AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Honoré de Balzac (3264)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Le Colonel Chabert

On ne sait pas ce qui était le plus tragique pour le colonel Chabert : avoir été enseveli sous un monceau de cadavres dans un froid polaire sur le champ de bataille d'Eylau ou être enterré sous le silence coupable d'une société qui refusait jusqu'à son identité après qu'il avait été sauvé par miracle après cette rude épopée napoléonienne ?



Balzac nous livre ici un de ses récits les plus poignants, écrit par la main d'un maître, déjà sûr de lui-même et de la portée de son imagination.

Reconquérir son identité s'avère être un plus grand défi pour Chabert que de conquérir l'Europe sous les drapeaux impériaux.



Dans un entretien nocturne rempli d'émotions avec Maître Derville dont la probité fera espérer à Chabert de recouvrer sa dignité et sa fortune, dans les demi-tons d'un clair-obscur à la Rembrandt, Chabert le mort-vivant s'épanche douloureusement sur sa vie présente et passée.



Rien de plus glaçant que ce récit d'un revers de fortune aussi dramatique que celui du comte d'Empire Chabert, fêté et estimé par la société napoléonienne et l'empereur lui-même, pour ensuite revenir d'entre les morts et constater que tous les remparts de sa vie mondaine d'autrefois avaient disparu, qu'il ne lui reste que l'indigence et le mépris d'un monde cruel sans mémoire, personnifié en sa femme qui persiste à nier l'existence de son mari à qui elle devait néanmoins tout.



La blessure sur le crâne du vieux colonel s'était cicatrisée avec le temps, mais est-ce qu'il a suffisamment de force et de sang-froid pour vaincre la blessure profonde, infligée par une société qui le condamne à rester enseveli sous le monceau de cadavres à Eylau ?



Un court roman passionnant sur l'exclusion et le traumatisme d'une folle épopée napoléonienne à lire et à relire !
Commenter  J’apprécie          100
La Rabouilleuse (Un ménage de garçon)

L'œuvre de Balzac fourmille de personnages sinistres. Dans son roman pas très connu La Rabouilleuse, publié pour la première fois en 1842, le lecteur est confronté à une noirceur absolue. On pourrait même dire que ce roman de Balzac est un roman noir par excellence.



On y trouve tous les ingrédients d'un best-seller de l'époque : vol, conspiration, rivalité, meurtre et vengeance. Tout cela n'est pas très beau, et avec les années qui passent, Balzac donne une image de plus en plus sombre de l'humanité, comme il l'a fait dans son dernier grand roman La Cousine Bette.



L'espace ici est trop limité pour rentrer dans les détails de ce roman riche en intrigues, je voulais juste m'attarder un peu à l'ex colonel Philippe Bridau de l'armée napoléonienne qui joue un rôle clé dans cette œuvre. C'est encore et toujours l'ombre de Napoléon qui plane sur le monde balzacien.



On voit Philippe Bridau sur la jolie couverture de l'édition du Livre de Poche de 1965, caché dans l'ombre derrière Flore Brazier (la rabouilleuse), au regard menaçant et hostile.



Soldat vaillant et partisan inconditionnel de l'empereur, quand l'épopée finit à Waterloo, le monde n'a plus de sens pour Philippe.

Du désenchantement au désœuvrement, la Restauration et le règne de Louis-Philippe où règnent la cupidité et la mollesse bourgeoise, Philippe Bridau refuse de rentrer dans les rangs, et se transforme en brigand et agitateur acharné. Cynique et impitoyable, tout ce qu'il touche, il finit par le détruire pour arriver à ses fins, jusqu'à sa propre mère.



Bridau est l'exemple typique de ces hommes qui pouvaient uniquement accomplir leur destinée sous les drapeaux impériaux ; quelque autre condition de vie leur enlevait tout sentiment de vigueur et de noblesse. Ils n'avaient d'autre choix que de se réfugier dans l'ombre d'une société qu'ils condamnaient, puisqu'elle avait condamné leur héros au confinement à Sainte-Hélène.
Commenter  J’apprécie          60
Z. Marcas

Dans cette courte nouvelle qu'il a terminé aux Jardies en mai 1840, Balzac nous donne un formidable 'J'accuse' contre le gouvernement de Louis-Philippe.



Z. Marcas... Nom étrange. Balzac le dit lui-même au début de son récit : « N'est-il pas aussi doux qu'il est bizarre ? mais aussi ne vous paraît-il pas inachevé ?

(...) Ne voyez-vous pas dans la construction du Z une allure contrariée ? ne figure-t-elle pas le zigzag aléatoire et fantasque d'une vie tourmentée ? »



Roland Barthes, dans son essai S/Z, parle du Z comme une coupure, une mutilation.



Pour mieux apprécier cette nouvelle, on devrait se familiariser un peu avec le contexte politique dans lequel ce récit a vu le jour. Depuis 1830 le pouvoir en place, né d'une révolution avortée, s'enlise dans le marasme d'une politique sans vision, où des incapables et des corrompus occupent des postes ministériels et d'où la jeunesse et les gens de talents sont exclus :

« Nous étions étonnés de la brutale indifférence du pouvoir pour tout ce qui tient à l'intelligence, à la pensée, à la poésie. »



Balzac a en quelque sorte pressenti dans cette nouvelle les désordres qui allaient culminer dans la révolution de 1848.



D'un style compact et sobre, presque poétique, nous découvrons dans le présent récit une pension insalubre comme celle tenue par Mme Vauquer dans 'Le Père Goriot', comme il y en avait tant dans le Paris bohémien de 1840, où Zéphirin Marcas est logé dans une triste mansarde. Deux étudiants curieux, voisins de Marcas, vont connaître son histoire.



Comme souvent, Balzac met en avant un homme trop intelligent ou trop passionné pour son époque, victime de la médiocrité régnante.



Quel est le sort de ce pauvre Z. Marcas ? Découvrez-le dans ce petit chef-d'œuvre de Balzac.

Commenter  J’apprécie          20
Ferragus, chefs des Dévorants

C'est dans Ferragus, écrit en 1833, que Balzac décrit la façon dont Jules Desmarets contemple Paris depuis les hauteurs du Père-Lachaise après y avoir enterré sa femme Clémence, et qui prélude en quelque sorte le défi lancé par Eugène de Rastignac dans Le Père Goriot, deux ans plus tard :



« Puis Jules aperçut à ses pieds, dans la longue vallée de la Seine, entre les coteaux de Vaugirard, de Meudon, entre ceux de Belleville et de Montmartre, le véritable Paris, enveloppé d’un voile bleuâtre, produit par ses fumées, et que la lumière du soleil rendait alors diaphane. Il embrassa d’un coup d’œil furtif ces quarante mille maisons, et dit, en montrant l’espace compris entre la colonne de la place Vendôme et la coupole d’or des Invalides : — Elle m’a été enlevée là, par la funeste curiosité de ce monde qui s’agite et se presse, pour se presser et s’agiter. »



Funeste curiosité en effet. L'histoire de Ferragus débute avec la curiosité tenace d'Auguste de Maulincour, une curiosité telle qu'elle se termine par un enterrement au Père-Lachaise et un suicide de grisette à la fin de l'ouvrage. Car Auguste de Maulincour ignorait qu'en poursuivant la belle femme mystérieuse qu'il avait aperçu dans la rue Soly, la rue la plus étroite et la plus impraticable de Paris, il allait ouvrir la boîte de Pandore remplie de secrets et de forces mystérieuses qui faillirent lui coûter la vie, à cause de sa persévérance de vouloir dévoiler le mystère qui plane sur la vie de Clémence de Demarets, appelée Madame Jules.



Livre court et agréable à lire, je peux en recommander la lecture à tous.
Commenter  J’apprécie          30
Balzac journaliste : Articles et chroniques

C'est en novembre 1830 que Balzac était associé à la création d'un nouveau périodique, fondé par Charles Philipon, appelé La Caricature. C'est Balzac qui en rédigeait le prospectus, et qui publiait une trentaine d'articles dans ce journal du lancement jusqu'en 1832. L'année 1830 était une année journalistique très intense dans la vie de Balzac. Il collaborait déjà aux journaux de La Mode, du Voleur et de La Silhouette.



Comme le nom le dit déjà, La Caricature se voulait un périodique satirique et moqueur, né du mécontentement provoqué par la Révolution de Juillet qui pour beaucoup n'avait pas abouti dans le bon sens. Nous y trouvons dès lors beaucoup de caricatures de la monarchie de Juillet. C'est en effet dans ce périodique, où chaque livraison fut accompagnée de deux lithographies, que le roi Louis-Philippe prit la forme d'une poire.



Récemment j'ai eu la chance de trouver quelques numéros originaux de La Caricature, avec les textes de Balzac. Certains articles sont d'ailleurs repris dans l'excellent livre de poche 'Balzac Journaliste' avec des articles choisis et présentés par Marie-Ève Thérenty, dont 'Les litanies romantiques' paru le 9 décembre 1830, signé Alfred Coudreux, un des pseudonymes utilisés par Balzac, comme Henri B. ou Comte Alex de B.



Dans cet article Balzac se moque des soirées littéraires de l'ère romantique où aucun auteur n'est à la hauteur pour satisfaire les besoins d'extase d'un certain monsieur M.S***. Il trahit son pseudonyme en dévoilant qu'il est l'auteur de La peau de chagrin, roman qui serait seulement publié l'année d'après. Ensuite, Balzac donne dans le Croquis qui suit l'article sur les Litanies un bel exemple d'écriture automatique, bien avant le surréalisme d'André Breton.
Commenter  J’apprécie          20
La Fausse Maîtresse

Quand tu habites chez ton meilleur ami qui t'a sauvé la vie, que tu gères son ménage en toute discrétion, que tu te comportes comme son inférieur sans l'être, et tombe amoureux de sa belle épouse, que feras-tu ?

Voilà en gros la question dans cette courte nouvelle de Balzac.



C'est ce qui est arrivé au comte Paz, au nom de Thaddée, d'origine polonaise comme son meilleur ami le comte Laginski, tous deux des émigrés polonais à Paris.



Pour dissimuler son amour passionné pour Clémentine, épouse de son meilleur ami, il décide de s'inventer une fausse maîtresse, une danseuse du Cirque Olympique appelée la Malaga, de son vrai nom Marguerite Turquet. Tout cela dans le but de se discréditer aux yeux de Clémentine et enlever tout soupçon de passion pour elle à son mari.



Un tel élan du cœur est rare. Aussi la nouvelle n'est-elle pas très convaincante.



Ouvrage court, écrit à la hâte en janvier 1842, au moment où la comtesse Hanska boude Balzac à qui elle reproche de ne pas lui être fidèle, d'un style un peu forcé, il ne compte pas parmi mes nouvelles préférées de Balzac.
Commenter  J’apprécie          20
L'Auberge rouge

Il y a quelque temps je passais en train par la petite ville d'Andernach en Allemagne au bord du Rhin. C'est là que la nouvelle de L'Auberge rouge de Balzac me venait à l'esprit, car c'est justement à Andernach que se déroulent les événements lugubres décrits dans cette nouvelle qui compte parmi mes nouvelles préférées du grand écrivain.



Procédé littéraire cher à Balzac, nous avons dans cette nouvelle une histoire encadrée dans une histoire : des convives se trouvent autour d'un souper charmant et abondant en mets précieux et vins excellents.

Nous sommes au début des années 1830. On peut s'imaginer la scène des robes à manches gigot et les coiffures étincelantes de diamants et de fleurs.



C'est à la fin de ce repas qu'un banquier allemand au nom de Hermann est sollicité pour raconter les événements horribles qui lui ont été confiés en 1799 par Prosper Magnan, juste avant que ce dernier ne soit condamné à mort, accusé de meurtre dans L'Auberge rouge.



À mesure que le banquier Hermann avance dans son récit, un des convives à table se sent de plus en plus mal... Il s'agit du banquier Frédéric Taillefer, qui fait également son apparition dans La peau de chagrin, La maison de Nucingen et Splendeurs et Misères des courtisanes. Sa fille, Victorine, assiste également au souper. Nous la retrouvons dans Le Père Goriot.

Pourquoi Taillefer se sent-il si mal à l'aise ? Qu'a-t-il sur sa conscience qui soit si terrible ?



Comme la couverture de cette édition Folio l'indique déjà, l'argent joue une fois de plus un rôle clé dans l'imaginaire balzacien, ici mêlé à un meurtre affreux.
Commenter  J’apprécie          50
Le Chef-d'oeuvre inconnu

L'œuvre de Balzac est hantée par des génies qui finissent par sombrer dans la folie. La quête de l'absolu, dans l'art, la chimie, ou quelque autre domaine n'a jamais lassé de fasciner Balzac.



Dans ma librairie préférée ce petit ouvrage de Balzac est placé au premier rang dans la section Art, et c'est peut-être sa juste place, car il ne s'agit pas d'une simple nouvelle, mais plutôt d'un traité sur l'art et ses limites par rapport à la nature.



Nous suivons le jeune Nicolas Poussin dans le Paris du début du 17ème siècle, qui rêve de pouvoir s'introduire dans l'atelier du peintre célèbre Porbus.



C'est grâce au peintre génial Frenhofer qui rend visite à Porbus, que le jeune Poussin s'introduit discrètement dans l'atelier de ce dernier. Il est alors témoin d'un discours exalté de Frenhofer qui, tout en critiquant la dernière œuvre de Porbus, dévoile sa propre vision sur l'art et ses techniques pour faire de l'art la copie exacte de la nature, voire de la surpasser. Il aurait pu dire comme d'Arthez dans les Illusions perdues : 'Qu'est-ce que l'Art monsieur ? C'est de la nature concentrée.'



Après le discours de celui-ci, Poussin veut absolument voir la dernière peinture à laquelle Frenhofer travaille depuis de nombreuses années mais qu'il refuse de montrer à qui que ce soit.

Grâce à la maîtresse de Poussin, Gillette, d'une beauté idéale, Frenhofer veut bien l'admettre comme modèle et en échange Porbus et Poussin sont admis dans son atelier.



Mais ô surprise, cette peinture enveloppée dans tant de mystère et que Poussin a crû devoir être le parachèvement de l'art, il n'y voit qu'un amas de couleurs confuses duquel émerge un ravissant petit pied presque vivant.



Confronté à la déception de ses amis, tout s'effondre pour Frenhofer, sa vision, ses hautes idées sur l'art et sa façon de l'atteindre. Tout n'était-il donc illusion ? Était-il en avance sur son temps ?

Sa fin me fait penser à cette phrase de Cioran : 'Il n'est pas de position plus fausse que d'avoir compris et de rester en vie.'
Commenter  J’apprécie          70
Mémoires de deux jeunes mariées

Voici l'unique roman épistolaire de Balzac, écrit à une époque (1842) où ce type de roman était déjà passé de mode.



Quant au contenu, qu'est-ce que les préoccupations de deux jeunes femmes issues de la noblesse ont encore à nous dire ? Entre Louise la narcissique et romantique exaltée et Renée la pragmatique, avec qui sympathiser ? Se mettre dans leur peau n'est pas aisé, même pour l'auteur, qui n'était pas femme.



Pourtant, chapeau à Balzac d'avoir donner vie à ces deux personnages féminins, de nous entraîner après chaque lettre un peu plus dans leur intimité, leurs convictions et leurs désirs, de se ranger tantôt du côté de Louise, tantôt du côté de Renée, tantôt d'aucun côté. La façon dont Balzac décrit les joies de la maternité et les angoisses d'une mère qui voit son enfant au bord de la mort est simplement époustouflante.



Est-ce que l'amour a lieu d'être pour une jeune femme qui n'a de choix entre le mariage, devenir vieille fille ou religieuse ? Pour Louise oui. Elle ne vit que par l'amour. Et son amie Renée de lui écrire : — (...) rien n'est plus trompeur que le mirage produit en notre âme par la curiosité, par le désir, par la croyance au bonheur.



Dans une autre lettre elle écrit : — De nous deux, je suis un peu la Raison comme tu es l'Imagination ; je suis le grave Devoir comme tu es le fol Amour.

Ce n'est qu'après son deuxième mariage avec un peintre pauvre mais irrésistiblement beau que Louise réalise qu'elle est comme le feu follet, destinée à briller brièvement. Elle commence à craindre l'amour et la beauté : — Tout est si beau que je frémis ; les vers se logent dans les bons fruits, les insectes attaquent les fleurs magnifiques. N'est-ce pas toujours l'orgueil de la forêt que ronge cette horrible larve brune dont la voracité ressemble à celle de la mort ?



Rien ne semble perdurer sur cette terre, tout s'en va avec le temps, sauf le pilier de la vie sociale : la famille. Sans oublier l'amitié qui a résisté à toutes les épreuves et discordes. Voilà en gros le message que Balzac a voulu faire passer.
Commenter  J’apprécie          20
Une double Famille

Quatrième nouvelle d'affilée de Balzac que je lis et bien évidemment quatrième fois que je savoure ma lecture.

Une double famille traite du sujet du mariage, et ceux qui me lisent de temps en temps, savent que c'est ma thématique favorite chez Balzac. À ma décharge cependant, pour une fois, ce n'était pas voulu puisque j'ai abordé cette nouvelle à l'aveugle sans savoir de quoi il s'agissait.

Et ce dont il s'agit ici c'est d'une rencontre heureuse et d'un mariage raté. Deux histoires que l'on va découvrir en deux temps. D'ailleurs toute la nouvelle est originalement et assez habilement construite : l'histoire va se déployer sur plusieurs temporalité différente dans lesquelles on va naviguer afin de reconstituer le puzzle de ces deux histoires qui en réalité vont se rejoindre pour n'en forment.

L'histoire d'un mariage qui était voué à l'échec dès le départ, car si c'était un mariage de raison, il semblait pourtant poindre au loin l'éventualité d'un amour naissant, éventualité rapidement balayée par une grave incompatibilité religieuse entre les deux époux savamment dissimulé par la mariée avant les noces, et qui doucement les éloignera jusqu'à se transformer en un gouffre.

Et puis l'histoire d'une rencontre qui arrivera comme une bouée de sauvetage dans la vie d'un homme qui dépérit dans son propre foyer et ne demande rien d'autre que d'aimer et vivre simplement un ménage heureux.

Un homme, deux femmes, trois façons d'aimer, trois conceptions différentes de la vie, qui les mènera chacun dans l'impasse.

Une nouvelle dans laquelle Balzac explore encore une fois avec subtilité et génie, et encore différemment, la question du mariage et de sa réussite. Amour ou raison ? Mais plus encore faut-il se marier sans se connaître mutuellement prenant le risque de divergences fondamentales ? Et est-ce possible de se connaître réellement ? Difficile de savoir si bonheur conjugal est-il une norme illusoire ou une réalité à atteindre, et encore une fois il n'y a pas de réponse binaire mais des vies, des histoires, que Balzac peint avec brio en tentant d'éclairer ses questions.

un bémol cependant à cette nouvelle qui aurait pu frôler la perfection ; la fin ! On change de temporalité d'accord, mais on ne comprend plus tout à fait ce qu'il s'est passé entre temps, et pour un dénouement c'est assez fâcheux et dommage. Il manquait juste deux trois informations afin que, malgré l'ellipse, on puisse refermer l'histoire sans confusion (j'ai du vérifier ailleurs si j'avais bien compris).

Mais bon allez, je pardonne ce petit couac à Honoré.
Commenter  J’apprécie          80
César Birotteau

Le titre 'Grandeur et décadence de César Birotteau' est supprimé depuis longtemps de ce roman pas très connu de Balzac, réduit maintenant simplement à César Birotteau ; le titre donné par Balzac à son roman est pourtant essentiel pour comprendre la portée que l'auteur voulait donner à cette œuvre, à l'égal de cette autre œuvre du siècle précédent : Grandeur et décadence de l'Empire romain, par Montesquieu.



Mais ici la grandeur et la décadence sont réduites à l'échelle microscopique du monde des affaires parisien, considéré digne par Balzac de disséquer et d'en faire un récit non moins dramatique que la chute de l'empire romain. En effet, nous avons affaire ici à un empire parisien : celui d'un autre César, et de sa parfumerie qui va de succès en succès. À tel point qu'un nouveau produit cosmétique avec une toute nouvelle stratégie commerciale va créer des jalousies.



César, commerçant honnête et très naïf, ambitieux d'obtenir honneurs et prestige, se laisse séduire par l'achat de quelques terrains, dans un Paris en proie à des spéculations immobilières sans précédent. Pour réaliser son ambition d'accéder aux rangs supérieurs, il agrandit et embellit sa maison et donne un superbe bal. Le notaire rusé Roguin qui a grandement besoin d'argent à cause de sa maîtresse, enrôle César Birotteau dans cette spéculation frauduleuse sur quelques terrains du nouveau quartier de la Madeleine. César lui confie sa fortune sans aucune formalité.



Tel un véritable drame antique, préludé par le rêve prémonitoire de la femme de Birotteau sur le désastre qui allait suivre, Balzac nous introduit d'abord dans la splendeur du monde des inventions commerciales pour nous plonger ensuite dans la misère des rouages du monde financier et la méchanceté des gens de l'entourage de Birotteau, ravis d'assister à la chute du parfumeur parvenu, fidèle à ses principes qui datent d'un autre siècle.



L'argent est omniprésent dans l'œuvre de Balzac, ici encore plus qu'ailleurs. Quant au sort de Birotteau, Balzac semble nous donner cet avertissement : cordonnier, borne-toi à la chaussure.
Commenter  J’apprécie          30
La Grenadière

Parue dans la Revue de Paris en 1832, cette touchante nouvelle de Balzac se déroule dans une région qui lui est chère : La Touraine, plus précisément dans la propriété La Grenadière, qui a vraiment existé et où il a passé l'été avec Laure de Berny en 1830.



Selon les dires de son amie Zulma Carraud chez qui il séjournait quelques semaines en 1832, Balzac aurait écrit cette nouvelle chez elle en une seule nuit.



Un beau jour, la mystérieuse Mme Willemsens s'installe dans la propriété La Grenadière avec ses deux fils et une femme de chambre. Elle n'est pas du pays et très discrète, personne ne sait d'où elle vient ou pourquoi elle a choisi de vivre retirée du monde. Tout ce que le narrateur observe, c'est la parfaite harmonie avec laquelle elle y vit avec ses deux enfants, dans cette nature abondante de La Touraine, si riche en couleurs, saveurs et végétation.



Toutefois, cette nature riante fait rapidement place à des nuages qui s'amoncellent, car Mme Willemsens est rongée par un mal inconnu.

Par bribes, nous en apprenons un peu plus sur sa vie antérieure : qu'elle aurait été la femme de Lord Brandon, et que le père des enfants n'est plus en vie.



D'un style très sobre, tout en nuances, ciselé à l'extrême, de la beauté du paysage jusqu'à la tragédie d'une vie brisée, Balzac offre ici une histoire où tout est à sa place, rien n'est de trop.
Commenter  J’apprécie          20
Modeste Mignon

Imaginons une jeune fille sur tiktok ou insta en train de discuter en secret avec un gars qu'elle ne connait ni d'Adam ni d'Ève mais qui est une sorte de pseudo célébrité ; elle lui fait croire qu'elle est riche, lui s'en fout un peu d'elle et dans un moment d'hilarité demande à un copain de répondre à sa place. Et voilà, nous avons Modeste Mignon, mais sans les manches bouffantes, ni les coiffures à la girafe, et ni l'élégance ou les bonnes manières d'antan. Mais dans le fond, si peu a changé...



La superbe couverture reprise ici sur Babelio (édition Folio de 1982) résume tout parfaitement : voici Modeste et à ses côtés l'ombre du poète Canalis qu'elle a idéalisé dans ses fantasmes de fille férue de littérature, après avoir vu son portrait gravé dans la vitrine d'un libraire au Havre, lieu de l'intrigue. Par caprice ou ennui, et pour échapper à l'étroite surveillance chez elle, Modeste entame une correspondance avec ce qu'elle croit être un génie poétique.



Tout le monde semble jouer un jeu dans ce roman, et à plusieurs reprises le lecteur se trouve d'ailleurs à une table de whist. Ce jeu du paraître rentrerait d'ailleurs bien dans la thématique 'Faire croire' pour le bac 2024, mais ce roman de Balzac n'y figure pas.



Lecture agréable et rapide, où l'on retrouve avec plaisir tout ce qui constitue un bon roman balzacien.
Commenter  J’apprécie          30
Adieu

Folie de la guerre, folie meurtrière, folie des grandeurs d'un homme dont l'ombre plane sur l'Europe entière dans la première moitié du dix-neuvième siècle.

Folie qui tue non seulement les corps mais aussi l'âme.



Cette nouvelle de Balzac est déchirante, dans laquelle surgit au milieu des plaines sinistres de la Russie le spectre de la folie destructrice de la guerre. Un spectre qui hantera encore longtemps les hommes et les rêves.



Une jeune femme, la comtesse Stéphanie Vandières, suit son mari et son amant Philippe de Sucy avec l'armée napoléonienne en Russie. Elle est témoin de l'affreuse bataille et retraite de l'armée française près du fleuve de la Bérézina en 1812.



Par un malheur, dans le tourbillon de cette retraite désastreuse, Stéphanie assiste au mort de son mari et perd son amant qui n'avait pas pu embarquer sur un radeau improvisé, faute de place. "Adieu" fut son dernier mot prononcé.



Sans doute maltraitée et violée, puis enfermée chez les fous en Allemagne, après quelques années d'errance elle a été retrouvée par miracle à Strasbourg, et de là son oncle l'avait ramené chez lui, au château des Bonshommes, dans la forêt de l'Île-Adam. Les multiples épreuves auxquelles elle avait dû faire face, lui avaient tout à fait ôté la raison. Elle menait une vie sauvage, courant les prés et grimpant dans les arbres en ne proférant que le mot "adieu" de temps en temps.

« Nous te croyons malheureuse, parce que tu ne participes plus à nos misères, sots que nous sommes. »



Quand, un beau jour, Philippe et un ami passaient par hasard par là, il reconnaît Stéphanie. Ensuite, il fait tout pour sortir Stéphanie de son état de délabrement mental, jusqu'à reconstituer dans les détails la bataille de la Bérézina, dans l'espoir que Stéphanie recouvre la raison. Mais tout cela aura des conséquences désastreuses autant pour elle que pour lui...



La folie est un thème récurrent dans l'œuvre de Balzac.



Cette nouvelle de Balzac était publiée pour la première fois dans le journal La Mode en 1830.
Commenter  J’apprécie          10
La femme de province - La femme comme il faut

On ne s'étonne guère que Balzac n'ait pas remporté le prix de l'auteur le plus délicat après avoir publié l'article sur la femme de province en 1841, dans l'Encyclopédie morale du XIXe siècle, 𝘓𝘦𝘴 𝘍𝘳𝘢𝘯ç𝘢𝘪𝘴 𝘱𝘦𝘪𝘯𝘵𝘴 𝘱𝘢𝘳 𝘦𝘶𝘹-𝘮ê𝘮𝘦𝘴, publiée par L. Curmer en 10 volumes.



Plus qu'une femme en province s'était offusquée de ce texte plutôt caricatural d'une femme de province qui dépérit dans son village ou sa ville de province, dans l'impossibilité de se mettre au niveau d'une parisienne, comme si c'était un devoir de chaque femme de province de ressembler à ce qu'elle n'était pas.



En lisant ce court récit de Balzac, je voyais pourtant surgir Emma Bovary, et qui sait si Flaubert ne se serait pas inspiré de ce court texte de Balzac pour créer l'inoubliable Emma Bovary.



La citation que j'ai partagé dans la rubrique des citations de cette oeuvre décrit parfaitement la passion qu'Emma avait conçue pour Rodolphe Boulanger.

Commenter  J’apprécie          00
La grande Bretèche

Encore une nouvelle peu connue de Balzac, publiée initialement en 1831, remaniée ensuite en 1842.



Histoire qui mériterait d'être republiée dans des collections Folio ou Livre de Poche, tant cette histoire sombre et palpitante nous donne des frissons.



Dans un des derniers salons à Paris d'où l'esprit français n'était pas encore tout à fait banni, le docteur Horace Bianchon raconte aux invités qu'un jour il était envoyé à Vendôme pour soigner un riche malade. Il y découvrit une demeure en proie à la déchéance du temps qui passe. Il aimait à s'y promener en laissant libre cours à ses pensées, jusqu'au jour où le notaire de la comtesse de Merret, qui fut autrefois propriétaire de cette maison mystérieuse, fit comprendre à Bianchon qu'il était interdit d'accéder aux jardins de la demeure abandonnée.

À l'auberge où il logeait, il apprit alors le terrible secret qui couvre d'un voile noir cette demeure habitée par les fantômes du passé.



Derrière la façade délabrée de cette demeure mystérieuse se cache la punition presque irréelle d'un adultère commis par la comtesse.

Involontairement je pense à l'amant espagnol de la mère de Balzac qui porte presque le même nom de l'amant dans cette histoire lugubre... Balzac, a-t-il voulu se venger par cet écrit sombre de sa mère qu'il n'aimait guère ? Nul ne le sait...



En tout cas, lisez cette belle nouvelle et frissonnez comme moi.
Commenter  J’apprécie          10
La Muse du département - Un prince de la bohème

Ma critique concerne ici uniquement la nouvelle Un prince de la bohème. Et bien heureusement que c'était une nouvelle car ce n'est pas la meilleure oeuvre Balzac. Encore une fois, je me suis perdue dans les misères conjugales, les gros sous, les références aux oeuvres obscures, les scandales qui ont sans doute fait bondir les lecteurs de l'époque mais qui me laissent bien perplexe. Le prince de la bohème est donc La Palferine qui joue avec une jeune femme comme avec une marionnette, la faisant tourner en bourrique. Et le pire dans toute l'histoire ? Le mari, cocu comme à son habitude, qui ne comprend rien mais qui finit pair de France. La balance entre les sous et les sentiments tangue dangereusement. Bref une nouvelle expéditive, vraiment pas heureuse ni dans le fond ni dans la forme !
Commenter  J’apprécie          10
Le Bal de Sceaux

Dernière-née d’une fratrie de six enfants, Emilie de Fontaine a été élevée dans le milieu huppé de la noblesse et a donc grandi avec une cuillère d’argent dans la bouche. Choyée à l’excès par toute sa famille, cette petite fille capricieuse devient très vite une jeune fille impertinente dont les humeurs primesautières assombrissent quelque peu son charme naturel. Lorsque vient le moment pour elle de choisir un époux, elle fera fuir tous ses prétendants ne les jugeant jamais assez bien pour sa personne… et puis un jour, au bal champêtre de Sceaux, elle rencontre Maximilien, un bel éphèbe dont elle s’éprend.

Mais ce jeune homme qu’elle souhaite un jour épouser, correspond-il vraiment à ses attentes ? Est-il vraiment issu d’un rang social élevé, un pair de France ? Ne dit-on pas que l’amour rend aveugle et qu’il peut nous jouer des tours ? Bien trop sûre d’elle, Emilie ne franchira pas le pas. Le regrettera-t-elle un jour ?



Les apparences peuvent parfois être trompeuses, Honoré De Balzac nous le rappelle dans cette courte nouvelle écrite dans le plus beau style littéraire qui caractérise le grand auteur. La nature humaine est très difficile à cerner et le romancier s’y emploie à merveille en nous contant un récit dans lequel l’élévation dans la classe sociale comme une fin en soi, influe parfois négativement sur la sincérité des sentiments, en les dominant ou en les manipulant, jusqu’à faire perdre tout sens moral à celles et ceux dont la fierté de leur rang social est l’unique leitmotiv.



Dans cette « Scène de la vie privée » de la « Comédie Humaine », les lecteurs assistent à une diatribe de cette catégorie sociale de privilégiés, un pied-de-nez à cette société de nantis, et Balzac prend un malin plaisir à faire endosser à Emilie Fontaine un costume de jeune fille de bonne famille, dont l’orgueil exacerbé précipitera sa chute…

Commenter  J’apprécie          60
La Maison du Chat-qui-pelote

Dans son œuvre colossale, le grand romancier brosse le portrait de la société du 19e siècle, dans toute sa diversité. En sociologue avisé, il prend sa plus belle plume pour décrire et tenter de décrypter minutieusement les codes sociaux qui régissent les relations humaines. Pour lui, tout a une signification précise dans le comportement des individus : la naissance, l’éducation, le tempérament, la classe sociale, l’emploi, les modes et les lieux de vie, les apparences physiques et vestimentaires, etc…

La Maison du chat-qui-pelote ne déroge pas à la règle. Augustine, la fille d’un drapier parisien tombe éperdument amoureuse de Théodore de Sommervieux, un jeune artiste peintre, croisé par hasard à l’occasion d’une exposition de peinture. En dépit des conseils de son père qui considérait cette union comme une mésalliance, la jeune femme n’écoute que son cœur. Mais l’amour rend aveugle et une fois la fougue passée, la vie de couple peut prendre parfois des tournures dramatiques. Augustine l’apprendra à ses dépens et perdra bien vite ses illusions…



Cette courte nouvelle écrite dans le style balzacien, très littéraire et réaliste, propose une lecture sans fard de la nature humaine de cette époque. Honoré de Balzac nous fait prendre conscience que l’habit ne fait pas le moine, que tout sentiment est éphémère, que les règles sociales établies depuis la nuit des temps ne changent guère et qu’il est illusoire de penser le contraire. Tout comme Jean de La Fontaine utilisait ses fables pour donner des leçons de morale, l’écrivain a choisi les études de mœurs pour sonder l’âme humaine et en dévoiler les forces et les faiblesses.

Commenter  J’apprécie          40
Mémoires de deux jeunes mariées

A leur sortie du couvent en 1823, la vie a séparé Renée et Louise mais n’a pas défait les liens d’amitié indéfectible qui les unit. Il s’établit alors, entre les deux amies, un échange régulier de correspondance qui durera douze ans…

Ce récit original et romanesque d’Honoré de Balzac est une ode à l’amitié et à l’amour. Il met en perspective deux existences qui n’ont rien en commun mais que tout rapproche. Les points de vue de Renée et de Louise semblent très éloignés dans bien des domaines, notamment en ce qui concerne les relations dans le couple, le désir de maternité, les passe-temps favoris, les plaisirs et les mondanités. Leurs destins prendront des chemins différents, cependant, en dépit de leurs divergences d’opinion et de leurs désaccords passagers, l’amitié profonde qui les lie demeurera à jamais intacte.



Dans cette étude de mœurs, très féminine, le romancier a choisi d’opposer la passion à la raison et le résultat est à la hauteur de son génie littéraire. Pour celles et ceux qui en doutent encore, il nous fait la démonstration que les hommes sont les mieux placés pour parler des femmes et vice-versa… son talent d’écrivain en est ici un beau témoignage. En fin observateur de la société de son époque, Honoré De Balzac fait une analyse très détaillée de la montée inexorable du désir d’émancipation des femmes, éprises de liberté et d’indépendance. Ce n’est pas pour rien qu’il décida, en juin 1840, d’adresser son livre dédicacé à son amie, Georges Sand.

Commenter  J’apprécie          40




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Honoré de Balzac Voir plus

Quiz Voir plus

Connaissez-vous La Peau de Chagrin de Balzac ?

Comment se comme le personnage principal du roman ?

Valentin de Lavallière
Raphaël de Valentin
Raphaël de Vautrin
Ferdinand de Lesseps

10 questions
1309 lecteurs ont répondu
Thème : La Peau de chagrin de Honoré de BalzacCréer un quiz sur cet auteur

{* *}