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Critiques de Honoré de Balzac (3264)
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La Bourse

Publiée en 1832, « La Bourse » figure dans le recueil de nouvelles des « Scènes de la Vie privée » de « La Comédie humaine » d’Honoré de Balzac.

A l’instar d’un peintre devant son tableau, le talentueux écrivain dépeint, à la faveur d’une multitude d’images littéraires dont lui seul a le secret, l’évolution des sentiments amoureux entre Hippolyte Schinner, un jeune peintre talentueux, et Adelaïde de Rouville, une jeune fille de bonne famille, timide et très discrète, qui l’a secouru et soigné après une chute dans son atelier.



La relation des deux jeunes gens est sublimée par la poésie d’un récit sensible et élégant par le biais duquel Balzac nous met en garde contre les jugements trop hâtifs que d’aucuns seraient tentés de porter à l’égard d’individus qui ont mauvaise réputation ou dont les comportements semblent douteux. Multipliant les figures de style, le romancier fait naître progressivement le doute dans notre esprit sur la sincérité des intentions d’Adelaïde envers Hippolyte.

Soyons rassurés car dans cette étude de mœurs, romantique à souhait, Honoré de Balzac, en grand amateur du beau sexe, nous prouve qu’une femme peut être à la fois jeune, jolie et honnête !

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La Femme abandonnée

Gaston de Nueil jeune parisien de la bonne société est envoyé en basse normandie pour y soigner son surmenage .Il fréquente l’aristocratie de cette campagne un peu désuète mais fort à cheval sur les principes et quelque peu encroûtée … Au bout de deux mois de ce train-train ennuyeux, il entend parler d’une Mme de Beauséant qui attise sa curiosité . Cette dernière vit dans une sorte de réclusion car elle a commis l’adultère puis a été rejetée par son amant . Il n’en faut pas plus pour que le jeune Gaston veuille la rencontrer .

J’ai bien aimé cette nouvelle , une histoire d’amour tragique , victime des convenances d’une époque …

La peinture des aristocrates de province est particulièrement réussie !

« Un point c’est tout. »
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Les Chouans

Après la Révolution Française, les républicains tentent de pacifier la Bretagne, défendue par des Chouans royalistes menés par leur terrible chef, le Gars. Mais la république à un atout dans la manche en la personne de Marie de Verneuil une séduisante jeune femme chargée de livrer le Gars au bourreau.



Quelle plaie que ce livre ! J'ai mis presque deux mois à m'en débarrasser, en entrecoupant mes pénibles séances de lecture d'autres bouquins pour tenir le coup. Une lectrice plus maline ne se serait pas entêtée, mais je suis trop têtue...

Allez, soyons un peu justes : certains points qui m'ont lassée ne sont pas de la faute de l'auteur. Les scènes de guerre en général m'ennuient, cela ne veut pas dire que celles de ce livre sont mauvaises. Les difficultés que j'ai éprouvées à situer tous les personnages et les lieux de l'intrigue viennent peut-être en partie de mon mode de lecture fractionné plutôt que du style de narration de Balzac.

Là s'arrêtent mes tentatives de bonne foi et commencent les critiques que je juge plus honnêtes. Déjà, j'ai trouvé que les hors sujets auxquels est souvent prône l'auteur sont particulièrement sensibles dans ce livre et en diluent beaucoup l'intérêt. Entre les explications, certes pittoresques mais un peu longues, sur la campagne et la culture Bretonne, et les considérations politiques de Balzac, on finit par se rendre compte que l'intrigue à proprement parler n'est pas aussi conséquente que l'épaisseur du bouquin ne le laisserait penser.

J'ai également trouvé la plupart des personnages assez ennuyeux, et souvent tellement "grandioses" qu'ils en devenaient comiques. Le duo central est particulièrement gratiné. Entre Marie de Verneuil qui s'entiche de sa cible, change d'avis comme de chemise et semble à deux doigts de la crise de folie tant ses émotions la gouvernent, et son amant incroyablement beau-courageux-fier-fort-insérezadjectiflaudatifici, j'avais de quoi m'amuser ! D'autant que la majeure partie de leur entourage les vénère comme des divinités et se pétrifie d'admiration devant leurs moindres faits et gestes.

L'intrigue, menée par ces personnages soit grotesques soit ternes, est donc assez décevante. Les batailles se suivent et se ressemblent, les trahisons sont prévisibles, les conversations sont plates et sans saveur.



Je suis dure avec ce livre, mais je n'ai vraiment pas apprécié ma lecture alors que j'aime beaucoup Balzac d'habitude. Un autre lecteur aura peut-être plus de chance, moi je repose ce bouquin avec soulagement.
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Les Chouans

J'avais acheté ce livre par pure curiosité chez un bouquiniste en me disant que je ne risquais pas grand chose pour 1 euro et ... je n'ai pas été déçu.



Les chouans présente une romance entre deux personnages que tout sépare quelques années après la révolution française alors Charette est tombé.



Alors que dire ? Déjà l'introduction. Non mais sérieusement faut arrêter avec ce genre d'intro. Personne ne s'est dit à un moment que spoiler l'histoire avant de la lire ce n'était pas une bonne idée ? Le pire étant que l'on une introduction ET une postface de la même personne mais que l'intro spoile le plus. Je vais finir par ne plus lire les introductions de livres anciens parce que c'est récurrent cette habitude de raconter l'histoire.



Bref, le côté romantique à outrance n'est pas forcément ce que je préfère et le roman partait donc plutôt négativement pour moi. Toutefois rapidement certains éléments ont amené du sens à ma lecture.

Le côté historique est bien présent. Même si Balzac prends un parti pris républicain ( enfin en intro il est expliqué qu'il vira plus royaliste sur la fin de sa vie et qu'il a corrigé le texte dans ce sens ) il est intéressant de voir comment les personnes de l'époque sont dépeintes. La guerre fait rage, Napoléon qui a repris le pouvoir ne peut se permettre de mener à la fois la guerre à l'extérieur et à l'intérieur. Il laisse donc le pouvoir aux localités pour matter les rebellions. Ce qui rétrospectivement est parfaitement stupide, ça laisse la bride ouverte à toutes les folies mais bon passons.

La république arrive donc avec ses gros sabots ( mais non cloutés, ça c'est pour les chouans ) et en face les chouans s'organisent pour résister. Enfin résister, les chouans sont dépeints comme des sauvages, meurtriers et sans scrupule. D'ailleurs vis à vis du traitement de circonstance il est amusant de voir que la fin rapproche les républicains des chouans dans leur barbarie.

En dehors de l'aspect historique c'est le comportement des personnages qui m'est apparu intéressant. Si l'on mets de côté la romance des deux personnages principaux tout le reste fait assez vrai. Les personnages ne sont ni parfait ni gentils. Ils agissent selon leur code moral et ce qui leur arrive. Pas de grands héros ici ni de charge héroïque où tombent les grandeurs.



Comme je l'ai écris à plusieurs reprises, je ne suis pas archi fan des romances mais celle ci par ses rebondissements m'a bien plu. C'est peut être un peu fleur bleue par moment mais je trouve que ça permet de contrebalancer la folie ambiante ( ou ajouter une touche d'une autre folie, ça dépends du point de vue ). On notera la romance de la servante qui sert à l'intrigue mais n'est pas plus développée que cela. Celle ci est déjà plus froide.



Au final, un bon roman qui a bien vieilli. Ca se lit tout seul et j'ai du le finir en 2 jours. Je suis étonné que le roman n'ait pas plus marché que ça à sa sortie alors que Balzac livre un récit bien ficelé.
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Eugénie Grandet

Vraiment, Balzac n'a pas son pareil pour dépeindre l'âme humaine. Ce que j'aime de cet auteur c'est que ses personnages restent fidèles à leur nature jusqu'à la fin; pas de changement de personnalité improbable ou de retournement insensé. Ainsi le père Grandet meurt comme il a vécu, Eugénie reste fidèle à son coeur et finit sa vie comme elle a été élevée et Charles qui a été gâté dans sa jeunesse se comporte de fa façon logique avec ce que son éducation a fait de lui.Une chose cependant m'a particulièrement frappé: c'est la façon dont le père Grandet feint la pauvreté alors qu'il est riche à millions. J'ai déjà observé ce comportement dans la vraie vie de la part de personnes avaricieuses et ça m'a toujours fasciné. Je me suis demandé pourquoi ce comportement alors que chacun sait que cette pauvreté est feinte. Peut-être est-ce pour écarter les quémandeurs ou est-ce la peur de perdre le moindre sous.



Balzac demeure mon auteur favori dans la littérature classique et je ne suis pas à veille d'avoir tout lu ce qu'il a publié. Des heures de bonheur de lecture devant moi.
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Eugénie Grandet

C'est modeste mignon qui m'a ouvert à ce bouillant début 19ème siècle. Pourtant à l'époque le style d'écriture m'avait quelque peu déstabilisé. Louis Lambert avait renforcé ce sentiment d'hermétisme vis-à-vis de cet écrivain.

Je suis bien content d'avoir surmonté ces apprioris pour retenter l'aventure balzacienne et quelle aventure!

La version scolaire que j'ai eu, comporte des illustrations et photographies du saumurois, qui m'ont grandement aidé à apprécier la description du cadre de vie de l'intrigue pour l'époque.



Ce tableau d'un morceau de l'Anjou m'a plus donné le sentiment d'être témoin plus que simple spectateur de l'histoire. Me voilà tour à tour, ce voisin médisant sur un nouveau venu, ce marchand jaloux d'un adversaire, ce prétendant plus intéressé qu'intéressant. On se prête facilement au jeu des querelles de mariage, et on en vient presque à féliciter M.Grandet d'éliminer habilement des personnes gênantes pour lui, sans se mouiller.



Puis on retombe dans la froideur pure et malsaine de ce vieux logis ou la passion du maître emporte toutes les autres, sans état d'âme. Trois femmes puisent l'une sur l'autre ce soutien moral nécessaire, leur combat sera souterrain, résignées mais résilientes.

J'ai vraiment apprécié cet esprit critique de la société en puisant tantôt dans les mœurs campagnardes tantôt dans ce nouveau monde qui doit aller plus vite.



Je terminerai par ce passage qu'il à écrit en puisant de Jean de la Fontaine qui interroge directement le lecteur : avez vous beaucoup changé ?



" Il est dans le caractère français de s'enthousiasmer, de se colèrer , de se passionner pour le météore du moment, pour les bâtons flottants de l'actualité. Les êtres collectifs, les peuples seraient-ils donc sans mémoire ? "
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Illusions perdues

Lucien Chardon, jeune poète angoumoisin ambitieux, se lancera avec un certain succès dans une carrière journalistique à Paris où il apprendra, à ses dépens, les sombres pratiques d’un milieu fait de trahisons et de perfidies. Plus tard, il déchantera face à l’attitude hypocrite et sournoise d’une coterie de monarchistes qui précipitera sa chute. Déçu et ruiné, il perdra définitivement ses illusions de gloire et retournera à Angoulême. Cependant, toujours possédé par un irrésistible besoin de renommée, il renouera avec une élite locale de petits bourgeois et de faux amis, qui abuseront de sa crédulité, blessant son amour propre et mettant à mal la sincérité de ses sentiments.

A la faveur d’une écriture talentueuse dans le plus pur style littéraire du 19ème siècle, Honoré de Balzac fait référence à des évènements réels et marquants de son existence qu’il nous fait revivre de manière romancée, sous les traits du personnage de Lucien.



J’ai beaucoup apprécié ce roman dans lequel tout le machiavélisme de l’être humain, dans ses aspects les plus méprisables, est passé au crible et dénoncé dans un récit qui n’épargne personne, pas plus le journaliste immoral que le politicien vénal ou le banquier véreux. Dans un jugement sans appel, le romancier emploie même parfois le ton de la diatribe, laissant transparaître les sourdes colères qui l’habitent face à une injustice sociale qui écrase les faibles et fait triompher les riches.

Tout au long de son œuvre immense, Balzac n’aura de cesse de révéler la grandeur et la décadence, les splendeurs et les misères de la condition humaine du 19ème siècle. Je vous suggère de lire ou relire ce classique de la littérature qui a fait l’objet d’une sublime adaptation cinématographique, au mois d’octobre 2021.

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Le Lys dans la vallée

- LE LYS DANS LA VALLÉE -



Une histoire d'amour tragique que j'ai chérie ! et que j'ai trouvée magnifique à lire. Déjà cette histoire se passe en Touraine et décrit parfaitement la région en décrivant Tours, Chinon , Azay le rideau, La Grenadière et le château de Saché ( que vous pouvez visité car il existe vraiment, si vous êtes sur Tours, n'hésitez pas de faire un détours).



Balzac sut décrire la Loire et la beauté sauvage de la régions centre val de Loire. Et puis cette histoire d'amour qui se met par dessus, Félix un jeune homme détester par sa famille va faire la rencontre de la comtesse de Mortsauf, et à partir de là, il va tomber amoureux d'elle, La comtesse de Mortsauf ne le voyant comme un enfant et un ami avant tout décide de l'aider pour qu'il devient un homme important dans la société ce qui marcha. Mais après leurs amours se heurta au mariage de la comtesse et de sa fidélité à son mari.



Une histoire qui se passe sur plusiuers année, ou nous pouvons voir évoluer la situation de leurs amours et leurs blessures... Balzac écrit très bien, jusqu’à que se livre sonne un peu comme un poème sur les fleurs et l'amour.



J'ai passée un agréable moment avec ce livre, je le recommande vraiment !



Carlaines
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La grande Bretèche

J'ai apprécié cette nouvelle, lue en deux heures environ (elle n'est pas très longue), qui semble partir d'un fait divers dans des lieux réels. Toutefois, s'il existe bien un couvent de la Grande Bretèche à Vendôme, je doute qu'il ait grand-chose à voir avec la riche maison bourgeoise abandonnée de la comtesse de Merret, alors que le château dans lequel cette dernière agonise trois mois avant le récit est bien inspiré par le château de Meslay. Qu'est-ce qui a bien pu amener la comtesse et son mari à se séparer aussi subitement, et elle-même à déménager et ne plus voir personne, vivre en recluse ?



Cette histoire nous est contée par un personnage récurrent de la Comédie humaine, Horace Bianchon, médecin, qui se trouve ici par hasard, ayant suivi son maître en médecine dans cette ville de province. Assez désœuvré, il en profite pour pénétrer dans le jardin de la mystérieuse demeure des Merret, laissée en friche et en décomposition avancée depuis dix ans. Il va un peu malgré lui en apprendre l'histoire par trois personnes, et ce n'est pas joyeux. C'est une histoire de jalousie poussée jusqu'à la cruauté - sachez seulement qu'une bretèche est une petite loge ou avancée en saillie dans un ouvrage de fortification, et que cela a un sens. Je n'en dirai pas plus...



Une fois de plus, Balzac nous prouve qu'il est à l'aise autant dans une forme de réalisme et d'observation des mœurs, ici en province tourangelle, avec une pointe d'histoire, puisque le récit se situe quelques quinze ans plus tôt, vers 1816, que dans un style gothique, le narrateur faisant souvent référence aux romans d'Ann Radcliffe ou à des ambiances d'église abandonnée où glisse un fantôme, le soir venu. Sa plume précise et généreuse nous régale de portraits pris sur le vif, de scènes puissantes, d'une force d'observation humaine à laquelle rien n'échappe, ni grandeur ni petitesse. Cette assez courte nouvelle est un microcosme qui nous enchante, empreint du goût de cette belle région proche de la Touraine.
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La paix du ménage

Avons-nous avec cette nouvelle une énième illustration de l'essai de Balzac sur la Physiologie du mariage ? C'est ce que j'ai lu : il y a sans doute un peu de cela, mais c'est loin de se limiter à un banal exemple du comportement et des usages salutaires en couple.



En 1809, à l'apogée de l'Empire, nous dit l'auteur, nous assistons à un bal splendide dans l'hôtel particulier du comte de Gondreville, sénateur qui fête comme toute la bonne société le mariage à venir de Napoléon avec Marie-Louise d'Autriche. Clinquant bienvenu, comme nous en prévient Balzac, si bien que la bague de diamant au centre de ce drame vaudevillesque devient à elle seule un symbole de l'appétit de richesses, de la consommation de titres de noblesse de l'époque. Les personnages sont en place pour contredanse et quadrille, jeunes gens issus de la Garde napoléonienne ou de la magistrature proche de l'Empereur, jeunes femmes coquettes et bien résolues à rivaliser en toilettes et bijoux - sans gêne aucune pour évincer celle qui gênerait. Et justement, le baron Martial de la Roche-Hugon et son ami, le colonel Montcornet (bon, il est appelé maréchal au début et descend en grade par la suite) ont tous deux remarqué la même jeune femme, dont la présence énigmatique, cachée en partie derrière un candélabre, les intrigue vivement. Elle est d'une grande beauté, très élégante, mais sa tristesse et sa posture à l'écart de tous surprend, et l'on s'interroge sur elle, la "jeune femme en bleu"...



Les deux compères et complices, qui ont parié un cheval de bataille qu'ils danseraient avec elle, doivent toutefois se faire discrets, car entre en scène la splendide comtesse de Vaudremont, jeune veuve riche à millions, maîtresse de Martial. Elle est au bras de son précédent amant, le baron de Soulanges, mais elle le congédie vite pour briller seule au firmament du bal et retrouver Martial, qui de son côté aimerait bien faire son chemin auprès de la belle inconnue. Quadrille, virevoltes, désir et intérêt, espoir et déception, gain et perte, les figures de la réussite sont si complexes ! Dans les salons qui jouxtent la salle de bal, on joue, et certains qui se sont cru plus malins pourraient bien se faire rendre la monnaie de leur pièce, et la chance aller en récompenser d'autres. De son côté, la belle comtesse bénéficiera d'un appui inattendu en la personne d'une duchesse du siècle précédent, vieille femme malicieuse, voire un peu peste, qui lui donnera quelques leçons sur l'art de se faire bien comprendre des hommes. On croirait voir Violet médire dans Downton Abbey, c'est réjouissant, j'ai beaucoup aimé cette Madame de Grandlieu.



C'est donc une comédie de mœurs dont Balzac nous régale, toujours cette comédie de la vanité, du mensonge, de l'espionnage des esprits, avec un brin de fatuité masculine et de malice féminine. La délicieuse ironie du grand écrivain irrigue la nouvelle, la rend pétillante à souhait, on se prend d'intérêt pour les personnages, même si leurs chassés-croisés font un peu tourner la tête - j'ai préféré faire un schéma de "qui aime qui" pour m'y retrouver. La mystérieuse et naïve jeune épouse retrousse ses manches et donne une belle leçon à l'un de ses prétendants, et un cheval changera d'écurie. Peut-être pourrait-on trouver ces marivaudages conjugaux un peu répétitifs d'une nouvelle à l'autre, mais comme tout bal, lorsqu'on se démène et qu'on s'essouffle, que les belles épaules et les corsages palpitent et le rouge monte aux joues, rien n'est plus nouveau et excitant que ce bal précis, avec tous les possibles qu'il ouvre.
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Gobseck - Une double famille

La jeune Camille de Grandlieu, de famille noble ancienne, s'est éprise du jeune comte Ernest de Restaud, ce qui n'est pas au goût de la vicomtesse de Grandlieu, sa mère, car Anastasie de Restaud, la mère d'Ernest (et fille du Père Goriot) n'est pas selon elle fréquentable : d'abord elle est d'origine bourgeoise, ensuite elle est connue pour avoir eu des mœurs quelque peu dissipées...

Afin de lui donner un éclairage plus juste sur la situation, et peut-être de favoriser un possible mariage entre les jeunes gens, Derville, avoué et fidèle à la famille de Grandlieu, qu'il a très efficacement aidée à retrouver ses biens en rentrant d'émigration sous la première Restauration, entreprend de raconter à la vicomtesse l'histoire du jeune comte de Restaud et des frasques de sa mère, via la présentation d'un personnage des plus saisissants : l'usurier Jean-Esther Gobseck.



Gobseck est un des dix hommes qui tiennent le "monde" parisien en sous-main, prêtant à usure aux fils de famille ou aux entreprises au bord de la faillite, pour les aider à éviter le scandale ou à se livrer à leurs vices - le jeu, souvent. Gobseck est un homme poli, froid et dur en affaires, à qui on ne connaît aucune famille, et qui vit chichement, bien que sa fortune puisse être estimée à un montant exorbitant. De par la vie aventureuse qu'il a menée dans sa jeunesse et le métier qu'il exerce, Gobseck, qui s'est pris d'une sorte d'amitié (autant qu'il en soit capable, donc assez distante) pour le jeune avoué, qu'il a aidé à acheter sa charge en empruntant à un taux "raisonnable" de 15%, est une mine d'histoires croustillantes sur les dessous des grandes familles. Il a des théories affirmées sur les hommes et leur rapport à l'argent, et regarde tout cela sans s'impliquer, afin d'économiser son énergie pour vivre le plus longtemps possible. C'est un pragmatique pour qui "le bonheur consiste dans l'exercice de nos facultés appliquées à des réalités".

En développant ce personnage impressionnant de Gobseck en "une image fantastique où se personnifiait le pouvoir de l'or", Balzac nous présente les privilèges de la bonne société et ses turpitudes, avec l'exemple d'une femme de la haute société qui se perd en payant les dettes de son amant, Maxime de Trailles, bon-à-rien qui court les salons et semble vivre aux crochets des dames qui l'adorent, pour pas moins de cent mille livres par an. C'est en suivant les démêlés conjugaux de la comtesse et du comte de Restaud, jalonnés des interventions intéressées de Gobseck et désintéressées de Derville, que nous saisirons l'état de la société sous la Restauration.



Une fois de plus, Balzac fait œuvre de peintre de la société de son époque et des caractères, des types sociaux, mis en valeur par leurs relations et leur rapport à l'argent. Gobseck, "ce Hollandais digne du pinceau de Rembrandt", fait presque figure de statue du commandeur, alors même que Don Juan est convoqué, dans cette scène où il éconduit Monsieur Dimanche pour ne pas payer ses dettes - ruse, on s'en doute, qu'il vaut mieux éviter avec un tel homme. Non sans une certaine fascination de la part de Derville, qui prend en charge la narration dans cette nouvelle, l'usurier représente la figure de l'homme de l'ombre, qui tire les ficelles et exerce le vrai pouvoir, mais qui n'en est pas moins, surtout avec l'âge, une malheureuse figure d'une passion poussée à l'extrême - l'avarice.
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Une double Famille

J'ai lu rapidement, facilement et avec plaisir cette nouvelle un peu développée, dans laquelle nous entrons de plain-pied au sein de deux familles, ou ménages, comme dirait Balzac, qui, une fois de plus nous restitue à merveille l'ambiance visuelle de chacun de ces deux milieux intimes et conjugaux, avant que nous découvrions (quoique le titre soit assez limpide) en quoi ces deux foyers sont liés et se rejoignent.



Dans la vieille rue parisienne peu salubre, car humide et sombre, à peine éclairée par le jour hormis l'été, du Tourniquet-Saint-Jean, jetons un œil par-dessus l'épaule de Mme Crochard veuve, dentellière, et de sa fille brodeuse Caroline : jour et nuit les aiguilles vont leur train, et la jolie Caroline se mêle peu de ce qui se passe dans sa rue. Sa mère, c'est autre chose - elle a les yeux aux aguets, car elle compterait bien sur la fraîcheur de sa fille pour s'assurer de vieux jours plus confortables. Un jour, passe un homme triste, tout de noir vêtu, dont le regard accroche celui de Caroline, et éveille l'intérêt de la mère. Sur le chemin du travail ou du retour, de signe en signe, la jeune fille et "l'homme noir" se rapprochent, jusqu'à un vrai rendez-vous à la campagne, avec le grand jeu : dîner au champagne, bal champêtre... Leur destin est scellé, on les retrouvera en ménage, puisqu'il a offert un appartement et une rente à sa maîtresse, laquelle s'épanouit dans le rôle de femme entretenue, puis de jeune mère toute dévouée à ses deux enfants. Roger, dont elle ne connaît que le prénom, est heureux, il a retrouvé le sourire, même s'il ne jouit pas de tout son temps libre, loin s'en faut.



C'est lorsque la vieille Madame Crochard révèle, alors qu'à l'agonie elle est pressée par un prêtre, le secret de sa fille Caroline, que le drame s'enclenche, et qu'on apprendra par un subtil retour en arrière, l'histoire d'un autre couple, l'envers de la famille lumineuse et charmante, celui d'un jeune avocat nommé Roger de Grandville et de sa jeune femme, jolie Provinciale et amour d'enfance. Malgré ses pressentiments, Roger s'est laissé convaincre par son père d'épouser Angélique Bontems, jeune fille élevée dans une stricte dévotion par sa mère, et qui lui fera vivre un enfer, quoique pavé de bonnes intentions.



L'ombre de la Physiologie du mariage plane de nouveau sur cet opus, dans lequel on apprend ce qui peut désunir un couple dans son intimité, lorsque le lit n'apporte son lot de bonheur que le temps d'une brève lune de miel. Nous sommes dans le schéma classique du couple dans lequel l'homme travaille dur pour tenir son rang, et s'attend à ce que sa femme soit agréable, complaisante, amoureuse... Ce n'est pas qu'Angélique n'aurait pas voulu essayer, mais elle a un esprit borné, manque de fantaisie, se méfie du plaisir comme d'une tentation diabolique, dont il faut à tout prix se prémunir. Par ailleurs, après avoir été élevée sous l'éteignoir par sa mère, elle est la proie de ses directeurs de conscience et autres vieilles grenouilles de bénitier. Angélique manque de goût, n'est pas attirée par le luxe, la mode, refuse d'aller au bal, au théâtre, de se mettre à son avantage, et l'on rit d'elle en société car elle est trop raide et sérieuse, alors qu'elle devrait être décorative et faire honneur à son juge de mari. En outre, elle a un caractère mesquin qui la fait pinailler sur tout et lancer d'aigres piques à son époux qui n'en peut mais, jusqu'à ce qu'il ne la supporte plus, et sombre dans la plus profonde dépression - ce n'est qu'avec Caroline qu'il retrouvera l'amour et la joie de vivre.



Certes, les personnages sont suffisamment complexes et n'ont rien de schématique, toutefois, à travers sa charge féroce contre la pruderie et la bigoterie remises au goût du jour sous la Restauration, Balzac m'a paru injuste envers Angélique. Il est pourtant le premier à dire qu'en quelque sorte, elle n'a pas eu le choix, pourtant tout l'échec du mariage semble être de sa faute, alors même que Roger l'a épousée pour l'argent, que ce"marché" arrangeait la mère d'Angélique en les faisant entrer, elle et sa fille, dans la noblesse, et surtout, qu'elle a été "mortifiée" par sa mère depuis l'enfance. Angélique n'a pu compter sur personne pour développer des facultés aimantes, un goût du beau et de la joie, on a peut-être même étouffé dans l'œuf les qualités qu'elle pouvait avoir. Par son cynisme envers son épouse, lors d'une scène terrible, Roger de Grandville montre une morgue d'époux sûr de son bon droit plutôt glaçante.



Pour ce qui est du style, Balzac montre de réelles qualités de peintre en écriture, il sait mettre en valeur les contrastes, les harmonies de couleurs et convoquer tous les sens qui font apprécier la vie dans ce qu'elle a de naturel, de profond, de joyeux, mais il n'ignore rien non plus des drames et passions humaines, auxquels il nous fait adhérer par un art consommé de l'analyse psychologique.
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Étude de femme

J'ai lu avec plaisir cette courte nouvelle, n'excédant pas une dizaine de pages, de Balzac, qui ne m'a pas semblé apporter tant de nouveauté, maintenant que je deviens familière de son univers, et de sa théorie sur le mariage.



La marquise de Listomère est une jeune femme à la fois vertueuse, suivant les préceptes de son directeur de conscience - ah ! comprendre encore aujourd'hui ce que pouvait être un directeur de conscience, et lire "faire maigre" comme respecter le Carême et non "avoir l'air" maigre sur son compte Insta... autres temps, autres mœurs ! - et mondaine, très appréciée dans les salons pour son élégance et sa retenue. Elle a épousé un député visant la pairie (personnage encore familier de la galerie de Balzac), qui ne dénote jamais, reste imperturbable et modéré. On peut supposer, à la voir éconduire le moindre soupirant avec une indifférence glaciale, que sa vertu est effectivement à toute épreuve. À moins qu'en grande coquette elle ne thésaurise sa réputation pour satisfaire ses envies plus tard ? Après tout, qu'est-ce que 7 ans à jouer ce rôle pour ensuite pouvoir jeter son bonnet par-dessus les moulins ? Ce Balzac tout de même, qui voit le Mal chez toutes les femmes...



Quoiqu'il en soit, notre marquise sera extrêmement surprise de recevoir une lettre à elle adressée par le jeune Eugène de Rastignac, beau jeune homme entrevu dans un salon, et qui l'a peut-être infimement troublée. Ce dernier ayant voulu écrire à Delphine de Nucingen, saura-t-il se tirer avec tact de ce mauvais pas et malheureux quiproquo ? Fera-t-il au passage chanceler le cœur et la vertu de la marquise de Listomère ?



N'en attendons pas trop non plus en termes d'intrigue, Balzac écrivait là une esquisse amusante pour le Magazine des modes ; on découvre toutefois avec un certain plaisir la généalogie de la Comédie humaine se dessiner sous nos yeux, puisqu'on trouve dans ce court texte diverses figures récurrentes, comme Rastignac et Mme de Nucingen (fille du vieux Père Goriot), Mme de Mortsauf (Le Lys dans la vallée) est évoquée également. L'auteur a toutefois le temps d'invoquer Stendhal et sa théorie de la cristallisation - ne laissons pas un amoureux ou une amoureuse seul(e) avec lui(elle)-même commencer à se faire des idées sur l'objet de son attirance...



Si la nouvelle ne manque pas d'intérêt par sa construction et son sens, j'ai parfois trouvé son ironie trop évidente, comme des clins d'œil un rien appuyés, de même que le recours à un narrateur à la première personne, ami de Rastignac, dont le statut n'est pas vraiment évident, m'a semblé un peu faible - tout comme la chute de la nouvelle.
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Le Bal de Sceaux

Une fois de plus, j'ai beaucoup apprécié cette nouvelle de Balzac, déjà lue antérieurement, mais relue avec une expérience différente de l'œuvre. Tout simplement, Balzac réussit le tour de force de nous émouvoir et de nous charmer avec le destin malheureux d'une jeune noble, tête-à-claques et trop gâtée.



Emilie de Fontaine est une jeune fille en âge de se marier au tournant d'une situation politique particulière : nous sommes sous la Seconde Restauration, et son père a participé à la guerre des Vendéens contre la République. Il y a perdu beaucoup d'argent, mais heureusement, après les Cent Jours, il revient en faveur auprès du roi Louis XVIII, qui apprécie sa fidélité et son esprit.

Toutefois, le Comte a trois fils à placer et trois filles à marier, la dernière n'étant pas la plus facile, de par ses goûts et prétentions. En effet, Emilie est habituée depuis toute petite à obtenir tout ce qu'elle veut. Elle s'est fait une représentation très élevée du prétendant qui trouverait grâce à ses yeux : outre des qualités physiques et morales exemplaires, il devra impérativement être noble, et si possible, pair de France. Elle est cruelle par esprit et éconduit dans la douleur de nombreux jeunes gens. Elle est malgré tout appréciée pour sa beauté et son éducation, sinon sa gentillesse et sa modestie ! Lors d'un séjour à la campagne, elle se rend par amusement au bal de Sceaux, divertissement réputé dans la région, et rencontre un mystérieux jeune homme, qui répondrait à tous ses vœux, si toutefois elle avait l'assurance qu'il soit de "bonne famille". Toute la famille Fontaine se passionne pour l'affaire, jusqu'à son oncle, vieux corsaire, qui prend les renseignements voulus et manœuvre pour que sa nièce chérie obtienne satisfaction. Emilie saura-t-elle conjuguer l'amour qui vient de naître entre elle et Maximilien avec ses ambitions, et au besoin reconsidérer celles-ci pour faire le mariage heureux qu'elle attend ?



Nous suivons, captivés et quelque peu blasés, les démarches d'Emilie et de son oncle - quel sacré personnage, cet ancien marin qui n'a rien perdu de son franc-parler ! - pour en apprendre plus au sujet de la situation sociale et financière des Longueville, famille à laquelle appartient Maximilien, jeune homme doué de tant de qualités, à commencer par sa générosité, et sans doute appelé avec un peu de temps à un brillant avenir.

C'est à la fois un milieu social qui nous est ici évoqué avec précision, un mode de vie, dans une marche un peu forcée vers la modernité, avec les freins que cela suppose chez la vieille noblesse consciente de ses prérogatives, ou du moins celles qu'elle devrait conserver. Emilie pourrait être une brave jeune fille, mais elle a de toute évidence été un peu victime de son éducation, son caractère fier et vif aidant. Elle est capable de s'amender, de se faire aimer, mais il faut peu de choses également pour que, dans ce monde, elle s'aliène les bonnes volontés de par son esprit caustique qu'elle ne sait pas museler, dans les moments les plus stratégiques. On aurait vite fait de penser qu'elle n'a que ce qu'elle mérite, mais attention : c'est à Balzac qu'on a affaire ! Par la subtilité de son analyse et l'admirable capacité de son écriture à examiner et à nuancer tous les événements, nous ne pouvons être que charmés par cet éveil à l'amour, la chance de bonheur qu'il offre, la symbiose dans laquelle il place les jeunes amoureux avec la nature resplendissante en cette belle saison - comme nous serons émus par la mélancolie qui se dégage ensuite des choix d'Emilie, qui ira pourtant bravement jusqu'au bout de ses convictions.



Balzac nous offre une belle réflexion sur la place du bonheur individuel au sein d'une caste sociale, ainsi que sur l'importance de l'éducation des jeunes gens, pour qu'une certaine humilité offre davantage de chances de bonheur.
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La vendetta

J'ai lu facilement et rapidement cette nouvelle assez conséquente qu'est La Vendetta (83 pages dans mon édition Folio classiques).



Balzac y met en scène une famille corse - le père, la mère et la fille, arrivant à Paris sans le sou suite à une vendetta où leur famille a été exterminée, mais surtout la famille ennemie, les Porta. Après que Napoléon leur est venu en aide, conformément à l'honneur et à la tradition corse, tout en avertissant Bartholoméo di Piombo qu'en France de telles pratiques ne sauraient être tolérées, la famille s'installe dans une certaine aisance, et coule des jours heureux. Ginevra, dont le caractère fier et emporté rappelle celui de son père, a désormais 25 ans, mais n'a pas songé jusque-là à quitter ses parents.



Du reste, lorsqu'elle rencontre un jeune soldat de Napoléon - l'intrigue se passe juste après les Cent jours, alors que ceux qui ont pris part au retour de l'Empereur sont traqués et condamnés à mort - caché par le peintre aux cours de qui elle assiste, Servin, cela provoque un drame familial. Bartholomeo ne supporte pas l'idée que sa fille aime un autre que lui. Oui, mais voilà, lui et sa femme ont élevé leur fille en la gâtant, elle est leur égale, et parvient à leur faire accepter de rencontrer l'homme qu'elle aime.



Quelle ne sera pas leur horreur lorsqu'ils apprennent son nom ! Les deux jeunes gens n'ont plus qu'à vivre de leurs propres forces et expédients, et faire face aux rigueurs de la pauvreté, armés de leur seul amour. Bartholoméo saura-t-il pardonner à Ginevra ?



Je deviens familière des "ambiances à la Balzac" : ici, la peinture domine toute la première partie de la nouvelle. Quel régal que d'observer ce microcosme des leçons de jeunes filles, la cruauté dont elles peuvent faire preuve entre elles ! Si bien de son temps, Balzac est de tous les temps, lorsqu'il nous décrit le terrible clivage politique engendré par la Restauration, jusqu'au sein des familles, où l'on se déchire parce qu'on est d'un bord ou de l'autre.



Comme justement Luigi Porta (ou da Porta) fait partie des fidèles soldats de Napoléon, et de l'entourage de Labédoyère, qui fut condamné à mort (nous en avons l'écho au sein de cette société close qu'est l'atelier de Servin), j'ai apprécié ce rappel d'une époque historique qui m'a intéressée récemment, avec le mythe des Grognards, ceux qui étaient revenus de Waterloo, et encore avant des campagnes militaires précédentes.



Je suis moins convaincue par l'idéal corse, ce sens aigu et orgueilleux de l'honneur, cette religion de la vengeance qu'est la vendetta - comme le dit Bartholomeo : "nous les Corses, nous nous expliquerons directement avec Dieu". Toutefois, je ne peux que constater que Balzac fait encore du grand art en produisant des scènes, des portraits contrastés, d'une force passionnée, virulente ; ce faisant, autant qu'il nous entraîne sur leurs traces et nous confond avec leurs émotions, il nous offre toujours cette incroyable puissance d'analyse, ce recul sur l'âme humaine, avec des phrases d'une netteté redoutable, d'une poésie sensible, qui font mouche et qu'on n'oublie pas.
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Jésus-Christ en Flandre

Cette nouvelle assez brève est pour le moins déroutante, en ce qu’elle se compose de plusieurs fragments, assemblés les uns aux autres à différents moments entre 1830 et 1831, moyennant quelques phrases de transition.



La partie rapportant la légende flamande du Christ, embarqué incognito avec d’autres passagers pour passer le canal entre l’île de Cadzant et Ostende, est marquante. Nous sommes en présence d’un batelier, marin fier et chevronné, et de ses rameurs, à l’arrière se tiennent divers personnages nobles ou bourgeois, mais tous suffisants et égoïstes ; devant sont assis de pauvres gens, qui représentent les couches les plus laborieuses de la société. Avec eux s’assoit spontanément l’inconnu qui était en retard, lequel offre au départ une peu reluisante apparence. Lorsque le bateau s’avance sur les flots, Ostende n’est pas loin, mais une terrible tempête se lève…



Balzac nous permet par sa science de l’observation d’assister aux différentes réactions des personnes en présence face au danger, et peut-être à la mort. Seul le commandant du bateau reste imperturbable, habitué qu’il est à lutter contre les éléments. L’inconnu garde également un calme notable, encourage certains ou certaines. La scène est campée à grands traits, avec des effets de contrastes et de couleurs qui rappellent fortement la peinture flamande. Le croirez-vous ? Un tableau de Jan Brueghel l’Ancien s’intitule justement Le Christ dans la tempête sur la mer de Galilée, scène également représentée par Rembrandt. Ce n’est guère étonnant, on connaît la forte appétence de Balzac pour l’art pictural.



La suite du texte nous ramène à un narrateur fictif qui s’apparente peu ou prou à l’auteur, et dérive vers une fantasmagorie : tout d’abord, il entre dans une église au bord de la mer, et assiste à une « danse des pierres », c’est-à-dire que les colonnes et sculptures de l’église s’animent et le plongent dans un état second, au bord du délire. Puis une vieille femme l’entraîne dans une sombre soupente, où il conçoit une allégorie de l’Église pervertie par ses richesses, avec une morale toute chrétienne, qui en un sens, bien que cela soit fort décousu, donne une clé de lecture plus approfondie de la légende. Une idée couramment répandue, qui a inspiré L’Idiot de Féodor Dostoïevski, est que si Jésus-Christ revenait parmi les hommes nul ne le reconnaîtrait ; peut-être même le tuerions-nous une seconde fois. Idée à méditer…
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L'élixir de longue vie (précédé de) El verdugo

Critique sur L'élixir de longue vie seul :



J'ai dévoré cette nouvelle brillantissime, mais il est vrai que j'ai toujours été intéressée par la figure de Don Juan, notamment le personnage de Molière, auquel Balzac se réfère.



Dans une construction inversée des plus machiavéliques, Balzac fait de don Juan le jeune et séduisant fils d'un vieillard qui tarde à mourir, et qui, lorsque le moment vient, se méprend sur le sentiment de son fils et lui demande de le ressusciter avec l'élixir magique qu'il a conservé toute sa vie. Il a été un père aimant, indulgent, mais le résultat de son éducation est que le jeune Juan est égoïste, viveur, et surtout peu tenté de voir son père prolonger son existence...



Ensuite, eh bien, c'est la vie du don Juan "grand seigneur méchant homme" connu de tous que nous dépeint avec talent Balzac, vu surtout à travers son esprit libertin et son irréligion. Don Juan épouse dona Elvire, jeune Andalouse pleine de vertu, ils ont un fils nommé Philippe, et lorsqu'il arrive à la fin de sa vie, don Juan a tout prévu pour revivre, mais les choses se dérouleront autrement.



Il y a en germe dans cette nouvelle plusieurs thèmes balzaciens, comme la figure du père aimant ainsi que celle du Père Goriot, et la malédiction de l'immortalité que nous retrouverons dans La Peau de chagrin. Le sujet de don Juan donne à Balzac l'ampleur d'une cathédrale dans le volume d'une alcôve. L'écriture est éblouissante, ainsi cette scène de la triste mort du père de don Juan, ou encore la cérémonie finale de sanctification après le "miracle". Comme toutes les études philosophiques, la réflexion spirituelle ne manque pas, mais Balzac est également féroce dans l'observation des mœurs humaines, ici vers 1506 à la cour de Ferrare, cour raffinée mais cruelle et dissipée.



Je mettrais un seul bémol : celui de déployer un talent fou dans des moments étirés, les scènes dont j'ai parlé, mais de passer vite sur des aspects constitutifs du mythe, notamment ses relations avec les femmes. Il est vrai qu'une nouvelle ne permet guère de développer tout ce qu'on aimerait, et qu'il est contraint de styliser le récit, cela n'empêche donc pas un coup de cœur.
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L'Auberge rouge

Il ne s'agit pas à proprement parler d'un récit divertissant, mais comme toujours chez Balzac, la vivacité du style est telle qu'on se représente vraiment la scène et qu'on marche à fond dans l'histoire.



Cette nouvelle relativement longue (une soixantaine de pages) compte parmi les Etudes philosophiques de la Comédie humaine : il ne s'agit donc pas tant de narrer un acte fort, au travers de trois récits imbriqués, que de restituer un cas de conscience insoluble. Un jeune narrateur se trouvant à une soirée entend de la bouche d'un Allemand une histoire effrayante survenue en 1799, pendant la guerre en Allemagne, dans la région de Coblenz. Dans la petite ville d'Andernach, deux jeunes chirurgiens militaires en mission font halte dans une auberge dont les murs extérieurs sont peints en rouge. L'auberge est pleine, ils doivent dormir dans la chambre de l'aubergiste, avec un riche voyageur allemand muni d'une valise contenant cent mille francs en or et diamants. L'un des deux Français rêve de tuer le voyageur et de s'emparer de son bien, mais il se reprend et finit par se coucher. Seulement, au matin, l'homme est bel et bien mort, et le jeune homme arrêté...



Cette première partie est intense et saisissante, aussi bien par l'ambiance que par les sentiments, l'égarement du jeune homme, mais aussi cette sorte de rédemption qu'il trouve en lui-même, après avoir dompté un projet criminel. Il se confie dans sa cellule à Hermann, l'Allemand qui relate cette histoire à une soirée, lequel est sûr que ce prisonnier, Prosper Magnan, est innocent. C'est seulement des années après que le narrateur a connaissance des faits, et établit secrètement un lien avec un homme présent à la même soirée - homme riche et père de la jeune fille qu'il aime.



Que faire ? Doit-il s'interdire de revoir la jeune fille ou se laisser aller à un amour somme toute légitime ? C'est toute la question qui se pose dans une deuxième partie plus brève, à travers un débat entre de "bonnes âmes", étalé avec une ironie tranchante coutumière de l'auteur, qui sait comme personne épingler la conscience fluctuante de son époque capitaliste (le mot est de lui). Encore une grande réussite, même si certains éléments sont un peu télescopés et manquent de réalisme. J'aime bien aussi ce genre typique de la littérature du XIXème siècle, qu'on retrouvera chez Maupassant notamment, du récit fait à un dîner, puis discuté par les invités.
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Le Réquisitionnaire

Critique sur Le Réquisitionnaire seul :



J'ai aimé cette nouvelle, qui n'est peut-être pas des plus mémorables chez Balzac, mais qui déploie un vrai charme dans la narration et l'étude de personnages, et qui est accessible. Décidément, cette époque de la Révolution réussit bien à l'auteur, même s'il a un style un peu hors normes pour un romancier historique. Il se soucie de justesse et de vérité historique, mais il suit aussi ses passions, ici la théorie psychologique, voire parapsychologique, selon laquelle deux âmes séparées dans l'espace peuvent communiquer et coïncider l'une avec l'autre.



Ici, nous découvrons une femme noble sous le régime de la Terreur : elle attend son fils, seul être qu'elle ait vraiment aimé, car bien qu'elle ait de nombreux soupirants, cette femme exemplaire en tous points de vue est indifférente aux sentiments des autres. Elle n'a pas été heureuse en mariage, son amour s'est reporté sur son fils, qui a émigré comme beaucoup de nobles au moment de la Révolution. Elle-même est revenue vivre à Carentan, plus discrètement malgré son immense fortune, pour sauvegarder sa situation afin que son fils ait des biens. Elle s'est parfaitement intégrée dans les cercle des notables de la ville, y compris plusieurs bourgeois importants, fonctionnaires du Régime, qui la courtisent. Elle a pris pour habitude de recevoir cette société tous les soirs, mais ce soir-là, on trouve porte close.



Comme nous sommes en province, dans une petite ville, on s'interroge, les commentaires vont bon train : il paraît qu'elle est malade ? Mais c'est bizarre, sa servante a acheté un lièvre au marché... On l'espionne, tant et si bien que ses amis lui demandent d'ouvrir sa maison de nouveau pour qu'elle ne soit pas soupçonnée. Elle qui a reçu une nouvelle de la part de son fils, que va-t-elle faire ? Peut-être le salut viendra-t-il d'un de ces soldats qui arrivent en ville, et viennent chercher un billet de logement chez l'habitant, la réquisition ? En attendant, elle doit faire bonne figure pour ne pas éveiller les soupçons.



C'est un récit qui se lit en un éclair, on est vraiment pris dans l'univers de cette femme, et ce thème de la maternité est heureusement traité par Balzac, qui savait comprendre les femmes et restituer leur sensibilité (je ne dirai pas qu'il était féministe pour autant, car il était plutôt réactionnaire). En peu de pages, nous suivons les émois de cette femme qui attend son fils dans un contexte dangereux, ainsi que les réactions de plusieurs personnages qui gravitent autour d'elle et devinent un peu de ce qui se passe. Tout est posé d'une manière claire et vivante, et les surprises nous attendent. Même si l'illustration de la théorie que démontre Balzac m'a paru un peu tirée par les cheveux, c'est touchant. Un bon moment de lecture, une fois que j'ai pu enfin avoir le temps de m'y plonger.
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Le Chef-d'oeuvre inconnu

Lecture ô combien mystérieuse que ce Chef d'Œuvre inconnu, riche à la fois de pistes multiples, évasif, qui laisse un goût d'inachevé.



Même le titre peut laisser libre cours à des interprétations multiples. Balzac situe l'intrigue en 1612, et nous plonge dans les secrets des ateliers de deux peintres de l'époque, un bien installé, Pourbus, le second en devenir, jeune et passionné, mais passablement désargenté, Nicolas Poussin. Entre les deux, un maître, dont les capacités semblent au-delà de ce qu'ils peuvent même concevoir en art, ce Frenhofer habité par son œuvre, dont le délire semble être de lui donner vie. Nous effleurons le mythe de Pygmalion, et d'une certaine manière, je retrouve le Balzac féru d'alchimie et de sciences occultes, mais peut-être est-ce en cela que la piste tourne court, car ces vapeurs fantastiques sont vite dissipées, pour laisser entendre que Frenhofer est tout simplement devenu fou.



Depuis dix ans, la peinture à laquelle il travaille n'a jamais été vue, on devine donc qu'avec l'incroyable génie de peintre dont il a livré une ébauche, et les recherches patientes d'une vie d'artiste, il doit être parvenu à un degré de vérité, d'absolu, qui ne peut que déclencher la plus intense curiosité. Du modèle, cette fameuse courtisane du nom de Catherine Lescault (un clin d'œil à Manon Lescaut ?) on ne saura du reste rien, car elle ne pose plus depuis longtemps pour le peintre, qui semble ne faire que peaufiner seul sa peinture dans le secret de son atelier ; ce n'est pas le moindre mystère dans cette nouvelle étonnante.



Balzac, en grand touche-à-tout qu'il était, passait pour un critique d'art estimé : il n'est donc pas étonnant que pour sa Comédie Humaine il se soit penché sur les affres de l'art pictural. De son époque, Delacroix serait le peintre scandaleux le plus en vue - pourtant, à la façon dont il dépeint si minutieusement et si justement les touches de peinture, la façon idéale de modeler les volumes, et surtout de représenter les formes par une sculpture d'air et de lumière, il m'a furieusement évoqué les Impressionnistes - sinon que ceux-ci travaillaient de préférence dehors, et qu'au contraire, la Belle Noiseuse ne connaît que les murs de l'atelier du peintre. Serait-il visionnaire ?



Un bémol sur le personnage de Gillette, la fiancée de Poussin, qui campe une figure de "groupie" transie, inquiète de finir par être délaissée par son amant pour son art, mais prête à tout lui sacrifier ; elle n'a finalement que peu d'importance, ne posera pas pour Frenhofer comme annoncé, car elle ne sert que de sésame pour entrer dans l'atelier de ce dernier. Il est dommage que le potentiel du récit ne soit pas mené complètement à son terme, mais Balzac nous laisse en une rêverie trouble qui nous porte loin, et sans doute longtemps après la lecture.
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