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Citations de Charles Dobzynski (228)


AU SOIR
à Itsik Manguer



Au soir chaque feuille
Devrait être oiseau
Et moi je tourne en tenant une cruche
Pour y recueillir leurs larmes.
Sur les fleuves déjà les ombres
Des arbres se sont enlacées
Nouant leurs têtes calmement,
Les chiens bientôt vont aboyer,
Découper le silence
Avec de longs couteaux, jusqu’au ciel.
Les chiens bientôt vont aboyer
Et la cruche tremble à ma main.


// Reizl Zychlinski (1910 – 2001)

/ Traduit du yiddish par Charles Dobzynski
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Jardin chagallien



Derrière le portail, dans les dix-huit carats de la rosée
Vient se baigner ta fiancée.
Elle plonge en tremblant dans ta palette, en même temps
Que de bleus parfums balsamiques.
Ton imagination devient jardin... Ô nuit de rossignols !

S’embrassent les couleurs. Ton pinceau lui-même
Est un homoncule
Sur la Voie lactée de la toile
La tête à l’envers
Et s’offrent en lui des secrets charnus,
Pommes tièdes, fruits féminins,
Ses couleurs libèrent le bien que le jardin
Cache sous ses voiles de brume.


// Avrom Sutzkever (1913 – 2010)

/ Traduit du yiddish par Charles Dobzynski,
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La ville du massacre


Extrait 5

Sauvage et fou tu te glisses dans un grenier
Et tu restes figé tout seul dans les ténèbres,
Sens-tu qu’autour de toi la peur mortelle flotte encore,
Un battement d’ailes noires et froides ?
Et le gel prend à la racine des cheveux,
Ici et là dans chaque trou obscur
Vois tous ces yeux muets qui s’ouvrent
Ce sont les âmes des victimes qui regardent,
Ames errantes, exilées,
Qui dans une encoignure, ici, toutes ensemble
Se sont blotties épouvantées et qui se taisent.
Ici les débusqua le tranchant de la hache
Et vint, pour les contempler un instant
Et pour sceller une dernière fois sous leurs paupières
Le reflet de leur propre fin,
Toute la peur de leur vie misérable ;
Et les voici tremblantes, colombes vouées à l’hécatombe,
Pelotonnées l’une sur l’autre sous le toit,
Qui te regardent longuement avec leurs yeux muets
Qui n’exigent de toi et sans voix ne requièrent rien,
Proférant silencieusement l’ancienne question
Qui n’a jamais encore atteint le ciel
Et jamais jusqu’au ciel ne pourra parvenir,
Que « Pourquoi ? », encore, « pourquoi ? »


//Chaïm-Nahman Bialik (1873 – 1934)
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Paysage de fin de nuit


La lune chevauche un chameau de granit bossu.
Écoute :
Des frémissements traversent la terre
Comme des nuées.
Un éclair aux cornes violettes
Plonge dans la mer, allumant
La courbure d’une vague.
Mais la lune méfiante regarde
Comme un vieux fossoyeur qui voit un nouveau-né.


//Avrom Sutzkever (15/07/1913 – 20/01/2010)
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EXECUTION

Creusant ma fosse comme il faut, comme on l'ordonne,
Je cherche dans la terre un peu de réconfort.

Je creuse encore, un coup, un vermisseau qui sort
D'en dessous, palpitant - le cœur tremble plus fort.

Et ma pelle le coupe - et, merveille, je vois
Chaque morceau coupé qui devient deux, puis trois.

Encore un coup, en trois, en quatre il se divise.
Ai-je vraiment crée de mes mains tant de vies ?

Et le soleil revient au plus noir de man âme,
Un espoir raffermit mon bras, trempe ma chair.

Puisque refuse un ver de céder à la lame
Es-tu donc, homme, moins qu'un ver ?

1942 , Avrom Sutzkever


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Quand viendras-tu?

Dans l’océan des nuits
Tes paroles deviennent
Huîtres perlières
Et tes yeux, des pêcheurs
Portant filets de mélodies.

Le jour
Leur soif décoche
Des flèches de feu vers le soleil
Qui de ton cœur pourtant
Fait le cri déchiré
Des mouettes
Effrayant même
La solitude ancienne
Du vent?

Intouché par les temps
Tu mets la voile
Dans la pluie des regards
À travers le ruissellement
Des tristesses
Là-bas
Où sur mon pays d’attente
Croît
Noire, l’herbe.

Quand viendras-tu?

Leiser Achaenrand (1912-1988)
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Brouillard de la tribu

Brouillard où s’enrobe la nuit dans le voile de la pensée,
De chaque lanterne soudain la puissance s’est décuplée,
On n’aperçoit aucune étoile et la lune s’est éclipsée.

S’étend le brouillard qui a le pouvoir de refermer les yeux,
Le brouillard est chauve-souris qui plane, descendant des cieux,
En nous-mêmes nous nous tendons et nous marchons pliés en deux.

Grandes ailes grises mouillées dont le destin nous fit offrande,
Caravansérail de Satan — et c’est à lui qu’elles ressemblent —
Et vois mon ami : après nous plus aucune ombre qui s’étende.

Et le brouillard s’emplit de voix, de paroles, une rumeur,
Et nous sommes au paradis, autour de nous c’est le bonheur,
La pomme de la connaissance prend à nos yeux d’autres couleurs,

Effrayant, dis-tu? Le brouillard est cruellement sans mémoire,
Le bonheur ressemble à présent au couteau sacrificatoire,
Je ne le vois plus! Contre moi, plus fort et plus près, blottis-toi…

Moshe Broderson
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Avril



Avril
La jeune verdure
Ne sait pas encore
Ce qu’elle désire
Comment fleurir
Rouge
Blanche
S’envoler peut-être ?
Elle s’éprend, la nuit,
De chaque étoile
Et le matin
La trouve roide,
Gelée.
Avril.


// Reizl Zychlinski (1910 – 2001)

/Traduit du yiddish par Charles Dobzynski
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RÉINCARNATION


Je fus, je fus et j’ai été
Depuis longtemps ici planté,
Plus d’une fois j’ai dû ramper
Et j’ai plané plus d’une fois.
Parmi les poissons j’ai nagé
Dans les nuits des gouffres obscurs,
Parmi les astres voyagé
Sur l’hippodrome de l’azur.
Dans les télescopes poudreux
Je m’agitais, je me mirais,
Pleuvant en rayons lumineux
Sur la tête d’un orphelin.
Mes larmes en rosée tombaient
Au cœur d’une rose. Je fus
Le songe du séminariste
Sur le banc d’un temple endormi.
Je fus une pure prière
Qu’emplissait l’effroi de Satan.
Je fus cette larme qui perle
Aux cils d’un tel, en même temps
Le réconfort qui chez un autre
Calme l’étreinte du tourment.
J’ai vécu, mué en tortue
De longues, de noires années,
Mâchant et pétrissant la terre,
Je n’ai rien vu, je me suis tu.
Je restais à l’état larvaire
Et j’étais bien le plus bizarre
Parmi tant de bizarreries,
Un chat dans l’ombre d’une cave,
De tous le plus abandonné.
J’ai franchi, plus vif que l’éclair,
Générations et pays
Jusque dans l’esprit d’un penseur.
Ici, durement j’ai souffert,
Et là, profondément aimé,
Tous les pays dans mes tréfonds
Leurs tempêtes, leur mois de mai,
Le Mississippi là-bas gronde,
Rêvent le Danube et le Nil,
Ma petite sœur l’infusoire,
Le Hottentot mon frère noir,
Ils me conduisent tous ensemble
Me pressent vers la délivrance
De ma réincarnation : Dieu.


//Aron Zeitlin (22 mai 1898-28 septembre 1973)
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Il ne faut pas

Pour toi je fais silence avec toutes les voix.
Est-ce que tu m’entends?

Je m'embrase pour toi de cela que je cache.
Est-ce que tu me vois?

J’ai le désir de toi par tout mon interdit.
Est-ce que tu me veux?

Pour toi je fais silence.
Pour toi je fais silence avec toutes les voix.

Malka Heifetz-Tuzman (1896-1987
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Angoisse



Ma plume tremblante
Et ma main de glace,
Un bout de papier,
Bougie clignotante,
Ombre qui nuage
Par-dessus ma main,
Et c’est un cercle et ce cercle prend fin.
Mais dans cet abîme
Où je suis assise
Passe en frémissant
Ainsi qu’un éclair
Ce visage en moi toujours qui me point.
Et l’angoisse
Flotte sur moi comme une écharpe,
Recouvre ma tête,
Le bout de papier,
Le vin de la vie
Et la lueur de la bougie
Et le malheur de la clarté.
Dans l’ombre de la table
Qui vient et qui va
Saoule se balance
Par-ci et par-là,
Chaque planche a sa part
Fendue et taillée,
Assurément c’est pour rire
Que je suis assise à présent
Croyant que j’écris
Et croyant que c’est un chant.


// Kadia Molodowski (1894 – 1975)

/Traduit du yiddish par Charles Dobzynski
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Cheval bleu (Dora Teitelboïm)

Cheval bleu, cheval de feu
Plus vite, plus vite,
Plus loin, plus loin,
File encore, file
Au galop,
Franchis
Les jours tels des fleuves profonds,
Les nuits, ces abîmes, sans
Pourtant m’y précipiter.
Il est triste, il est décharné
Ton cavalier.
Traces perdues,
Les vents — rênes dénouées,
Les lampes au loin — éteintes,
Les épis de la vie, — battus,
Mon rêve — une étoile
Déjà brûlée sur mes épaules,
Et la bouche aux paroles blanches —
Des dents brisées.
Cheval bleu, cheval de feu
Plus vite, plus vite,
Frappe de tes sabots les pierres,
Vole par la flamme et l’épée,
Dans la nuit, que tes étincelles
Allument les étoiles sur la terre.

(p. 553)
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Candidat pour Treblinka (H. Leivick)

À Treblinka je ne suis pas allé,
Je n’étais pas non plus à Maïdanek,
Mais je suis debout sur leur seuil
Devant l’entrée.

Le seuil — monde immense de Dieu,
Devant la véranda de l’au-delà
Je reste, j’attends
Monde immense, ton commandement :
Espèce de juif ! À la chambre à gaz !

Tout alentour est beau divinement,
Les bois dévotement hochent leurs têtes,
Sur tous les monts et sur toutes les plaines
Tourbillonnent les vents,
Et le soleil transparent
Est chargé d’un trop-plein de flammes,
Et naissent de leur flamboiement
Les cortèges de feu de Maïdanek.

Je fus plus d’une fois convié
À goûter au cours de ma vie
L’ivresse des Inquisitions,
Mais je reste à mon rang
Devant le vaste camp du monde,
Désigné comme candidat
Pour Treblinka.

(p. 176)
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Un mioche (H. Leivick)

Nuit, lucioles d’orage,
Un tortueux chemin
Je leur cherche un langage,
Je leur cherche un refrain.

Tous les mots s’émerveillent
Du plus petit discours —
Juste créé, s’éveille
Le monde âgé d’un jour.

Un bruit d’orage roule,
La voie lactée se tord
L’odeur du divin moule
Flotte partout encore.

Juste issu de l’abîme
Vers son but, son sens vrai,
Tout demeure anonyme —
Sourire, jeu, secret.

La lune, hochet-cloche,
Paraît puis déguerpit
Dieu lui-même — un mioche
Joue avec sa toupie.

(p. 167-168)
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XV (H. Leivick)

Silence et mort
Au fil des heures,
Qui va là ?
Rien, c’est moi.

Au milieu
De la route
Est-ce la mort ?
Non, personne.

Neige rouge,
Je suis blanc
J’ai pour mains
Des glaçons.

Tenterai-je
De marcher
Sur mes pieds
Et tout seul ?

Qui va là ?
Non, personne.
Faux, le bruit
Faux, le pas.

Silence et mort
Au fil des heures
Qui va là ?
Rien, c’est moi.

(p. 161-162)
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La ville du massacre


Extrait 12

Va , regardes-les bien, ce sont là des victimes
Qui gisent en ce lieu tels des veaux égorgés,
Pour elles tu n’as pas un pleur, comme moi, nulle offrande.
Ossements morts, ici je suis venu
Pour demander expiation, pardonnez-moi,
Pardonnez à votre Dieu, ô vous éternels offensés,
Pour votre vie amère et sombre, pardonnez
Pour votre vie dix fois amère.


//Chaïm-Nahman Bialik (1873 – 1934)
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De toi…

De toi je suis trempée comme la terre l’est d’une pluie printanière,
Mon jour le plus blond se suspend
Au pouls battant de tes paroles tues
Comme l’abeille aux fleurs du marronnier.

Je suis vers toi comme promesse de moissons
Dans le temps,
Quand le blé dans les champs se mesure au froment,
Et se déploie avec l’espoir de tout ce qui verdit
Sur le plancher net des greniers.

Sourd à la pointe de mes doigts la fidélité sur ta tête lasse,
Et toutes mes années
Sont des champs que foulent tes pas
Et qui se gonflent
De la douleur
De t’aimer, ô mon bien-aimé.

Rachel Korn (1898-1982)
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La chanson
(extrait)

Dans un monde étrange voici qu’elle s’éveille
De son tendre rêve d’enfant.
D’une ancienne chanson son cœur chante et s’enchante,
Chanson de son foyer d’antan.

Par la rumeur des rues dans cette métropole,
Gouffre d’inquiétude et d’effroi
Elle s’en va portant son chant, le flux des foules
Souffle sur elle un vent de froid.

Elle porte son chant par les rumeurs d’usine,
Ennui, contrainte, accablement
Qui défont peu à peu toute fête en son âme
Sous un jour trop lourd et trop lent.

Anxieuse elle va portant son chant de fête
Dans la bousculade du train,
Le cœur plein d’un chant pur elle s’accroche aux narres
Salies par tant et tant de mains.

Elle retrouve au soir ses murs vides, sa chambre
Aussi étroite qu’un tombeau,
Pleure en elle son chant des larmes de silence,
Solitaire et secret sanglot.

Étrangers à ses yeux ses pleurs de lassitude,
Ses pleurs en son lit s’épanchant,
Son cœur fond de souffrance et de mélancolie,
Et meurt en son âme le chant.

Avrom Liessin (1872-1938)
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Le plomb de l’imprimerie Rom
  
  
  
  
Hors des barreaux nous étions la main qui se tend
Pour capter. Liberté, ton vol de lumière.
Vers l’imprimerie Rom dans la nuit nous hâtant
Pour y prendre le plomb par galées entières.
Il nous fallait, rêveurs, devenir combattants,
Muant l’esprit du plomb en balles meurtrières.

Ouvertes de nouveau, les matrices nous semblent
L’intime éternité des cavernes secrètes ;
Cuirassées d’ombres sous le halo d’une lampe
L’une après l’autre nous faisons couler les lettres
Pareils à nos aïeux qui jadis dans le temple
Versaient aux menorah * l’huile des jours de fête.

En balles métamorphosé le plomb rayonne,
Lettre après lettre en lui fondait notre pensée :
Un vers de la Pologne, un vers de Babylone,
En un même creuset bouillonne le passé,
La vaillance des Juifs au cœur des mots cachée
Doit-elle fracasser d’une salve le globe ?

Au ghetto celui-là qui vit surgir les armes
Par d’héroïques mains judaïques serrées,
A vu Jérusalem se lever et se battre
Et ses murs de granit il les a vus sombrer.
Il rassembla les mots, fit de leur plomb des balles
Et reconnut au fond des cœurs leur voix sacrée.

                               (12septembre 1943)



// Avrom Sutzkever (1913 – 2010)

/ Traduit du yiddish par Charles Dobzynski,


menorah * chandelier à sept branches, symbole du judaïsme
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Sur les routes de Sibérie (H. Leivick)

Sur les routes de Sibérie
On pourrait encore aujourd’hui retrouver le lacet
D’un de mes souliers déchirés,
Une ceinture en cuir, les débris d’une cruche,
Un feuillet du Livre sacré.

Sur les fleuves de Sibérie
On pourrait retrouver comme un signe, l’épave
De mon radeau submergé.
Dans la forêt un bout de corde ensanglantée
Dans la neige — des pas gelés.

(p. 160)
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