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Critiques de Eric Reinhardt (807)
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L'Amour et les Forêts

Auréolé du Prix France Télévision – Roman en 2014, du Prix des lycéens – Renaudot la même année, puis du Prix France Culture – Télérama en 2015, L’amour et les forêts est un roman salué par les critiques et plébiscité par les lecteurs. Au vu de ce palmarès exceptionnel, j’ai acheté ce livre les yeux fermés et j’ai débuté sa lecture sans a-priori, n’ayant même pas pris la peine de lire la quatrième de couverture. Avec autant de prix, il devait forcément être bon !



Je débute donc ma lecture aux côtés de Bénédicte Ombredanne, une femme d’une quarantaine d’années, touchée par l’écriture d’un écrivain, à qui elle va transmettre une lettre passionnée et passionnante d’intelligence et de dévouement. Très touché par cet hommage, l’écrivain, qui n’est autre qu’Éric Reinhardt, décidera de rencontrer cette fervente lectrice. Deux rencontres auront été suffisantes pour qu’Éric soit touché par l’histoire de Bénédicte Ombredanne. Mariée à Jean-François depuis des années, mari transi de jalousie, autoritaire, homme insensible, colérique et froid, ils ont ensemble deux jeunes enfants et vivent tous sous le même toit. Bénédicte Ombredanne est professeure agrégée de lettres et rêvait d’une toute autre vie, où la passion, l’amour pur et véritable, exacerbé et délicat aurait comblé son quotidien. Ce qui n’est pas le cas avec Jean-François. Elle va donc s’inscrire sur Meetic et rencontrer Christian, un homme aux antipodes de son mari, intelligent, doux, attentionné, qui va lui offrir les quelques heures les plus heureuses de toute son existence.



Le sujet semble simple, mais il est extrêmement complexe, paradoxal et sensible : c’est le destin amoureux d’une héroïne aux prises entre son coeur et sa raison. Durant deux longues années, nous allons suivre son quotidien de femme battue, humiliée, maltraitée et rabaissée par son mari, coupable de jalousie extrême et de perte de tout contrôle sur ses gestes et ses paroles. Il n’hésitera pas à la manipuler, à l’intimider et à lui faire du chantage pour qu’elle reste à ses côtés, malgré l’absence évidente d’amour. Son comportement est véritablement choquant, on en vient à se demander comment Bénédicte Ombredanne peut supporter de vivre avec un homme tel que lui.



Seule étincelle de lumière dans son quotidien morose : sa brève rencontre avec Christian, le temps d’une journée ensoleillée et passionnelle, ponctuée d’amour, de balades en forêt, et d’essais au tir à l’arc. Ce fût un coup de foudre immédiat et intense entre ces deux amants que tout rapproche. Mais quand le coeur dit oui, la raison dit non : Bénédicte Ombredanne, muselée à son mari et à ses obligations parentales, mettra, bien malgré elle, une fin définitive à cette belle histoire-embryon.



Il est toujours bon de rappeler qu’en France, en moyenne, près de 220 000 femmes subissent chaque année des violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur compagnon, mari, ou ex, soit 1% de la population totale. Un chiffre à faire frémir de colère, encore plus si l’on prend en compte le taux de féminicide sur une année, qui s’élève à plus de 100 meurtres sur l’année 2019. Un taux qui ne cesse d’augmenter, notamment lors du confinement, où les violences conjugales ont augmenté de +30% en province et à Paris. Dénoncer ces actes malveillants, signaler et prévenir, aider et assister les femmes pour les sortir de cet enfer constitue un défi majeur. L’amour et les forêts, pourtant écrit par un homme, se fait un très bon manifeste de ces dommages verbales, physiques et psychologiques devenus l’une des plaies de notre société.



Éric Reinhardt est un auteur qui se fait discret dans la cour littéraire française. C’est pourtant un auteur de renom, extrêmement doué, qui sait manier les mots avec perfection. Sa plume est élancée, poétique, complexe aussi, dans le sens où on ressent intensément que les mots et les phrases employées sont longuement travaillées, presque ciselées avec minutie. Malgré ce travail d’orfèvre, ces mots glissent sur les pages pour créer des phrases alanguies, qui se lisent avec fluidité. L’auteur magnifie la langue française et juste pour ça, je lui dis un grand bravo et un immense merci !



Malgré tout le respect que j’aie pour l’auteur et toute l’admiration que je porte à sa narration, je me suis vue, à plusieurs reprises, soupirer de lassitude. Par moment, l’histoire se perd en longueurs et en circonvolutions superflues, qui étirent le récit sans lui apporter de réelle plus-value. Cette langueur d’écriture, cette monotonie excédentaire a contribué à me détacher de l’histoire. Conséquence directe sur mon affect : j’ai été moins touchée par la triste histoire de Bénédicte Ombredanne que j’aurais dû l’être.



Un récit superbement écrit, qui jongle entre poésie lyrique et envolées narratives : un bel hommage à l'écriture française. J'ai beaucoup aimé le style narratif, mais j'aurais souhaité qu'il soit moins travaillé, plus accessible, plus touchant. Dommage, car le fond est vraiment intéressant : on suit le quotidien amoureux d'une femme, transcendée entre son coeur et sa raison. Une histoire moderne et triste, digne plaidoyer d'un homme en faveur des femmes.
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L'Amour et les Forêts

Si ce livre est bien de la littérature, c'est que rien de ce j'aime dans les romans n'a de sens.

Après un premier chapitre très écrit, un deuxième fait ricaner: le parler d'jeun de Lola semble sortir tout droit des pages "famille" de "Elle" (en moins drôle). Puis du sexe. Puis une nouvelle du XIX°. C'est curieux, me disais-je, cette volonté de multiplier non les voix narratives mais les pastiches romanesques, comme si Reinhardt voulait montrer tout ce qu'il était capable de faire. Enfin le récit de la soeur, et c'est comme si tous les détours précédents et toutes les affèteries plus ou moins talentueuses n'avaient été écrits que pour masquer la faute rédhibitoire de ce dernier chapitre où le personnage veule du mari apparaît dans toute son horreur. C'est la première fois que je lis un roman où l'auteur ne laisse aucune chance à son personnage. Flaubert trouve des excuses à Rodolphe, Littell donne à son S.S. une certaine forme de lucidité et même les abominables Thénardier sont sauvés par Hugo parce qu'ils aiment leurs enfants. Mais là, rien: le mari de Bénédicte Ombredanne est un enfoiré. Sa fille une petite garce. C'est la soeur qui le dit et le romancier acquiesce et nous prend en otage; j'ai l'impression d'être l'amie d'un couple prise dans le chagrin hystérique de l'une et qui aimerait bien entendre aussi la partie adverse.

C'est à cela, non, que sert la littérature ? À donner le point de vue de l'autre. À soustraire les lecteurs au réconfort de l'entre-soi. À leur révéler ce qu'ils préféreraient ne pas savoir. À saper leurs certitudes.

Alors honte à Rheinhardt pour son portrait univoque d'un salaud exemplaire.
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L'Amour et les Forêts

A première vue il s’agit un roman « classique » au thème à la Emma Bovary vu et revu.



Oui mais….



Je ne suis pas parvenue à quitter ma lecture : je ne pouvais que la continuer, captive de ce livre, comme l’héroïne de son époux !



Une histoire classique, peut-être mais au traitement contemporain et si délicat. L’auteur sait utiliser les mots justes (je me suis limitée à trois citations, alors que j’aurai pu recopier l’ouvrage…).

De la noirceur du propos jaillit la lumière et pas seulement celle de la rencontre avec l’amant.

Alors que cette femme dépendante de sa vie conjugale s’enlise doucement et inéluctablement dans des sables mouvants, elle tire le lecteur vers le haut. Si son acte de rébellion la conduira à sa perte, le lecteur lui trouvera le meilleur de lui-même.

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L'Amour et les Forêts

Waouh ! Là encore un livre fort qui m'a scotchée, énervée, perturbée, bref, qui ne m'a pas laissée de marbre. "L'amour et les forêts" (quel joli titre, non ?) raconte l'histoire de Bénédicte Ombredanne, trentenaire prof de lettres dans un lycée à Metz. Suite à une lettre d'éloges sur un de ses livres, elle rencontre l'auteur, et va tout doucement se confier à lui. Sur sa vie, familiale surtout, et sur ses relations avec son mari. Qui la harcèle. Quotidiennement. Inlassablement. Violemment. Bénédicte va-t-elle continuer à le supporter, et jusqu'à quand ?

Car c'est bien là la question : comment une femme intelligente peut-elle se laisser piéger de la sorte ? Et ne pas arriver à se sortir d'une relation toxique pour tous ? Le livre essaie de donner plusieurs explications, notamment avec les points de vue de Bénédicte, de sa famille, mais aussi de nous lecteur (on ne peut pas s'empêcher de réagir et d'essayer de comprendre). C'est très bien écrit, même si le 1er chapitre a dû je pense en rebuter plus d'un. Bref, j'ai beaucoup aimé.
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L'Amour et les Forêts

Bien, je ne partage pas beaucoup des avis positifs alentour. J'ai trouvé l'expression précieuse, alambiquée, délayée et cela ne va pas s'arrangeant au fil du livre. Eric Reinhart s'écoute écrire avec attention, je sais, ce n'est pas gentil, un peu brutal, mais c'est ce que j'ai pensé en avançant. Sa mise en scène, la mise en histoire de sa personne, son rapport à Bénédicte n'apporte rien au récit. J'y vois une tentative de donner une caution "issue de faits réels" là ou le réalisme aurait suffit. Le sujet est grave, violences faites aux femmes, et le harcèlement psychologique en est une. C'est dommage, je suis passé à coté
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L'Amour et les Forêts

Un chef d'oeuvre, si ce livre n'est pas primé je ne comprends pas. Un récit magnifique rempli d'émotions.





Bénédicte Ombredanne a 26 ans, elle est mariée à Jean-François depuis dix ans. Elle est maman de deux enfants : Lola l'aînée et Arthur cinq ans. Elle rencontre Eric Reinhardt qui se met habilement en scène par une auto fiction à deux reprises. Elle lui avait envoyé une lettre magnifique concernant un roman précédent, et ému par celle-ci avait accepté cette rencontre.



Lors de leur seconde rencontre en septembre 2008, Bénédicte dont il avait ressenti des failles, se livre et lui raconte son quotidien, Ils restent en contact et Eric devient son confident. Cette femme vit au jour le jour un calvaire difficile à imaginer, elle est sous l'emprise de son mari qui n'est autre qu'un pervers narcissique.



Voici son histoire..



En mars 2006, Jean-François son mari pète littéralement un câble; il est cloîtré dans sa chambre. il vient de se reconnaître dans une émission radio, il prend conscience de qui il est vraiment, un harceleur moral. Il regrette, il pleure. Bénédicte reste intraitable, dure, elle en a marre et a un sursaut de lucidité; elle veut s'en sortir.



Pour s'évader elle se connecte sur Meetic, procède à des échanges assez hard, elle se défoule, et entre en contact avec Christian, antiquaire qui lui semble différent et lui propose une leçon de tir à l'arc.



Le lendemain, elle passera du virtuel au réel et succombera une seule fois au charme, à la douceur, à la tendresse de Christian qui est l'opposé de son mari. Une seule et unique incartade qu'elle paiera cher, très très cher longtemps durant.



Son salut pourrait-être dans cette rencontre mais l'emprise est réelle.



Comment passer de l'autre côté ? quitter cet avilissement ?



Par l'écriture et en conversant avec son auteur favori. Il est fasciné par le personnage de Bénédicte et nous en livre ici un portrait tout en sensibilité et psychologie. Il incarne de façon incroyable les sentiments et ressentis de son héroïne.



Autre aspect intéressant et autre piste de lecture, Bénédicte Ombredanne est agrégée en lettres et voue une passion à Villiers de l'Isle d'Adam. Un certain parallèle entre la littérature du dix-neuvième siècle et notre héroïne est dressé dans le récit. Sa tenue préférée : ses hautes bottes lacées sur le devant font penser à une Emma Bovary ou Madame Gautier dans "La dame aux Camélias".



L'intensité de l'écriture donne un rythme de lecture soutenu pour nous décrire la révolte, la colère, l'asservissement de notre héroïne. Une écriture qui nous donne l'occasion de voir le côté féminin développé de l'auteur car j'ai vraiment été surprise de voir avec quelle délicatesse, quelle justesse Eric Reinhardt nous brosse le profil psychologique de Bénédicte emprunt de tant de véracité. Qu'un homme ait écrit ceci avec tellement de tendresse, de douceur m'a soufflé.



Un récit sur la violence conjugale, sujet encore tabou mais tellement actuel, un véritable hommage aux nombreuses femmes souffrant en silence au quotidien de la jalousie maladive de leur conjoint.



J'ai vraiment été émue, indignée, révoltée par la lecture de ce roman passionnant. Un style magnifique, riche. Une écriture fluide qui nous démontre bien le pouvoir et la justesse de mots.





Sans conteste mon plus gros coup de coeur de la rentrée.


Lien : http://nathavh49.blogspot.be..
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L'Amour et les Forêts

Avec ce roman, Eric Reinhardt nous offre un beau portrait de femme. Bénédicte Ombredanne est une petite cousine contemporaine d'Emma Bovary. Comme elle, c'est une idéaliste qui se nourrit de littérature, qui rêve d'une autre vie dans l'exaltation de ses sentiments et qui commet un adultère. Sauf que Bénédicte Ombredanne est une femme d'aujourd'hui, agrégée de Lettres, qui enseigne dans un lycée et qui est marié à un homme qui se révèle être de la pire espèce des harceleurs. Mais est-elle vraiment de son siècle ? Elle nourrit une passion pour le symboliste Villiers de l'Isle-Adam et aimerait vivre selon les préceptes du romancier. De quoi sont faites nos existences ? Quelle est la part de l'imaginaire ? Eric Reinhardt nous entraîne dans un conte moderne, entre réalisme et fantastique.. jusqu'à la tragédie finale.

A lire absolument, parmi les meilleurs romans de la Rentrée.
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L'Amour et les Forêts

Portrait d'une femme amoureuse, prisonnière d’un enfer conjugal et de ses combats intérieurs, en quête de libération.

Que dire de ce dernier roman d’Eric Reinhardt sinon qu’il est aussi fort que Le Système Victoria que j’avais adoré. Quel coup de poing que ce portait de Bénédicte Ombredanne et de la longue et lente descente aux enfers qu’est sa vie conjugale, malgré sa volonté de s’émanciper du joug de son mari, tout cela au 21e siècle ! Eric Reinhardt décortique parfaitement les mécanismes du harcèlement (et de la perversion), de son commencement qui vient toujours se loger dans une faille à son aboutissement souvent fatal. Et le plus stupéfiant mais aussi le plus juste, c’est lorsqu’il nous montre à quel point, à un moment, les rôles sont comme inversés, le mari harceleur et violent devient victime et la victime devient bourreau, même aux yeux de ses propres enfants.

Tout cela écrit dans langue dense, parfois violente, avec des mots forts, souvent empruntés au langage guerrier pour traduire l’état et la situation désespérée dans lesquels se trouve Bénédicte. A contrario, les pages relatant l’épisode de sa vie à Sainte-Blandine, où elle est en repos « psychologique », cette « parenthèse » que je dirais presque enchantée dans sa vie, sont aussi des pages où l’on respire, où l’on n’est plus dans cette violence qui transpire pratiquement tout le temps et nous oppresse, lorsque Bénédicte évoque sa vie conjugale et ses rapports avec son mari qui la harcèle, quotidiennement, pendant des mois, pour savoir la vérité sur cette aventure adultère qu’elle s’est accordée (à quel prix !).

M. Reinhardt, même si vous faites part de vos doutes d’écrivain (p.258), je vous rassure, vous ne vous êtes pas « perdu comme écrivain », vous écrivez toujours des phrases magiques, ce dernier roman se hisse parfaitement au niveau du précédent et vous n’êtes pas « dans une sorte d’absence aux sortilèges de l’écriture ». Votre écriture me touche au plus haut point, me bouleverse, tant vos mots et le rythme qu’ils instillent aux pages qu’ils composent selon ce qu’ils évoquent sont magiques, d’une justesse et d’une richesse incroyable. Il y a de nombreux niveaux de langue et de lecture chez Eric Reinhardt, des styles narratifs différents aussi, et des narrateurs différents (tantôt l’écrivain qui raconte, tantôt Bénédicte Ombredanne via son journal intime).

Certaines scènes sont poignantes comme les interrogatoires auxquels son mari soumet Bénédicte pour la faire avouer, d'autres sont drôles et légères (notamment les échanges sur Meetic), d’autres encore sont romantiques, ou plus torrides.

Je ne suis pas prête d’oublier ce personnage romanesque, cette héroïne dramatique qu’est de Bénédicte Ombredanne, comme je n’ai pas pu oublier celui de Victoria.



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Cendrillon

Quatre récit s’entrecroisent dans ce livre. Laurent Dahl, Patrick Neftels, Thierry Trockel. Un trader millionnaire qui s’enfuit abandonnant femme et enfant après des opérations financières à haut risque qui l’ont rattrapé, qui en profite pour revenir sur l’écœurant licenciement de son père. Un enfant traumatisé d’avoir vu son père se suicider devant lui, alors qu’il l’y avait peut-être lui-même poussé. Une loque humaine enfermée en permanence dans sa chambre à vomir des insultes à la télévision. Et entre leurs histoires toutes plus glauques, plus dégradantes, plus burlesques et plus dramatiques, un certain Eric Reinhardt décide de louer une cave au Palais-Royal pour avoir un nouvel endroit inspirant où écrire, se voit proposer par sa voisine de soixante ans l’exceptionnelle opportunité d’une conférence à Gênes mais sans lui expliquer le sujet du rassemblement ni sur quoi il devra parler, ou encore est invité à écrire le journal de bord de la création du nouveau projet de danse d’un grand chorégraphe.



Cela fait longtemps que j’ai refermé ce livre et plus ma réflexion avance, plus j’en conclus qu’il n’a ni queue ni tête. Le système des quatre histoires en parallèle ne m’a pas convaincue. J’attendais désespérément qu’elles finissent pas se rejoindre. Elles le font, mais d’une manière si artificielle et décevante, que je me suis demandée si ça valait vraiment le coup de les lire jusque là. De plus, les personnages ayant des parcours tout aussi glauques et lugubres les uns que les autres, ils sont facilement interchangeables et j’ai fini par tous les confondre, parce que je n’arrivais pas à replacer chacun dans son parcours. Pourtant leurs histoires, prises séparément, m’ont plutôt plues. J’ai tout simplement adoré l’histoire du dîner avec le patron (je crois qu’il s’agit du patron du père Patrick Neftels) qui tourne à la catastrophe à cause d’une sortie d’autoroute ratée et d’un mélange d’alcool et de médicament, et que le père en question essaye de rattraper en achetant un tableau à l’épouse de son patron lors d’une exposition dans une galerie. Burlesque et hilarant!

Quand à l’histoire de l’écrivain, je ne sais qu’en penser. Ses aventures d’écrivain, avec la recherche d’un endroit pour écrire qui paraît si loufoque à son entourage, ses explications sur la nécessité d’écrire et ses sentiments quand il le fait, tout cela m’a beaucoup plu. Même si toute les recherches, les découvertes concernant l’art ou encore l’économie m’ont paru très longues et bien trop complexe, j’admets que nous assistons réellement à un écrivain qui s’imprègne de la réalité pour donner ensuite corps à ses livres et j’ai trouvé cela intéressant. L’histoire de la mystérieuse conférence, elle aussi, m’a intriguée, jusqu’à ce que son mystère en soit complètement révélé et là encore, tombe complètement à plat.

Ce qui m’a rappelé qu’à plusieurs reprises, l’auteur raconte avoir été démoli par les spécialistes de critiques littéraires qui lui ont reproché de ne pas savoir écrire, d’être un écrivain de la classe moyenne, et il évoque aussi le mépris dont il fait l’objet de la part des grands pontes de la littérature, qui tourne presque au complot politique. Là, je grimace. Parce que bon, ce n’est pas un livre grand public, vu les acrobaties narratives auxquelles il se livre et surtout vu les références intellectuelles, culturelles et commerciales qu’il se donne. Tout le monde ne peut pas se payer le luxe de commenter une représentation de Médée à l’opéra ou d’être fasciné par les chaussures fabriquées par Christian Louboutin. Si Eric Reinhardt essaie de nous faire croire qu’il est un représentant de la classe moyenne qui tente d’infiltrer le monde aristo des auteurs, il va falloir m’expliquer pourquoi il a déjà vu des Louboutins en vrai et pourquoi il est qualifié de “doué comme c’est pas permis” et d’”époustoufflant” par sa propre quatrième de couverture qui cite les mots des journalistes du Nouvel Obs et de Télérama et se contente d’une laconique ligne qui ne présente rien de l’intrigue. De là à ce que je le trouve suffisant, voire méprisant, il n’y a qu’un petit pas…
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Le système Victoria

Lorsqu'un livre me plait, j'en ouvre les portes, y pénètre et le visite comme une maison créée par son auteur. Décor,ambiance, paysages, alentours, personnages principaux et annexes. J'en détaille le moindre recoin.

Les mots d' Eric Reinhardt ont une telle puissance évocatrice que je n'ai pas encore quitté Le système Victoria.

La trame psychologique est habilement montée et on y croit à son histoire d'adultère qui tourne mal.

Lui,David est architecte, enfin, directeur de chantiers,de grands chantiers, il a eu un prix jadis pour du plus artistique, là, en quelque sorte "il solutionne les problèmes où ils surgissent".Marié à Sylvie,père de deux fillettes,sa vie familiale lui convient.Une petite incartade par ci par là,mais rien de compromettant ni d'assidu, il a "la discrétion d'un chat".

Elle,Victoria, au "rayonnement de reine",dégage "une autorité" du haut de son mètre quatre-vingt et possède un visage qui à son contact,"presqu'à son insu produit un éclair d'approbation"(lorsque leurs regards se croisent pour la première fois).

Subjugué par son charme, dans une galerie marchande,alors qu'il achète une peluche pour l'anniversaire de Vivienne,cinq ans(qu'il va zapper complètement),il suit cette femme mystérieuse dont tout lui plait, jusqu'aux lectures bilingues et intellectuelles laissant présager des échanges bien plus que physiques.

De galerie marchande en boowling, d'inconnue en guerrière, il l'aborde et une liaison torride entre Londres où son travail l'appelle, elle, et Paris, où ils habitent tous deux, s'en suivra.

Souvenirs,passé, il revit sa vie amoureuse.

Confidences.Il vit son présent.

Alors que Sylvie, "hussard espiègle"(c'est un doux ce David à tous les coups! qui a besoin de peps) déambule sur les "tomettes de sa mansarde", Victoria est vécue "comme une profonde forêt nocturne".

Tout s'enclenche en une spirale.Addiction.Ivresse.Energie.Il a besoin d'elle pour mener à bien son projet de tour au top niveau.Mais la connait-il bien?

Question désir,on pense à La vie est brêve et le désir sans fin de Patrick Lapeyre, mais Victoria n'a rien d'une infantile Nora!

Est-elle une "salope" facilement abordable?Une célibataire, la quarantaine, désirant un enfant?Une femme mariée avec enfants? Un "paysage qu'il essaye de conquérir lisse et sans encoche"?

Une dirigeante qui lui envoie ses "comptes rendus de réunion" par internet?

Conclusion:sait-on jamais qui l'on fréquente et ce qu'il adviendra d'une rencontre au départ sans lendemain?

Le système Victoria d' Eric Reinhardt, auteur contemporain français de quatre autres romans antérieurs, a été sélectionné pour le prix Goncourt 2011.

De forts bons crus pour l'instant, celui ci en est un!

Le sujet choisi fera-t-il la différence? L'amour plaira-t-il aux jurés?

A moins que ce ne soit un système infaillible dont la faille intérieure s'avère fatale face à l'imprévisible!!!!

A suivre!
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Sarah, Susanne et l'écrivain

Heureusement que je ne suis pas découragé par le talent d’Éric Reinhardt pour poursuivre ma carrière d’écrivain. Finaliste du prix Goncourt 2023, sans avoir lu les autres, il aurait peut-être mérité de le remporter.





Évacuons immédiatement ce qui peut déplaire, à juste titre, dans ce livre : quelques pages surabondantes et des tournures parfois prétentieuses. Oui, Éric Reinhardt a écrit un grand livre, il s’est éclaté pendant l’écriture. Il sait qu’il écrit bien à force de l’entendre. Je comprends que son écriture puisse déplaire, lasser, agacer, mais dans mon cas, une telle justesse, une telle fluidité, une telle maîtrise me déplaira, lassera et agacera toujours moins que des livres « adorés » par le grand public, nid à mièvreries écrit avec 5 verbes pauvres.



L’histoire : une femme, Sarah, contacte un écrivain pour qu’il s’inspire de sa vie pour un roman. Alors l’écrivain crée le personnage de Susanne. Susanne a 44 ans, marié, deux enfants. Son mari n’est guère présent le soir, il s’isole dans sa cave. Pas de quoi divorcer, mais Susanne-Sarah s’en retrouvent frustrées. Le détonateur est quand elles se rendent compte qu’elles possèdent 25 % de la maison et les 75 % sont au mari. Je suis docteur en droit, c’est une erreur classique dans un couple, souvent au détriment de la femme : « Paye la bouffe et les trucs pour les gosses, je paye le reste ». La bouffe est bouffée, l’électricité est consommée, et au moment du divorce les biens physiques demeurent dans le patrimoine de l’un.



Bref, Susanne-Sarah (On s’y perd, on ne sait plus qui est qui, mais ce n’est pas important, c’est même voulu) se fâchent et décident de partir 3 mois vivre dans un autre logement pour ressouder leur amour. Les conséquences vont être désastreuses.



Il est possible que ce livre soit mon livre de l’année, après L’Épervier de Maheux en 2023 et l’Anomalie en 2022.



Non seulement je ne me suis pas ennuyé, mais j’ai souffert avec ces deux femmes. Je me mettais en colère, je me sentais triste, chaque page que je lisais m’enfonçait dans des émotions désagréables pendant un week-end pascal pluvieux. Et qu’est-ce qu’un grand livre sinon un récit bien écrit et qui procure une émotion ?



Sarah, Susane et l’écrivain est un livre original et remarquable. Je le recommande à celles et ceux qui ont envie de se sentir vivants pendant une lecture.
Lien : https://benjaminaudoye.com/2..
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L'Amour et les Forêts

Parfois le nom d'un personnage suffit pour vous terrasser. Le prononcer vous griffe la gorge de ses lames de rasoir. Entendre un autre lecteur évoquer cette femme fantasmée vous tétanise. Parce que certaines histoires ont le terrifiant poids de la vérité d'un quotidien glaçant. 





Elle n'a rien de spécial, la vie de Bénédicte Ombredanne. Elle lui ressemble. Mariée, deux enfants. Un pavillon et un travail de professeur. Un quotidien bien rangé, duquel rien ne doit dépasser. Des journées bien rangées, pour ne pas attiser la foudre. Les mots cassants. L'humiliation répétée, pour chaque vide dans la vie de son mari.





Elle n'a rien de spécial, la vie de Bénédicte Ombredanne. Elle est tellement commune. Le quotidien vécu par sept femmes sur dix en France (à un moment de leur vie). Alors elle va arrêter de s'appitoyer sur son sort, et penser un peu à son pauvre mari et comprendre quelles souffrances il endure de vivre avec elle.





Elle n'a rien de spécial, la vie de Bénédicte Ombredanne. Elle m'a tétanisée. Le malaise est monté jusqu'à la nausée. J'ai voulu me défaire de mon squelette soudé, figé, pour hurler vers elle, vers les personnages de ce roman qui restent bras ballants, atteints par le pouvoir de la Méduse. 





La Méduse s'appelle Jean-François. Et elle est puissante. Il a l'égocentrisme nucléaire, Jean-François. Il a ce goût du travail bien fait, mais jamais par lui-même. Il a le goût de l'apparence et de la réussite, mais celle des autres lui fait de l'ombre. Il ne faudrait pas que sa propre femme s'épanouisse, alors que lui-même est handicapé de la lumière vitale. Alors quand Bénédicte trouve une fenêtre ouverte, une bouffée de respiration avec un homme tendre et attentionné. Au travers de cette tempête, la fenêtre de cet amant salvateur sera toujours là, libre d'être empruntée, d'être rêvée mille fois. Mais cette fenêtre, cette fois unique, une après-midi, le monstre tire à en arracher sa chaîne. 



"Même les animaux ils nourissent leurs petits. On n'a jamais vu un animal, même le pire d'entre eux, même le plus sauvage, même le plus indigne et répugnant, oublier, négliger de nourrir ses petits. Se faire baiser le jour où normalement on fait les courses pour nourrir ses enfants, se faire tellement baiser, y prendre tellement de plaisir qu'on décide de remettre à un autre jour son devoir maternel le plus élémentaire, tu admettras que sur le plan du symbole, c'est fort, bravo, je te félicite."





Aucun répit ne sera laissé à Bénédicte.





"C'était un peu comme une forêt profonde et angoissante, inextricable, constituée par les phrases que son mari lui adressait continuellement, qui toutes semblaient se reproduire à I'infini comme des centaines de troncs, jour après iour, serrées les unes contre les autres, sans issue perceptible, absolument jamais, en aucun point de ces ténèbres où Bénédicte Ombredanne se trouvait prisonnière, soumise à la fureur inquisitrice de son mari. II lui téléphonait plusieurs fois par jour. Il était de plus en plus fréquent qu'il la réveille la nuit pour lui parler. Il se jetait sur elle le matin dès qu'elle ouvrait un œil, après deux ou trois heures d'un sommeil imparfait, avec l'espoir qu'elle se trahisse, piégée par une astuce tactique que la nuit luí aurait inspirée. Elle était sous la douche et soudain la cabine s'entrouvrait, le visage de Jean-Francois apparaissait et il l'entreprenait. Toutes les fois qu'elle était en sa présence et que leurs enfants n'étaient pas là, là, la machine à accuser, la machine à questionner, la machine à calomnier, la machine à recouper, la machine à enquêter qu'il incarnait déversait sur Bénédicte Ombredanne sa production plaintif et acharnée, inflationniste, infatigable, pendant des heures, pendant des heures, pendant des heures, comme s'il voulait asphyxier son cerveau, Le priver de toute lumière, l'amener à expulser la perle de son secret, par épuisement."





Torture et actes de barbarie. Voilà l'histoire banale que nous raconte Eric Reinhardt, dans L'amour et les forêts, sous la forme d'un roman en abîme, dans lequel il rencontre cette lectrice delicate et cultivée, qui en vient à se confier à lui. Torture et actes de barbarie, jusqu'à une extrême que nul ne peut imaginer, tant les images peuvent être d'une violence inouïe, au-delà du dernier souffle du lecteur, bien au-delà des coups. Une lecture indispensable ouverte avec générosité par Virginie. Merci pour ce coup de poing terrible !



J'ajoute que la qualité du texte, le style travaillé de l'auteur m'ont portée tout au long de ce récit-roman, dans des paragraphes serrés qui m'ont enfermée dans cette histoire, m'ont empêchée de m'échapper.

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Sarah, Susanne et l'écrivain

Dire que je n'ai rien compris à cette histoire est un peu facile. Dire que je me demande encore pourquoi il a fallu plus de 30 pages pour décrire, vendre et acheter un tableau dans une vitrine, ce n'est effectivement pas une bonne introduction pour une critique. Mais enfin, quelqu'un peut me dire ce que Éric Reinhardt a voulu nous raconter là ? Certes, il écrit plutôt bien, c'est parfois élégant quand il ne frôle pas avec le vulgaire facile des propos échangés par un couple en rupture. Il me semble qu'à chacun de ses romans il nous offre la même soupe, a-t-il vraiment un problème à résoudre avec les femmes ? J'ose espérer que le jury du Goncourt ne se laissera pas duper par ce récit de rédemption.
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Sarah, Susanne et l'écrivain

DOUBLE

Il existe dans la vie de chacun, des instants décisifs. Partir du foyer familial en est un.

Parce qu'elle ne tolère plus l'indifférence de son mari à son égard, Sarah part sans même lui exposer un récap de ses doléances.

La famille et les liens familiaux éclatés, Sarah devient spectatrice de sa vie qui lui échappe.

Elle confie alors l'histoire de sa vie à un écrivain pour qu'il en fasse un roman... Dans ce roman, Susanne prend la place de Sarah...



Un roman original dans sa conception parce que le lecteur fait partie prenante de la création de ce dernier. De la naissance du personnage qui semble littéralement sortir du papier au fur et à mesure de sa description, aux questionnements entre l'écrivain et Sarah, ce récit offre une expérience inédite.



Ce roman aborde avec profondeur les conséquences de certains choix de vie pris à des moments décisifs, qui seront les instants précis où tout bascule...
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L'Amour et les Forêts

Retour de lecture sur "L'amour et les forêts" d'Eric Reinhardt publié en 2014. Ce roman met en scène l'écrivain lui-même et sa rencontre avec une lectrice. L'auteur nous raconte l'histoire de cette femme, qui vit une relation conjugale toxique avec le harcèlement de son mari. Elle fait un jour une rencontre passionnée avec un homme, grâce à internet. Cette rencontre sera le plus beau moment de sa vie mais l'entraînera également dans une spirale de souffrances sans fin. Pour commencer par les mauvais points, j'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans cette histoire. L'épisode de la rencontre sur internet, après deux heures chrono de recherches, et le profil sans fausse note de l'homme, amant prodigieux et hyper cultivé, ne me semble absolument pas crédible. Il y a ensuite l'écriture de Reinhardt. La langue est très bien maîtrisée, élégante, cela se lit plutôt bien, mais je lui trouve un côté prétentieux assez désagréable et surtout elle très chargée. Il y a beaucoup de remplissage, des scènes sont répétées, et il a une manie de donner souvent une multitude de détails pour ajouter de la crédibilité à son récit. Un retour de mail pour adresse  inconnue, peut ainsi occuper presque une page puisque nous avons droit à l'intégralité du texte de celui-ci, sans omettre tous les codes chiffrés vides de sens qui peuvent y apparaître. La scène de la rencontre, qui est le point de départ de cette histoire, manque totalement d'émotion, de sensualité, et n'est pas pour moi au niveau littéraire revendiqué par ce livre. Certaines autres scènes frôlent carrément le grotesque et j'ai du mal à mettre cela sur le compte d'un burlesque volontaire. Tout cela étant dit, je dois avouer que j'ai quand même été touché par l'histoire de cette femme au destin tragique, prise au piège d'un enfer congugal. Le roman est plutôt efficace pour décrire les mécanismes de l'emprise, il est du coup plutôt crédible sur ce point. Malgré une écriture relativement lourde, voire prétentieuse, et un sujet qui n'est pas évident à traiter, l'auteur a réussi à me transmettre une certaine émotion et de la compassion pour cette femme. Au final une expérience de lecture qui reste plutôt positive, l'histoire est poignante, le roman lui, me semble trop inégal dans sa forme.



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Comédies françaises

A la première page du roman, Dimitri Marguerite perd la vie à 27 ans, ainsi confronté à la fulgurance d’une jeunesse fauchée, le lecteur est d’emblée averti, les promesses d’avenir tournent court.

L’écriture bien vivante d’Éric Reinhardt s’applique ensuite à rendre le personnage bien vivant, si vivant, que le souvenir de sa mort s’estompe progressivement, jusqu’à surprendre celui qui tourne les pages, lorsqu’elle pointe le bout de son nez à la fin du récit. On l’avait oublié celle-là… la boucle est bouclée.

Dimitri est un personnage romanesque. Il invite le lecteur à rire de ses frasques tout autant qu’à s’indigner avec lui dans ses révoltes. C’est un réel plaisir donc de cheminer à ses côtés pour partager ses émotions : amoureuses d’abord, Dimitri vit ses coups de foudre dans un absolu peu commun, une recherche obstinée, elle structure le fil du récit de rencontre en rencontre. Passions culturelles ensuite car Dimitri est passionné d’art, vivants de préférence : danse, théâtre, Eric Rheinhardt nous livre p 66-67 un catalogue complet de ce qu’un intellectuel parisien peut visionner sur les scènes de la capitale en quelques mois des années 2000, de Roméo Castellucci à Mathilde Monnier en passant par des dizaines d’autres. Les passions de Dimitri sont infinies mais celles qui arment le fond du roman, s’inscrivent dans la sphère politique. Devenu journaliste à l’AFP, lorsque Dimitri rencontre Louis Pouzin une première fois, dans une brasserie de la place de la Bastille, il semble encore bien loin de vouloir faire la lumière sur les travaux de son interlocuteur : le plan Calcul, le projet Cyclades et l’embryon avorté d’internet en 1974. Le lecteur doit accepter de suivre les méandres de la pensée foisonnante de Dimitri, de ses déconvenues amoureuses à ses projets d’écriture, pour finalement plonger dans les prémices d’Internet. Derrière cette aventure avortée, Eric Reinhardt fait le portrait d’Ambroise Roux, patron de la CGE, rompu à toutes les manipulations du pouvoir politique pour arriver à ses fins : régner en maître sur le marché des commutateurs indispensables aux télécommunications et donc tout faire pour valoriser ce secteur et négliger l’informatique et son devenir. Dimitri sera le pourfendeur de ce maître du lobbying et cette traque donnera lieu à des pages aussi drôles qu’improbables. Au-delà du parcours tumultueux de son héros, Comédies françaises est aussi l’occasion pour l’auteur de mettre à mal une France poussive qui a du mal avec son temps et laisse passer les opportunités de développement et de croissance, il en va pour l’industrie comme pour la peinture contemporaine, le leadership a déserté l’hexagone... dans ce naufrage, il y a des coupables et le roman de Rheinhardt solde les comptes de la droite française et s’en réjouit.

Un roman riche on l’aura compris, peut-être trop, j’ai regretté pour ma part que le propos politique arrive si tard dans le récit dans lequel finalement il peine à prendre toute sa place, il s’inscrit plutôt comme un discours de l’auteur et le personnage de Dimitri peine parfois à prendre l’avantage dans cette affaire tant Reinhardt lui fait courir de lièvres.

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Comédies françaises

Dimitri est un jeune homme brillant, issu d’un milieu de gauche, de parents enseignants. C’est un jeune homme passionné, capable de se lancer à corps perdu dans une relation amoureuse, ou dans une enquête qui le passionne. Après une expérience écoeurante dans un cabinet de lobbyistes, il devient reporter à l’AFP.

Il fait une découverte qui le sidère et se lance à fond dans une enquête sur la naissance d’internet : dans les années 70, en France, un certain Louis Pouzin avait découvert le datagramme, allant ainsi plus loin que les Américains dans les recherches. Oui mais voilà, le lobbying existait déjà à l’époque, et un puissant industriel va inciter VGE à arrêter le programme de recherche, au profit du Minitel !



Le roman est foisonnant, quelquefois répétitif pour appuyer le propos et pour dessiner parfaitement le contexte de l’époque. Mais l’écriture est dynamique et surtout très drôle ; le roman réserve de sacrées surprises…

C’est brillant !!!

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L'Amour et les Forêts

Ce roman terriblement poignant m'a laissé des sentiments mêlés: apitoiement sur le sort de l'héroïne, haine contre son horrible mari, mais aussi, irritation devant l'incapacité de l'héroïne à se libérer de l'emprise conjugale, et son penchant à s'évader dans une vie rêvée.

Mais, il faut croire, sans nul doute, que la réalité complexe qui nous est décrite, une femme supérieure à son mari mais qui est victime de sa manipulation sans pouvoir s'en libérer, est ce qui arrive dans la "vraie vie".

La description de l'emprise exercée par Jean-François, le mari médiocre, torturé, pervers et manipulateur, est terrifiante. Mais le lecteur voit aussi que son épouse, Bénédicte, femme brillante (agrégée de Français), malgré sa souffrance d'être dégradée par son mari et ses difficultés dans sa relation avec ses enfants, veut sauver les apparences et faire croire autour d'elle que tout va bien. Mais aussi qu'elle veut en quelque sorte rêver sa vie comme le font les héroïnes romantiques du 19ème siècle qu'elle affectionne. En quelque sorte une Emma Bovary, mais qui serait soumise à un mari pervers, ce qui n'est pas le cas d'Emma. Ainsi, elle ne voudra pas poursuivre sa liaison d'un jour et tout à fait merveilleuse avec Christian, un antiquaire rencontré sur Meetic. Elle préféra en garder précieusement le souvenir. Elle appréciera aussi sa retraite quasi mystique qu'elle vivra à l'Hôpital après sa tentative de suicide, où elle se mettra à écrire.

L'auteur dissèque avec beaucoup d'acuité et de profondeur psychologique le parcours de cette femme si attachante, qui mourra finalement d'un cancer.

La construction du roman, qui utilise le procédé d'auto-fiction (l'auteur rencontre l'héroïne, puis sa sœur), révèle progressivement toutes les facettes de l'histoire malheureuse de Bénédicte. Elle montre aussi toute l'attraction de l'héroïne pour l'imaginaire, la vie rêvée, à la fois dans la nouvelle de Villiers de l'Isle Adam, insérée au milieu du récit, et enfin dans le merveilleux dialogue onirique entre Bénédicte et Christian qui clôt le roman.

L'écriture est très belle, très raffinée, et avec un rythme qui accompagne parfaitement les sentiments d'exaltation, d'accablement ou de désespoir de l'héroïne. Les pages de la première rencontre avec Christian (ah, l'histoire de la flèche plantée dans la cible, si symbolique!), et de la rencontre rêvée du dernier chapitre, sont pour moi merveilleuses.

Au total, pour moi, un roman pas facile, mais qui m'a vraiment plu pour sa profondeur psychologique, sa construction ingénieuse et son écriture.

P.S. J'ai lu, tout à fait par hasard, que ce roman avait donné lieu après sa sortie en 2014 à une polémique (restée en fait sans suite) selon laquelle une des lectrices de l'auteur s'était reconnue dans cette histoire, ayant elle-même rencontré l'auteur et fait part d'une situation conjugale similaire à l'héroïne du roman (à part qu'elle n'est pas morte!) et de quelques phrases qu'elle lui aurait écrites être trouvées mot pour mot dans le récit. C'est quand même un peu court. Je trouve que ces accusations de plagiat ou de vampirisme qui se développent depuis quelques années (cf par exemple les accusations contre Houellebecq ou contre Darrieussecq) sont souvent navrantes. Combien de grands auteurs n'ont ils pas puisé dans la vie de leurs contemporains ou dans les récits des autres le matériau pour construire une oeuvre authentiquement originale, comme c'est pour moi le cas ici.

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L'Amour et les Forêts

Bénédicte Ombredanne est l'un de ces personnages qu'on n'oublie pas. Ce portrait nous annonce bien qui est cette héroïne éprise d'absolu, dévorée d'un immense appétit de vivre mais contrainte à voler ses instants de vraie vie et à s'étioler doucement jusqu'à mourir. C'est qu'elle ne parvient pas à rejeter le joug d'un premier époux qui n'avait comme ambition que l'héritage puis d'un second époux, harceleur, sadique, paranoïaque. Existence tragique pour cette jeune femme d'aujourd'hui à qui la vie semblait pourtant promettre un brillant avenir.

Mais Bénédicte Ombredanne ne se réduit pas à cela : elle aime la littérature, rencontre l'auteur de ce roman, lui écrit des mails et des lettres et lui confie même une quarantaine de feuillets écrits de son écriture. Le roman d'ailleurs mêle des styles très divers. Après sa mort, l'auteur rencontre sa jumelle, dont elle ne lui avait jamais parlé ! de telle sorte que ce roman recèle nombre de mystères et c'est ce qui fait de Bénédicte Ombredanne un personnage inoubliable.


Lien : http://www.lirelire.net/2019..
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La chambre des époux

Oh que j'avais adoré "L'amour et les forêts" et que j'avais hâte de le rencontrer à la libraire Chapitre.be de Louvain-La-Neuve.



J'avais adoré la lecture du premier chapitre et "La chambre des époux" a rejoint ma PAL dès la rentrée littéraire, l'envie de le lire était très grande. Malheureusement je suis en demi-teinte au terme de la lecture du récit. Ce n'est que mon avis, je vous explique.



Eric Reinhart nous raconte aujourd'hui un événement autobiographique. En 2006 il apprend que sa femme est atteinte d'un cancer du sein stade 4. Il est en pleine écriture de "Cendrillon", il "rame" depuis deux ans, a écrit 300 pages de son livre qui en comptera le double. Son épouse lui demandera de terminer son livre dans les trois mois le temps nécessaire pour elle de combattre son cancer.



Ainsi, c'est en communion qu'ils combattent chacun ; lui son livre, elle la maladie. Cette épreuve va les rapprocher, rendre cet amour encore plus beau, encore plus fort. Seulement voilà, les émotions que je pensais retrouver à l'écriture, je ne les ressens pas, j'ai l'impression de lire des dizaines de pages où l'auteur tourne autour de son nombril, c'est lui, lui et encore lui. Il se répète, c'est redondant, pénible à lire par moments (sans doute parce que je ne l'ai pas lu d'une traite mais dans les transports en commun?). J'ai voulu tenir bon car le quatrième de couverture me propose l'histoire transposée chez Nicolas et Mathilde.



Ce qu'il faut savoir c'est que quelque temps après la "rémission" de sa femme, il rencontre Marie qui elle aussi s'est battue contre le cancer. La maladie devait l'emporter mais elle a vaincu. Il est attiré vers elle de façon irrémédiable... et à partir de là, son armure craque, les digues lâchent et il devient fragile, triste, pleurant toutes les larmes de son corps, proche de la dépression.



Je comprends la démarche de l'auteur pour ce roman, il veut je pense montrer que le combat contre cette maladie peut aussi amener à des souvenirs heureux, ce que l'on peut aimer, désirer intensément un corps malade.



Il veut parler sans tabou, dire à ceux qui passent par là que l'amour est le plus beau.



J'ai adoré le premier chapitre écrit en 2007 pour les Inrocks et la fin du roman. Par contre, je n'ai pas trop accroché au reste, trop narcissique, nombriliste. J'ai trouvé certains passages très "malaisants" à la lecture, je n'ai pas vraiment trouvé l'apport de l'art pour sauver ces vies, suis passée à côté. Une grosse déception pour moi qui avait sans doute trop d'attentes sur cette lecture.



L'écriture est bien rythmée, magnifique mais cela n'a pas suffi.



Ce n'était peut-être pas le bon moment pour moi.



Ma note : 7/10
Lien : https://nathavh49.blogspot.b..
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