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Critiques de Arthur Schnitzler (200)
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Mademoiselle Else (BD)

Je suis née pour être insouciante.

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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, une adaptation d’une nouvelle parue en 1924, du romancier Arthur Schnitzler (1862-1931). Sa première publication date de 2009, et il a bénéficié d’une réédition en 2023. Cette adaptation a été réalisée par Manuele Fiore pour le texte, les dessins et les couleurs. Elle comprend quatre-vingt-trois pages de bande dessinée. L’édition de 2023 se termine avec un texte d’une page de Fiore intitulé Sfumato schnitzlerien, et sept pages d’études graphiques.



Dans la station thermale italienne de San Martino, en vacances, Else, une jeune femme de bonne famille, est en train de jouer au tennis avec son cousin Paul, sous les yeux de Cissy Mohr, une autre jeune femme courtisée par son cousin. Ce dernier court pour ramasser la balle, tout en regrettant que sa cousine ne veuille plus jouer. Elle confirme qu’elle n’en peut plus et lui indique qu’elle le retrouvera tout à l’heure. Puis elle salue Cissy d’un très formel Au revoir chère madame. Celle-ci lui répond gentiment de ne pas toujours l’appeler Madame, mais Cissy tout simplement, alors que Paul se tient contre elle. Taquine, Else reformule sa phrase : au revoir, madame Cissy. Cette dernière continue, lui demandant pourquoi elle part déjà, alors qu’il reste deux bonnes heures avant le dîner. Paul tempère et fait remarquer que Else fait du genre, c’est son jour. À l’attention de sa cousine, il ajoute : un genre d’ailleurs qui lui va à ravir, et son pull rouge encore mieux. Taquine, elle rétorque qu’elle espère qu’il aura plus de succès avec le bleu, couleur du pull de Cissy, et elle s’éloigne, sous le regard agacé de ses deux interlocuteurs.



Dans son for intérieur, Else jurerait qu’ils ont une liaison, cousin Paul et Cissy Mohr. Elle espère seulement qu’ils ne la croient pas jalouse, rien au monde ne lui indiffère davantage. Puis elle joue beaucoup mieux que Cissy, et Paul non plus n’est pas vraiment un matador. Il a une si belle allure pourtant. Si seulement il était moins affecté. Tante Emma n’a rien à craindre. Elle ne pense pas à Paul, pas même en rêve. Elle ne pense à personne. Elle n’est amoureuse de personne. Dommage quand même que le beau brun à la tête de Romain soit déjà reparti. Il a l’air filou, disait Paul. Dieu, elle n’a rien contre les filous au contraire. Elle aimerait assez se marier en Italie, mais pas avec un Italien. Villa sur la Riviera, escalier de marbre plongeant dans la mer. Elle, étendue nue sur le marbre. Elle est née pour une vie insouciante. Ah, pourquoi faut-il retourner à la ville ? Else est arrivée au pied de l’escalier menant à la terrasse de l’hôtel : elle croise monsieur Dorsday, vicomte von Eperies, et son épouse. Ils échangent quelques paroles. Il se montre galant ; elle lui fait une remarque insidieuse et piquante sur son âge. Elle pénètre dans les immenses salons de l’hôtel et son flux de pensées reprend. A-t-elle fait la fière ? Non, elle ne l’est pas. Paul l’appelle Altière. Altière et du genre distant, surtout aujourd’hui. À cause de ses règles évidemment ; ça l’élance dans les reins. Cette nuit, elle reprendra du Véronal. Un groom s’approche d’elle, il a un courrier à son attention. Tout en prenant la lettre, elle remarque que son filou est revenu. Elle regagne sa chambre, dénoue ses cheveux et prend connaissance du courrier de sa mère. Il s’agit de son père, et d’une dette pressante.



L’adaptation d’une œuvre littéraire en bande dessinée constitue un genre en soi, avec le risque du mauvais dosage oscillant entre l’intégration de trop de textes du roman, soit une interprétation trop éloignée qui fait perdre le goût de l’original, voire le trahit. Le lecteur entame ce tome et découvre deux dessins en pleine page avec uniquement un personnage en train de courir pour aller ramasser la balle, de gauche à droite dans la page de gauche sur fond blanc, et inversement au retour dans la page de gauche toujours sur fond blanc. L’artiste indique qu’il va proposer une adaptation aérée, ou au minimum sans gros pavés de texte. De même dans les deux planches suivantes, seuls sont représentés les trois personnages. Puis un dessin en double page les montrent discutant avec l’immense complexe hôtelier à quelque distance, et les montagnes en arrière-plan. Au cours du récit, l’auteur réalise cinq pages dépourvues de texte, laissant les dessins parler d’eux-mêmes, porter toute la narration. Le texte se présente soit sous la forme de dialogues, soit sous la forme du monologue intérieur d’Else, des phrases courtes, assez naturelles, bien éloignées de la simple recopie d’un texte littéraire. Fiore ne fait qu’une seule exception : le texte de la lettre initiale de la mère d’Else qui court sur trois pages, avec des illustrations de la largeur de la page venant s’insérer entre deux paragraphes.



Dans le texte en fin d’ouvrage, l‘auteur indique qu’il a choisi cette œuvre pour répondre à une commande d’adaptation d’un éditeur. Après avoir écarté plusieurs œuvres soit trop difficiles soit déjà mainte fois adaptées, il retient cette nouvelle. Il ajoute : après s’être lancé près de quatre fois, il a compris que l’œuvre graphique de Gustav Klimt (1862-1918) allait être son nord, cette ligne en fil de fer qui est la sienne, qui suit les cuisses des femmes, leur découpe des nez pointus et se courbe selon les formes amples de ses modèles. Il ne réalise pas des tableaux de Klimt, mais il s’inspire de sa façon de représenter les êtres humains. Il utilise des traits de contours très fins, parfois comme tremblés ou mal assurés, ou tracés sous l’inspiration du moment sans avoir été repris pour être consolidés. Cela donne parfois des représentations un peu naïves, un point pour figurer un œil dans un visage ou des yeux écarquillés trop ronds et trop grands, quelques vagues traits pour la barbiche clairsemée de Dorsday, ou au contraire la sensation de percevoir l’état d’esprit du personnage. Le lecteur se dit que cette façon de représenter les individus correspond à la perception subjective qu’en a Else elle-même. Sa propre délicatesse avec son visage épurée et doux, l’âge de monsieur Dorsday avec son visage asymétrique et marqué, ses trois cheveux sur le dessus du crâne, son corps lesté par un gros ventre, la tante avec son air revêche et repoussant comme si elle était incapable de ressentir la détresse qui émane de sa nièce, etc.



Ces traits de contour fins et fragiles sont habillés par des aquarelles qui leur apportent de la consistance, des nuances changeantes, des couleurs naturelles ou bien des impressions de lumière. En fonction de la séquence, du moment de la journée, de l’état d’esprit d’Else, un visage peut aussi bien être de couleur chair, que jaune, ou taupe, ou encore gris. De la même manière, l’aquarelle pare les décors de consistance, soit en venant occuper l’espace délimité par les traits de contour, soit en couleur directe. Passés les quatre dessins en pleine page sur fond blanc, le lecteur découvre le paysage de l’hôtel se détachant sur la ligne de montagne, un trait délimitant le contour du bâtiment, des portes fenêtres et des fenêtres, le pinceau donnant corps aux poutres apparentes, à la rangée d’arbres devant le bâtiment, à celle derrière de couleur plus sombre, ainsi qu’aux pentes de la montagne. Les images emmènent le lecteur sur le court de tennis avec son filet comme quadrillé au crayon, sur les marches menant à la très longue terrasse de l’hôtel, sous les lustres des salons très hauts de plafond, dans la chambre juste esquissée d’Else, de retour dans les salons maintenant teintés d’une nuance verte alors que la soirée commence, puis à l’extérieur dans des teintes bleutées et grises alors que la nuit commence à tomber, sur les rives rougies d’un lac avec de nombreux voiliers, etc.



L’intrigue s’avère fort simple : Else est mandatée par ses parents restés aux Pays-Bas pour demander un prêt urgent de trente mille guldens à monsieur Dorsday, vicomte von Eperies, pour rembourser une dette dans les deux jours. Celui-ci accepte à une condition : pouvoir la contempler nue un quart d’heure. Acceptera-t-elle de se soumettre à cette exigence infâmante et ainsi sauver son père ? Ou refusera-t-elle pour conserver sa dignité au risque de condamner son père ? Un suspense binaire. Les auteurs, le romancier et le bédéiste, mettent admirablement en scène à la fois l’entrée dans l’âge adulte avec ses compromis, à la fois le tourment psychologique de la toute jeune femme. La lettre de la mère, reproduite dans son intégralité, constitue un exercice exemplaire de manipulation coercitive sous les dehors d’une demande gentille d’un menu service aussi banal que dérisoire, sur les plans affectif, émotionnel et psychologique. Voilà que la fille a le pouvoir de vie et de mort sur son père, ou plutôt la responsabilité afférente, ce qui constitue une inversion de la responsabilité des parents envers les enfants. Aussi bien les parents que monsieur Dorsday illustrent la maxime que l’âge et la traîtrise auront toujours raison de la jeunesse et du courage.



Dès la première séquence, le lecteur a conscience que la jeune demoiselle est ballotée par les injonctions sociales à trouver un mari et par ses hormones. D’un côté, elle ressent le fait de devoir bientôt se trouver un mari, devoir accepter les avances d’un homme qu’elle ne pourra au mieux que choisir par défaut, au pire qui lui sera imposé, tout en défendant sa vertu contre toutes les tentations. Elle a déjà pu constater l’effet que la présence physique de son corps habillé a sur les hommes, le pouvoir de séduction que cela lui confère et les avantages qu’elle peut en retirer. Dans le même temps, elle a compris que se montrer nue à Dorsday équivaut à faire de son corps, d’elle-même, une simple marchandise vendue pour de l’argent, un produit ayant une valeur économique dans un système capitaliste. D’un autre côté, elle fait l’expérience qu’elle ne peut pas concilier toutes les injonctions sociales qui pèsent implicitement la femme qu’elle est. Pouvoir faire l’expérience d’être amoureuse, et faire un bon mariage ou un mariage de raison. Accepter son corps sexué et la sexualité qui va avec, et rester pure. Sauver son père au prix d’être souillée par le regard d’un quinquagénaire libidineux et riche, et préserver sa vertu, sa virginité comme les convenances l’exigent. Conserver son intégrité psychique et sauver son père. Personne ne peut ressortir indemne d’autant de doubles contraintes. Comment devenir adulte dans une telle situation ? Comment construire sa propre voie, sa manière personnelle de faire ?



Adapter Arthur Schnitzler en conservant toute sa finesse et ses subtilités : un beau défi, relevé avec élégance par Manuele Fiore. Une bande dessinée à la narration visuelle sophistiquée et élégante, exprimant en douceur feutrée toutes les dimensions du conflit psychique se déroulant dans l’esprit d’une jeune femme estimant qu’elle est née pour être insouciante.
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La Nouvelle rêvée

J'ai lu La Nouvelle rêvée au début de l'été et je n'ai hélas pas réussi à écrire une chronique sur la lancée.

Je sais que je ne dois jamais faire cela.

Entre deux, il y a eu plusieurs livres, plusieurs ambiance, plusieurs émotions.

Et me voilà en ce jour d'août, perplexe devant mon écran, à tenter de faire remonter les souvenirs de ma lecture à la surface...

Et c'est compliqué...

En voici des bribes : Carnaval, masque, femme, fantasme, rêve, désir, Carnaval encore, rue sombre, trouble, fantasme encore...

Je me souviens avoir apprécié cette histoire d'un autre temps mais sans débordement d'émotions.

Eyes Wide Shut... Je ne l'ai pas vu. Peut-être qu'en découvrant Tom Cruise et Nicole Kidman mis en scène par Kubrick, La Nouvelle rêvée se rappellera à moi de manière plus intense.
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Les Dernières Cartes

Un court roman de 150 pages qui se lit d'une traite. Le suspens dure d'un bout à l'autre, et nous renvoie à cette question: pourquoi choisissons-nous de nous en remettre au hasard, même si ce choix doit nous coûter la vie?

Car c'est bien d'un choix qui est fait en toute lucidité: quand le joueur mise ses derniers florins, il est conscient de l'enjeu, il s'agit de vie ou de mort, et non pas de gagner ou de perdre.

Nous aussi nous jouons à la roulette quand nous roulons trop vite, (j'aurai pas d'accident) quand nous forçons sur l'alcool, les cigarettes (j'aurai pas le cancer), quand nous dealons avec l'argent, la drogue, le sexe, que nous cherchons à nous mettre en danger sans raison.

Quand les choses tournent mal, on invoque le Destin, le Diable ou la Fortune, on parle d'une folie passagère, on accuse les hormones, l'adrénaline ou la fatalité.

Les cartes du joueur sont entre ses mains, et l'art de Schnitzler est de concentrer toute ce qui fait le prix d'une vie dans l'espace d'une journée de printemps.
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Le jeu de l'amour et du vent

Pas très convaincue, à vrai dire. Cette pièce tardive de Schnitzler, m'a semblé tiède, ne serait-ce qu'en comparaison avec Anatole. Mais le premier problème qu'on rencontre, c'est ce titre français idiot, qui rappelle forcément Marivaux, alors que ce n'est pas du tout justifié, contrairement à ce que proclame la quatrième de couverture chez Actes Sud ! Je précise que le titre original est : Im Spiel der Sommerlüfte (je vous laisse traduire, mes tentatives donnant des résultats assez balourds). Alors oui, on y trouve des histoires d'amour, des hésitations et des revirements, mais enfin, c'est loin d'être suffisant pour qu'on y voie une réminiscence de Marivaux.



On a affaire à une famille bourgeoise, qui passe l'été dans sa maison de campagne en dehors de Vienne. Vincent Friedlein, le chef de famille, est sculpteur, souvent absent pour son travail, voire pour d'autres motifs, quoiqu'on n'en ait pas clairement la preuve. En revanche, sa femme Josépha est bien persuadée qu'il la trompe. Autour d'eux, leur fils Édouard, adolescent, Augusta, la soeur de Josépha, jeune femme au début de sa carrière de comédienne, Félix, l'amoureux de cette dernière, Cathy, la domestique, et l'abbé du village, ami de la famille. Ces personnages se trouvent ensemble comme à un carrefour de leur vie, chacun pour des raisons évidemment différentes. Mais on n'est pas chez Tennessee Williams : on n'a pas l'impression qu'ils jouent leur vie sur ces instants qui nous sont donnés à voir, mais plutôt qu'ils font l'expérience d'un de ces moments charnières comme ils ont dû déjà en vivre, et comme ils en vivront d'autres par la suite. C'est l'initiation à l'amour pour Édouard, le choix entre une histoire d'amour et sa carrière pour Augusta, l'avenir de leur couple pour Vincent et Josépha. Encore que Josépha, sans doute le personnage le plus intéressant, ait l'air de se poser des questions qui vont au-delà, tout comme l'abbé.



C'est d'ailleurs là que le bât blesse. On a un dialogue à l'acte II qui se veut crucial entre Josépha et l'abbé, et qui tourne tellement autour du pot qu'on ne sait plus très bien de quoi ils parlent. Est-ce parce que le texte est par trop obscur, ou un effet de la traduction, ou encore parce que la lectrice, en l'occurrence moi-même, n'était pas bien réveillée ? Ou encore un subtil mélange de tout cela à la fois ? Toujours est-il que je n'ai pas bien compris où voulait nous amener Schnitzler. Oui, on comprend que ce dialogue va amener ces changements dans la vie des deux personnages, mais je ne saurais même pas dire si ces deux-là sont plus ou moins amoureux l'un de l'autre (il semblerait tout de même qu'il y ait de ça), ou pas du tout, ou je-ne-sais-quoi encore. Et bizarrement, le reste du texte est tout de même assez plat. Bien sûr, il s'en dégage une atmosphère qui appartient bien à Schnitzler, mais atténuée, affadie. Ce qui donne envie de lire rapidement autre chose de l'auteur !





Challenge Théâtre 2017-2018
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La Ronde

Vienne à l'aube du nouveau siècle (1900) : c'est l'effervescence !

L'art, la littérature, la médecine, et l'apparition d'une nouvelle "science de l'esprit" qui met à jour ce que l'on cache aux autre et à soi-même, le fameux "inconscient" théorisé par Freud en psychanalyse.

Non content de mettre à jour les mécanismes de l'esprit qui nous dissumule ce que la morale réprouverait, la littérature viennoise aussi s'empare de cette mode pour mettre sur le devant de la scène ce qu'on a pour habitude de cacher, de garder tabou : la sexualité !



En cela, l'oeuvre d'Arthur Schnitzler (le "double" de Freud) reflète bien cette nouvelle mode - que ce soit dans La ronde ou dans d'autres pièces.

Ces dix dialogues explorent donc ces grands mystères que sont le désir, le soit-disant sentiment amoureux (qui ici est plutôt de l'attachement ou un petit béguin, mais rien de romantique), le mariage et les rapports entre les sexes - de classes sociales parfois différentes.



Certes, pour un lecteur du 21ème siècle, rien de révolutionnaire, ce n'est rien de plus qu'un gentil petit vaudeville. Une version théâtralisée de fnêtre sur court où le lecteur scruterait de son oeil indiscret différents endroits de la ville pour voir comment ça se passe chez les autres.



Quelques moment qui font sourire mais je pense qu'il vaut mieux connaître le contexte général (que j'évoquais plus haut) pour apprécier cette pièce qui reste actuelle dans le fond tout en ayant un peu vieilli.
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La Nouvelle rêvée

Plus connue pour son adaptation cinématographique qui a fait grand bruit en 1998, La nouvelle rêvée est un texte court, composé en 1925. Il est immersif, inventif et pourtant assez contemplatif. Lire ce petit plaisir est indispensable pour bien apprécier le film de Kubrick (et sans doute celui qui l'a précédé mais que tout le monde a oublié).



L’auteur a passé dix-sept ans a composer ces pages. La complexité, l’effort d’imagination, la maturité de l’œuvre sautent aux yeux. Certes, tout cela est court mais intense. Le style est fluide, facile d’accès, malgré la barrière linguistique et temporelle. L’on pourra toutefois regretter les très nombreuses questions restées sans réponse. Cette frustration fait pleinement partie du charme de la nouvelle.



Certains passages sont plus ardus que d’autres… notamment ceux qui évoquent les rêves. Leur interprétation tient d’ailleurs ici une grande place. L’influence de la psychanalyse est très importante et aisément perceptible. Pour ce qui est de la compréhension il va différemment. L’exercice est plus ambitieux, ce qui offre un important potentiel de relecture.



Les éditions Le livre de poche ont donc décroché une petite pépite. Dommage qu’elle est si peu mise en valeur. La préface et la présentation sont beaucoup trop longues au regard du texte (près des deux tiers de la nouvelle). Celles-ci s’adressent à un public de spécialistes et recourt à du jargon difficile à digérer. Voilà de quoi décourager les moins motivés…



Au final, cette nouvelle, malgré un caractère introspectif, se révèle passionnante. La lecture est plaisante surtout si elle accompagnée par La flûte enchanté de Mozart en fonds sonore.
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Mademoiselle Else

Else est une belle jeune fille de 19 ans, issue de la bourgeoisie autrichienne, et qu'on pourrait qualifier d'insousiante. Seulement, ce sentiment vole en éclat le jour où elle reçoit un télégramme de son père lui demandant de trouver une "importance" somme d'argent pour lui éviter un aller direct en correctionnelle. Et en se rendant chez le bienfaiteur indiqué, celui-ci lui propose un marché à la hauteur du regard lubrique qu'il jette à la jeune fille.



Cette novella rend compte des états d'âmes, incertitudes et errances morales du personnage éponyme et principal. Impossible de s'y tromper, c'est bien d'une déchéance qu'il s'agit.

On reconnait parfaitement dans ce récit les pensées en vogue à l'époque de Schnitzler, à savoir : la psychanalyse !

Pas de doute, Else oscille sans cesse entre pulsions de vie et pulsions de mort, et la sexualité joue un grand rôle dans le récit. De plus, le récit fait la part belle à tout ce que la bonne société cache et a de plus intimes : ses pensées qu'on ne saurait révéler au grand jour - donc merci l'auteur.



Heureusement que je connaissais le contexte de l'oeuvre, sans quoi sa lecture doit sembler sortir de nulle part ou sans intérêt. Toutefois, malgré mes connaissances je n'y ai rien trouvé de transcendant non plus.





Challenge Multi Défis

Challenge XXème siècle

Challenge globe-trotteurs saison 2
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La Nouvelle rêvée

Les corps rêvés par Gustav Klimt, d'une lueur spectrale, s'étreignent, langoureusement, se confondent, et les dormeuses, les rêveuses, s'abandonnent, lascives, aux bras de Morphée, au délice du sommeil. Les membres des corps fragmentés se disjoignent et se rejoignent par leurs contorsions convulsives, compulsives ; les rêves fragmentés s'assemblent comme s'assemblent les organes, en un seul corps monstrueux et c'est l'orgasme.
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Mademoiselle Else

Tempête sous un crâne.

Injonction pressante pour Else, jeune bourgeoise viennoise en villégiature dans un hôtel des Dolomites. Sa mère la supplie par lettre de quémander de l'argent à un marchand d'art de leurs amis, Dorsday. Il ne s'agit rien moins que de sauver son père de la prison!

Pas facile pour une jeune, jolie et frivole personne de se faire violence en sollicitant ce vieux barbon passablement libidineux de Dorsday!

Une jeune fille encore immature qui va devoir s'humilier pour sauver son père bien aimé.

C'est un soliloque magistral qui va nous être proposé. On passe par toute la palette des sentiments. Les pensées se bousculent, de la plus triviale à la plus noble. Un état d'effervescence qui conduit Else en quelques heures de l'abattement total au fier refus, de la confusion au désespoir sans issue.

Je n'en dirai pas plus. Il faut lire cette nouvelle pour la justesse du ton, la prouesse technique et la tension constante.

On termine sans prendre un moment de répit cette petite centaine de pages extenué... et bluffé d'un tel talent.





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Mademoiselle Else

Court roman mais long monologue intérieur, ce texte met en scène le cas de conscience d'une jeune fille confrontée à l'opposition entre l'amour paternel et son propre amour propre.



Quel texte ! Quelle construction magnifique ! Le lecteur est plongé dans les pensées contradictoires de Mademoiselle Else, et peu à peu pris dans sa propre logique et avance vers une issue qu'il subodore puis qu'il entrevoit et enfin qu'il comprend.



Else est une jeune fille de la bourgeoisie viennoise en vacances sur la Riviera italienne avec sa tante et son cousin. Alors qu'elle rentre d'une partie de tennis, elle prend connaissance d'un télégramme envoyé par sa mère, à propos des dettes que son père a contracté. Pour sauver son père, sa mère lui demande un petit service. Déchirant ...



Tout est là dans ce roman magistral publié en 1924, à (re) découvrir, qui se lit d'une traite avec une tension croissante à la limite du soutenable.
Lien : http://animallecteur.canalbl..
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Mademoiselle Else

Le sujet ne m'emballait guère mais j'avais promis de lire cette oeuvre. C'est chose faite et je dois avouer que ce fut une agréable surprise.



Ce court roman (ou cette longue nouvelle) se présente sous la forme d'un long monologue intérieur, celui de la jeune Else, une Viennoise qui passe ses vacances en Italie avec sa tante. Le premier couac de ces vacances qui s'annonçaient prometteuses prend la forme d'une lettre : la mère d'Else lui écrit en effet pour lui annoncer que le père, un avocat, risque de gros ennuis juridiques pour avoir perdu de l'argent (qui n'était pas le sien). Une grosse somme doit être remboursée et par chance (!) Else et sa tante sont descendues dans un palace où se trouve également un vieil ami de la famille, le riche marchand d'art Dorsday. Quoi de mieux que d'envoyer la donzelle quémander un prêt à Dorsday.



Evidemment, raconté comme ça, c'est un début qui parait bien banal et bien ennuyeux... Oui mais voilà, très rapidement, et puisque tout est raconté par Else, le lecteur s'aperçoit que la jeune fille a un léger problème. Un peu de névrose sans doute... Sur ses jolies mais frêles épaules repose l'honneur de la famille. Peut-elle abandonner ce père faible et lâche, le laisser s'humilier ou pire encore ? Non, bien sûr. Elle ira donc demander ce prêt. Mais qu'exige Dorsday en retour, ce vieux satyre ? De la contempler nue durant quelques minutes !



C'est un peu comme si une grosse tempête balayait l'équilibre déjà vacillant de la jeune fille. Else est prisonnière des conventions de son époque et de sa société : c'est une jeune bourgeoise qui a été habituée à vivre selon certains codes. Mais sa nature profonde est tout autre. ELse est sensuelle, elle rêve de s'émanciper, elle aime aguicher les hommes. Toutes ces contradictions se bousculent dans sa pauvre tête : lutter contre ses penchants et résister ? Abandonner son père, ruiner sa famille ? Repousser cet odieux marché lui semble logique, mais est-ce par pudeur ou plutôt par orgueil ? Else névrosée devient Else hystérique. Elle trouvera cependant le moyen le plus sûr de mettre fin à son dilemne.



A ma grande surprise, je me suis laissée prendre au fil des pensées de cette pauvre fille. Le récit qui commence sur un mode léger prend ensuite une tournure beaucoup plus dramatique. Else est un peu agaçante, mais surtout pathétique. Un conte cruel mais éblouissant, qui n'a pas pris une ride (écrit en 1924).
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Mademoiselle Else

Mademoiselle Else est une jeune viennoise en villégiature en Italie. Elle apprend par une lettre de sa mère que son père est endetté et qu'il risque la prison. Elle doit aider au plus vite son père en jouant de ses charmes auprès d'un riche marchand d'art nommé Dorsday. J'ai apprécié cette bande-dessinée même si je m'attendais à quelque chose de bien meilleur graphiquement. Les dessins sont simples et les dialogues ne sont pas très recherchés. La fin est décevante, je m'attendais à mieux. Néanmoins, la lecture est rapide et agréable.
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Gloire tardive

Ce livre je l'ai reçu dans le cadre d'un partenariat particulier proposé par Babelio. Merci à eux et tout particulièrement Pierre Krause.



Je remercie également les Éditions Albin Michel.



J'ai reçu l'exemplaire des épreuves non corrigées, ce qui m'a surpris sur le coup. Mais outre la couverture avec ce bandeau "Épreuves non corrigées" et sans la photo de l'auteur prévue pour la version finale, le livre est de très belle facture : du beau papier très doux agréable au toucher, une agréable police de caractère.



Il y aura peut être quelques retouches mais je n'ai pas vu et lu des coquilles... En même temps je ne suis pas experte en orthographe...



Je ne connaissais pas cet auteur, même de nom je l'avoue, mais sa présentation m'a donnée envie de le découvrir par l'intermédiaire de ce partenariat particulier et à travers ce roman édité à titre posthume.





L'histoire de ce récit nous est relaté dans une postface de 13 pages. Celle-ci mets en lumière ce texte et nous fait comprendre que cette nouvelle est somme toute assez autobiographique.



Cette nouvelle rentre en résonance avec la vie d'Arthur Shnitzler et le milieu artistique de l'époque.



J'ai apprécié de voir le processus qui a conduit à ressortir des écrits de cet auteur. Une histoire à travers la grande histoire. La volonté de certains hommes et femmes à préserver des œuvres d'art (littéraire ou autre) au péril de leur vie est pour moi quelque chose de vraiment admirable.



Cette nouvelle c'est l'histoire de ce vieux monsieur qui sort de son train train quotidien par l'attrait d'un jeune homme pour un recueil de poésies qu'il a écrit bien des années avant.



Le jeune homme lui vante les mérites de son recueil de poésie. Et oui il y a fort longtemps Monsieur Saxberger était poète... Meier le jeune artiste va alors l'entraîner et le faire rentrer dans un cercle d'artistes beaucoup plus jeunes en quête de notoriété et surtout de créations.



En quête de gloire ces soit disant artistes vont réveiller en ce vieux monsieur des envies de gloire tardive.



On plonge alors dans les pensées de ce vieux monsieur, qui aura envie de ressentir l'admiration de ses lecteurs et de profiter d'une gloire tardive.



Hélas le vieux monsieur est aussi solliciter par le cercle d'artistes pour créer à nouveau... Et s'est là, que la chute sera rude ...



Création et gloire sont deux choses si capricieuses... Elles ne se décrètent pas !



La prise de conscience sera bien dure et la chute inévitable.... (même si au fond ce n'est pas de bien haut que Saxberger tombera...)



L'écriture de Shnitzler me parait classique, reflétant une époque et un style de vie. Nette et sans bavures.



Si ce vieux poètes m'a intéressé, ce récit ne m'a pas trop touchée.... D'autres romans de l'auteur me plairait peut être davantage... Mais pour l'instant je vais m'en tenir là.



" Mieux vaut tard que jamais " dit-on

là, le "jamais" aurait peut être été plus doux pour cet homme

qui n'aurait pas quitter "la sourde et molle quiétude d'antan."
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Vienne au crépuscule

Vivre un amour hors mariage à Vienne à la fin du XIX ème siècle était probablement plus difficile que de faire le tour du monde, et c'est pourtant ce que tentent un jeune compositeur Georges von Wergenthin et sa compagne enceinte Anna, cantatrice douée mais à la voix peu puissante. Georges, dilettante raffinée et égotiste de première, sorte de Peter Pan qui refuse de grandir, songe plus à sa liberté et à ses plaisirs qu'à sa carrière et aux sentiments d'Anna qui finira par se lasser de l'attendre.

Au fur et à mesure de cette histoire relativement moderne, c'est tout un monde disparu que Schnitzler décrit ici avec beaucoup de finesse à travers divers personnages qui sont plus ou moins ses reflets. Il analyse avec une rare acuité les dessous de l'antisémitisme, tout ce qu'elle implique comme conséquences psychologiques dans la vie des juifs et dans leurs rapports entre eux et avec les autres. Déjà se profile le problème du sionisme : doit-on ou non créer un état hébreu ? Se profile aussi la notion d'aryanisme. Nous sommes en 1908 et ces réflexions sonnent étrangement à nos oreilles, comme une prophétie.

Très grand écrivain, Schnitzler décrit également de façon magistrale la fugacité du bonheur, lié à la fragilité de notre inconsistance, la notion de liberté que limitent la présence et le regard des autres, dans une étude rigoureuse et précise des situations, avec ce sens aigu du concret qui rend le moindre acte quotidien lourd d'une temporalité subie plus que pleinement vécue, et où le destin intervient plus comme une conséquence des événements que comme le résultat d'un choix. Destin qui décide pour les personnages face à leurs indécisions et à leurs atermoiements : "Je l'ai toujours dit, remarqua-t-il, ce n'est pas nous qui forgeons notre destin, c'est, la plupart du temps, une circonstance extérieure qui s'en charge, et sur laquelle nous n'étions pas en mesure d'exercer une influence quelconque."

Schnitzler a le sens de la phrase brève, de la formule efficace. J'ai profondément aimé ce livre pour toute sa portée historique, à la fois témoignage et inquiétude -plutôt justifiée !- quant à l'avenir des juifs, nulle part chez eux, et pour sa densité psychologique dans les rapports entre l'homme et le monde dans lequel il vit.
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Gloire tardive

J'ai beaucoup aimé ce court roman (ou cette longue nouvelle comme on préfèrera) qui nous fait réfléchir sur la célébrité et les raisons de la célébrité. Un vieil homme se retrouve au centre d'un club littéraire, encensé pour un livre de poésies publié il y a longtemps. Il mène une vie bien terne et cela va ensoleiller son existence. Il connait une gloire tardive, mais parviendra-t-il si longtemps après à trouver de nouveau de l'inspiration ? Et sur quoi repose véritablement cette admiration ?

Le livre interroge les ressorts de la notoriété selon les codes en vigueur dans le Vienne de la Belle époque. Point d'influenceurs ici mais de la littérature comme vecteur et point de réseaux sociaux, mais bien au contraire les cafés, célèbres de Vienne.

On retrouve ici la cruauté de Schnitzler sans vouloir trop en dire et cette ambiance unique d'une ville si fascinante dans une traduction qui m'a semblé un peu désuète mais charmante et dans une édition de poche très plaisante, avec une intéressante postface.

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Vienne au crépuscule

On ne peut apprécier pleinement cet ouvrage sans le poser dans sa perspective historique. Car le monde décrit ici, dont les personnages principaux et leurs préoccupations appartiennent tous à l'intelligentsia de l'époque, a ceci de particulier : il est voué à une disparition prochaine. Une dizaine d'années à peine après la parution de ce livre, il ne restera plus rien de l'empire austro-hongrois. Il ne s'agit donc pas ici d'une analyse "a posteriori", mais bien de ce moment étrange, comme suspendu au-dessus du gouffre, où un ordre des choses périmé mais qui veut l'ignorer fait, si l'on peut dire, des projets d'avenir. On ne peut pourtant reprocher aux "héros" de ce roman d'être démunis d'une certaine profondeur et même d'une certaine acuité du regard qu'ils posent sur leur époque; toute l'ironie réside en ce qu'ils ne regardent visiblement pas au bon endroit, trop préoccupés de leurs pathos individuels. Il est possible de reconnaître ici une certaine constante, caractérisant un monde qui se défait et ce, plus précisément encore dans cette catégorie particulière que sont les "intellectuels" : ils ne peuvent littéralement pas envisager que leurs structures idéologiques n'aient plus cours et que leur mode de pensée soit finalement périmé.
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La Pénombre des âmes

Intellectuel viennois du début du siècle, médecin, Juif, écrivain à la vie dissolue, mais qui vécut chez sa maman jusqu'à 40 ans, auteur de romans, pièces, nouvelles, et scénariste à succès suite à l'adaptation de 2 oeuvres à scandale :" La Ronde" de Max Ophuls, et" Eyes Wide shut" de Stanley Kubrick.

Une ambiance fin de siècle (l'avant-guerre de 14) dépeinte par un homme brillant mais sans illusion, une sorte de Maupassant germanique, amateur de femmes et de vie mondaine, gardant une effrayante lucidité au milieu du bordel ambiant.

La pénombre des âmes, de nos âmes, semble dire Schnitzler dans ce recueil de nouvelles qui nous décrit le basculement de la pensée, de l'imaginaire, vers l'action qui entraine ses personnages dans un abîme de cruauté, de perversité, de lâcheté.

Sans jamais se poser en censeur ou en donneur de leçon, il nous oblige à regarder le côté obscur de nos âmes, dont nos visages portent les stigmates. "Dans la glace en face d'elle, elle aperçoit un visage dont les traits décomposés ont quelque chose de cruel. Elle sait que c'est son visage à elle, mais il lui fait peur. Sa bouche est comme figée, elle sent que ses lèvres garderont éternellement l'atroce sourire qu'elle y voit."

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Vienne au crépuscule



Quiconque caresse l'excellente idée d'un voyage à Vienne devrait inclure la lecture de ce beau roman dans sa préparation.

Car il dépeint avec la précision psychologique des nouvelles du même auteur, et avec beaucoup d'humour, l'atmosphère de la société Viennoise à une époque cruciale de la vie chaotique de l'Empire austro-hongrois peu de temps avant sa chute. Une époque qui est le plus souvent passée sous silence par les guides (livres et personnes), sauf à parler des passionnants mouvements artistiques, mais en déconnectant cela du contexte de la société.

Or, on ne comprend rien à ce qui a fait à la fois les dynamiques (construction du ring, évolution de l'architecture et de l'art en liaison avec le mouvement de la Secession) et les ruptures, si on n'a pas en tête tous les déchirements qu'avaient provoqués l'explosion économique et sociale libérale, avec le rôle de quelques banquiers et industriels juifs, et la montée des revendications nationalistes.

N'est-ce pas aussi le rôle de la littérature que d'ajouter à notre connaissance du Monde, par le plaisir de la lecture?

Schnitzler est, en ce sens, un écrivain de tout premier plan.
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Mademoiselle Else

Une jeune fille bourgeoise de dix-neuf ans est en villégiature avec sa tante et son cousin dans une cité balnéaire italienne lorsqu’elle reçoit un télégramme de sa mère. Son père, brillant avocat viennois, se trouve dans une situation financière délicate. Plus que quelques jours pour trouver les 30 000 florins qui lui éviteront la prison et le déshonneur. “Quand on a une fille aussi jolie, pourquoi irait-on faire un tour en prison ? “. Il suffit que la jeune Else demande la somme au grand marchand d’art Von Dorsday, ami de la famille et qui fréquente le même hôtel des Dolomites.

Le télégramme mentionne donc expressément de demander cette somme au vieux libidineux marchand de tableaux. Mais dans ce monde, comme chacun sait, on n’a rien sans rien. Vont s’ensuivre les pensées et émotions de la jeune fille dans un long monologue intérieur : sauver l’honneur de son père ou le sien propre ? Faut-il accepter ou rejeter le chantage ?

Tout l’intérêt de ce court roman réside dans ce dilemme très freudien et dans cette ambivalence des sentiments. Comment une jeune fille de bonne famille va devoir composer entre ses aspirations, ses rêves et son honneur…



Challenge multi-défis 2022.

Challenge Riquiqui 2022.

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La Nouvelle rêvée

Parfois, quand on lit un livre dont on a déjà vu l'adaptation cinématographique, les images du film se substituent à celles que nous aurions formées à la lecture. Ici, le processus fut plus auditif que visuel. Des incantations sépulcrales et autres notes de piano discordantes rejaillirent régulièrement au fil des pages, en imposant leur cadence à des yeux grand fermés, temporairement aveugles à ce qu'ils lisaient.



C'est donc au rythme inquiétant du film de Kubrick (Eyes Wide Shut) que j'ai découvert cette longue nouvelle, qui débute en soirée, « à la fin du carnaval ». Cette indication peut sembler ironique dans un récit où les masques jouent un rôle important. Pourtant, le premier chapitre est celui où les époux se démasquent, en se confessant leurs fantasmes d'adultère, au seuil de l'endormissement dans le lit conjugal. Ces aveux croisés sont le prélude d'une séparation, mais uniquement sur le plan onirique : la femme, Albertine, disparaît du récit, perdue dans un sommeil profond, tandis que nous suivons son mari Fridolin dans des péripéties au long cours, qui se mettent très vite à ressembler à un rêve éveillé, où Eros et Thanatos cohabitent dans la même chambre obscure.



Chacun de leur côté, les amants cherchent à préserver leurs illusions communes par le biais du rêve. Cette quête de salvation prend chez Fridolin la forme d'un long chemin de croix, à la recherche de son idéal perdu, qui revêt de nombreux masques de chair. La forme parfaite de son fantasme arbore cependant un voile de nonne. Une Eurydice des temps moderne que notre héros masochiste cherche trop à regarder et à démasquer, au point que la vie ne paraît plus qu'un masque supplémentaire appliqué au corps.



Cette profanation de son idéal lui est retournée sadiquement dans le rêve féminin, un rêve dans son rêve : sommeil paradoxal, où il se retrouve dépossédé. Endormi et immobile, le corps de la femme est source d'énigmes insolubles, de réseaux de symboles qui s'interpénètrent sans fin, car ils sont réfléchis par le regard masculin. Comme un jeu de miroirs déformants. En rouvrant les yeux au lever du jour, les stigmates de la lucidité nocturne seront tant bien que mal cicatrisés par le retour du quotidien du couple, une idylle/idole dont la destruction n'aurait eu lieu que dans une fiction qu'on raconte la nuit pour se faire peur. Cette catharsis a-t-elle refoulé pour de bon les rêves lugubres ? Pas sûr, car comme l'écrivait Artaud à la même époque : « les rêves sont vrais ». Et la vie éveillée ressemble à un bal masqué sans fin.



https://youtu.be/CoZJdil0_HI
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