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Citations de Charles Dobzynski (228)


MONTAGNE, CIEL, SOLEIL ET PAIX


Au cœur du monde, quelque part au cœur du monde
Il existe un marais comme un orgue qui gronde,
Un crapaud noir plus gros qu’un ours attend
De-ci de-là ballottant

Depuis mille ans déjà, peut-être plus longtemps
De-ci de-là ballottant.
Quelque part au-dessus du monde – l’œil pareil
Sur la cime d’un arbre à l’éclat du soleil
Un oiseau las et malade est tapi,
Rêvant au moucheron mourant sur un épi
Et depuis mille ans sa tête se plie
Vers le bel épi, vers le bel épi.

Au-dessus du monde, ô toi ciel distant,
Comme mon exil crie en sanglotant
Ton silence au-dessus des lumineux lointains,
Ton soleil dans la soie et dans l’or qui s’éteint
Au fil des faux tranchant chantant dans le matin
Des lumineux lointains, des lumineux lointains.

Vois-tu l’or dans le ciel et l’arbre – tu dis soir,
Veux-tu savoir ce qu’est le soir – tu dis tristesse,
Veux-tu savoir ce qu’est la tristesse
Avec ta bouche et tes yeux tu te vois
Aveugle et muet dans le triste soir
Pleurant alors comme la clarté pleure
Dans la main d’un enfant le soir
Tu es la lumière et l’enfant qui pleure
En ton sang – dans le triste soir.


//Moshe-Leib Halpern (02/01/1886 – 31/08/1932)
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LE TAILLEUR NOTE MANGUER CHANTE.

Tourterelles dans l'or du soir,
Années de l'enfance envolées,
Je voudrais seller mon cheval louvet,
Au galop vers vous m'en aller.

Je voudrais vers vous revenir,
Attelant mon cheval louvet
Et dans la roulotte de mon grand-père
Chez moi je vous ramènerais.

Sentier tortueux, petits saules,
Et floraisons dans tous les coins,
Voilà qui s'enlacent et s'aiment
Le plus proche et le plus lointain.

Ce qui fut voici bien longtemps
Aujourd'hui c'est renouvelé
En sandales d'argent s'en va
Le prodige à travers le blé.

Un tour suffit à l'anneau d'or
Pour que s'ouvre tout l'univers,
Que tout brille, bourdonne et vole
En rimes, en strophes, en vers.

Trilili, trille de l'oiseau,
Refleurissent tous les vergers,
Combien de joie, combien de peine.
Faut-il pour survoler l'été?

L'herbe et le grillon, tsi tsi tsi
Au soir dans la fraîche buée,
Que de joie faut-il que de peine
Pour qu'enfin l'été soit joué!

Tourterelles au feu du soir,
Années de l'enfance envolées,
Je voudrais seller mon cheval louvet
Au galop vers vous m'en aller,

Je voudrais vers vous revenir,
Attelant mon cheval louvet
Et dans la roulotte de mon grand-père
Vous ramènerais.

Itsik Manguer (Itzik Manger)
(p. 427-428)
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LA DERNIERE FOIS

à Rebecca

Je t'ai vue, la dernière fois, dans le wagon encore ouvert,
Parmi le troupeau effrayé, les visages des enfants juifs,
Je n'ai pu te tendre la main même pour le dernier voyage
Déjà le camion refermé m'emportait vers la grande route.

Et je ne savais pas que c'était la dernière fois,
Le dernier voyage de tous nos rêves,
Vers nous les monts semblaient bleuis de froid.
Et près d'eux, sur le ciel, crachaient les crématoires.


Isaïe Spiegel
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Tel un chat qui s'étend, solitaire, avec la lune sur sa tête
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CE QUE DIT L'OUVRIER

De petits hommes capturent les baleines géantes
Pour transformer leurs fanons en corsets ;
Ils prennent à la queue du casoar deux ou trois plumes,
Au tigre, son pelage bigarré
Pour faire une carpette au pied d'un lit bourgeois.
Moi, la ville m'a capturé
Pour coudre sans fin des boutons.
Fil par-ci, aiguille par-là...
Tant de sensations et de chants nostalgiques
Tant de rêves et tant d'humaines passions
Et tout cela ne donne que boutons,
Fil par-ci, aiguille par-là,
Et reboutonne et déboutonne
La joie de créer, la pensée,
Ainsi jour et nuit jusqu'à l'heure
Où l'on entre dans la mort.
Il me semble déjà moi-même être un bouton.
Je me couds, je me couds à la vie
Sans pouvoir m'attacher,
Bouton dessus, forces perdues,
Je ne puis, bouton, me coudre moi-même.

(Zalman Shneour)
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Un violoniste

Un violoniste est
Un
Violon
Un batteur est
Une
Batterie
Un bandouriste est une
Bandoura.
Un homme est ce qu'il fait et ce qu'il joue
Et un visage est
Ce qu'il révèle.

Un homme est un beau rêve. Les rêves volent par le monde.
Volent dans le ciel
De la grande fête
De son existence terrestre.
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AGE

Mince et transparent
L'amour des années de vieillesse
Se meut, mal assuré
Sur la chair comme à cheval.
Tu te mets a compter, à épargner ta force
Tu sens te percer chaque jour
Qui t'est destiné.

Tu regrettes n'avoir pu qu'entrevoir
Tant de couchers de soleil
Et des fleurs, des arbres, des herbes.
Crissent en toi les épines du chant
Tu foules la vie comme verre
Et les ombres pour toi prennent un sens profond.
Tu reçois un sourire froid comme une offrande
Et tu deviens avare
De la divine profusion du temps.

Jacob Glatstein
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On ne peut pas enregistrer la naissance d'une langue. La formation est trop lente et trop incertaine, et l'on met ainsi au jour une vérité qui ne concerne pas seulement les phénomènes linguistiques, une vérité presque impensable, la plus difficile à admettre pour l'esprit humain: il n'y a pas d'origine. [Gérard Macé]
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Vie

Vie —
Étrave d’un oiseau qui fend la mer,
La mort roule en tes profondeurs
Et s’évanouit.
Un clin d’œil :
Elle fut — elle a disparu.
C’est à peine si sa surface
Se courbe et se ride,
Creuse une vague sous le vent,
Un peu d’écume se disperse et meurt,
Puis de nouveau tes milliers de flux
Se gonflent,
Et de nouveau tes vagues font rumeur
De pleurs et de rires.

Vie —
La mort n’est donc que ce clin d’œil,
Un songe orageux :
Elle fut — elle a disparu.
Toi seule, toi seule
Tu es partout, toi l’éternelle,
Herbe et arbre, terre et ciel.
C’est toi l’oiseau, qui fend l’espace.
Tu es l’homme, chair et sang,
Qui combat pour le bonheur.
Tu es l’espoir qui connaît et qui croit,
Qui referme toutes les plaies,
Qui réconforte et qui promet,
Et aussi le clin d’œil
de ce qui fut et de ce qui n’est plus
C’est toi!

Louis Miller (1889-1968)
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CANDIDAT POUR TREBLINKA

À Treblinka je ne suis pas allé,
Je n'étais pas non plus à Maïdanek,
Mais je suis debout sur leur seuil
Devant l'entrée.

Le seuil - monde immense de Dieu,
Devant la véranda de l'au-delà
Je reste, j'attends
Monde immense, ton commandement :
Espèce de juif ! À la chambre à gaz !

Tout alentour est beau divinement,
Les bois dévotement hochent leurs têtes,
Sur tous les monts et sur toutes les plaines
Tourbillonnent les vents,
Et le soleil transparent
Est chargé d'un trop-plein de flammes,
Et naissent de leur flamboiement
Les cortèges de feu de Maïdanek.

Je fus plus d'une fois convié
À goûter au cours de ma vie
L'ivresse des Inquisitions,
Mais je reste à mon rang
Devant le vaste camp du monde,
Désigné comme candidat
Pour Treblinka.

(H. Leivick)
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Celui qui n’a rien
  
  
  
  
Celui qui n’a dans sa valise
aucun suaire de rechange
aucune ampoule de sang
pour transfusion instantanée
dans la salle d’urgence de l’au-delà
C’est moi modeste apprenti du destin
bachelier de ma propre fin
non encore inscrit sur la liste
des admissibles.

Celui qui n’est inscrit au fichier du terrorisme
que comme un dangereux poseur de tombes
tombeur de rimes
qui n’a nulle doublure
pour le remplacer au théâtre des ombres
C’est moi, le redoublant
en phase terminale
menacé d’être expulsé
pour faute de syntaxe
dans la soutenance de thèse
de la mort.

Celui qui n’a d’autre héritage
que sa langue au stade de la péremption
qui porte au cou comme une corde
La mort, à vif
les pellicules de films inflammables
qui n’a pour se vêtir que la vieille défroque
de tous les disparus sans testament
et leurs regards
ne sont plus que les chiens errants dans les rues
C’est moi le plus mauvais élève
des arbres et des herbes
l’éternel cancre du printemps
menacé d’être licencié
de toute la beauté terrestre.


p.53/54
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L’inconnu n’est plus un soldat
Je l’ai délivré
  
  
  
  
Je l’ai délivré de ses virevoltes
de noria
je l’ai emmené loin à la campagne
parmi les blés que les souvenirs et les balles
ont criblés
respirer le grand air
des batailles non mémorées
des offensives avortées
des cours de ferme où l’on fusilla pour l’exemple
les refuzniks des boucheries
et des tartuferies
dans l’au-delà des faux-semblants
je l’ai guidé vers les plaines du Nord
là où la mort lui a laissé son legs
de visages pareils au sien
dans les fosses anonymes
dans les fondrières creusées
par les chars archivistes des charniers
près des obus non éclatés encore enfouis
qui attendent leur proie
là où des paysans des forgerons et des mineurs
ont connu le calvaire de christs
sans autre croix
que celle greffée sur leur tombe.
La mort, à vif
Je l’ai conduit dans les plaines du Nord
délitées par deux guerres
dans des lieux qui n’ont pour miroirs
que le ravage et l’oppression
je l’ai emmené voir ce que furent
ses frères d’insomnie ses jumeaux oubliés
ceux que le futur recala
afin que parmi eux
il se lève et se reconnaisse.


p.51/52
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Charles Dobzynski
le jardinier des origines



– Sois le soutien de famille
des strates
le jardinier des origines
peut-être le seul gué
dans la débâcle
des rencontres et des quanta.
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Un vent frappe (H. Leivick)

Un vent frappe à la vitre
Silence en ma maison
Silence en ma maison comme dans mon cœur

Je fais ce que je veux
Ma tête tombe sur la table
Je la relève et regarde au-dehors
Regarde dans la rue

On frappe à la porte
Et je dis Entrez
Et je dis Entrez, qui donc, peu m’importe
Si, cela m’importe
Nul pourtant ne vient
Je dis Qu’il en soit ainsi c’est fort bien.

Je bondis soudain
Je sors dans la rue
Je sors dans la rue et puis je reviens
Ayant acheté des noix
Ces noix les ai-je achetées ?
Pour quel invité ?
Suis-je vraiment allé acheter des noix ?

Il y a des noix et puis du raisin
Alors peut-être aller chercher du vin ?
Aller chercher du vin très vite ?
Je bondis encore
Je sors dans la rue et puis je reviens
Avec une fiole de vin
Ce vin l’ai-je acheté ?
Pour quel invité ?
Suis-je allé vraiment acheter du vin ?

Un vent frappe à la vitre
Silence en ma maison
Silence en ma maison comme dans mon cœur.

(p. 166-167)
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Personne ne viendra (H. Leivick)

Dans les bougeoirs brûle la cire,
Calme maison.
Une main, les soufflant, renverse
Les lumignons.

Une autre main soudain s’approche
Les rallumant.
La mère porte un grand suaire
Pour vêtement.

Le père est assis, qui ne bouge
Et ne se plaint —
Mais ce qu’il a dit, quand il parle,
Nul n’en sait rien.

Quelqu’un surgit, et la seconde
Aussitôt sort —
Une autre bougie renversée,
S’éteint encore.

Par la fenêtre à demi close
Regarde alors
L’astre du matin, blanc et rouge,
Le clair d’aurore.

(p. 159-160)
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La ville du massacre


Extrait 17

Il suffit maintenant. Enfuis-toi, homme, enfuis-toi
  pour toujours
Cours au fond du désert et deviens fou,
Mets en pièces ton âme,
Jette dehors ton cœur pour les chacals,
Laisse ta larme tomber sur les pierres ardentes
Et que ton cri soit englouti par l’ouragan.


//Chaïm-Nahman Bialik (1873 – 1934)
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SÉCHERESSE


Deux bonzes japonais font tinter leurs clochettes
Et de la canicule égrènent la chanson.
Chacun porte un lotus à sa robe accroché
Afin de conjurer la mauvaise moisson.

Deux curés en soutane noire prient en chœur,
Agenouillés devant de pieuses images :
Jésus que tout le sang qui coule de ton cœur
Au-dessus du pays se transforme en nuage.

Deux rabbins sont blottis au profond de leur être
Et pleurent en priant la résurrection :
Ô Toi qu’ils ont trouvé, que nos lointains ancêtres
Plaident pour nous Ta grâce et Ta compassion.

Tandis que tout là-haut le visage solaire
Scintille – ardent buisson dans l’azur embrasé,
Et que deux arbrisseaux, la bouche grande ouverte
Semblent, à l’agonie, attendre la rosée.


//Jacob-Zvi Sharguel (1905-1995)
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SONS


La fille blonde à la harpe
Est pourtant un brigand camouflé.
Avec une lame de verre
Elle tranche les têtes bleues des résonances
Et les laisse en l’air palpitantes,
Agonisantes.

Et toi, et moi,
Qui durant des nuits entières
Avons étreint le sanglot de nos corps,
Vois comme elle se rit de nous,
La fille blonde à la harpe
Qui nous joue un chant de dérision
Jusqu’à l’orée du grand jour,
Jusqu’au cœur profond du jour.


//Jacob Glatstein (20/08/1896 ‒ 19/11/1971)
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LA DERNIÈRE FOIS
à Rebecca


Je t’ai vue, la dernière fois, dans le wagon encore ouvert,
Parmi le troupeau effrayé, le visage des enfants juifs,
Je n’ai pu te tendre la main même pour le dernier voyage
Déjà le camion refermé m’emportait vers la grande route

Et je ne savais pas que c’était la dernière fois,
Le dernier voyage de tous nos rêves,
Vers nous les monts semblaient bleuis de froid.
Et près d’eux, sur le ciel, crachaient les crématoires.


//Isaïe Spiegel
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L’amour la mer


Je voudrais être l’eau de mer quand vous nagez
Vous ensevelir entière dans le sel
L’iode et le goémon Le bleu qui ne peut pas finir
Pour vous couvrir je voudrais être drap des algues
Votre corps archipel serait mien Totalité
De matière qui se souvient et ohaque mouvement
Chaque esquisse de vous des bras des jambes
Serait appartenance à mon statut océanique
Vous sur la balance de la vague divagante
Tout le corps allégé l’âme liège qui flotte
La bouche respire au rebord La peau reprend en boucle
Partition de l’eau le corps enfin s’y raccorde
Et l’eau qui compose la chair se change en souffle
Fente d’air pur passage à l’extrême de soi
L’ œil rame avec la vue Le cœur en battant crawle
À longs brassages de ressac et de cadences
L’amour la mer soudés profond en voyance scellés
Pour le voyage illuminé des revoyures.

Sans jamais recommencer
la mer est autre rive à la pensée
l’immense est un appel en vous.
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