AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Bohumil Hrabal (137)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


La petite ville où le temps s'arrêta

Cela fait un moment qu’« Une trop bruyante solitude » de Hrabal figure dans ma pile à lire. En croisant ce roman-ci à la bibliothèque, je me suis dit que ça serait toujours une première rencontre avec l’auteur.



Le narrateur est un jeune garçon qui essaie d’exister entre un père dur et obsédé par quelques passions, une mère qui veut toujours profiter de sa jeunesse et qui n’a pas vraiment la fibre maternelle, et un oncle braillard et grand gueule, passant de phases de misérable à celle de grand seigneur (pour deux jours) dès qu’il touche sa paie – exister, et si possible, obtenir un peu d’amour au passage.



J’enchaîne involontairement les romans avec des familles dysfonctionnelles en ce moment, et cette nouvelle redite m’a rapidement rebuté. Même si je n’exclus pas de lire un autre roman de l’auteur (ou le même, je reconnais que ce n’était pas le bon moment), je n’ai pas eu non plus de coup de cœur pour l’écriture qui m’aurait permis de poursuivre la lecture.
Commenter  J’apprécie          140
Les imposteurs et autres nouvelles

On entre directement dans ce livre par la nouvelle « Les imposteurs », qui donne son nom à ce recueil de nouvelles. Un journaliste désespéré est contraint de provoquer lui-même des personnes pour avoir quelque chose à écrire ! Il va rencontrer un chanteur d’opérette qui aime beaucoup se vanter, et un employé qui travaille à la morgue comme coiffeur, et qui, portant une blouse blanche, aime se faire passer pour un docteur.

Quand on regarde autour de soi, ne voit-on pas surtout des gens qui confondent ce qu’ils sont avec ce qu’ils auraient voulu être ? Les voilà les imposteurs !

Le journaliste en question, se rend compte qu’il a toujours vu le journalisme comme un art, et qu’il y a plutôt laissé des plumes ! Il va perdre au jeu et sera contraint de miser sur sa dignité humaine !



La nouvelle qui suit, s’enchaîne bien avec la morgue, puisqu’elle s’intitule « L’enterrement », mais alors qu’on imagine que cela va être triste, c’est à une cascade de gags désopilants auxquels on assiste qui font penser à ceux des films de Laurel et Hardy !



Dans la nouvelle « A l’arbre vert », il y a beaucoup d’humour aussi, mais ici il est noir. Le tenancier du café « A l’arbre vert », conte sur un ton badin, un certain nombre d’accidents qui font intervenir un tramway avec différents véhicules et des piétons : « Deux bonnes femmes ! Celle qui était au volant avait voulu faire une queue de poisson, mais elle avait raté son coup et elle avait si bien encastré sa Minor qu’on a dû les sortir toutes les deux avec des crampons. Un petit bout dans un cercueil, un petit bout dans l’autre, pour que ça donne plus ou moins deux bonnes femmes. »



La nouvelle « Le trèfle incarnat » aurait pu s’appeler « Les chemises miraculeuses ». C’est une nouvelle amusante et un brin fantastique. Un certain M. Hendrych, vend des chemises qui semblent protéger le corps de tout danger ! Les personnes qui les portent sont toujours indemnes en cas d’accident. Dans cette histoire intervient aussi un curieux curé si songeur que lors de son cours de catéchisme, il donne l’impression de ne pas être là ! Un curé qui aime boire du vermouth et qui a une force si colossale qu’il arrive à soulever entre ses dents ses deux soubrettes dans une nappe nouée !



En lisant toutes ces histoires baroques de Hrabal, où les blagues, fanfaronnades, et exagérations sont légion, on sent à chaque page que les humains l’intéressent profondément, et qu’il n’arriverait jamais à rester indifférent au sort des nombreuses personnes qui l’entourent, de ces personnages multiples qui peuvent sembler insignifiants au premier abord. Il leur donne du relief, les magnifie par sa fantaisie et par son style poétique. En fait, il arrive à traiter les gens et les accidents de la vie comme des grands événements de l’histoire du monde !



Il faut dire que Bohumil Hrabal a exercé de nombreux métiers, qui lui ont fait partager la vie de simples gens. Il a été successivement magasinier, commis voyageur, ouvrier dans une usine métallurgique, employé de bureau, machiniste, figurant de théâtre, et même chef de gare.

Mais ce serait une erreur de le considérer comme un génie du peuple qui n’a puisé son inspiration que dans la réalité vécue, dans la vie quotidienne des gens du peuple.

Hrabal était aussi Docteur en droit, qui a obtenu son diplôme à l’Université Charles de Prague juste après la Seconde Guerre mondiale. C'était un homme dont les allures plébéiennes cachaient une culture aussi profonde que vaste. Passionné de la philosophie et de l'art, il se considérait comme l'héritier de Kafka, il connaissait en profondeur et admirait Apollinaire, Eliot, Breton, l'art surréaliste et cubiste, il était connaisseur et ami des peintres et graveurs modernes et mettait souvent sa plume au service de leur art. Ceux qui l'avaient entendu parler de la musique étaient étonnés par l'étendue de ses goûts musicaux et l'importance du rôle que la musique, sous ses formes classique et moderne, jouait dans sa vie.



Derrière Bohumil Hrabal, le buveur de bière, l’homme du peuple et l’auteur d'histoires gaillardes, il y a aussi un grand intellectuel dont les romans, contes et essais, ont été non seulement nourris par la vie quotidienne et l'imagerie populaire, mais sont aussi profondément enracinés dans la culture occidentale, un intellectuel qui partageait les préoccupations des grands esprits de son temps. Les dignitaires de l'Université de Padou qui l'ont nommé Docteur honoris causa ont mis en relief par leur geste justement cet aspect de la personnalité de Hrabal.



Je vous laisse découvrir les nombreuses autres nouvelles de ce livre. Il y en quinze au total.

Toutes regorgent de ces petits épisodes, de ces gags irrésistibles, qui nous font rire parfois un peu contre notre gré, car il s’agit la plupart du temps de l’humour noir. Mais jamais cependant ces gags ne sont gratuits. Ils finissent par dévoiler la nature des faits, la réalité sous-jacente, l’étrangeté assez énigmatique de notre existence.



Toute l’œuvre de Bohumil Hrabal est une ode à la joie d’un homme et d’une pensée qui se découvrent libres, malgré et contre les barrages dont on a pris soin de les entourer.

Notons qu’il en faut souvent peu pour être heureux, peut-être suffit-il même, tout simplement, de prendre la vie du bon côté, comme elle vient et se présente à nous.

D’ailleurs, pour illustrer ce propos, je trouve que cette phrase tirée de la nouvelle « Les imposteurs » représente bien ce que l’on peut appeler un petit bonheur fugace :

« Monsieur Chlumecky, le patron du café U Zeleneho Stromu (A l’arbre vert), dont la plus grande joie était au réveil de se servir sa première bière… » Une manière effectivement de constater qu’il en faut peu, et même très peu, pour être heureux !



Ce recueil de nouvelles me paraît être le livre idéal pour quelqu’un qui n’a pas encore fait connaissance avec les récits improbables et les personnages facétieux de Bohumil Hrabal.

Je lui accorde 4/5.

Commenter  J’apprécie          146
Trains étroitement surveillés

Nous sommes en 1945, une petite gare en Bohême sous occupation allemande. La guerre est en train d'être gagnée par les Alliés, mais la lutte dure encore, et des trains chargés d'armes et de soldats passent par la petite gare. Le narrateur, stagiaire dans les chemins de fer, a tenté de se suicider à cause de problèmes amoureux. D'autres événements, cocasses ou tragiques sont en cours.



Hrabal campe une galerie de personnages, légèrement allumés, qui semblent vivre dans un monde décalé, mais la souffrance et la tragédie ne sont jamais loin, même mises à distance par l'humour. Texte ramassé, plein d'entrain et de tristesse, il se lit vite, mais ne s'oublie pas le livre terminé.
Commenter  J’apprécie          140
La chevelure sacrifiée

Commentaire exprimé dans le cadre d’une relecture nous suivons là les tribulations d’un couple Maryska et Francin, ce dernier travaillant dans une brasserie.

Maryska est la narratrice à la première personne et il est rare à cette époque de voir des personnages narrateurs féminins au travers de la plume d’un homme (on en connait des illustres que je ne nommerais pas). C’est d’autant plus étonnant dans un pays comme la République tchèque, assez conservateur et traditionnel. Mais ce prisme de narration est cohérent avec le propos de Hrabal, décrire une femme moderne, décrire un souffle qui s’empare de son pays et qui change les places de chacun. Si cette femme est moderne c’est parce qu’elle n’a pas conscience des codes sociaux ou du moins elle les ignore prodigieusement. Si elle est moderne c’est parce qu’elle dirige son couple et guide son mari d’une certaine manière une égalité est présente entre les deux, chacun faisant preuve de galanterie l’un envers l’autre.

On y voit un rejet du conservatisme, au travers du beau frère qui est resté prisonnier dans le juron du passé si je puis dire. La conclusion est paradoxale avec le cœur du livre et laisse penser que Hrabal considère l’avenir avec échec constamment renouvelé.

Une sorte de mélancolie, une fuite en avant qu’on sait stoppée d’avance.

Le style est superbe mélange d’argot et de tournures poétiques, une fausse simplicité au service d’une efficacité syntaxique rendent fluide ce récit pourtant très mouvementé.

Un grand récit de plus pour cet auteur tchèque, définitivement au sommet de mon panthéon personnel.
Commenter  J’apprécie          140
Une trop bruyante solitude

Hanta est cet individu qui émeut et fascine, qui fait rire et qui impressionne, que l'on imagine en face de sa presse et sous les piles de livres qui menacent de s'écrouler sur lui. Il est l'incarnation de la résistance, l'esthète un peu grossier de l'amour des livres, l'homme bourru qui ne ploie jamais face à l'écrasement, celui qui croit désespérément que les livres ne sont pas là par hasard, mais ont quelque chose à dire. Réduit à les détruire, il les sauve, au contraire ; il les amasse, comme une collection face à la barbarie de sa presse qu'il affectionne cependant. Il est pris entre le devoir et la liberté, et concilie les deux, jusqu'à découvrir une autre presse, géante, déshumanisée, débarrassée de tout soupçon d'humanité et de beauté. Alors, Hanta, celui qui lisait des livres et suçait leurs idées comme des bonbons qui imprégnaient ses pores, n'a plus d'autre choix que de prouver, encore, qu'il est là pour résister.

Comme une forme courte et rebelle de dissidence, "Une trop bruyante solitude" entre dans cette catégorie des petits écrits qui percutent le lecteur de métaphores politiques et philosophiques. Ces rats qui se battent dans les sous-sols, ces tsiganes qui fascinent, cet amour pour la littérature qui fait face au devoir de détruire, inlassablement, le papier... Tout ici crée ce sentiment d'étouffement et de libération par les livres. Hanta est à la fois écrasé et défait de ses chaînes grâce aux trésors qu'il conserve et sauve de sa presse. Une presse soviétique ? Dans la Tchécoslovaquie de l'époque, cette parabole paraît évidente, mais elle n'en perd pas moins sa force. Hanta, par la lecture, est un dissident. Bohumil Hrabal aussi. Liberté semble être sa devise.

Un ouvrage indispensable pour quiconque veut comment "résister" se traduit en tchèque.
Commenter  J’apprécie          140
Une trop bruyante solitude

Quand la poésie rencontre l’absurde quête d’un ouvrier chargé de la destruction de livres, quête visant à sauver des livres dignes d’intérêt, perdus parmi les immondices…



Auteur tchèque à découvrir, surtout si on aime le grand Franz.



Une très belle surprise que je vous conseille.
Commenter  J’apprécie          130
Peurs totales. suivi de Cassius dans l'émigra..

Critérion avait créé, dans le temps (1990), une collection intitulée "Extrême Europe" qui publia en 1991 la traduction de deux récits de Bohumil Hrabal, consacrés au temps d'avant, à la période communiste. Le mince livre bleu, orné d'un détail du "Portement de Croix" de Bosch, a dormi des années à la lettre H de mes rayonnages, entre Houellebecq et Victor Hugo. Il se compose de deux récits à la première personne d'inégale longueur, "Peurs totales" et "Cassius dans l'émigration".



"Peurs totales", comme son titre l'indique, est consacré à la peur, celle qu'éprouve chaque jour le narrateur Hrabal, auteur publié en samizdat, harcelé par la police progressiste de sa patrie. Nous sommes loin de la gravité d'un Soljenitsyne : ce récit bref nous fait voir, de bar en bar, de chopes de bière en chopes de bière, la bizarre cohabitation des policiers et de leur victime, les stratégies perverses des premiers pour semer le doute, l'angoisse, la terreur, dans l'esprit de la seconde. Hrabal ne peut s'empêcher d'écrire et de publier, mais ses propres livres l'épouvantent. Ces brefs mémoires d'un lâche sont très drôles à lire : non qu'on se moque de lHrabal, bien au contraire. Le lecteur sait au contraire que placé dans une situation comparable, il serait très en-dessous de ce narrateur qui, au moins, écrit encore. La drôlerie vient de l'humanité : être humain, c'est tout rater, et l'échec est comique. C'est Kundera qui le dit, et cela s'applique à merveille à Hrabal. Ce comique a fait scandale, dit la quatrième de couverture, dans la Tchécoslovaquie fière et unanimiste de la liberté retrouvée.



"Cassius" (Cassius Clay, c'est le nom du chat préféré de l'auteur) dans l'émigration" est le héros félin du second récit, profondément émouvant, bien qu'il ait parfois des tonalités de fable animalière. Toute la froideur de la fable allégorique a disparu, grâce à la plume truculente et réaliste de Hrabal et à l'histoire de ce pauvre chat, expulsé de la maison par les autres chats, sans que le maître y puisse grand chose, à part l'aimer de loin et lui rendre visite dans son terrain vague.



Ces deux merveilleux récits sont adressés à une certaine Doubenka et je ne ne sais pas qui est cette personne.
Commenter  J’apprécie          132
Trains étroitement surveillés

Une petite merveille à déguster tranquillement. De l'humour, de l'émotion, mais aussi une sorte d'ambiance surréaliste (bien représentée par l'illustration de la couverture, un tableau de Delvaux, peintre que je vénère) qui pénètre le lecteur doucement et qui le transporte vers un monde un peu cotonneux, très onirique. Il y a du Kafka dans les descriptions de la hiérarchie ferroviaire tchèque.

Dans ce petit livre la tragédie est inextricablement liée à la comédie et au bizarre..

On hésite puis lentement on se laisse envahir par un troublant sentiment de douce tristesse. Si ce livre n'est pas, à mon avis, au niveau du formidable UNE TROP BRUYANTE SOLITUDE du même écrivain, il est quand même hautement recommandable. L'écriture est magnifique, le récit, baroque, passionnant et ce petit livre offre une sacrée bonne réflexion sur la finalité de la vie.

Ce roman est plus que bon.
Commenter  J’apprécie          120
Une trop bruyante solitude

Hanta travaille depuis trente-cinq ans à écraser, détruire des livres dans sa presse mécanique. Après quelques regrets, il finit par y prendre goût et élever son travail au rang d'art tant il prend soins à tout compacter en petits paquets. Malgré cela, toutes ces victimes littéraires lui pèsent ; il en sauve quelques unes en les ramenant chez lui, et d'autres en s'imprégnant de leur contenu.



L'ambiance kafkaesque, et l'incertitude de ce qui est réel ou pas, laissent beaucoup de questions quant à la manière d'interpréter ce texte. L'opposition entre la presse artisanale de Hanta et la presse industrielle peut signifier que la conscience du travailleur se perd pour devenir le maillon d'une chaine, que la conscience artistique disparait, ou bien cela peut exprimer le simple sentiment d'être dépassé par ces temps qui changent. Après tout, les plongées dans les souvenirs pénibles de jeunesse, puis les retours au pénible présent, nous font ressentir cette vieillesse du personnage, éreinté par le poids des années passées à se dédier corps et âme à son travail, solitaire. Hanta, écrasé par l'Histoire, par ses échecs sentimentaux, et par son travail, finit écrasé au sens propre. La presse semble entre une allégorie de l'Histoire, et les souris les victimes habituelles, les gens qui ne demandent rien, qui veulent simplement vivre, comme la Tzigane que Hanta n'a jamais revu.
Commenter  J’apprécie          120
Une trop bruyante solitude

Depuis 35 ans, Hanta pilonne du papier et du carton. Livres, prospectus, affiches, emballages... s'accumulent dans la cave où il travaille. Il les enfourne dans sa presse, appuie sur un bouton, les écrase et en fait des ballots qui partiront vers les usines de recyclage.

Résumé ainsi, ce roman semble tourner autour de l'aliénation de l'ouvrier marié à sa machine et de l'abrutissement provoqué par une activité répétitive. Mais en avançant dans la lecture, Hanta se révèle être un exemple de l'adaptabilité des humains et de leur capacité à s'élever même dans le cadre le plus étroit et la routine la plus sinistre.

Dans la semi-obscurité de sa cave, au milieu des montagnes de papier qui y sont déversées, dans les odeurs de déjections de souris, d'humidité et de sang dégoulinant des emballages de boucherie, Hanta prend le temps de dénicher de vieux volumes, philosophie littérature, peinture... Il les sauve de la presse, les accumulent chez lui, mais surtout il les lit, les mémorise, les analyse, les utilise pour comprendre sa propre existence. Plus symbolique (ou artistique ou admirable ou désespéré ou inutile), il en choisit un pour chaque ballot de vieux papiers qu'il doit former ; il le place au milieu et compacte le tout avant d'envoyer à la destruction ces cubes de déchets porteurs d'un cœur de connaissance.

La plume de Bohumil Hrabal sert parfaitement ces idées et la peinture de cet univers routinier, solitaire, aliénant. Son style, descriptif, dépouillé se voit relevé de situations grotesques, de portraits picaresques et d'une touche de surréalisme hyperréaliste (si, si, ça existe) à la Boris Vian ou à la Jacques Tati (l'envie de rire en moins) et fait fleurir, de loin en loin, des réflexions aussi profondes que le quotidien de Hanta est plat.

Dans la Tchécoslovaquie communiste de la seconde moitié du 20e siècle où se situe ce roman, les détournements et le sauvetage de livres évoquent la lutte clandestine de la pensée contre l'obscurantisme politique.

Mais ce combat existe encore (et l'adjectif "politique" ci-dessus peut être remplacé par "religieux", "nationaliste", "antiscientifique", etc), de même que les symboles, le courage et les sacrifices qui lui sont liés : chaque lider maximo qui tombe sert de terreau à une flopée de dictateurs tout aussi carnassiers.

Moins dramatique, mais néanmoins consternant, est notre capacité à mettre au rebut l'héritage culturel et l'apprentissage des outils de réflexion, y compris dans les pays où la pensée est libre.

Ce court roman reste de ce fait un ouvrage nécessaire. À sortir de la cave avant que le pilon l'écrase.
Commenter  J’apprécie          110
Trains étroitement surveillés

Je poursuis lentement la relecture de mon écrivain préféré.

Magnifique roman encore du génie tchèque décrivant la vie d'une petite gare sous l'occupation nazie. Nous suivons l'activité nocturne de cette gare à travers le regard du stagiaire Milos, d'une timidité maladive, épris d'une jeune contrôleuse. Il y est question de résistance, d'amour et d'absurdité.

Grand roman qui ne renierait pas une certaine filiation avec Hasek tant la truculence est présente et laisse par moment place à une gravité très émouvante.



Un récit petit par la taille mais grand par la qualité.
Commenter  J’apprécie          110
Moi qui ai servi le roi d'Angleterre

Bonheur total de lecture.

Le style, il se mange, s'avale, impossible d'arrêter au milieu d'une page, c'est un fil tenu comme chez Proust ou Céline, avec, et c'est le deuxième bonheur, une formidable ironie, ni moralisatrice ni négative, une ironie gavée de vitalité tant dans le plaisir de l'instant que dans la confiance dans l'existence. Troisième bonheur, l'imagination de Bohumil Hrabal, magique, plusieurs passages de ce livre touchent à la poésie, j'en dévoile un seul, celui où la grand-mère récupère les sous-vêtements jetés par les voyageurs de commerce dans le bief d'un moulin avec une gaffe pour les revendre. L'apparition du Négus et de ses cuistots est un ravissement. Quatrième bonheur, celui des personnages, tous attachants, pourtant tous dotés de défauts grossis par l'ironie de Hrabal. Le livre est court, 170 pages, quelques gros chapitres qui traversent l'histoire de l'Europe d'avant la 2e guerre mondiale à l'arrivée des communistes au pouvoir. L'histoire de ce groom peut aussi toucher par la philosophie de l'homme qui s'en dégage, sertie comme un diamant dans ce regard que le narrateur aux mains de Bohumil Hrabal a sur l'existence humaine. Un joyau.
Commenter  J’apprécie          110
La chevelure sacrifiée

C'est une chronique de la vie quotidienne en Bohême au début des années 20, à travers la vie d'un couple et de ses relations aux autres. C'est un récit gai, simple, amusant chargé d'odeurs, de sensations où les objets deviennent visibles au lecteur et où l'on entend réellement l’inquiétude des lampes à pétrole, la course des chevaux le soir dans les rues.

Ce roman très frais requinque parce -qu'il est débordant de vie, de celle que nos sociétés ne connaissent plus. C'est un vrai coup de cœur et un bijou de poésie.
Commenter  J’apprécie          110
Les souffrances du vieux Werther

Commentaire fait dans le cadre d'une relecture des oeuvres de l'auteur.Titre qui semble un clin d'oeil sinon un hommage à l'ouvrage de Goethe [b]Les souffrances du jeune Werther[/b] mais qui ne possède pas du tout le même contenu ni la même forme. Hommage de Hrabal envers son oncle, un vieil homme spectateur de son pays et de son époque, des moeurs, des relations sociales et surtout des amours.

On est littéralement abreuvés par les anecdotes narrées en un argot magnifique et avec un humour pince sans rire qui rappelle bien l'esprit tchèque.

récit tantôt trivial, tantôt grave il demeure touchant quoiqu'il arrive. On fini essoufflés mais en demande de plus, après tout, Bohumil fait tout dans cette oeuvre pour qu'on ait l'impression de faire partie de la famille. J'ai adoré, simplement, mais grandement.
Commenter  J’apprécie          100
Moi qui ai servi le roi d'Angleterre

Moi qui ai servi le roi d'Angleterre est la confession burlesque d'un tchèque soucieux de faire oublier ses origines modestes et sa taille qui ne l'est pas moins en "s'élevant" dans la société. Dans ce qui tout d'une logorrhée, le narrateur, avide de promotion sociale et toujours disposé à ce que l'inconcevable devienne pour lui réalité, s'applique, sur un mode furieusement itératif, à raconter sa montée en grade dans le domaine de l'hôtellerie restauration, de simple loufiat à propriétaire d'un hôtel de prestige, Présence d'esprit et opportunisme, talonnette et plastron amidonné pour se hausser du col, ainsi qu'une dose intangible de chance, sont de la plus haute importance pour faire son beurre en Tchécoslovaquie; et louvoyer entre les écueils que sont les revirements d'une histoire qui s'étend du début des années 20 jusqu'au Printemps de Prague, en passant par l'occupation nazie.



Dans ce soliloque alliant goût de l'absurde, grandiloquence et aveux désarmants de détachement des pires turpitudes Bohumil Hrabal façonne, de manière réjouissante et féroce, une prosopopée du destin déroutant d'un pays qui a connu bien des tours et des détours, à travers les aventures d'un personnage qui a tout de la girouette flairant d'où souffle le vent de l'histoire.
Commenter  J’apprécie          90
Trains étroitement surveillés

Bohumil Hrabal est l’un des plus grands écrivains tchèques du XXème siècle.

« Trains étroitement surveillés » publié en 1965 est le roman qui m’a été fortement recommandé pour découvrir son œuvre singulière. Il inspira le film éponyme de 1966, réalisé par Jiří Menzel, , un des représentants de la Nouvelle Vague tchèque (film qui reçut l’Oscar du meilleur film étranger en 1968).

Nous sommes dans une petite gare de Bohême sous occupation allemande, en 1945 alors que la fin de la guerre approche.

Nous y suivons Milos Hrama (le narrateur), jeune homme naïf et maladroit, stagiaire des chemins de fer de l’État qui reprend son poste après une tentative de suicide. Autour de lui, gravitent des personnages pittoresques et hauts en couleur. Notamment l’adjoint du chef de gare, M.Hubicka qui est le centre de l’attention après avoir couvert de tous les tampons du bureau les fesses d’une télégraphiste lors d’une garde de nuit. L’affaire fait grand bruit. Quant au chef de gare, il passe son temps à nourrir ses pigeons.

Si cette petite gare vit au rythme des trains qui passent, la guerre est un arrière plan (rappelé constamment par ces trains ) qui va finir par s’imposer sur le devant de la scène. Mais même en arrière plan, l’horreur de la guerre ne se laisse jamais oubliée.



« Trains étroitement surveillés » est un mélange singulier et très réussi de tragique, de poésie, de surréalisme et de burlesque mélancolique. Hrabal crée un contraste saisissant en alliant dérision, absurdité tragi-comique et événements tragiques.

Ce court roman d’apprentissage n’a rien d’un roman de gare (vous me pardonnerez cette facilité 😁), c’est un véritable bijou littéraire et un moment fort de lecture.

Attention, c’est un roman dur et certaines scènes sont très éprouvantes.
Commenter  J’apprécie          90
Une trop bruyante solitude

Le chef d'oeuvre de Hrabal : un cauchemar éveillé entre délire alcoolique et chant d'amour à l'art. Drôle, dérangeant, caustique, tout à la fois...
Commenter  J’apprécie          93
Une trop bruyante solitude

Relecture salutaire.



Bohumil Hrabal est un écrivain tchèque tout à la fois très connu et confidentiel. Connu et souvent considéré comme "l'autre" grand écrivain tchèque de la fin du XXe siècle (à côté de Milan Kundera), et confidentiel parce qu'une grande partie de son oeuvre a été publiée initialement sous le manteau, qu'il fut interdit de publication (de 1970 à 1976 puis de 1982 à 1985, me souffle Wikipedia), que certains de ses ouvrages ont été pilonnés. Confidentiel également car, finalement assez peu connus sous nos cieux, les titres de ses livres, et surtout de celui-ci, se transmettaient il y a quelques décennies comme de précieuses confidences. J'ai ainsi eu connaissance de l'existence de cette Trop Bruyante solitude par une amie qui me donnait alors l'impression de se livrer plus que lorsqu'elle m'ouvrait les draps de son lit quelques semaines plus tôt... mais je m'égare. Je dois dire que cette première lecture, il y a environ vingt-cinq ans, m'avait laissé pour le moins dubitatif, et que l'étiquette de "chef d'oeuvre de l'auteur" me semblait pour le moins exagérée.



Qu'en dire aujourd'hui, après cette tardive relecture ? Une oeuvre complexe, imagée, dont il semble clair qu'elle est aussi (mais pas seulement) une attaque féroce contre un régime absurde. Toutefois, la dénonciation est en filigrane : ce n'est jamais simpliste, évident ou transparent, mais plutôt diffus, comme une ambiance qui naîtrait de la confrontation incessante entre une trivialité à la limite de la grossièreté et une poésie indéfinissable. Tous les chapitres ou presque commencent par la même accroche, mais tous apportent une nouvelle pierre à l'édifice, et nous conduisent à l'inéluctable conclusion. Les parallèlles abondent, et, si j'osais, finissent par se croiser, du destin des souris à la guerre des rats, des métaphores obscures à la sombre cave où Hanta, écrasé par son destin, illumine les recoins et quelques instants de ses précieuses trouvailles littéraires, philosophiques ou artistiques.



Inclassable, exigeant, mais aussi salutaire témoignage, ce livre mérite à mon sens le petit effort nécessaire à sa découverte.



Commenter  J’apprécie          80
Trains étroitement surveillés

Récit, nouvelle, l'auteur connait le sujet puisque lui-même a travaillé dans les chemins de fer; on suit le parcours de Milo jeune stagiaire dans une gare qui fait des envieux aux alentours pour un fait divers qui s'y est passé.

la lecture est quelque peu chaotique au début puis on s'habitue et on a hâte de découvrir les péripéties de ces fonctionnaires qui voient passer et repasser l'armée allemande jusqu'au dénouement final…...
Commenter  J’apprécie          80
Une trop bruyante solitude

Pour le résumer rapidement, Hanta travaille chaque jour de sa vie à recycler de « vieux papier » à l’aide d’une presse manuelle : il transforme en balle décoratives les plus grandes œuvres littéraires que l’humanité a produite, censurées par le régime totalitaire nazi. L’histoire se déroule pendant la seconde guerre mondiale et sera publiée clandestinement en République Tchèque en 1976 alors que le pays souffre du totalitarisme communiste. Cela dit, plus qu’un acte de résistance politique, Une trop bruyante solitude condense en quelques 121 pages toute la noirceur de la condition humaine, celle que l’on retrouve dans le Joseph K. de Franz Kafka ou dans le prisonnier des Carnets du sous-sol de Dostoïevski. L’effet répulsif qu’a provoqué en moi les premières descriptions du quotidien de Hanta a bientôt laissé place à la compassion puis à l’empathie la plus forte qui soit devant ce (non-)combat face à l’inévitable. La résistance a-t-elle seulement eu lieu ? La vie de Hanta n’est-elle pas qu’une lente capitulation ? Ou, au contraire, un énorme cri de libération intérieure en écho à l’oppression physique de l’environnement externe ?
Lien : https://synchroniciteetseren..
Commenter  J’apprécie          80




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Bohumil Hrabal (1109)Voir plus

Quiz Voir plus

Tintin : 24 Albums - 24 Questions

Dans Tintin au Pays des Soviets, comment Tintin s’évade-t-il de sa cellule de prison ?

En prenant le garde par surprise
En scaphandre
Milou vole les clefs
Il ne d’évade pas, on le libère

24 questions
402 lecteurs ont répondu
Thèmes : bd belge , bd aventure , tintinCréer un quiz sur cet auteur

{* *}