Auréolé du Prix France Télévision – Roman en 2014, du Prix des lycéens – Renaudot la même année, puis du Prix France Culture – Télérama en 2015, L’amour et les forêts est un roman salué par les critiques et plébiscité par les lecteurs. Au vu de ce palmarès exceptionnel, j’ai acheté ce livre les yeux fermés et j’ai débuté sa lecture sans a-priori, n’ayant même pas pris la peine de lire la quatrième de couverture. Avec autant de prix, il devait forcément être bon !
Je débute donc ma lecture aux côtés de Bénédicte Ombredanne, une femme d’une quarantaine d’années, touchée par l’écriture d’un écrivain, à qui elle va transmettre une lettre passionnée et passionnante d’intelligence et de dévouement. Très touché par cet hommage, l’écrivain, qui n’est autre qu’Éric Reinhardt, décidera de rencontrer cette fervente lectrice. Deux rencontres auront été suffisantes pour qu’Éric soit touché par l’histoire de Bénédicte Ombredanne. Mariée à Jean-François depuis des années, mari transi de jalousie, autoritaire, homme insensible, colérique et froid, ils ont ensemble deux jeunes enfants et vivent tous sous le même toit. Bénédicte Ombredanne est professeure agrégée de lettres et rêvait d’une toute autre vie, où la passion, l’amour pur et véritable, exacerbé et délicat aurait comblé son quotidien. Ce qui n’est pas le cas avec Jean-François. Elle va donc s’inscrire sur Meetic et rencontrer Christian, un homme aux antipodes de son mari, intelligent, doux, attentionné, qui va lui offrir les quelques heures les plus heureuses de toute son existence.
Le sujet semble simple, mais il est extrêmement complexe, paradoxal et sensible : c’est le destin amoureux d’une héroïne aux prises entre son coeur et sa raison. Durant deux longues années, nous allons suivre son quotidien de femme battue, humiliée, maltraitée et rabaissée par son mari, coupable de jalousie extrême et de perte de tout contrôle sur ses gestes et ses paroles. Il n’hésitera pas à la manipuler, à l’intimider et à lui faire du chantage pour qu’elle reste à ses côtés, malgré l’absence évidente d’amour. Son comportement est véritablement choquant, on en vient à se demander comment Bénédicte Ombredanne peut supporter de vivre avec un homme tel que lui.
Seule étincelle de lumière dans son quotidien morose : sa brève rencontre avec Christian, le temps d’une journée ensoleillée et passionnelle, ponctuée d’amour, de balades en forêt, et d’essais au tir à l’arc. Ce fût un coup de foudre immédiat et intense entre ces deux amants que tout rapproche. Mais quand le coeur dit oui, la raison dit non : Bénédicte Ombredanne, muselée à son mari et à ses obligations parentales, mettra, bien malgré elle, une fin définitive à cette belle histoire-embryon.
Il est toujours bon de rappeler qu’en France, en moyenne, près de 220 000 femmes subissent chaque année des violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur compagnon, mari, ou ex, soit 1% de la population totale. Un chiffre à faire frémir de colère, encore plus si l’on prend en compte le taux de féminicide sur une année, qui s’élève à plus de 100 meurtres sur l’année 2019. Un taux qui ne cesse d’augmenter, notamment lors du confinement, où les violences conjugales ont augmenté de +30% en province et à Paris. Dénoncer ces actes malveillants, signaler et prévenir, aider et assister les femmes pour les sortir de cet enfer constitue un défi majeur. L’amour et les forêts, pourtant écrit par un homme, se fait un très bon manifeste de ces dommages verbales, physiques et psychologiques devenus l’une des plaies de notre société.
Éric Reinhardt est un auteur qui se fait discret dans la cour littéraire française. C’est pourtant un auteur de renom, extrêmement doué, qui sait manier les mots avec perfection. Sa plume est élancée, poétique, complexe aussi, dans le sens où on ressent intensément que les mots et les phrases employées sont longuement travaillées, presque ciselées avec minutie. Malgré ce travail d’orfèvre, ces mots glissent sur les pages pour créer des phrases alanguies, qui se lisent avec fluidité. L’auteur magnifie la langue française et juste pour ça, je lui dis un grand bravo et un immense merci !
Malgré tout le respect que j’aie pour l’auteur et toute l’admiration que je porte à sa narration, je me suis vue, à plusieurs reprises, soupirer de lassitude. Par moment, l’histoire se perd en longueurs et en circonvolutions superflues, qui étirent le récit sans lui apporter de réelle plus-value. Cette langueur d’écriture, cette monotonie excédentaire a contribué à me détacher de l’histoire. Conséquence directe sur mon affect : j’ai été moins touchée par la triste histoire de Bénédicte Ombredanne que j’aurais dû l’être.
Un récit superbement écrit, qui jongle entre poésie lyrique et envolées narratives : un bel hommage à l'écriture française. J'ai beaucoup aimé le style narratif, mais j'aurais souhaité qu'il soit moins travaillé, plus accessible, plus touchant. Dommage, car le fond est vraiment intéressant : on suit le quotidien amoureux d'une femme, transcendée entre son coeur et sa raison. Une histoire moderne et triste, digne plaidoyer d'un homme en faveur des femmes.
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