits à la fois saisissante et complexe. L'écriture de DOA est précise, concise laissant peu de plages au lecteur pour souffler. La peur terroriste, les secrets d'états, les tensions entre services, l'infiltration d'agents dans les milieux jihadiste, les décisions arbitraires en sous-main, les trahisons sont au coeur du roman. Et force est de constater que ce gros pavé de plus de 700 pages nous tiens sacrément en haleine. Seul petit bémol à mon sens, le manque d'empathie pour certains des personnages. Un roman noir, saisissant de réalisme. Belle découverte.
Commenter  J’apprécie          460
Le serpent aux mille coupures

"Ecoute les orgues, elles jouent pour toi, il est terrible cet air-là." susurrait Gainsbourg dans "Le Pacha", et les percussions nerveuses et entêtantes de la chanson s'accordent à la perfection avec ce polar.

Dans certains coins reculés du Tarn-et-Garonne, au XXIe siècle, mieux vaut être du païs pour reprendre une ferme. Et surtout pas noir, ni avoir épousé la fille Dupressoir et hérité de l'exploitation familiale. C'est pourtant le cas d'Omar Petit, et ça lui vaut d'être harcelé depuis deux ans par les culs-terreux locaux. Et comme si ça ne suffisait pas, voilà que des narcotrafiquants sont tués près de chez lui, et qu'un mystérieux motard prend sa famille en otage ; mais que fait la gendarmerie ?



Sans être la suite directe de "Citoyens clandestins", il y a un lien entre ce roman et le précédent (au lecteur de le deviner !). Surtout, on retrouve la même ambiance oppressante -en pire, en raison du huis clos et du Mal absolu qui se répand entre les pages. Cette histoire m'a franchement mise mal à l'aise, et j'avais hâte d'arriver à la fin pour m'en délivrer -mais quelle virtuosité éblouissante aussi ! DOA place ses personnages sur le fil du rasoir et joue avec nos nerfs avec son atmosphère très noire, façon polar français "viril" des années '70, où les haines se déchainent dans une campagne hivernale et hostile. J'ai pensé à Manchette, et aussi à des films comme "La horse". Toutefois, certaines scènes sont très violentes et m'ont soulevé le coeur, mais elles accentuent un réalisme qui rend l'histoire encore plus angoissante.

Sur fond de racisme, de médiocrité et de mondialisation (!), DOA nous offre donc un thriller rural auquel j'ai complètement adhéré. Dès les premières pages, il nous saisit à la gorge pour ne plus nous lâcher. La faute à cette ambiance pesante, aux personnages bien campés, à la double intrigue, aux questions sans réponses, à l'étrange sens de l'éthique qui nimbe le récit, et surtout au style sec et nerveux qui nous prend aux tripes.

Ramassé en 230 pages seulement, je l'ai préféré à l'épais "Citoyens clandestins" que j'avais pourtant adoré.



Toutes les qualités du roman noir sont donc réunies, et voilà qui confirme tout le bien que je pense de DOA, dont je suis impatiente de poursuivre la découverte ; on ne lâche pas un auteur pareil !
Commenter  J’apprécie          4414
Pukhtu Secundo

Drôle de guerre. Un drone de combat Predator traverse le ciel afghan dans un bruissement, localise sa cible et la bombarde. Bilan : une douzaine de morts parmi lesquels on peine à distinguer les cibles - des combattants étrangers - des civils. Les Talibans répliquent. Un convoi de l'ISAF est attaqué par un engin explosif et un attentat suicide est perpétré en plein coeur de Kaboul. Les médias occidentaux diffuseront des images de la frappe aérienne et des ravages de l'attaque kamikaze. Et pour ce qui est de la compréhension de ces événements, et bien c'est facile, il y a les bons, nous, et les méchants, eux, et attention, demain, il va pleuvoir sur la moitié nord.



Pukhtu nous éclaire sur les guerres intestines qui couvent sous le conflit médiatisé. C'est l'histoire d'un père qui rejoint les rangs des Talibans non pas par fondamentalisme religieux mais pour venger la mort de ses enfants. C'est celle d'un ancien agent qui va sortir de sa planque pour assouvir lui aussi une vengeance. C'est un groupe paramilitaire qui agit dans l'ombre pour assurer des missions de renseignement mais aussi… convoyer de la drogue. C'est un responsable français de l'espionnage qui navigue en eaux troubles. Ce sont des journalistes qui enquêtent sur les méandres de ces organisations clandestines en France et à l'étranger… C'est un tableau de la guerre sale, du Renseignement trouble, loin des grands principes, faite de petits calculs et de grandes machinations, de coups foireux et de barbouzerie, de violences et de cupidité. Comme l'écrit l'auteur, tout ça est le ""résultat de la nullité égoïste et veule du plus grand nombre, et de la malhonnêteté sans limites d’une minorité carnassière uniquement désireuse de s’accaparer les restes du festin.""



J'avais apprécié le premier tome de Pukhtu. Il m'a fallu une dizaine de pages pour me remettre dans l'histoire et j'ai été tout de suite emporté par l'efficacité du récit. le roman est complet sans être complexe, à la fois documenté et parfaitement scénarisé. Kosovo, Waziristan du Nord, Mozambique... Vous allez voyager vers des destinations surprenantes à bord d‘un l'Iliouchine ou d'un porte-conteneurs. Il ne faut pas se laisser impressionner par l'aspect massif du livre et par le nombre de personnages ou d'intrigues. Le récit est fluide, l'écriture nerveuse et sa lecture est passionnante. 1300 pages au cours desquelles l'intrigue ne faiblit jamais. Un roman captivant.



Merci à Babelio et aux éditions Gallimard pour cette lecture et pour la rencontre organisée le 9 novembre.

Commenter  J’apprécie          440
Pukhtu

Une petite virée touristique de 650 pages en Afghanistan avec DOA comme « fixer » :je viens de passer un week end pascal bien dépaysant !



Enfin quand je dis virée touristique…je me comprends : depuis quelques jours les FATA -zones tribales-, les talebs et les moudges, les chefs de clan – Haqqani et Zadran- les services secrets ISI - Pakistan- , ISA - armée de terre US -, et autres CIA , n'ont plus de secrets pour moi..



Je peux aussi vous en remontrer en matière d'armes : la kalache, c'est le BA-BA pour les nuls, que dites-vous des AK47, AKM, AKMS : autrement plus bichant et plus précis, non ? Sans parler des AGM-114Hellfire ou des Airbust qui vous éparpillent un terroriste, un moudjahiddine, un taliban ou un G.I. façon puzzle –pas trop regardants sur la personne à éparpiller, ils tuent très salement de toute façon.



Mais qu'est-ce qui m'arrive, à moi qui , il n'y a pas trois jours, vous parlait poésie, métaphores et allitérations ? C'est simple, je viens de finir, au grand galop, en enchaînant séquences haletantes et guets-apens- frissons, la dernière brique de DOA. Si passionnée que je fusse, je dois quand même confesser que le lexique de fin de volume m' a bien aidée dans tous ces sigles guerriers et top secrets, et que mon meilleur ami a été…mon crayon HB pour prendre au vol quelques notes utiles !



Mais revenons à nos moutons afghans.



Sher Ali Zadran , un contrebandier pachtoune, chef de clan et père de famille, se voit brutalement privé de la joie de ses vieux jours :Adil, son fils aîné et surtout, Badraï, sa cadette adorée aux yeux verts, meurent dans la frappe « ciblée » d'un drone US visant un leader d'Al-Quaeda, provoquant son ire et sa/son ( ?) BADAL (vengeance, dans le code pachtoune). le dit chef de clan perd un oeil dans la bagarre mais y gagne le surnom guerrier de Shere Khan. Là les enfants peuvent suivre : Kipling, Disney, le Roi Lion.. folklore connu. Sans plus barguigner il s'enrôle dans la mouvance des talebs (un taliban, des talebs, non mais !), perd son indépendance et gagne une réputation de cruauté redoutable.



Ses pires ennemis deviennent les USA, et en particulier la responsable directe du meurtre de ses enfants, une petite unité de combat faite de mercenaires en civils, des durs à cuire, des tatoués, dont les noms de code –Voodoo, Ghost, Rider, Data, Tiny et Fox – camouflent à peine le passé douteux, de même que des sociétés-écrans aux noms étranges : Longhouse, Oneida, et surtout 6N masquent celui de la CIA. Mais peut-être ce commando de tueurs a-t-il aussi quelque chose à cacher à la CIA elle-même ?… Nous sommes en Afghanistan, plaque tournante du Brown Sugar, les Russes sont partis, mais le trafic de dope alimente celui des armes, et réciproquement…l'argent sale circule dans les cantines militaires, se blanchit à Dubaï, passe par le Kosovo, grand fournisseur d'armes, revient dans les poches des fonctionnaires véreux pakistanais, afghans, des sociétés bidons franco-ivoiriennes qui se sucrent au passage…et quelquefois dans les poches des gilets de combat US !



Dans ce bourbier -pour rester polie- difficile de ne pas se salir les mains. Alors, quand on veut les garder propres, attention les yeux !



Peter Dang, un journaliste canadien d'origine viet' observe et fouine, flaire un énorme scoop, un scandale à côté duquel l'Iran-Gate serait une sorte de pipi de shah ( oh, elle m'a échappé, celle-là, je ne le ferai plus, promis !). Il se met en danger.



Fox, un des mercenaires, joue double-jeu auprès du boeuf-carotte de la CIA, mais a lui aussi une sorte de code d'honneur qui l'empêche de « donner » ses petits camarades en eau trouble : il se met dangereusement en porte-à-faux…



Périlleuse aussi la position d'Amel, belle journaliste beurette qui a assez de matière pour faire tomber un des affreux du renseignement français-le plus gratiné salopard du bouquin qui pourtant n'en manque pas. Elle hésite, au bord du gouffre…



Pathétique aussi le danger –moral cette fois- auquel s'expose notre Shere Khan borgne, à l'origine de toute cette vendetta à la mode afghane , et qui s'y jette à corps perdu…Il perçoit clairement qu'en exécutant sa « badal » il perd son humanité, valeur pachtoune aussi sacrée que celles du « ghairat » et de l' « izzat ».



Un des autres charmes de ce big thriller, scénarisé comme la dernière saison de Homeland, à laquelle j'ai souvent pensé,- les personnages de Pukhtu se poudrent le nez aussi souvent que Carrie, la bi-polaire de Homeland…- c'est de se passer dans un tempo politique passionnant : juste avant l'élection de Barack Obama, à la fin des deux mandats catastrophiques de G.W.Bush, sept ans après le 11 septembre fatidique, et juste après l'élection, en France, d'un certain Sarkozy qui entreprend de fusionner les services de renseignements français avec le succès que l'on sait -guéguerre à tous les étages. le livre réserve même une petite surprise : une description de NKM en bourgeoise tout cuir, très S.M. …Elle n'est pas nommée, mais on la reconnaît très bien…



Bref : complexité de l'intrigue, contexte politique solide et d'une passionnante actualité, documentation fouillée, personnages ultra nombreux mais si bien campés qu'on les reconnaît malgré le foisonnement des péripéties et….grosse frustration finale : ce n'est que le tome « Primo »…Il faudra attendre la parution du Secondo pour trouver les réponses à nos questions, régler le sort inquiétant de nos héros préférés…vous l'avez compris, je vous recommande chaudement cette lecture captivante et dérangeante !



Merci à Babélio et aux Editions Gallimard de m'avoir permis cette équipée sauvage sur les traces du mollah Omar et de son acolyte borgne au pukhtu chatouilleux !



PS: rajouté après la rencontre organisée par Pierre Krause de Babélio :



Un grand merci à DOA en personne, que nous avons eu le plaisir de rencontrer et de questionner, dans un échange dynamique, plein d'humour et aussi d'enseignements: sur la genèse du livre,sur les finalités d'un projet littéraire ambitieux et original,sur les "modèles" voulus ou rêvés de ce type de thriller assez inclassable, entre la fresque politique, le roman de guerre et le roman" noir de noir."..

Commenter  J’apprécie          432
Citoyens clandestins

2001, une odyssée de l'espèce.

Il y a un type surnommé Lynx, très spécial et extrêmement doué, qui se charge des basses tâches pour une société mystérieuse. Il y a un autre type, surnommé Fennec, qui se fait passer pour ce qu'il n'est pas au nom des intérêts supérieurs de la nation. Il y a également une apprentie journaliste (insupportable), un reporter aguerri, des flics, des militaires, des islamistes, des dealers, et tous se croisent sur fond de pulvérisation des Twin Towers, alors qu'une redoutable menace terroriste pèse sur la France, et que personne ne doit le savoir.



Wow. Difficile de résumer cette histoire aux multiples pistes et aux nombreux personnages qui évoluent par-delà le bien et le mal, et en deçà de la légalité. Et pourtant, ce roman touffu et poisseux comme un mauvais rêve, où il est question de rivalités entre services secrets, de terrorisme, d'élection présidentielle, d'infiltrations, ne se lâche pas malgré ses 700 pages très denses.

Bien que ce soit parfois fort violent (à la limite de la nausée), et même si je me suis à plusieurs reprises perdue entre tous ces personnages (dont certains portent différents noms ! ) et égarée dans les diverses intrigues, j'ai finalement beaucoup aimé ce livre. La faute à l'impression de tristesse qui en émane, et à la compassion qu'inspirent ces hommes sans nom, sans histoire, sans existence, des hommes incroyablement forts et formés pour survivre dans les pires conditions, et pourtant reclus dans une immense solitude, l'âme en proie à moult tourments.

J'ai apprécié aussi les quelques réflexions sur cette année 2001 qui marque la fin d'une forme d'innocence, de légèreté qui rendait la vie plus supportable -c'était avant la méfiance généralisée, la téléréalité, le complotisme, l'abrutissement encouragé... Là encore, flotte un discret parfum de mélancolie qui ne tourne jamais à l'aigre, et qui m'a émue.



Au final, ça reste un roman "viril", noir, dur, froid, plein d'espions et de manipulations, et qui malgré quelques maladresses, ne suscite qu'une envie, une fois refermé : vite, lire la suite de ce cycle "clandestin", et poursuivre la découverte de ce type surnommé DOA, qui écrit d'aussi bons polars tordus.
Commenter  J’apprécie          4018
Pukhtu

Un livre-somme, un livre dense mais un livre passionnant.



Petite précision : cette chronique s'appuiera aussi sur les informations récoltées lors de la rencontre avec DOA organisée par l'excellent site Babelio le 5/05/15.



Difficile d'accès au début, presque hermétique, ce n'est pas du fast ou de l'easy reading, il faudra une bonne dose de concentration pour se plonger dedans et s'enivrer de sa richesse. Car ce bouquin est assez phénoménal. Une réussite tant il nous embarque dans son univers âpre.

Même si l'auteur s'en défend, on ressent l'influence d'un Ellroy (trilogie America Underworld) voire d'un Dantec (période Babylon Babies) si on tire la ligne. Lui parle plus volontiers de "Guerre et Paix" de Tolstoï et de Dominique Manotti pour ses références.



Ce livre est une merveille. Riche de mots et d'actions. Pas seulement un livre sur la guerre ou de géopolitique. Plutôt un livre sur l'espèce humaine. Ses démons, ses doutes, ses tourments. Son besoin d'amour. Sa difficulté à trouver paix et sérénité. Quand l'argent et la course au pouvoir ruinent tout sur leur passage. Rien de nouveau bien sûr. Mais quand c'est aussi brillamment expliqué, quand on sent une telle acuité sur le sujet, quand les lignes qui se déroulent alimentent votre imaginaire et votre conscience, on ne peut que plébisciter ce formidable travail de recherche, cette investigation aux limites du journalisme. Et ce réel talent d'écriture.

D'ailleurs on retiendra les atermoiements de l'un des personnages, journaliste de terrain par rapport à l'inutilité de sa mission : à quoi sert-il de rapporter les pires atrocités commises dans le monde puisque personne, citoyen comme politique, ne se soucie de les changer ?



Même si ce livre se déroule principalement en Afghanistan, les conséquences sont worldwide, on suit l'action de personnages secondaires et les répercutions internationales qui en découlent. Car la guerre est un business et le business est bon. Édifiant.



DOA saute d'un personnage à l'autre comme une fuite en avant dans une nuit gorgée de brouillard.

En multipliant les points de vue, l'auteur nous permet d'avoir une vision, un regard, une opinion acérés. Une vraie claque salvatrice au manichéisme.



Les personnages sont nombreux mais fouillés. L'auteur leur a donné corps et vie et beaucoup d'épaisseur. Il n'y a ni bon ni mauvais. Il y a des survivants...



"La guerre est mère de toutes les commémorations mais c'est une mauvaise mère, elle ne respecte rien, ni les grandes idées, ni les hommes, elle les dévore et leur survit. Toujours."



Les personnages féminins sont maltraités. Vous me direz normal c'est l'Afghanistan. Et vous aurez tort car les femmes occidentales sont aussi mal traitées que leurs consœurs orientales dans le livre et dans la "vraie vie". L'auteur a insisté là-dessus lors de la conférence. Nous n'avons pas de leçon à donner sur notre rapport à la femme dans nos pays "civilisés". Il est triste qu'au vingt-et-unième siècle, les choses aient aussi peu changé. On n'ira évidemment pas jusqu'à considérer le livre comme féministe. Il ne l'est pas. Et ce n'est pas le propos. Mais quand le propos est intelligent, il faut le souligner.



DOA réussit le tour de force de nous livrer un roman d'aventure captivant. L'auteur a prévu un diptyque, le second tome encore en cours d'écriture ne sortira que dans un an.

Livre d'action donc mais aussi de réflexions et de questionnements sur l'état du monde. Ce livre à autant de facettes qu'un diamant brut.



Et alors comment se porte la guerre ? Hé bien elle se porte bien et elle vous remercie.



Ps : un grand merci à Babelio et aux Editions Gallimard d'avoir mis entre mes mains ce magnifique ouvrage !
Lien : http://cestcontagieux.com/20..
Commenter  J’apprécie          402
Pukhtu Secundo

Il y a des livres, allez savoir pourquoi, vous ne trouvez pas les mots pour en parler. Vous les avez aimé,  même si leur lecture à pris du temps, mais vous avez peur de vous planter au moment de ressortir votre ressenti. Ce livre en fait parti.

Pukhtu secundo, c'est la suite de Pukhtu primo.

Tu parles d'une info me direz-vous.

Mais bon, il faut le savoir et surtout il ne faut pas commettre la même erreur que moi.

Attendre deux ans entre les deux volumes.

Parce que... Oh la la ! Qu'est-ce que j'ai galéré pour me remettre dans l'action, dans le contexte, et pour m'y retrouver dans tous ces protagonistes.

Il faut dire que le style DOA des deux cents premières pages de ce pavé ne m'a pas aidé.

Il y a énormément de ponctuations qui hachent le récit et puis cette façon de passer d'une situation à une autre, d'un personnage à un autre d'un simple interligne, c'est perturbant, il faut vraiment rester concentré pour ne pas se perdre.

Retour en Afghanistan dans ce second opus, retour à la chasse aux talibans et trafiquants de tous genres.

Pendant qu'en Afghanistan, donc, les drones américains traquent les djihadistes qui eux même traquent les infidèles, en France, Amel, une jeune journaliste cherche à piéger de beaux salopards qui sous couvert de passeports diplomatiques et autres astuces politico-financières s'enrichissent dans des trafics de drogues ou de chairs.

Pukhtu secundo c'est des destins croisés.

Journalistes, mercenaires, policiers, trafiquants, moudjahidins.

Des hommes, des femmes, des enfants.

C'est la guerre. Au terrorisme. Aux trafics.

Une population prise en otage entre des armées occidentales suréquipées et des combattants sanguinaires prêts a tout au nom de principes religieux extrêmes.

Pukhtu secundo, c'est un lion, un lynx et un renard qui chassent.

C'est une journaliste qui va trop loin.

C'est des vies mises en danger.

C'est la peur.

C'est la violence de notre monde.

C'est ce qu'on sait via les medias, c'est aussi ce qui est tû.

C'est le pouvoir de la religion, de l'argent, de la drogue.

C'est ce que l'homme peut faire subir à l'homme, à la femme ou à l'enfant, par cruauté,  par conviction, par vengeance, par désespoir parfois.

Pukhtu c'est deux romans sérieux, qui parlent de ce qui se passe dans notre monde d'aujourd'hui, souvent dans l'indifférence.

Pukhtu secundo c'est aussi une histoire de femmes.

De mères,  d'épouses, de filles, de soeurs.

Des femmes discrètes, battantes, amoureuses, aimées, mais aussi des femmes soumises,  battues, violées, enlevées,  assassinées.

Il ne faut pas être effrayé par l'épaisseur de ces deux volumes, DOA fait ce qu'il faut pour que vous preniez du plaisir à leur lecture.



























Commenter  J’apprécie          391
Pukhtu

"It's a man's man's man's world" chantait James Brown. C'est aussi et surtout un mad world.

Quelque part dans les montagnes glaciales d'Afghanistan, en 2008, un contrebandier pachtoune, également chef de clan, perd sa fille lors d'une attaque de drone piloté par une mère de famille à l'autre bout du monde. Fou de douleur et ivre de vengeance, il multiplie les alliances avec ses ennemis talibans et trafiquants pour retrouver les "croisés" responsables de cette mort. Les "croisés" en question sont les membres d'une agence de sécurité opaque, chargée de missions très spéciales depuis une base américaine : opérations de guerre, trafic d'héroïne, blanchiment d'argent ; des mercenaires au cerveau rongé par la coke et bardés d'armes sophistiquées. Il y a aussi des journalistes trop futés, des flics véreux, des hauts fonctionnaires aux moeurs viles, et tous se guettent, s'espionnent, se piègent dans un paysage rude et austère, car "ce monde n'est pas fait pour les humanistes", comme le souligne l'un des personnages : "Derrière le baratin, on veut tous les mêmes trucs, pouvoir, pognon, putes."



Lecture très éprouvante, donc : 800 pages d'immersion totale dans cette guerre d'Afghanistan comme si on y était, et j'ai mis du temps à comprendre les différentes intrigues et à retenir le nom des nombreux personnages qui traversent le roman (certains déjà croisés précédemment), car DOA nous plonge directement dans le grand bain sanglant.

Mais finalement, tout cela importe peu, car ce qui compte, c'est ce que l'auteur raconte au-delà de son histoire : d'abord, l'immense marché qu'est devenue la guerre depuis 2001, les sources de profit qu'elle représente désormais et l'hypocrisie des discours patriotiques vendus par les agences de com'. Ensuite, l'importance du pavot dans l'économie afghane (toléré par les Américains, forcément), au regard de la puissance qu'il procure aux talibans, une fois transformé en narco-dollars. Enfin, cette réalité qu'il faut bien accepter : le choc des cultures entretenu entre l'Asie du Sud et l'Occident, et toutes les tragédies qui découlent de la non-observation de ce constat, qui fait de chacun le barbare de l'autre.

Pour autant, DOA ne fait ici aucun procès : il raconte sans juger, et sans complaisance non plus. J'ai plutôt perçu une forme de lassitude triste dans ses descriptions factuelles des pires exactions. Il nous octroie également quelques incursions dans la conscience de ses personnages principaux, et on se confronte alors à leurs doutes, leur fatalisme, leurs élans purs, leur esprit de fraternité, et finalement le vide de leur vie et le peu de valeur qu'ils lui accordent.



C'est donc un roman de guerre très viril (MAIS intelligent !), doublé d'une analyse politique et économique pertinente. C'est déprimant, hyper violent, et mieux vaut ne pas le lire en espérant fuir l'actualité désespérante, car il est tout aussi désespérant. C'est également très complexe, à l'image de la situation dans ce coin du monde, et on ne sait pas, on ne sait plus qui sont les bons et qui sont les méchants, et si même il y a des bons et des méchants, tant tout se mélange dans un chaos que l'on peine à comprendre. Mais c'est passionnant, et malgré mes difficultés à lire cet opus, j'ai hâte de retourner dans le bourbier afghan pour découvrir la suite. Pas parce que je suis maso, mais parce que c'est DOA.

A suivre.
Commenter  J’apprécie          3823
Le cycle clandestin, tome 1

Ce que j’ai ressenti:…Une plongée immersive dans un conflit complexe…



« La chance repasse rarement deux fois les plats. »



Malgré cette gène , dû aux multiples personnages que l’on suit dans leurs missions, j’ai adoré en apprendre plus sur un conflit actuel et brûlant qui se joue sur la planète. Au lendemain du 11 Septembre, et avec la peur des attentats possibles, cette fiction prend vite des airs de couperet étouffant. Elle sonne tellement juste , et comme, c’est encore une blessure ouverte, les petits rappels de cette actualité sont, du sel que l’on frotte dessus, mais ils sont à mon sens, indispensable pour mieux comprendre les enjeux de cette guerre de l’ombre…



« Parce qu’à ce moment là , il n’y a que la peur. Ou la folie. Furieuse, meurtrière, celle qui appelle la fin des choses , l’entropie. »



J’aime à découvrir de nouveaux styles de policier, et là, renter dans les méandres de la politique et des services secrets m’a vraiment bluffée. Toutes ses visions polyphoniques qui nous donnent un ensemble dense et prenant, devient un grand moment de lecture, puisqu’il nous en apprend plus sur les différents réseaux qui luttent contre les djihadistes et personne ne sera épargné dans ses pages: que ce soit la petite journaliste naïve, au discret infiltré djihadiste, en passant par tous les acteurs de la Défense, il semblerait que peu d’espoir soit à prévoir dans cette lutte du nouveau millénaire. Le réalisme de tous ses conflits dissimulés, manœuvres cachées, et double jeux de ses grandes institutions nous rend ce polar remarquable!



Il fut un temps où ce décalage avec la normalité l’amusait. Fendre des foules inconscientes, savoir ce que les autres ignorent, participer d’une réalité dissimulée à l’homme du commun, éternel dommage collatéral d’une guerre clandestine, permanente et violente. Tout cela paraissait très excitant. Il avait souscrit au mythe de la caste des seigneurs, une belle histoire. Une excuse pratique.



J’ai apprécié l’écriture nerveuse de l’auteur, on sent qu’il a fait un super travail de documentation. C’est tout à fait saisissant! Une bombe française apparaît dans cette intrigue , mais il semblerait qu’elle soit aussi dans le nouveau paysage policier…DOA nous offre un pavé intense de 900 pages aussi vivant, vibrant, dérangeant mais qui annonce que les prémices de son talent…Un auteur à suivre, donc!




Lien : https://fairystelphique.word..
Commenter  J’apprécie          380
Rétiaire(s)

DOA est un auteur énigmatique, rare et complètement singulier.

PuKhtu Primo et Secundo publiés en 2015 et 2016 m'avaient fait l'effet d'une monumentale claque littéraire, coté série noire. DOA y décrivait le trajet de l'héroïne et ses enjeux géo-politiques à partir de groupes paramilitaires infiltrés en Afghanistan. Grandiose. Ce livre m'a incroyablement marqué.

Ceci étant dit quid de Rétiaire(s) publié tout récemment ?

Un rétiaire, c'est ce gladiateur au look d'enfer avec son filet et son trident.

Des gladiateurs, chers amis lecteurs, vous allez en croiser quelques-uns...

Quelques précautions sont nécessaires avant de se lancer dans l'ouvrage.

Le style de DOA est très particulier. Certains disent cinématographique. De mon point de vue je le qualifierais plutôt d'autistique. Disons opératoire, très opératoire..

Il faut avoir le livre en format papier pour avoir un accés facile à l'indispensable glossaire qui permet de traduire la foultitude d'acronymes à laquelle vous aurez constamment affaire.

Il vous faudra traduire aussi les différents jargons et argots utilisés par les flics des Stup ( four= lieu de vente de drogue), ceux de la Brigade de répression du banditisme (askip=à ce qui parait), ceux des truands de tous bords ( balek=j'm'en fous, belek=attention, l'indispensable kèner=niquer , l'inévitable teub, le surprenant yep=pied etc...).

Certains dialogues sont parfaitement incompréhensibles mais ce n'est pas si grave, comme si c'était slamé ou franchement rappé ( le fan d'Aya Nakamura s'en sortira facilement ).

Après il y a les différents protagonistes appelés soit par leur nom, leur prénom ou leur surnom. Là aussi le recours à un index proposé par l'auteur est bien pratique: policiers, gendarmes, juges et clans sont dument référencés pour éviter une monstrueuse pagaille.

Muni du catalogue de L'armurerie française et étrangère, vous pourrez enfin vous plonger dans Rétiaire(s) en toute connaissance de cause.

Amateur(trice) de filegoude s'abstenir.

L'histoire commence évidemment par une balle dans la tête à bout portant: Théo Lasbleiz, commandant de police à la PJ, dézingue le nommé Nourredine Hadjaj, porte-flingue du clan Cerda (qui sont des gitans sédentarisés)

Et l'histoire sera passionnante car il s'agit de suivre les nouvelles routes de la cocaïne: la drogue produite au Pérou, en Bolivie et en Colombie passe par la Mauritanie pour être finalement acheminée en Espagne ou... là je vous laisse deviner!

Tout est ultra-documenté, édifiant et absolument...addictif (-:

Les personnages ont une destinée néo-tragique, brutale et solitaire.

C'est donc un livre qui risque de ne pas plaire à tout le monde mais, si on s'accroche un peu, marquera les esprits (en tout cas le mien) même si il met un peu le seum.

Bonne lecture et belek à vous !
Commenter  J’apprécie          3712
Pukhtu

DOA, trois lettres pour un personnage mystérieux dont j'ai découvert l'écriture avec le "Primo" de son Pukhtu.

Je vais commencer par une anecdote, jeudi soir je termine ce livre, et vendredi matin, à l'ouverture du salon Quais du polar de Lyon, je fonce à la rencontre de l'auteur et, là... tout bascule... sans doute par maladresse de ma part (une photo que je n'aurai pas dû prendre...) mon enthousiasme contraste avec son regard noir et son introversion, bref, malgré un échange riche, la rencontre fut ... froide.

Parlons du livre maintenant. Je ne savais rien de Pukhtu avant de l'ouvrir, polar ? thriller ? aventure ? témoignage ?

En fait, ce Pukhtu "primo" nous parle de notre monde. Terrifiant.

Un monde en guerre.

Un monde de mensonge.

Un monde d'hypocrisie.

Un monde de corruption.





Mercenaires, soldats de tous horizons, policiers (parfois corrompus), religieux extrémistes, journalistes tour à tour viennent enrichir le récit de scènes toutes plus dramatiques et effroyables.

Non, la guerre n'est pas belle... et, au milieu, les peuples souffrent. Massacre, viols, tortures. Quand ce n'est pas un camp qui agresse, c'est un autre qui, au nom du "Finalement, on ne sait pas de quel côté vous êtes" extermine sans scrupules.

Hommes, femmes, enfants, familles, villages entiers... d'attentats kamikazes en dégâts collatéraux on vit l'horreur.

Et, qui condamner ?

Les extrémistes de tous bords, bien sûr, les politiciens corrompus, évidemment ou.... les trafiquants parce que derrière cette folie meurtrière, il y a l'argent, la drogue, les armes...

Le constat est simple, mais nous le savions déjà, nous sommes manipulés. Malheureusement, les guerres font des victimes, et si les coupables paient, combien d'innocents y laissent la vie.

Monsieur Doa, avec ce roman, vous enfoncez un poignard dans le ventre du lecteur, j'ai hâte de découvrir la suite avec votre "Secundo", mais ce sera pour dans quelques semaines, il faut que je me remette de mes blessures...

Je n'ai peut-être pas su vous le dire vendredi, alors c'est ici que je le fais.... Merci
Commenter  J’apprécie          364




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs de DOA Voir plus

Quiz Voir plus

Harry Potter pour les nuls (niveau facile)

Combien de tomes contient la série Harry Potter

6
7
8
9

7 questions
17058 lecteurs ont répondu
Thème : Harry Potter, tome 1 : Harry Potter à l'école des sorciers de J. K. RowlingCréer un quiz sur cet auteur

{* *}