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Critiques de Ernest Pérochon (65)
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Les gardiennes

Qui sont donc ces gardiennes dont parle Ernest Pérochon ?



Lors de la Grande Guerre, les hommes sont mobilisés pour partir au front. Tous les hommes, ceux des villes et ceux des campagnes. Tous croient que le conflit sera de courte durée, qu'ils pourront bien tenir une année.



Le village de Sérigny, dont les métairies se trouvent entre la plaine niortaise et le Marais poitevin, ne fait pas exception. Les femmes d'agriculteurs se retrouvent dans les champs, aidées par leurs adolescents, les plus jeunes étant souvent livrés à eux-mêmes, conseillées par les vieux trop âgés pour l'enrôlement. Ce sont elles les gardiennes. de la ferme, des animaux, de la subsistance quotidienne. Elles qui se tuent à un travail auquel elles ne sont pas préparées, qui doivent affronter les intempéries, prendre des responsabilités jusque là dévolues aux seuls hommes, payer le fermage quand elles ne sont pas propriétaires, vendre les produits de la ferme, approvisionner les villes et les hommes du front.



En bref, un travail harassant que tous croyaient momentané.

Après un an de guerre, la vie prend une autre tournure, les nouvelles des soldats annoncent le durcissement des positions, les permissions sont reportées, les rôles féminins sont en pleine mutation. Les méthodes d'exploitation changent en fonction des forces et des effectifs réduits. le courage et la détermination des femmes à maintenir leur patrimoine en état jusqu'au retour du mari et des fils, sont souvent mis à l'épreuve.



La famille Misanger est emblématique de cet épisode peu exploité en littérature. Il semble même que ce livre soit le seul, en France, à décrire la vie des femmes « à l'arrière ». Il en existe à propos des femmes dans les usines, dans les administrations, dans les services aux blessés, mais aucun sur cette vie épuisante dans les campagnes au cours de la Première Guerre mondiale. « Les deux femmes firent sécher le regain et le rentrèrent. Ce n'est pas un mince travail que de rentrer du foin au pays du Marais. Il faut le prendre sur le pré, le porter à la conche, dresser la batelée, conduire le chargement à la perche par les fossés étroits, parfois même le haler à bras. Devant la Cabane, il faut ensuite décharger le foin, le porter enfin du canal jusqu'à la grange où on l'entasse » (p. 55).



Les parents Misanger reprennent le collier alors qu'ils avaient confié leur ferme à leurs enfants après une rude vie de labeur. Les deux fils et le gendre appelés sous les drapeaux, et la fille exploitant à grand peine la propriété de son mari, le père et la mère Misanger retrouvent les gestes d'antan, la mère surtout, qui va mener son exploitation tambour battant.



Elle n'hésite pas à parcourir des kilomètres pour intercéder auprès de l'armée pour obtenir des bras pour les moissons, que ce soit ceux de blessés légers ou ceux de prisonniers allemands, et à partir de 1917, de soldats américains débarqués à La Rochelle et attendant leur affectation au combat.



Elle engage, sans la ménager, une jeune fille de l'assistance publique pour s'occuper de la maison. Plus tard, la jeune femme secondera sa patronne dans les champs et connaîtra quelques moments de bonheur auprès de l'un des fils permissionnaires. La mère n'hésitera pas à recourir à la délation pour les éloigner.



Peu à peu, ces gardiennes investissent dans de nouvelles machines agricoles venues des Etats-Unis, qui soulagent considérablement les travaux des champs, les prix flambent, le fromage, le beurre et les oeufs atteignent des cotes jamais vues, les permissionnaires découvrent, décontenancés, leur patrimoine géré avec intelligence et modernité. Certains se sentiront dépassés, ravagés par les souvenirs des tranchées, absents.



Les Gardiennes peuvent être assimilées à un documentaire grâce aux descriptions pointues des moeurs et de la vie de la campagne française du début du XXe siècle. Elles m'ont rappelé l'excellent roman d'Angela Huth « Les Filles de Hallows Farm » qui retrace ces mêmes conditions dans les campagnes anglaises de la Deuxième Guerre mondiale.



Ernest Pérochon est né en 1885 dans les Deux-Sèvres, où il fut instituteur. En 1920, il obtient le prix Goncourt pour son roman Nène. En 1914, il est affecté au service de la Poste et prend grand soin à observer la « vie des humbles » dont il parle sans emphase mais avec force détails. En 1940, il refuse de collaborer avec le gouvernement de Vichy et il est surveillé par la Gestapo. Il meurt d'une crise cardiaque à l'âge de 57 ans.



Grand merci à Nostradamus27 qui m'a fait connaître Ernest Pérochon, auteur injustement oublié. J'espère qu'il sera remis à l'honneur lorsque sortira, fin de cette année 2017, le film « Les Gardiennes » de Xavier Beauvois (Des Hommes et des Dieux, le petit Lieutenant). Une très intéressante préface d'Eric Kocher-Marboeuf, président des amis d'Ernest Pérochon, retrace les principales étapes littéraires de cet auteur de romans ruraux que je vous recommande avec chaleur.



Les Gardiennes datent de 1924 et le livre a été réédité en 2016 par les éditions Marivole.

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Les gardiennes

Je ne remercierai jamais assez les Babeliotes qui sortent de l'oubli les auteurs oubliés comme Ernest Perochon et exhument leurs ouvrages méconnus.

C'est vous qui m'avez donné envie de découvrir « les gardiennes », émouvante évocation de l'arrière front durant la Grande Guerre et hommage aux femmes et aux adolescents qui cultivèrent les terres de 1914 à 1919 et préparèrent le pain, le coeur angoissé dans l'attente des nouvelles de leurs soldats, ou brisé à l'arrivée du courrier par l'annonce des blessures ou des décès.



Hortense, à 58 ans, prend en main son mari épuisé par une vie de labeur et dirige les jeunes ménages désormais privés de leurs hommes. Leur fils Constant, cheminot devenu Capitaine, meurt au combat. Solange, leur fille, folâtre en l'absence de Clovis prisonnier en Allemagne. Les autres fils sont au combat. Hortense exploite et développe les fermes et veille à la tenue des maisons. Ancrée dans sa commune, solidaire des autres familles elle se dévoue discrètement pour les foyers démunis et méritants.



Francine, jeune femme élevée par l'assistance publique, est embauchée et seconde activement sa patronne. Elle sera injustement « remerciée ».



L'intrigue, au coeur du marais niortais, est aussi simple qu'émouvante, et les héroïnes esquissées par petites touches composent une toile impressionniste datée à certains égards, mais éternelle par ailleurs. de toute temps lorsque Ulysse est éloigné par la guerre, Pénélope assiégée fait front stoïquement !



Ces pages rappellent celles que René Bazin consacra aux bretonnes dans « Magnificat » et plus largement aux françaises dans ses « Recits du Temps de la Guerre, 1915  » ... femmes exemplaires dont le rôle fut aussi méconnu qu'incontestable durant cette première guerre mondiale.



« Les gardiennes » aujourd'hui ont leurs conjoints en OPEX et tiennent vaillamment leurs familles ... hommage à elles !



PS : mon commentaire des Recits du Temps de la Guerre, 1915 :
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Le chemin de plaine

Voilà une lecture gentillette, une écriture bien tournée, bien que l’auteur s’en défende, devenue totalement désuète aujourd’hui, remplie d’expressions d’autrefois.



Il s’agit du journal que tient un jeune instituteur de campagne entre 1902 et 1914. Il entrevoit son avenir comme un chemin de plaine, « où ne passent que des laboureurs, un de ces chemins étroits, mais sûrs, où l’on marche en se balançant parce que la terre colle aux

pieds ».



Maximin Tournemine a vingt-trois ans, il est pauvre et bien décidé à exercer sa profession d’enseignant sans s’encombrer de femme et encore moins d’enfants puisqu’il en a une cinquantaine à gérer dans cette petite école rurale des Deux-Sèvres.



Nous ne saurons pratiquement rien de sa vie d’instituteur car Maximin a décidé de consigner dans son cahier la vie quotidienne de son village et ses rapports avec ses collègues. Les jalousies et les commérages ne manquent pas. Voilà un jeune homme, beau gars, réservé à souhait, ne se mêlant pas à la vie villageoise, ne courant pas le guilledou et ne fréquentant pas l’église. Sa petite maison de fonction lui suffit amplement et de temps en temps, pour faire plaisir à son copain Evrard déçu par le mariage, l’accompagne à la pêche.



Rien de folichon donc. Sauf qu’un jour, ce célibataire convaincu tombe sous le charme du rire d’une jeune demoiselle qu’il n’aura de cesse de connaître. Alors, peu à peu, en catimini, le garçon maladroit se déride. Josette est la fille d’un marchand de bœufs cossu, qui vient de se remarier à une donzelle qui espérait beaucoup de Maximin. Josette fréquente sa cousine, mère d’un petit Dédé qui reçoit des cours particuliers de son instituteur. L’occasion faisant le larron, c’est chez Dédé que les jeunes gens se rencontrent. « Dédé avait saisi la main de sa cousine et y frottait sa joue. J’aurais voulu en faire autant. Ce désir niais faisait cavalier seul dans ma grande courge de tête. J’ai bien été là deux longues minutes à essayer vainement de pauvres mots, tel un individu qui cherche, en pleine nuit, à ouvrir un chalet de nécessité avec un trousseau de fausses clefs ».



Les jeunes amoureux se retrouvent en cachette, font des projets d’avenir et Maximin s’ouvre de son amour à son ami Evrard dont la femme quelque peu revêche lui assure que « Josette est un parti détestable. D’abord, elle ne sait rien faire. Elle est instruite d’accord ! mais est-ce une ménagère ? Experte en broderies, en dentelles, en chiffons, serait-elle capable de faire seulement une soupe aux choux ? ». L’amoureux transi décide d’aller demander la main de sa belle à son père. Par malheur, il tombe sur la belle-mère qui ne se remet pas d’avoir été éconduite.



La méchanceté et les ragots s’insinuent, le drame commence.



Ernest Pérochon a obtenu le prix Goncourt pour Nêne en 1920. Il a écrit aussi Les Gardiennes, livre remarquable celui-là, sur la vie des femmes de la campagne qui remplacent les maris partis au front lors de la Première Guerre mondiale. Je lirai encore Nêne pour me rendre compte de ce qu’était un prix Goncourt au début du XXe siècle.

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Les gardiennes

Quel joli titre que celui-ci « Les Gardiennes ». Il illustre parfaitement ce récit et suppose tout le courage, les sacrifices, les obligations auxquels ces gardiennes ont dû faire face au moment de la Grande Guerre.



Sur le site « Grégoire de Tours », on peut lire l’appel qui est adressé aux femmes par le Président du Conseil, René Viviani, le 2 août 1914. Cette demande rend compte de l’instant tragique que vit le pays.



A la lecture de ce discours, comment ne pas imaginer le fardeau qui tombe subitement sur les épaules de ces femmes, le sentiment de solitude qui les envahit sans compter la douleur, l’angoisse de voir partir l’époux, le frère, le père, le fiancé, le fils. La guerre est déclarée, tous les hommes valides partent pour le front.



Quel bel hommage qu’Ernest PEROCHON leur rend en nous proposant cette fiction très inspirée des faits de cette triste période. Il salue toutes ces femmes, ces épouses, ces mères, qui se sont emparés des usines, des terres agricoles, des magasins, des bureaux, pour ne pas laisser sombrer l’économie de la France.



J’ai tout particulièrement apprécié l’écriture d’Ernest PEROCHON, très facile à lire et très agréable pour les amateurs de notre belle langue française, elle est passéiste, « ensemencée » des mots qui sonnent joliment à notre oreille et qui nous emportent dans nos lointains souvenirs de petits enfants de gens de la terre. Il y a des passages d’une grande émotion à l’intensité de laquelle nous ne pouvons échapper.



Ce récit nous raconte les épreuves, les énormes difficultés et les quelques satisfactions que vivent quatre femmes : Hortense Misangère, maîtresse femme, sa fille, Solange, sa bru, Léa, Francine, domestique, venant de l’Assistance et la petite boulangère, Marguerite. Travailleuse infatigable, Hortense mène son petit monde à la baguette malgré ses 58 ans y compris aussi, son mari, Claude, bien épuisé, bien abimé par ses années de dur labeur.



Ce livre, paru en 1924, est un véritable témoignage de ce que les femmes ont dû surmonter en l’absence des hommes, le courage, la force morale qu’il leur a fallu pour remplacer les hommes et veiller à la préservation de leur patrimoine : leur seul moyen de subsistance jusqu’au retour de la Paix.



Chez ses paysannes, on ressent l’amour viscéral de la terre, cette terre qui vous absorbe corps et âme, qui vous demande tout jusqu’à l’abnégation comme le fait la mer avec les marins.

Il faut lire les passages du travail dans les champs, imaginer ces femmes confrontées au dur labeur qu’assumaient les hommes, prendre la fourche, dresser les meules de paille, veiller à ce qu’elles ne s’écroulent pas, ferrer les mulets, mener les bêtes, moissonner, faucher. Hortense va jusqu’à se heurter à sa fille, Solange, qui par moment est à bout, démotivée, et qui envisage de tout laisser tomber. Mais Hortense veille et mène son petit monde d’une main de fer. Elle en devient même impitoyable. C’est un sacré portrait de femme de la terre qu’Hortense mais elle en paiera le prix fort ! Son but, transmettre la terre aux descendants, la faire fructifier et démontrer aux hommes toutes les capacités dont sont capables les femmes.

Et puis, il y a Léa, qui vit dans le marais et que l’humidité rend malade mais qui ne baisse jamais les bras. Quant à Francine, enfant de l’Assistance, elle symbolise la discrimination, la méfiance que ces enfants de l’assistance subissent de la part de la société civile : L’opprobre rejaillissant aussi sur leurs propres enfants. Avec vaillance, elle affrontera, elle aussi, une épreuve douloureuse.



Mais Ernest PEROCHON, c’est aussi la beauté de cette Venise Verte décrite avec tant de poésie que je me suis retrouvée avec Francine, en barque, rame à la main, à glisser paisiblement sur l’eau du canal :

« Dans l’eau calme du canal se reflétait les pâles quenouilles des peupliers de bordure et la procession blanche des nuages ; le bateau semblait glisser sur un pan de ciel ».



Il n’hésite pas non plus à évoquer l’arrivée des alliés, les américains, avec tous les émois que cela va engendrer en l’absence des hommes.



Moi qui suis femme et enfant de la Paix, je mesure l’étendue du chemin parcouru pour me permettre d’exister aujourd’hui en tant que femme et en tant qu’individu. Je conseille vivement la lecture de ce roman à nos jeunes femmes. C’est un livre féministe qui fait prendre conscience de la vie de nos arrières grands-mères, nos grands-mères et nos mères. Ce fut un tournant dans l’émancipation des femmes mais au retour du front, les hommes ont voulu reprendre leur place et cantonner les femmes aux travaux domestiques. Mais elles avaient goûté à l’émancipation et elles ne feraient plus marche arrière. Je suis issue de cette catégorie de femmes, je pense à mon arrière grand-mère qui a fait tourner l’usine pendant que mon arrière grand-père était au front, je pense à leur fille qui mettait les « culottes » de son père et avait les cheveux courts en 1920 qui m’a toujours dit « ne dépend jamais d’un homme ma petite fille, ai un bon métier », à ma mère qui s’est battue pour l’IVG et qui m’a toujours dit « le jour où on veut vous enlever l’IVG, descends dans la rue, bats toi ».



Ces femmes n’ont jamais considéré l’homme comme un ennemi, bien au contraire, mais comme l’autre partie de l’humanité. Elles ont revendiqué simplement l’égalité des droits. Je suis fière de cet héritage sur lequel je dois veiller et je les en remercie du fond du cœur.



Claire et Nostradamus, je tiens à vous remercier pour m'avoir fait connaître Ernest PEROCHON et ses gardiennes.

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Les gardiennes

Quelle belle idée que le cinéaste , Xavier Beauvois ressorte de l'oubli cet auteur méconnu, pour ne pas dire "passé à la trappe"... D'Ernest Pérochon, je ne me souviens vaguement , très vaguement (même) avoir lu son nom dans les manuels de lecture lorsque j'étais enfant, dans une école bretonne, où trois classes cohabitaient avec une seule institutrice...mais j'avoue n'avoir rien lu de cet écrivain, pacifiste, instituteur lui-même !



Je souhaitais aller découvrir le film à sa sortie, début décembre...Ce n'est que reporté... Le plus grand des hasards m'a fait venir en Vendée, près de Niort, [ cet auteur a vécu dans cette ville, et y est décédé] pour passer Noël, chez des amis... et suis "tombée" dans un débit de presse- tabac sur le seul

exemplaire de cette réédition... Je me suis empressée de l'acquérir et l'ai lu d'une traite dans la nuit... Un roman bouleversant qui parle du courage, de la force des femmes pendant la première guerre; Ces femmes de tous milieux, qui ont fait tourner les fermes, les exploitations, les entreprises

du pays, puisqu'il ne restait qu'elles, les enfants et les vieillards... et les éclopés divers...pour faire "fonctionner le pays"...



Nous suivons, au départ des hommes pour La grande Guerre, les combats et le travail surhumain de la Grande Hortense, Léa et Solange (belle-fille et fille de la précédente), Francine, toute jeune fille de l'Assistance Publique... qui va se retrouver embauchée par la "terrible et vaillante Hortense" [ qui mène tout son monde à la baguette]... Une histoire poignante, qui dit la force incroyable des femmes, l'horreur de toute guerre [ on sent dans les lignes de cet ouvrage, à quel point Ernest Pérochon est en colère contre le gouvernement et les décisions d'en haut !, et de l'absurdité de cette grande guerre et de toute guerre d'ailleurs !]



C'est un roman qui exprime de façon incroyable l'âpreté, la dureté de la vie

à cette époque...âpreté démultipliée car l'histoire se déroule dans le monde

paysan, cette terre qui nourrit et qu'il faut soigner, faire fructifier sans répit.



Ce livre m'a chavirée pour plusieurs raisons: l'époque est terrible, le combat quotidien des femmes qui tiennent l'avenir du pays entre leurs mains, exceptionnel de détermination et d'énergie surhumaine, les histoires individuelles aussi âpres que le contexte historique... et je retrouve avec une émotion infinie la vie, les récits de ma grand-mère bretonne, née en 1900. Et lorsque je choisis le mot "âpre" ce n'est pas un adjectif choisi à la légère...Ma grand-mère, fille de meuniers, s'est retrouvée orpheline, placée dans une famille de riches paysans, où elle était en dépit de liens forts avec son cercle familial, traitée comme une servante de ferme, exploitée, non payée...travaillant 7 jours sur 7, comme une bête de somme...



Elle vivait la vie terrible des "valets de ferme"...j'ai donc lu le parcours

malmené, douloureux de la servante, Francine (provenant , en plus,

de l'Assistance Publique; sans famille ni personne pour la protéger)

avec d'autant plus d'émotion...



De très belles descriptions du marais poitevin... dont j'ai quelques souvenirs éblouis... Sans omettre un certain vocabulaire, devenu "suranné" ou "inusité " : comme " engeigner" , "emblavures", "conche", etc.



Une lecture aussi captivante que "tourneboulante"....Cela réactive

ma curiosité de lire d'autres récits d'Ernest Pérochon...dont "Nêne"...

Je trouve également le parcours de cet auteur-instituteur aussi passionnant

que courageux, et "rebelle"...



Il me reste le film de Xavier Beauvois à découvrir... son regard de

cinéaste sur ce roman et sur cet écrivain. Mille Mercis à lui d' avoir sorti

Ernest Pérochon de son "purgatoire" !!



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******"Presque un siècle sépare le livre "Les Gardiennes" de son adaptation

au cinéma, mais dès 1940, un autre enfant du pays, le réalisateur niortais

Henri-Georges Clouzot, souhaitait déjà en faire un film.

Mais en plein régime de Vichy, impossible de voir le projet naître.

Ernest Pérochon s'éteindra deux ans plus tard à 56 ans, sans jamais

avoir vu ses gardiennes à l'écran.



"Les Gardiennes", un film de Xavier Beauvois avec Nathalie Baye et

Laura Smet. Sortie le 6 décembre 2017" [ France-3]
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Les Creux-de-Maisons

Ce livre résonne aujourd'hui comme un murmure d'apaisement glissé dans l'oreille d'Emile Zola.

Et l'on peut à juste titre penser qu'il a été écrit pour amener quelques idées fortes, de celles qui paraissent d'abord subversives, mais qui ensuite s'imposent comme évidentes.

C'est la quille pour Séverin Pâtureau.

Il vient d'être libéré de ses quatre ans de service militaire.

Il est de retour au pays, à Bressuire, petite ville bonasse, sans importance et lourdaude comme une paysanne ...

Ce roman est une chronique paysanne, une saga familiale, une histoire d'amour, le constat d'une vie gâchée par la misère.

Ce livre n'est pas un de ces romans contemporains qui s'émeût de la misère d'un temps aujourd'hui disparu, ou presque.

Ce récit est ancré dans son époque, lui colle à la peau comme une vieille défroque, comme un souvenir gênant dont on voudrait se débarrasser.

"Les creux de maisons" est paru en 1913, d'abord sous forme de feuilleton dans le journal "l'Humanité", puis en volume à la librairie Plon-Nourrit et Cie.

Son écriture est belle, poignante mais jamais larmoyante.

Il est plein d'expressions et d'images paysannes qu'Ernest Pérochon, par son talent, transforme en jolies tournures, en magnifiques licences littéraires.

Mais le romantisme ici, malgré la beauté du texte, n'a pas eu droit de cité.

Et voici que Zola, au détour d'un paragraphe, au hasard d'une maigre étagère de bibliothèque, voici que Zola s'invite dans l'ouvrage.

C'est qu'Ernest Pérochon, à son contraire, a décidé de montrer que la résilience des habitudes d'honnêteté aide à l'asservissement de l'humble.

Séverin Pâtureau est un brave homme courageux, sans tare, sans vice, et voit pourtant ses espoirs de jeunesse broyés par sa condition.

Le récit de Pérochon, plus authentique, se place plus proche de la réalité paysanne de l'époque que "la Terre" de Zola.

Pourtant, il n'en est pas moins glaçant et terrible.

Ernest Pérochon, reniant le droit de propriété lorsqu'il affame, déniant au "ciel" sa fonction de rédemption, s'y montre finement tout aussi subversif que le maître de Médan.

Certaines images y sont terribles, telles cette jalousie du riche à se sentir moins riche à ce que le pauvre soit moins pauvre.

D'autres y sont très belles, telles une parole donnée, et qui est tenue malgré la menace d'en tout perdre.

Enfin quelques unes sont souriantes telles ce notaire qui a fui avec une jeune drôlesse, cet enfant déclaré en mairie sous le prénom d'un roi.

Ce livre, qui est celui des illusions de jeunesse perdues d'un homme simple, est tout simplement un ouvrage magnifique ...

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La Parcelle 32

L'honneur de l'homme ne peut venir que de l'attachement à sa terre.

Le vieil Amand Mazureau de la Marnière de Fougeray est bien seul depuis le commencement de la guerre, seul avec sa fille Evelline et son petit fils Bernard dont le père est tombé à Verdun, et dont la mère est partie refaire sa vie à Nantes.

Cette maudite guerre n'en finit pas.

Elle a pris tous les gars dont le plus célèbre au pays est Maurice, grand buveur, grand joueur et grand coureur de bals.

"Si les filles l'écoutaient volontiers, les mères en parlaient assez mal".

Mais quand la guerre sera finie, assurément Eveline et Maurice se marieront.

Un nouveau bonheur les rassemblera tous dans cette vieille maison ...

"La parcelle 32" est un livre d'Ernest Pérochon, par en 1922 à la librairie parisienne "Plon".

C'est un livre empreint d'effort, de glèbe et de sueur.

C'est là, une histoire ordinaire, une histoire qui prend sa force du fond des âges, et de l'atavisme paysan.

C'est une histoire poignante, belle et authentique en diable.

La guerre fait rage.

Mais à Fougeray, son fracas est inaudible et lointain.

Elle ne parvient à toucher ce récit que par les lettres de Maurice, par l'augmentation des prix qui enrichit les paysans, et par le manque de bras constaté dans le pays.

Honoré, lui, est resté comme sursitaire pour la culture, et, pour cela, doit effectuer deux jours de travail par semaine dans les autres fermes.

Honoré est-il le plus riche de Fougeray ?

D'héritage en héritage, il s'était trouvé propriétaire de quatre cent boisselées et plus, d'une grande maison, de coffres, de buffets, de vaisseliers et larges armoires bondées.

Honoré est l'amoureux transi d'Eveline, celui qu'elle ne regarde pas, pour ne voir que son bonheur futur avec Maurice ...

Ernest Pérochon a écrit là une histoire comme il a pu s'en passer dans toutes les campagnes de France à la même époque.

A l'inverse de Zola, il n'a pas cherché dans ce récit de la terre à insuffler de l'outrance à l'événement, ni à contraindre ses personnages au vice.

La vie dans ces pages est courante et quotidienne.

"La parcelle 32" est sise à la section D, au lieu dit "les Brûlons".

La vente de ces quatre hectares vingt-cinq de bonne terre va provoquer un remuement dans le pays car elle touche à la propriété Mazureau et à celle de Sicot, le beau-frère détesté ...

Ernest Pérochon a insufflé par contre à ses personnages une véritable humanité.

Il sont trois personnages principaux autour desquels tourne la vie :

Le vieux Mazureau qui est un véritable héros, un invétéré lutteur qui pourtant ne possède aucune haine, et finalement beaucoup de compréhension.

Eveline est l'espérance en une vie meilleure et son regard, pourtant troublé par le malheur, est porté vers des jours clairs et lumineux.

Quand à Bernard, le neveu orphelin de seize ans, il est l'opiniâtreté de l'esprit paysan qui se déchire à devoir diviser sa terre ...

Ernest Pérochon a signé un beau et grand livre qui pose la seule question qui vaille :

A-t-on besoin dans sa vie de plus de pain que de bonheur ? ...



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Les gardiennes

Dans les Deux-Sèvres, pendant la Grande Guerre, les "gardiennes" sont ces femmes qui, en l'absence des hommes partis combattre, ont fait tourner les fermes, les exploitations, l'économie pour que le blé soit planté, cultivé et moissonné, pour donner du pain aux Français, soldats inclus. En plus du travail harassant de la terre, il a fallu continuer à éduquer les enfants et à protéger les plus faibles.



Hortense Misanger, dite "La Grande Hortense", est un parangon d'exigence. Gardienne parmi les gardiennes, elle mène son monde d'une poigne de fer. Cette figure implacable et farouche, à la fois marâtre et femme de tête, inspire au lecteur terreur et fascination. Autour d'elle, véritable pivot du récit, d'autres figures féminines évoluent telles sa fille Solange et sa servante Francine, particulièrement émouvante en raison de son destin d'enfant confiée à l'Assistance. Les hommes sont là aussi, présents par intermittence, au gré des permissions ou des blessures.



Ernest Pérochon offre ici un spectacle d'un réalisme convaincant et poignant. Paru en 1924, "Les gardiennes" brosse la vie quotidienne dans les compagnes entre 14-18. Un roman social qui ne tombe pourtant pas dans le documentaire et s'attache aux destins particuliers, aux relations voire aux rouages entre les personnages de ce drame de "double campagne", campagne militaire et campagne agricole. Un vrai souffle romanesque anime le récit.



Entre bois, marais et champs, au rythme des saisons, la vie se poursuit vaille que vaille puisqu'il faut tenir, manger, espérer et parfois aussi, aimer, luxe suprême qui n'est à la portée que d'une poignée de chanceux.



J'ai énormément apprécié cette lecture qui est un quasi coup de coeur. J'ai hâte désormais de visionner l'adaptation de 2017 de Xavier Beauvois avec Nathalie Baye dans le rôle principal.





Challenge XXème siècle 2021

Challenge MULTI-DEFIS 2021

Challenge COEUR d'ARTICHAUT 2021

Challenge des 50 Objets 2021/2022
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Les Creux-de-Maisons

Avant l'adaptation cinématographique de son roman Les Gardiennes par Xavier Beauvois, j'avoue très modestement que le nom d'Ernest Pérochon ne m'évoquait pas grand chose. C'est la belle critique des Creux-de-maisons par Gill, ici même, qui m'a incité à aller à la découverte de cet écrivain quelque peu oublié. Et quelle découverte !

Paru en 1913, le roman retrace la vie de Séverin Pâtureau, valet de ferme dans une campagne de l'ouest de la France. Le récit s'ouvre par son retour du service militaire, et se clôt à l'aube de ses cinquante ans : trente années chargées de désillusions et des « malheurs de la vie », trente années de misère, évoquées en à peine deux cents pages qui remuent profondément le lecteur.

En matière de roman paysan, on n'est ici ni chez Zola ni chez Giono ; ni dans le naturalisme pointilleux et moins encore dans la transfiguration lyrique : la pauvreté de ces valets et de ces journaliers est poignante, écrasante, et pire que tout : elle paraît immuable. La misère est un héritage que les générations se transmettent avec fatalisme, héritage auquel on n'échappe qu'à travers un exil sans retour. Pérochon se retient de trop marquer l'époque de son récit : les éléments qui pourraient l'inscrire dans un contexte historique précis sont rares, et l'action se déroule en somme dans une sorte de XIXème siècle éternel. Mais dans les dernières pages, l'auteur rompt brutalement avec cette intemporalité et jette à la face de ses lecteurs que oui, en effet, cette misère est bien de leur temps et non d'autrefois.

La langue de Pérochon, aussi sobre que lumineuse, n'a pas pris une ride. Pas de péripétie spectaculaire et aucun mélodrame gratuit dans le récit. Le talent de l'auteur force l'admiration dans sa capacité à faire vivre ses situations avec une grande économie de moyens. La moindre phrase sonne juste, et l'ensemble ressuscite pour nous un monde qui a irrémédiablement disparu. C'est une œuvre littéraire, certes, et c'est aussi un tableau sociologique précieux sur l'univers paysan finissant, à la charnière des XIXème et XXème siècles.

Inutile de s'étendre davantage. Le roman prouve à lui tout seul cette nécessité : Ernest Pérochon doit être redécouvert comme il le mérite !
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Oeuvres romanesques, tome 1

"Les gardiennes" est le titre phare de cet ensemble, c'est un roman qui dépeint la vie de l'arrière pour la campagne durant la Première Guerre mondiale. Des femmes et des enfants qui tentent de faire les travaux agricoles ou de faire tourner une boulangerie.



Une intrigue basée sur la question dans tous les esprits des poilus et dans toutes les langues au village: la fidélité des femmes.





L'adaptation en film des "Gardiennes" de Pérochon sort le 6 décembre 2017 à Paris, avec comme acteurs principaux Nathalie Baye, Laura Smet (fille de Nathalie Baye et de Johnny Hallyday), Cyril Descours et Olivier Rabourdin. Il a pour réalisateur Xavier Beauvois et productrice Sylvie Pialat.





Ce tome 1 des "Oeuvres romanesques" d'Ernest Pérochon est épuisé mais le même éditeur Geste réédite "Les Gardiennes" (et uniquement ce titre) fin 2017 à l'occasion de la sortie du film.
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La Parcelle 32

Une belle découverte de la littérature du début XXe siècle, bien sûr influencée par la première guerre mondiale, mais ici, il est question des conséquences de cette guerre dans les campagnes. Comment la culture de la terre va connaitre une crise presque asphyxiante, dépouillant ainsi les paysans de leur fierté, car, les vieux verront tous les jeunes partir à la guerre, cependant celui qui ne s'engage pas est ignominieusement traiter de lâche. Le travail rural va connaitre une baisse au niveau des rendements. Comment certaines mœurs vont être bouleverser telle la coutume du mariage. Bien des jeunes se marient juste avant d'aller en guerre ou encore pendant la guerre se faufilant au moment d'une permission, tout en sachant que le mari allait ou ne pas revenir, au risque de laisser leur épouse veuve ou plus simplement enceinte. Dans certains cas, encore fiancés mais la fille reste enceinte et affreusement déshonorée pendant que le fiancé vient de mourir au front. Eh oui, la plupart de jeunes paysannes sont sorties de cette guerre comme veuves ou simplement mère célibataires, ce qui était mal vu à l'époque. C'est comme si ces jeunes gens avaient tous la maladie de vouloir porter une bague ou de foutre de grossesse avant d'aller mourir. Mais le vieux Mazureau entend contourner les choses malicieusement. Il se morfond dans des calculs perfides pour pouvoir récupérer ou racheter sa terre de La parcelle 32, pensant se servir de sa fille Éveline, la fille la plus distinguée de Fougeray...le cours des choses ne sait pas nous prévenir de certaines tragédies...on les subit le plus souvent...

Ce n'est peut-être pas le top du XXe S mais je viens de passer un petit moment agréable!
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Contes des cent un matins

Le titre des Contes des Cent Un matins renvoie au fait qu’à l’époque le journal national Le Matin publiait quotidiennement un conte, dans un ensemble intitulé Contes des Milles et Un matins. Le choix de retenir ou non un texte relevait de Jean Giraudoux. Les contes d’Ernest Pérochon ne font pas appel au merveilleux et c’est un choix qu’il a annoncé dans sa présentation du Livre des quatre saisons.



L’édition d’Héligoland a repris comme illustrateurs Monique Gode pour 15 contes et Nardini pour l’un d’entre eux "Le Terrible Bambouno du Congo" ; le dessinateur d’origine en 1932 était Ray-Lambert. On a éliminé ici l’appareil didactique qui accompagnait la première édition car celle-ci faisait classer cet ouvrage dans les manuels scolaires. Les adultes qui ont été à l’école primaire dans les années cinquante et soixante retrouveront ici ce qui se faisait de mieux en matière de livre de lecture pour la classe de CE 2 ou de CM 1.



Par expérience nous savons que les enfants de 7 à 11 ans du XXIe siècle apprécieront beaucoup de voir dénoncer ici les petits travers qu’ils perçoivent mieux chez les autres que chez eux comme la vantardise, la paresse, l’annonce de paris stupides ou la gourmandise. Ils voyageront dans l’univers de l’Entre-deux-guerres qui se décline ici en racontant les aventures d’enfants et d’animaux qui vivent en Chine, au Congo, au pôle nord ou dans la campagne française. Les héros adultes ne sont présents que dans trois contes, dont l’un permet de faire un petit tour du monde en suivant les aventures d’un cuisinier.



"La maladie des doigts écartés", "Les Aventures du cuisinier Benoît", "Le Modeste Amédée", "Les reines de la montagne", "Colette et Colas le panier au bras", "Petit Poisson vagabond" et "Avec le pêcheur de poissons fous" sont à l'usage les sept des contes qui plaisent le plus à des jeunes lecteurs de notre époque.

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Nêne

Nêne est le deuxième roman d'Ernest Pérochon, comme "Le Chemin de plaine" (largement autobiographique) il est terminé au printemps 1914. La Grande Guerre, qui inspirera l'auteur pour le désormais fort connu roman "Les Gardiennes" empêche la parution de ces deux titres qui ne sortent qu'en 1920. le roman est édité localement, il reçoit le prix Goncourt ; ceci grâce en particulier au gros travail de lobbying de l'écrivain niortais et berrichon Gaston Chérau auprès des membres du jury (« C'est un beau roman de chez nous », dira-t-il dans la préface du livre). Après avoir été récompensé, ce roman intéresse enfin Plon qui se charge de le tirer à 100 000 exemplaires.



Bien qu'il quitte l'enseignement à la fin de l'année scolaire 1920-1921, Ernest Pérochon restera, dans l'Entre-deux-guerres, l'instituteur français le plus célèbre en France et à l'étranger. Hachette lui demandera d'ailleurs de rédiger l'essai "L'instituteur" heureusement réédité par CPE en 2014. Geste depuis ses origines lointaines et Marivole/CPE depuis les années 2010 font un travail remarquable de réédition d'un auteur dont le contenu des ouvrages est un témoignage sur la situation des campagnes françaises à la Belle Époque, durant la Première Guerre mondiale et l'Entre-deux-guerres.



Comme dans "Les Gardiennes", l'héroïne est une enfant de l'Assistance publique et dans la région du nord des Deux-Sèvres (pour parler français, car je n'aime guère "le Nord-Deux-Sèvres", fruit d'un anglicisme), les élèves des écoles publiques étaient composés de quelques enfants de mécréants, de peu d'enfants de protestants et de beaucoup d'enfants de l'Assistance publique et de dissidents. Il s'agit pour ces derniers des descendants des catholiques qui refusèrent de voir, avec le Concordat, l'Église catholique tomber sous la coupe de Bonaparte. N'oublions pas que cette dernière alla jusqu'à inventer un saint Napoléon, en allant chercher Neapolis martyr du début du IVe siècle, pour instituer un jour à consacrer à l'empereur.



L'attachement, progressivement contrarié, que l'héroïne a envers les deux orphelins (de mère) de la famille de dissidents, où elle a été embauchée, est le resort essentiel de l'intrigue. S'y ajoute les amours de son frère qui, sous l'emprise de l'alcool, perd un bras dans une machine. La dévergondée qu'il espérait épouser ira vers le père des deux orphelins…

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Contes des cent un matins

L'édition de Delagrave des années 1930 comporte des questions de français, ce qui n'est pas le cas de l'édition de 1978 chez Delagrave, qui est reprise par l'éditeur Héligoland en 2010.



Cette édition de 2010 est présentée ici



http://www.babelio.com/livres/Perochon-Contes-des-Cent-Un-Matins/785676



Si on a à l'origine comme illustrateur Ray-Lambert, c'est Monique Gode qui réalise les dessins dans l'édition disponible chez Héligoland.

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Les gardiennes

Voici la description que donne Ernest Perochon des soldats américains, dans son roman Les Gardiennes publié en 1924:

charmeurs auprès des femmes qui se laissaient séduire, grands buveurs, chaussés comme pour faire à pied le tour du monde, ayant une solde qui leur permettait de faire de nombreux achats...
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Les Creux-de-Maisons

N°740 – Avril 2014.

LES CREUX DE MAISONS- Ernest Pérochon – Éditions du Rocher.



« Les Creux de Maisons », c'était ces cabanes insalubres du bocage vendéen où se réfugiaient jusqu'au début du XX° siècle les plus pauvres, des journaliers qui n'avaient pour toute richesse que leurs bras et qui travaillaient comme des esclaves pour un salaire de misère ou qui, trop démunis, envoyaient leurs jeunes enfants mendier, souvent pieds nus, de ferme en métairie quelques quignons de pain et de la nourriture ; on les appelait les « cherche-pain ». Séverin Pâtureau a été l'un d'eux. Au début du roman, nous le voyons revenir du service militaire, quatre longues années passées sur la frontière de l'Est de la France, dans une ville de garnison. Il est maintenant un homme comme l'atteste la moustache qu’il porte fièrement puisque, à l'époque, cet épisode de la vie correspondait à un passage initiatique : quand on avait été soldat, tout devenait possible puisqu'on avait servi sa Patrie sous l'uniforme. Il se gage donc comme valet dans les environs de Bressuire et ne tarde pas à rencontrer Delphine, la fille d'un meunier qui l'aimait depuis l'enfance. Il la « fréquente » puis l'épouse. Ils s’établissent eux aussi dans un « creux de maison », lui restant valet et elle travaillant en journées, de quoi vivre heureux, rêver, faire le projet de « prendre une terre », une borderie, c'est à dire travailler pour son compte et non plus pour les autres ou peut-être partir pour les Charentes plus riches et ouvertes au machinisme agricole. Tout cela ne sont que des chimères et, à la suite d'une mauvaise querelle, tout bascule et Séverin perd sa place. Le voilà journalier. L'absence totale de contraception qui génère des familles anormalement nombreuses que les parents ne peuvent nourrir, la maladie, la raréfaction du travail font que cette famille connaît la misère, la famine puis la mort de Delphine après son sixième accouchement. Selon la tradition une grand-mère vient aider Séverin à élever ses enfants, mais cette situation nouvelle oblige l'aînée à se transformer en « cherche-pain » à son tour, au grand dam de son père. Certes les Pâtureau sont aidés par la collectivité et Séverin est dur à sa peine malgré son âge mais ils sont pauvres et le seront toute leur vie. Il se fait même braconnier pour survivre et bien entendu il se fait prendre, perd son travail et l’aînée meurt.



Il s'agit d'un roman rural, si on veut l'appeler ainsi où l'auteur dépeint la vie dure d'un monde de paysans pauvres de l'ouest de la France. Dans sa préface, Pérochon indique qu'il ne veut pas se faire le chantre d'une quelconque vision idyllique et pastorale de cette vie mais, au contraire, en dépeindre la rudesse. Pérochon se fait le témoin de ce temps heureusement révolu où les foires n'étaient pas seulement destinées aux transactions commerciales mais servaient aussi à rencontrer son futur conjoint, où la messe était incontournable. Il parle des coiffes, des coutumes, mêlant le patois aux descriptions poétiques de la nature, dénonçant au passage les processions catholiques ou des rituels païens pour faire tomber la pluie ! A travers une galerie de portraits qui témoigne d'une attentive observation, il croque toute une société rurale, n’épargnant ni le clergé ni les maîtres ni les fermiers, campant un décor de misère, fait d'augmentation du coût de la vie, de familles exagérément nombreuses, d'exode rural...



Ce roman paraît en 1912 en feuilleton dans « L’Humanité » puis aux frais de l'auteur l'année suivante. Ernest Pérochon [1885-1942] est alors instituteur dans le nord des Deux-Sèvres. Après sa mobilisation en 1914, il obtint le Prix Goncourt en 1920 pour son roman « Nêne » (paru en 1914), de la même inspiration, grâce au soutien actif de Gaston Chérau [1872-1937] journaliste et écrivain, deux-sévrien comme lui. C'est bien sûr son œuvre la plus connue mais, à mon avis et sans bien entendu dévaluer en rien les mérites de « Nêne », Pérochon eût mérité ce prix pour « Les Creux de Maisons ». Ce fut le départ de son abondante production romanesque mais il est également l'auteur de poèmes, de contes pour enfants et même de romans de science-fiction. Il devint ensuite un homme de Lettres reconnu jusqu'à sa mort en 1942, victime de brimades de la part du régime de Vichy qu'il refusait de servir. Son œuvre fut quelque peu oubliée jusqu'en 1985 où l'on célébra le centenaire de sa naissance, date à partir de laquelle ses romans furent réédités et sa mémoire entretenue par des conférences et des expositions. Il est actuellement célébré à la hauteur de son talent et ce n'est que justice pour cet écrivain injustement oublié pendant si longtemps.



J'ai très tôt connu le nom d'Ernest Pérochon, mais pas son œuvre. En effet, avec Pierre Loti et Anatole France, il était l'auteur des dictées qui à l'époque étaient le quotidien de l'école primaire. C'était pour moi une épreuve redoutée qui ne fut cependant pas une invitation à découvrir ses romans, découverte qui ne vint que bien plus tard. Je l'apprécie maintenant comme un serviteur de notre belle langue française.





©Hervé GAUTIER – Avril 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Nêne

Madeleine, une jeune fille solide et travailleuse, est embauchée comme servante chez un jeune veuf, père de deux enfants en bas âge.



Avec un pitch pareil, on voit l'histoire d'amour se profiler, grosse comme un camion. Mais non. Rien de ce qu'on pourrait imaginer ne se produit car si histoire d'amour il y a, elle est entre "Nêne" et les enfants qui l'ont surnommée ainsi. C'est une histoire d'amour tragique et déchirante, racontée avec beaucoup de finesse par Ernest Pérochon. L'auteur emploie autant de sensibilité pour décrire les sentiments de ses paysans qu'en employaient habituellement ses contemporains pour décrire les amours des bourgeois.



De plus, il nous fait découvrir un coin littérairement méconnu de France, les Deux-Sèvres, avec une situation religieuse très particulière, la population étant divisée entre Protestants, Catholiques et "Dissidents", des Catholiques restés fidèles au clergé d'avant la Révolution.



Intéressant et touchant.
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Nêne

Ernest Perochon...Des années que le livre traînait sur une étagère. Avec un nom pareil, encore un roman du terroir... Et un jour, enfin, j'ai ouvert le bouquin, dans l'intention de le "parcourir" et de l'oublier. Découverte! une histoire touchante, tellement vraie, tellement bien écrite, tellement facile à lire. Si vous le trouvez chez un bouquiniste, allez-y, c'est un roman magnifique.
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Les Creux-de-Maisons

Défi ABC 2018-2018

Dans le volume des éditions Plon, reliure verte un peu passée (imprimé en 1929) rehaussée de filets dorés, papier un peu jauni, caractères pâlis, j'ai trouvé une publicité pour les autres livres de la même collection, justement intitulée littérature rurale. Pas le pompeux et folklorique "du terroir": point de folklore chez Ernest Pérochon. Mais la vie de la campagne, le travail des paysans, il y a cent ans: ce n'est pas si loin: quatre générations.

Il y a cent ans donc, Séverin revient du régiment, et se loue à un fermier: le travail ne manque pas, la salaire est de misère, mais le gîte et le couvert sont assurés. Séverin a mendié son pain dans son enfance: quand il épouse Delphine, ils ont de beaux projets. La misère pourtant ne lâche pas ses proies, les grossesses sont risquées, les enfants arrivent trop vite, trop nombreux, le travail, épuisant, ne suffit plus à nourrir la famille. La conscience sociale émerge lentement, dans des foyers où le malheur semble s'installer irrémédiablement.

Ernest Pérochon, un auteur un peu oublié (le film tiré des Gardiennes le remettra-t-il en lumière?), a publié de grands romans: Nêne a obtenu le Goncourt en 1920. Il décrit,en instituteur engagé, la vie rurale, telle qu'elle fut, sans misérabilisme complaisant.

Un auteur à découvrir, sans hésiter.

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Les gardiennes

J'ai adoré ce livre, merci aux Babélio et aux Babéliotes qui me l'ont fait découvrir. Histoire de ces femmes qui, à l'arrière, se sont battues comme des hommes pour maintenir les terres, le cheptel, les récoltes, pour tenir la vertu des jeunes femmes que la solitude rendaient volages, pour empêcher les jeunes enfants de devenir des vauriens. Histoire simple et forte, avec deux personnages de femmes de qualité, droites et dures. Une histoire d'amour toute simple, dans un monde où l'amour compte moins que la terre, où les sentiments sont discrets et dignes. Le style de Perochon est lui aussi de grande simplicité, à part, en quelques endroits, une élégance surannée qui enchante. le cadre, sublime est le marais vendéen, ses brumes, ses grenouillères, son lacis de canaux et d'impasses.

On ne pense pas souvent à elles, dans l'immense compassion qu'on éprouve pour les hommes des tranchées. Hommage,donc, à ces femmes, nos aïeules qui se sont elles aussi battues à leur façon, hommage à ma grand mère, qui fut elle aussi "une gardienne", dans un cadre différent mais tout aussi cruel que les marais.
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