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Critiques de Honoré de Balzac (3259)
La comédie humaine - La Pléiade, tome 3

Le jeune Eugène de Rastignac écrit une lettre passionnée à sa maîtresse au petit matin, en commettant l'erreur fatale de ne pas écrire son adresse sur l'enveloppe immédiatement. Distrait par ses pensées, il inscrit un peu plus tard celle de la marquise de Listomère, incarnation parfaite de la vertu pour toute la bonne société, avec qui il a eu une discussion agréable la veille au soir.



Que de sentiments violents peuvent émerger d'une si petite méprise ! L'orgueil qu'on ne peut s'empêcher d'éprouver, même en étant l'épouse idéale, à être l'objet d'une passion aussi violente ; et la haine qui poursuit celui qui donne tant de faux espoirs et qui prend une femme vertueuse en flagrant délit de coquetterie.



Cette nouvelle ne fait qu'une vingtaine de pages, ce qui ne l'empêche pas d'être piquante à souhait. L'écriture est légère et pleine d'humour, Balzac ne se prend pas au sérieux et se moque gentiment de ses personnages. Un choix idéal quand on veut se faire un petit plaisir.
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Un drame au bord de la mer

Ici, Balzac nous offre un excellent, un sublime cas de conscience. Une production de la meilleure littérature qui existe. Le narrateur, qui est nul autre que Louis Lambert (!), écrit l'histoire d'une véritable tragédie familiale qu'un pêcheur lui a raconté. Par ce fait, les malheurs propres du pêcheur semblent devenir anodins et même dérisoires comparativement à ceux de la famille. On est porté à complètement oublier son drame à lui, qu'il vit avec son père.



Le cas de conscience se pose de la façon suivante : Un mal est parfois nécessaire pour empêcher un plus grand mal. Célèbre questionnement : le mal est-il dans l'acte-même ou dans les effets de l'acte? Enfin, c'est de la sorte que je le vois. Ce qui me fait penser à Sartre lorsqu'il écrit : «la violence, sous quelque forme qu'elle se manifeste, est un échec. Mais c'est un échec inévitable parce que nous sommes dans un univers de violence ; et s'il est vrai que le recours à la violence contre la violence risque de la perpétuer, il est vrai aussi que c'est l'unique moyen de la faire cesser», dans Situations, II. Ce qui est encore plus frappant ici c'est qu'un père tue son fils pour l'empêcher de causer plus de tort. À moins que ce ne soit pour le châtier du déshonneur qu'il a déjà causé à sa famille? Je pense que les deux questions sont bonnes. Le père a-t-il peur aussi pour sa vie? Sans aucun doute qu'un enfant qui vole le bien de ses parents et poignarde sa mère et qui ose mentir ensuite pourrait commettre le plus irréparable des crimes sans un pli sur la conscience. Je crois avoir lu quelque part qu'à l'époque de la Rome antique un père avait droit de vie ou de mort sur sa progéniture. Je ne sais à quel niveau l'on pourrait rattacher cette information à l'histoire des Cambremer. Il reste que la tragédie est toute là : si le père ne fait rien, sachant son fils irrécupérable, il s'expose lui-même à un grand malheur et l'honneur de ses ancêtres risque d'être entachée pour l'éternité.



On reste toujours dans le domaine du possible, de l'hypothèse, c'est cela la littérature. Le mal déjà commis par le fils pèse lourd dans la balance du père. Pour se préserver du futur nous jugeons le présent.



Seul le créateur a tous les pouvoirs.



Louis, à la fin du récit du pêcheur, écrit que ce dernier, en bon représentant du peuple, n'a offert aucunes réflexions lors de sa narration. Et Louis aussi en dit très peu. Le paysage semble marqué par une quelconque malédiction, décor parfait pour une tragédie. Il parle de «crime nécessaire», mais aussi d'expiation. Ce qui invite à croire que le crime a parfois une raison d'être et que même justifié un crime reste un crime et qu'il ne saurait se passer de repentir. Je ne sais pas si l'on pourrait voir cette nouvelle comme un argument contre les éthiques déontologiques, mais elle malmène certainement les impératifs kantiens. Le questionnement reste entier, très peu nous est donné pour effacer tous les doutes. Une chose est sûre, cette nouvelle nous offre à réfléchir! Il s'agit maintenant au lecteur d'en juger.

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Eugénie Grandet

On retrouve le magnifique style de Balzac. J'avais lu ce livre dans mon adolescence et l'avait trouvé bien ennuyeux. Aujourd'hui, je l'ai mieux apprécié. Eugénie Grandet aurait pu être heureuse, une fois libérée de son avare de père, or l'éducation (ou l'absence d'instruction je devrais dire, avec pour seul guide la religion catholique) des filles à cette époque les aliénait. En effet, l'éducation d'Eugénie dans un cadre étriqué: un père avare, une mère déprimée, dans une sombre maison, lui a hélas fait apparaître son cousin comme son seul avenir possible, ce dernier qui l'a bien vite oubliée au profit de ses intérêts.
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Le Lys dans la vallée

Un récent quizz, ici-même, prétendait en substance que Balzac n’était pas un romantique – je parle du courant littéraire, pas des mièvreries pour midinettes abreuvées d’eau de rose, à défaut d’eau-de-vie, ce qui leur ouvrirait – qui sait ? –

certaines portes de la perception, étant entendu que l’abus d’alcool, comme celui de l’ignorance satisfaite, est dangereux pour la santé !

Donc, sur le ton de Desproges dans ses immortels réquisitoires : Balzac est-il coupable de romantisme ? Je réponds : oui !

Rien que le titre de ce roman est une profession de foi romantique : Le Lys dans la vallée. Ce lys, Henriette de Mortsauf, est une femme de province déchirée entre son devoir d’épouse et son amour pour un jeune homme : Félix de Vandenesse, qui connaîtra avec sa comtesse une initiation amoureuse platonique en même temps qu’elle sera pour lui un marchepied dans son ascension sociale.

Le récit se présente comme une confession rétrospective : dans une longue lettre, Félix raconte son amour de jeunesse à une autre femme…ce qui n’est pas du meilleur goût, soit dit en passant !

La comtesse de Mortsauf, malgré un mari à « l’humeur insociale et taciturne » (pour paraphraser Chateaubriand à propos de son père) et une passion grandissant pour le jeune homme, demeurera fidèle au premier. Une sorte de fusion sentimentale va ainsi se développer entre les deux amants immatériels. Mais la chair a ses raisons que la raison ignore.

Lors d’un voyage dans la capitale, Félix rencontrera le double négatif d’Henriette en la personne d’Arabelle Dudley, une dévoreuse d’hommes, dans tous les sens du terme. En lui cédant, Félix provoquera une déception fatale au cœur de son lys. En réponse à ce récit, la destinataire de la lettre – Natalie de Manerville, une femme plus pragmatique que romantique – considérera que Félix appartient à un passé où elle n’a pas sa place. Ce qui me fait dire que Le Lys dans la vallée est une initiation à l’échec amoureux ou, pour faire une phrase, une contrition des sentiments.

Maintenant, si nous jugeons Madame de Mortsauf à l’aune de notre époque, elle nous apparaîtra ridicule de ne pas s’être offerte à Félix et d’avoir conservé une vertu qui l’aura précipitée dans la tombe. On se sentira plus volontiers proche de lady Dudley. Comme on trouvera ridicule Gwynplaine préférant l’amour innocent de Dea au désir incandescent émanant de la belle et sulfureuse Josiane, dans L’Homme qui rit, de Victor Hugo. Par contre, si nous nous approprions les essences romantiques que ces pages distillent, alors le lys, à défaut de nos rois, nous évoquera toujours une femme amoureuse…

Pour une fois au moins, et concernant particulièrement ce roman – dont la trame inspirera L’éducation sentimentale –, je ne partage pas cette autre confidence écrite par Flaubert à sa maîtresse Louise Colet : « Quel homme eût été Balzac, s'il eût su écrire! Mais il ne lui a manqué que cela. » (Lettre du 17 septembre 1852)



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La paix du ménage

La paix du ménage: "– Monsieur, j'accepte ce diamant avec d'autant moins de scrupule qu'il m'appartient... ... ...

... ... ..; Monsieur de Soulanges le prit dernièrement sur ma toilette et me dit l'avoir perdu.

– Vous êtes dans l'erreur, madame, dit Martial d'un air piqué, je le tiens de madame de Vaudremont.

– Précisément, répliqua-t-elle en souriant. Mon mari m'a emprunté cette bague, la lui a donnée, elle vous en a fait présent, ma bague a voyagé, voilà tout. Cette bague me dira peut-être tout ce que j'ignore, et m'apprendra le secret de toujours plaire. Monsieur, reprit-elle, si elle n'eût pas été à moi, soyez sûr que je ne me serais pas hasardée à la payer si cher, car une jeune femme est, dit-on, en péril près de vous. Mais, tenez, ajouta-t-elle en faisant jouer un ressort caché sous la pierre, les cheveux de monsieur de Soulanges y sont encore."



Le merveilleux personnage dans ce livre est la baque! Elle a connu un voyage circulaire comme courent souvent les scènes d'adultères; comme elle a été la pomme de discorde dans le couple Soulanges comme elle sera aussi le mobile de réconciliation après avoir parcourant de main en main Madame Soulanges qui l'offre à son mari, celui-ci l'offre à sa maîtresse, celle-ci l'offre à son amant, et celui-ci l'offre à madame Soulanges sans savoir que la bague lui appartient !
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Séraphîta

Minna est éprise de Séraphîtüs, jeune homme aussi désirable que mystérieux, à ses yeux. Quant à Wilfrid, étranger au village, c’est une jeune femme qui le trouble, la belle Séraphîta. Homme ou femme, homme et femme, quand les visages se troublent et troublent, se confondent en un seul, celui de l’ange mortel, du séraphin en devenir, l’amour terrestre se fait impossible, l’au-delà n’est plus très loin. Alors Minna et Wilfrid s’efforcent de pénétrer les secrets de l’énigmatique créature en sursis pour mieux comprendre la création qui en découle.



Avec « Séraphîta », Balzac nous fait entrer dans un monde où la verticalité l’emporte, l’élévation abyssale et vertigineuse vers des mondes supérieurs, inaccessibles pour le commun des mortels, aveuglés dans une rationalité illusoire. Car, derrière la créature androgyne façonnée par l’auteur, c’est toute une création qu’il souhaite livrer et expliciter, s’appuyant sur la doctrine du mystique suédois Swedenborg (dont la raison s’étiolera vers la fin de ses jours). Cette verticalité n’est pas sans impact sur l’écriture : très vite, des mots se parent d’une majuscule initiale, et l’Amour côtoie la Pureté sur des cimes inaccessibles. Ce faisant, une vision manichéiste et dichotomique se fait jour, séparant le Pur de l’Impur, le Voyant du rationnel, la lumière des ténèbres… Autant de traits qui à la fois agacent et fascinent tant l’écriture qui porte l’intrigue est ciselée à l’extrême. Le couple androgyne éveille, guide, instruit le couple terrestre en dévoilant sa doctrine ésotérique, sa vision de l’Homme dans ses rapports avec d’autres mondes, et sa place dans l’univers.

Malgré une nature angélique, Séraphîtüs-Séraphîta n’en demeure pas moins humain(e), pétri(e), comme tout humain, de doutes, de peurs, de désirs… Balzac introduit donc également, et de manière dialectique, une dimension horizontale dans l’intrigue, qui rend Séraphîtüs-Séraphîta attachant(e) et facinant(e).



Séraphîtüs-Séraphîta, deux visages d’une même créature, initiés par le regard de l’autre, une création singulière, entre mysticisme et folie, l’histoire d’une élévation humaine, dans les fjords abrupts de la Norvège à l’orée du 19ème siècle. Un ouvrage inoubliable et exigeant qui couronne les « Etudes philosophiques ».
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Eugénie Grandet

Eugénie Grandet est un roman d’Honoré de Balzac paru en 1834.

Eugénie Grandet est un véritable documentaire sur une époque où est décrite l’émergence des spéculateurs et des négociateurs, contrastant avec une noblesse appauvrie. La réputation du Père Grandet, maître-tonnelier de profession, au sens aigu des affaires et d’une avarice prononcée, n’échappe pas à la règle. Son avarice est tellement exacerbée qu’il en est au point de cacher à sa femme et à sa fille, Eugénie, l’ampleur de sa fortune.



L’histoire s'ouvre sur une description de la ville de Saumur.

Petite ville de province, la vie quotidienne y est rythmée par les ragots. Tout se sait et chacun tente - notamment les deux familles rivales voisines, les Cruchot et les Grassin – d’entrevoir une union prometteuse, avec Eugénie et leurs fils respectifs.

En ce qui concerne Eugénie, - qui vit une vie glacée et mécanique, sans événements et sans visages - l’argent ne l’intéresse pas. Elle attend le grand Amour. Celui qui illuminera sa vie. Et elle croit le reconnaître à l’arrivée de son cousin, Charles à qui elle voue un amour frais et naïf.

Charles se voyant l’objet de toutes les attentions de sa cousine, ne peut alors se soustraire à l’influence des sentiments qui se dirigent vers lui.

Mais un jour, tout s’écroule…



Eugénie Grandet n’est pas seulement l’histoire d’un avare. C’est aussi celle d’un sentiment qui remplit toute la vie d’Eugénie, qui lui donne sa couleur et sa ligne comme destinée UNIQUE. Le temps combiné au silence et à l’immobilité, enracinent en elle une idée fixe qui constitue toute sa vie. De même que la passion de l’argent, avait constitué toute la vie du Père Goriot.



Au final, un livre sur l’avarice et la naïveté. Un classique. Du vrai Balzac.



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L'enfant maudit

Cette longue nouvelle, historique car elle se déroule au temps de la troisième guerre de religion et s'achève en 1617, fait partie des études philosophiques, mais cela se sent peut-être moins, du fait de la nature quelque peu gothique de la nouvelle, genre assez surprenant chez Balzac.



Tout commence au moment de l'accouchement de la comtesse Jeanne d'Hérouville, un accouchement prématuré à sept mois de grossesse, qui la jette en butte à la brutalité de son mari, un soudard haineux et violent. La vie même de la comtesse est menacée, mais grâce à l'intervention du bon docteur Beauvouloir, savant médecin qu'on dit "rebouteur", elle est sauvée et son fils, Étienne, est épargné, moyennant qu'il vive dans une maisonnette sur la plage en contrebas du château et que le comte ne le revoie plus.



Ainsi, le jeune et toujours fragile Étienne vit caché de tous, mais parvient à profiter de la compagnie de sa mère. D'ailleurs, celle-ci a donné un autre fils au comte, fils en tout point semblable à ce dernier, fort et brutal. Assuré d'une descendance, le comte ne se soucie plus de son aîné et l'a complètement oublié. Ce sont des années heureuses pour Étienne qui, aussi faible et supra-sensible qu'il soit, a un don pour la musique et une âme splendide, capable d'occuper son extrême solitude sans jamais se lasser, avec la mer et la nature.



Mais à la mort de la comtesse, puis à celle de son second fils, il faut bien un héritier au vieux comte, qui retrouve alors son fils aîné et décide de le réhabiliter au château. Beauvouloir, qui a lui-même une fille très semblable au jeune homme, est chargé de trouver une issue heureuse à ce besoin de perpétuer la lignée d'Hérouville. Il met tout en œuvre pour rapprocher les deux jeunes gens, extrêmement candides et innocents - penser à la chose leur prendra cinq mois. Si le destin lui prête la main, les menées du comte d'Hérouville et du baron d'Artagnon, viennent contrarier violemment ces amours débutantes.



J'ai apprécié la lecture de cette nouvelle, toutefois un peu longue dans ses développements et parfois confuse, comme si Balzac s'était décidé à suivre une piste narrative pour l'abandonner ensuite. La nouvelle se déroule sur un long temps, d'où sa longueur, sans réellement se décider pour des ellipses. J'ai eu l'impression que Balzac se livrait à un roman expérimental, pour voir jusqu'où pousser son présupposé : que se passerait-il si un jeune homme d'une grande science rencontrait une jeune fille totalement ignorante ? Quelle sorte d'amour parfait pourraient-ils connaître ? Et surtout, en quoi l'éloignement du monde favoriserait-il l'émergence de ces deux belles âmes ? Peut-on empêcher le destin, qui a uni leurs routes par toutes les similitudes de vie qu'ils ont eues, et si oui, avec quelles conséquences ?



Et puis, c'est Balzac, alors ne nous attendons pas à une brûlante romance ici, mais bien plutôt à un essai sur les correspondances entre le destin, la musique, la religion, l'amour, en un vaste et sublime fondu enchaîné, une réflexion toujours plus pointue sur les facultés insoupçonnées de l'âme. Quant au style, c'est encore Balzac, même s'il écrit ici en une veine subtilement baroque, toute d'antithèses entre douceur et violence, jour et nuit, bonheur et mélancolie, mais toujours avec de puissantes formules et ce sens maîtrisé du détail qui fait vie, de la peinture minutieuse et contrastée des émotions qui fait art.
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Eugénie Grandet

Je ne dirais qu'une chose : Balzac m'avait toujours semblé difficile à lire, il faisait partie de ces auteurs classiques qui demeuraient hors de ma portée - contrairement à Maupassant - Zola - Stendhal - Flaubert...

Avec "Eugénie Grandet" j'ai rencontré le génie Balzacien et je ne peux que m'en réjouir. Quelle subtilité dans la description des sentiments ! Quel humour corrosif dans l'étude des caractères ! Un bonheur de lecture, tout simplement.
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La Peau de chagrin

J'ai tout aimé dans ce livre !! Je retrouve tout ce que j'aime dans les classiques... L'histoire fantastique sert de prétexte ... C'est mon premier Balzac mais certainement pas le dernier ! Je suis tombée amoureuse de sa plume ... ça c'est fait ! Il ne me reste plus qu'à découvrir d'autres oeuvres de cet auteur !
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César Birotteau

« César Birotteau » comme d’autres romans de la « Comédie Humaine », vous fait comprendre pourquoi Zola a voulu faire les « Rougon-Macquart » : l’auteur dans un même élan, déroule une intrigue romanesque dans un cadre social bien précis, l’intrigue et le cadre étant fortement imbriqués l’un dans l’autre.

On a eu chaud : le titre exact était : « Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau, parfumeur, adjoint au maire du deuxième arrondissement de Paris, chevalier de la Légion d’honneur », plus tard raccourci en « Grandeur et décadence de César Birotteau », puis plus simplement encore « César Birotteau ».Le premier titre avait le double avantage, d’une part de faire un clin d’œil à Montesquieu (« Considérations sur les causes de la Grandeur des Romains et de leur Décadence »), et d’autre part de résumer en quelques mots l’intrigue du roman : l’ascension et la chute d’un petit commerçant (un parfumeur) dans le Paris de la Restauration.

César Birotteau est un de ces commerçants petits-bourgeois que l’on retrouve ici ou là dans la « Comédie Humaine », avec des degrés d’honnêteté plus ou moins élevés (du moins quand il y en a !) comme les Minoret (« Ursule Mirouet ») ou les Camusot (« Le cousin Pons »). Le parfumeur César Birotteau « s’est fait tout seul » et jusqu’à présent il ne s’est pas raté. Ce n’est pas un mauvais bougre, mais, vous savez comment ça se passe, il y a toujours un notaire un peu tordu (Roguin) qui se sert de votre bonne foi pour vous entraîner dans des spéculations de plus en plus risquées. Et plus on est honnête, plus on se fait rouler. Heureusement César peut compter sur son épouse Constance, qui, elle (Madame César) a la tête bien sur les épaules, et sur son commis Anselme Popinot, brave garçon qui ne manque pas de jugeotte et qui lui, a sous la main un génie de la vente, l’illustre Félix Gaudissart. Un instant au fond du trou, la famille Birotteau (le père, la mère et leur fille Césarine) remontent à la surface et retrouvent grâce à Anselme, une belle prospérité. Mais toutes ces épreuves ont épuisé le pauvre César qui meurt le jour même du mariage de Césarine et Anselme. Ces deux-là vécurent heureux et eurent beaucoup de petits flacons de parfums.

César, comme son frère l’abbé François Birotteau (« Le Curé de Tours ») est un gentil. Il est foncièrement bon, ne voit pas forcément le mal, et son caractère accommodant le rend très malléable pour certains aigrefins en col blanc. Et puis comme vous et moi il a sa petite vanité, les autres n’ont pas du mal à le pousser du côté où ça penche.

Il y a donc plusieurs pistes à suivre dans ce roman plutôt sympathique : un portrait de la bourgeoisie commerçante, plutôt honnête, mais sujette à des attaques ciblées de la concurrence d’une part, des milieux de l’argent d’autre part ; une description au scalpel des milieux économiques où les scrupules servent de paillassons ; une histoire de famille avec des personnages attachants, et enfin une tragédie familiale en trois temps : l’ascension, la chute, la remontée. A travers le portrait des différents protagonistes, l’auteur dessine un conte moral où la morale n’est pas bien claire : l’argent ne fait pas le bonheur, ou bien oui, mais ça dépend quel argent et quel bonheur..



Un Balzac de bonne cuvée, pas un grand cru mais une bonne année. A retenir.

Et puisqu’on parle de bonne année, permettez-moi de vous souhaiter à tous une très belle année 2023, et de belles découvertes sur Babélio !

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L'élixir de longue vie (précédé de) El verdugo

Dans L’élixir de longue vie, Balzac revisite le mythe de Dom Juan.

Je n’ai pas retrouvé dans cette nouvelle le Balzac que j’aime, et comme je suis également relativement imperméable au mythe de Dom Juan, cette lecture, courte heureusement, aura été une déception.

Seul point positif à mon sens : la façon dont les relations père fils sont étudiées.
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Le Lys dans la vallée

Pourquoi les livres les plus connus de Balzac sont-ils aussi les plus difficiles à lire, les plus ennuyeux… ? J’ai entamé la relecture du Lys dans la vallée en juillet dernier, traînant ce roman épistolaire jusqu’en novembre… Celles et ceux qui me suivent assidument savent mon grand intérêt pour La Comédie humaine ! Eh oui, c’est la première fois que je perds mon enthousiasme et que les longueurs balzaciennes, au lieu de me détendre, m’ont endormie.



Faut-il rappeler l’histoire ?

Le jeune Félix de Vandenesse écrit une très très très longue lettre à la femme qu’il aime, Natalie de Manerville, dans laquelle il lui narre par le menu ses premiers émois amoureux pour la Comtesse Blanche-Henriette de Mortsauf, une femme mûre, mariée, pure et vertueuse, qui, quoiqu’il lui en ait coûté, est toujours restée stoïquement fidèle à son mari au point d’en mourir de chagrin. Il ajoute à sa lettre les détails de son autre idylle amoureuse avec Lady Dudley qui a parachevé son éducation sentimentale de manière plus sensuelle…



Déjà, je dois préciser que je n’éprouve aucune sympathie ni même empathie pour les tourments de Félix… Personnage récurrent, chez Balzac, je l’avais pourtant trouvé plein de délicatesse en mari attentionné dans Une Fille d’Eve… Les hasards de l’ordre de publication de l’intégrale de La Comédie humaine en ma possession font que je découvre son enfance malheureuse et ses premières années de jeunesse, directement inspirées de celles de l’auteur, après sa prise de position dans le monde. Il est plutôt niais au début ; perdu dans ses amours, il mène cependant mieux sa carrière, trouvant sa voix et obtenant une place de choix auprès de Louis XVIII.

Je me suis davantage intéressée aux portraits en miroir d’Henriette de Mortsauf et de Lady Dudley, antagonistes, savoureux contraires, dont l’alternance des postures et points de vue rythment un peu la narration. Henriette a tantôt des côtés Princesse de Clèves, se fustigeant d’être tentée sans avoir succombé, tantôt des égoïsmes et des caprices de diva, exigeant un amour platonique voire mystique, tout en regrettant de ne pas aller plus loin. Lady Dudley agit en amazone, au sens propre car elle est excellente cavalière, et figuré car, d’un naturel hardi, elle assume ses désirs et ses choix. Henriette est parfois maternelle avec Félix, le conseille avec bon sens et bienveillance pour mener sa carrière débutante tandis que l’anglaise est pragmatique, entreprenante et libertine. Balzac, sous la plume de Félix, s’amuse d’ailleurs à comparer, de manière générale, la manière d’aimer des femmes anglaises et des femmes françaises…

Encore une fois, la plume de Balzac se met au service de la psychologie féminine et explore même les violences conjugales décrivant le Comte de Morsauf comme un pervers narcissique et un tyran domestique.



Si je devais choisir un personnage, ma préférence irait à la destinataire des lettres de Félix ; en effet, je m’identifie complètement à Natalie de Manerville, à son ressenti plein de bon sens. Elle juge Félix « ennuyeux et ennuyé », l’accuse d’avoir puni Madame de Mortsauf de ne pas être comme Lady Dudley, ne se sent pas de taille à lutter avec le souvenir tenaces des premieres amours de son soupirant et le quitte « sans rancune », donnant au roman une chute exemplaire et brutale.



Même si ma relecture a été laborieuse, je reconnais avoir retrouvé avec bonheur des passages connus et étudiés par le passé comme la mort de Madame de Mortsauf, scène pathétique et controversée par les critiques de l’époque qui lui trouvaient des accents trop humains, des appels trop charnels, même si, au moment suprême, l’héroïne, confessée, retrouve sa vertu et sa piété. Il y a aussi les belles descriptions de la Touraine, les pages consacrées à l’économie rurale et, en filigrane, la transposition romancée de l’amour de Balzac pour Mme de Berny.



Un roman un peu trop long, à connaître, mais je conseille de ne pas commencer par lui pour découvrir Balzac.


Lien : https://www.facebook.com/pir..
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Eugénie Grandet

Ce livre est un drame, où la passion est effacée par le tintement des espèces sonnantes et trébuchantes. Le simple déroulement de l'action, l'étroitesse du récit, impriment sur moi un roman classique d'amour simple, où l'Avare de Molière fait figure de prodigalité devant Monsieur



La première moitié m'a quelque peu ennuyé ; la seconde m'a captivé, car c'est là où l'argent pervertit ce microcosme de société. Notre héroïne en ressort avec une aura extraordinaire, où ni l'argent ni l'amour ne l'atteindront dans ses actions



Fondamentalement, en lisant ce récit, je me demande à quoi sert autant d'argent lorsqu'on n'en voit pas la couleur ? Question rhétorique peut-être, millénaire au moins...
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La Comédie humaine - La Pléiade, tome 4

Il est bien difficile de critiquer tout ce volume qui contient plusieurs œuvres de la Comédie Humaine !

On plonge véritablement dans des tragédies intimes qui rejoigne la grande tragédie du siècle de Balzac, la fin de la noblesse, le triomphe de l'argent roi et du journalisme verbeux.

Toutes les pages résonnent aujourd'hui, Balzac semble avoir écrit pour notre époque, mais n'est-ce pas le propre du génie d'être intemporel...

Pierrette, pauvre fille, subit les calculs d'une famille lointaine et étroite d'esprit qui veut briller dans sa petite ville de province, au milieu de nobles éloignés de la cour.

Le Curé de Tour subit les calculs d'un de ses coreligionnaires en ne comprenant pas l'étroitesse de vue de sa logeuse.

La Rabouilleuse est moins terrible puisqu'elle narre aussi les farces d'une bande de jeunes désœuvrés, en plus de raconter comment se battent tous les membres d'une "tribu" autour d'un héritage énorme.

Gaudissart est clairement drôlatique tout en narrant bien l'esprit finot des gens de province selon Balzac.

La vieille Fille et le Cabinet des Antique raconte la même histoire mais de deux point de vu différent: la montée de la bourgeoisie parvenue et cynique face à la chute de la noblesse incapable de s'adapter à son époque...



Du génie, des traits fabuleux, des phrases magiques, le cœur de l'homme percé à jour et ses mœurs analysés merveilleusement ! A lire et relire sans fin...
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La fille aux yeux d'or

Ce roman fait partie de la trilogie des Treize ( avec Ferragus et la Duchesse de Langeais ), et dans la Comédie humaine : il traite des scènes de la vie parisienne.

Balzac décrit Paris : " le plus délicieux des monstres " avec son luxe, le règne de l'argent roi, la bourgeoisie en pleine expansion, l'élégance et en particulier : le dandisme..

Cédant à l'orientalisme né au XVIII ième siècle, Balzac comme Mérimée, Delacroix va encore s'attacher au destin d'une femme et, faire preuve d'audace en 1835 en évoquant la passion entre 2 femmes et leur travestissement !

Henri de Marsey est le fils illégitime de Lord Dudley et de la marquise de Vordac, il été élevé par un prêtre : il est beau, séducteur, fat et " snob ".

Il raconte à son ami Paul de Manerville qu'il a rencontré en promenade aux Tuileries une femme magnifique aux yeux d'or et, il veut la revoir ! C'est Paquita Valdès ( géorgienne ou espagnole ? ) qui est cachée dans l'hôtel particulier du marquis Don Hijos de San Réal à qui elle appartient, elle est gardée par une duègne : Concha et un mûlatre : son père nourricier et serviteur dévoué..Par un subterfuge, il arrive à lui donner rendez-vous et, finalement elle va le recevoir en cachette, et le recevoir dans son boudoir...mais quand ils s'unissent, Henri la découvrira " vierge mais pas innocente " et, quand elle l'aura déguisé en femme et aura joui en criant " Mariquita " : Henri s'en ira vexé..Il retournera cependant lui rendre visite pour se venger et, il va la trouver ensanglantée : elle a été poignardée par Margarita, marquise de San Réal, son amante.

Un récit romantique et réaliste avec le style exceptionnel de Balzac, mais avec une intrigue sans réel intérêt compte tenu des chefs d'oeuvre qu'il a écrit !

L.C thématique d'août 2022 : une couleur dans le titre.

L.C Thématique de juillet/août 2022 : un livre porté à l'écran ( à souligner le talent de la belle Marie Laforêt ).
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Illusions perdues

C’est un peu fâchée contre Balzac depuis « la femme de trente ans » que j’ai été intriguée par « Illusions perdues » et sa récente adaptation sur grand écran. 



N’ayant pas eu l’occasion de voir le film, j’ai donc décidé de me plonger dans le roman. 



Autant le dire dès à présent : voilà une bonne décision car ce roman me réconcilie avec Balzac.



Un court résumé s’impose : Lucien Chardon grandit avec l’âme d’un poète, choyé par une famille pauvre mais aimante, composée de sa mère et de sa sœur, Ève mais aussi d’un frère de cœur : David Séchard.



Notre jeune homme a réussi à séduire une des reines de la bonne société d’Angoulême : Louise de Bargeton. Celle-ci décide de faire reconnaître le talent de son champion auprès de la bonne société provinciale puis parisienne. 



Et c’est à la capitale que le destin de Lucien va se jouer. Paris, source de toutes les tentations et de tous les vices. C’est là que le jeune homme va sacrifier ce qui lui restait de vertu sur l’autel de son ambition.



Nous voilà plongés à la suite de notre personnage principal dans le monde de l’édition mais surtout du journalisme. L’analyse de l’essor de la presse, peuplée d’hommes prêts à prêcher tout et son contraire en fonction de leurs intérêts, est absolument fascinante. Tout comme l’étude des amitiés, purement intéressées, des scandales et des mensonges érigés en vérité à force de répétition. Si l’action se passe au dix-neuvième siècle, l’ensemble du roman frappe par sa persistante actualité. 



La recherche d’une gloire rapide, peu soucieuse des moyens employés, trouve un écho dans notre société connectée où tout est permis pour avoir plus d’abonnés ou de likes que le voisin. 



Les personnages dépeints par Balzac sont très réussis et, à l’exception d’un groupe d’hommes, tous sont tout autant victimes que coupables. En premier lieu, Lucien, coupable de sacrifier ses proches et ses convictions sur l’autel de sa vanité mais victime naïve aussi de machinations qu’il pensait deviner et éviter. 



Ce roman se dévore, l’action et l’analyse se succèdent sans temps morts, et malheureusement les personnages les plus honnêtes ne sont pas toujours récompensés. Pour autant, ce roman n’est pas la fin des aventures de notre héros, qui se retrouve dans « Splendeurs et misères des courtisanes » que je vais certainement lire cette année.


Lien : https://allylit.wordpress.co..
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La maison Nucingen

Une nouvelle de Balzac dans laquelle quatre journalistes évoquent lors d’un repas l’origine de la fortune de Rastignac, et toutes les manigances du baron de Nucingen.



Nous voilà plongés dans toutes les finesses et roueries du monde de la finance, on s’aperçoit que c’est toujours le même mécanisme vieux comme le monde, profiter de l’aveuglement naïf des gens, et de leur appât du gain, ça marche toujours.

Et ici dans le contexte social de la Restauration, et en particulier celui de ces familles nobles désargentées qui cherchent comment garder leur train de vie.



Mais les trop nombreuses digressions auxquelles se livrent les protagonistes, ainsi que la complexité des « ficelles » des mécanismes financiers, font que j’ai été un peu, voire beaucoup perdu dans la lecture de ce récit, et par ailleurs, il n’y a pas de personnage marquant, ni d’intrigue construite.



Donc, en dépit de cette description sans pitié de ce monde de l’argent, inspirant fascination et dégoût, cette nouvelle est plutôt une déception, une première dans mes lectures de ce cher Balzac.
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La Cousine Bette

Balzac est un peu le précurseur incontestable des feuilletons télévisés d'aujourd'hui, la Cousin Bette au final implique une recette bien connu :

Un mari, le Baron Hulot qui a dépensé tout l'argent de sa famille intègre pour d'autres femmes, une belle maîtresse, Valérie, femme qui exploite son apparence et fait fructifier son capital sexuel, la cousine Bette, aigrie, laide, sèche, maladivement jalouse, qui s'acharne sur la famille Hulot pour se venger d'un affront... L'affront qui n'est rien de plus qu'une querelle amoureuse entre Lisbeth et Hortense Hulot pour Wenceslas, un réfugié polonais. Tout cela dans un Paris en pleine mutation sociale et économique.



C'est le début de l'influence du libéralisme sur la société, la guerre entre bourgeoisie et aristocratie bat son plein, la philosophie « libertine » succède définitivement à la morale religieuse et à la vertu aristocratique. La monogamie et le mariage ne sont plus que des cadavres en putréfaction, il faut profiter de tous les plaisirs de la vie (en particulier la variété des partenaires sexuels) sans égard au mal fait aux autres. Un Paris en pleine "décadence" où l'intérêt personnel est devenu sacré. Un individualisme qui s'étend également dans le domaine politique, de l'administration...



De manière plus large, c'est tout le commerce sexuel de luxe qui est étudié, un amusement bien cher. Une drogue qui ne mène qu'à la chute et au déshonneur, sans oublier la névrose et l'aliénation qui suit. Tout en ajoutant les autres thèmes chers à Balzac que sont la dette, les usuriers, l'envie, l'arrivisme... et les explications financières. On y retrouve cependant les défauts bien connus, les grosses sommes d'argent impliquées, à force cela en devient indigeste voire irréaliste. L'immense quantité de détails devient vite ennuyante à lire. Certains personnages me paraissant très peu développés. Et pour ma part, la fin semi happy ending ne m'a pas franchement convaincu...



Un bon Balzac qui a de nouveau su capter et décrire l'essence de cette période historique, tragique dans son déroulement et avec des personnages principaux intéressants mais franchement pas le meilleur Balzac que j'ai lu...
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La Peau de chagrin

Par un hasard étonnant, je n'avais jamais lu La Peau de Chagrin. A mon âge (que vous ne connaissez pas) n'est-ce pas une honte ? Bref, j'ai voulu remédier à cette lacune quand j'ai exhumé de ma bibliothèque une vieille édition de 1936.



Je ne crois pas que l'édition y soit pour quelque chose, car il est douteux que l'on change la pagination d'un auteur, mais j'ai été surpris par la longueur des paragraphes (plusieurs pages parfois) qui donne l'impression de lire un texte sous apnée. Nul moment, ou très rarement, pour reprendre sa respiration et souffler avant de repartir. Il faut avancer comme dans une dense forêt, se frayer un chemin à la machette et la tenir bien en main sous peine d'abandonner. La structure du roman est du reste à l'avenant : 3 chapitres pour 254 pages (pour cette édition).



Même chose pour les dialogues, en particulier dans le second chapitre qui n'est qu'un long monologue du héros, à peine interrompu ici et là par de courtes interventions de ceux qui l'écoutent raconter sa vie, parfois sur cinq ou six pages en continue. Seul le troisième et dernier chapitre est plus aéré.



Et je dois l'avouer, moi qui aime l'aération, l'épure et la simplicité (raison pour laquelle je n'ai jamais vraiment accroché avec les auteurs russes), ce fut dur au début. J'ai même cru (oserais-je l'avouer ?) que j'allais abandonner. Mais il y a un fil que l'on tient malgré tout, et que l'on ne veut pas lâcher. L'art du romancier y est certainement pour beaucoup.

Le style est étonnant, certes. Foisonnant à l'extrême, exubérant, grandiloquent, bourré de références littéraires, mythologiques, sociales et politiques, avec des phrases parfois interminables structurées en multiples niveaux, il dégage une vitalité et une ardeur peu commune. Un peu trop pour moi (pour être très franc). Mais impressionnant.



Comme j'avais relu il y a peu madame Bovary et très impressionné par le style de Flaubert, je lui avoue une préférence pour sa plus grande délicatesse, sa plus grande discrétion et sa plus grande subtilité. Mais ce Balzac, nom d'un chien, emporte tout sur son passage comme un ouragan, c'est sa force.



Et de quoi s'agit-il donc dans cette peau de Chagrin ? Une aventure bien étrange à la frontière du fantastique, plutôt une sorte de conte philosophique qu'un roman, où sont brassés pêle-mêle des thèmes universels, dont celui du désir qui brûle l'âme et la dévore jusqu'à la mort. Vaut-il mieux vivre rétréci, sans affect, dans un calme plat ennuyeux, ou se vautrer dans la société jusqu'à l'avilissement pour arracher des parcelles de vie, de plaisir et de richesse ?

Feodora répond à la question à sa manière. Elle est froide, dure, implacable, impénétrable, manipulatrice, insensible, mais surtout finalement horriblement superficielle, toute en façade, seulement préoccupée par sa seule image. Elle est un reflet cruel de la société qui l'entoure où tout est factice. Elle ne désire rien ni personne, seule sa place l'intéresse.

Pauline est pure, vraie et sincère, et son désir lui paraît si inaccessible qu'elle ne le revendique même pas. Elle vit sans Peau de chagrin, dans une attente modeste et discrète. Son bonheur lui revient trop tard quand Raphael aura été diaboliquement perverti par la recherche de ses chimères. Car sa quête perpétuelle de l'inaccessible, son âpreté dans le désir le détruit peu à peu, et son échec puis finalement sa chute vient d'une réussite imméritée, où ni le travail ni le mérite ni la sincérité n'a eu de part.

Il ne mérite pas ce qu'il désire et aperçoit trop tard celle qui lui était destinée (Pauline), le véritable amour, si proche et si simple en vérité, mais dédaignée au moment où tout était en encore possible. le temps ne se rattrape pas, il rétrécit comme une Peau de chagrin et nous entraine vers notre propre disparition.

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