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Critiques de James Lee Burke (574)
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Vers une aube radieuse

Avec pour titre " Vers une aube radieuse ", le roman annonce la couleur de l'ambiance : noire.

La vie des mineurs dans les Appalaches, dans les années qui suivirent la seconde guerre mondiale, n'est guère plus enviable que la vie des mineurs de Germinal. C'en est une version américaine pour la violence, pour les croyances mais avec la nature toujours présente en toile de fond.

L'écriture du roman est nerveuse : un pas vers une vie radieuse, trois pas vers une descente aux enfers.

James Lee Burke nous fait partager la déchirure du jeune personnage principal entre le maintien de l'esprit familial dans cet enfer ou s'enfuir vers des hospices radieux (goût de l'Amérique).

Ce qui m'a étonné dans ce roman noir, ce n’est pas que les propriétaires des mines, les syndicalistes et la religion soient pourris car c'est base des romans noirs, mais que tous les fonctionnaires : Shérif, travailleurs sociaux, instructeurs, soient intègres et appliquent l'esprit des lois.

Le roman m'a plu pour le style d'écriture, ainsi que pour la découverte de cet épisode de l'histoire des Etats-Unis et de cette région.

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Dans la brume électrique avec les morts confédérés

Aujourd’hui, au cours d’un « échange littéraire avec une collègue, je déclare que je viens de terminer un livre de James Lee Burke, et je me hasarde à décrire ce roman comme étant un thriller. Ce à quoi mon amie répond par une grimace (apparemment, elle n’apprécie pas le genre « thriller »), je la rassure en lui disant qu’il ne s’agit pas d’un thriller aux scènes parfois insoutenables à l’instar des écrits de Grangé ou Chattam (que j’aime beaucoup d’ailleurs) , non, non, loin de là… Et cette affirmation m’a amenée à réfléchir : quel était le but de James Lee Burke ? certainement pas vendre de la sensation forte, du suspens à rester coller au livre, mais plutôt, à travers une intrigue faisant office de fil conducteur, il nous raconte La Louisiane qu’il aime tant, décrit des paysages, nous amène à faire connaissance d’ une population, évoque des problèmes de société réels .

Passons à l’intrigue : Dave Robicheau, policier, arrête Elrod Syke qui conduit en état d’Ebriété. Ce dernier déclare avoir vu dans le marais, le corps momifié d’un homme noir enchaîné. Dave Robicheaux se sent alors interpellé car il a été témoin, 35 ans auparavant, d’une scène de meurtre à l’encontre d’un homme noir au même endroit. Par ailleurs, le cadavre d’une jeune femme est retrouvé, atrocement mutilé. Une enquête commence, menée par Robicheaux et le FBI. Au cours du roman, Dave s’entretient régulièrement avec le John Bell hood, mort en 1879, général ayant combattu dans les rangs de l’armée des états confédérés. Je me suis à plusieurs reprises demandée si ces conversations faisaient partie des rêves du policier, ou si, survenant toujours par temps orageux (d’où le titre du roman) elles appartenaient au domaine du fantastique, Je pense finalement que c’est au lecteur de décider quoique certains éléments que je tairais, pourraient être considérés comme prouvant l’aspect surnaturel du phénomène. Le général, quelle que soit la situation, joue un rôle de conscience du policier.

Le personnage de Dave robicheaux mérite qu’on s’y intéresse, je me suis délectée en lisant les dialogues dans lesquels intervenait ce personnage tour à tour perspicace, fougueux, tendre, coléreux, déterminé trouvant toujours la réponse qui va convaincre.

J’ai beaucoup aimé ce roman pour les descriptions des paysages de Louisiane, les dialogues savoureux, même si certains passages étaient parfois un peu difficiles à lire en raison des pages d’écriture très denses auxquelles s’ajoutent les dialogues réguliers des cajuns pas toujours facile à déchiffrer. Ce qui m’a tenu en haleine, c’est le lien que je ne parvenais pas à faire entre l’homme noir trouvé mort dans le bayou, les meurtres successivement découverts, la présence d’une bande de mafieux sévissant dans la région. Un excellent roman que je conseille vivement.


Lien : http://1001ptitgateau.blogsp..
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Les jaloux

Le père Noël ayant ( entre autres ) déposé ce roman sous le sapin , je me suis empressé de le lire pour le remercier ou lui dire que c'est vrai , " Le père Noël est une ordure " . Ouf , mon éducation en aurait " pris un coup " mais je dois dire que j'ai passé dans ce roman des heures confortables et n'ai jamais senti le moindre ennui dans ce beau bébé de plus de 400 pages .Evidemment , il y a la phrase d'un certain Dennis Lehane , une " pointure ", mais sait on jamais . Et bien ,j'ai adoré cette plongée dans une Amérique des années 50 qui , boom du pétrole oblige ,voyait ou croyait voir s'allumer tous les feux verts d'une ère heureuse . Et pourtant ,une balade , une violente dispute , une intervention en faveur d'une jeune fille et voilà Aaron embarqué dans des querelles incroyables contre le clan de Garry Harresson . Duel sur fonds de drogue , de trafics , de corruptions , orgueil démesuré , obstinations , inflations dans la haine entre les nantis et mafieux et ceux qui osent se mettre sur leur chemin .

Tout cela ne pourra se régler que dans le drame et le sang même si l'honneur , l'amitié , la solidarité ne seront pas absents du propos .

C'est un roman qu'on ne peut pas lacher , dans lequel on va forcément s'impliquer pour ce combat entre bons et méchants . Pas si simple , du reste , le gris étant plus de mise que le blanc ou le noir .Des rapprochements , des divergences et un point final des plus terribles et violents .Un trés bon roman noir plein de subtilités . Une bonne pioche . Trop fort , le Père Noël !

A bientôt chers amis et amies .
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Les jaloux

James Lee Burke mène de front deux séries, dont la plus célèbre et la plus prolifique est celle consacrée à Dave Robicheaux. « Les Jaloux » est le dernier opus d’une série moins connue, mais tout aussi réussie, consacrée au clan Holland, dont Bob et Hackberry Holland sont les protagonistes les plus saillants.



À l’instar d’« Une cathédrale à soi », le très beau dernier volet des aventures de Dave Robicheaux, « Les Jaloux » nous propose un voyage dans le passé et nous emporte dans une époque aussi disparue que fantasmée : celle des années cinquante. Ce moment magique, où l’Amérique, auréolée de sa victoire contre l’hydre nazie, découvre la prospérité qui marquera les trente glorieuses, tandis que souffle un vent de liberté incarné par le succès du bebop et la naissance du rock’n roll.



1952, Houston, Texas. Aaron Holland Broussard a à peine dix-huit ans et emprunte la voiture de son père pour aller se promener à Galveston, au bord de la mer. La fin de l’adolescence d’Aaron coïncide avec l’insouciance des fifties, l’époque des grosses cylindrées, des drive-in, du rockabilly que jouent les juke-box. Le rêve américain dans toute sa splendeur.



Le destin du jeune héros bascule lorsqu’il surprend une dispute entre Valerie Epstein, une beauté de dix-sept ans et son petit ami Grady Harrelson. Aaron, qui porte la Chanson de Roland au creux de son âme, tient tête à Harrelson en même temps qu’il tombe éperdument amoureux de Valerie. Le jeune homme ne le sait pas encore, mais le temps de l’insouciance vient de s’achever. Harrelson appartient en effet à une famille aussi puissante que malfaisante, qui entretient des liens troubles avec la mafia, et ne supportera pas sans ciller l’intervention du nouveau chevalier servant de Valerie.



« Grady se tenait à côté de moi, la respiration difficile, les yeux fixés sur Valerie, comme les miens, sauf qu’il y avait dans les siens une expression de perte définitive qui me faisait penser à une lame de fond, comme celles qu’on voit monter des profondeurs quand une tempête s’apprête à engloutir les terres. »



Le déchaînement de violences que va déclencher l’intervention d’Aaron permet à James Lee Burke de dévoiler les zones d’ombre du rêve américain et de démystifier l’âge d’or de toute une génération. Accompagné de son fidèle ami Saber Bledsoe, notre jeune héros ne se dérobera pas face aux provocations fomentées par Harrelson, et va découvrir la face sombre d’une Amérique gangrénée par un racisme endémique, qui panse encore les plaies suppurantes de la guerre de Sécession.



Fils unique d’une famille à la fois aimante et dysfonctionnelle, Aaron est sujet à des black-outs récurrents, qui évoquent la transe que connaissent les alcooliques, et ne laissent que des souvenirs épars au jeune homme. Face à l’agressivité des relations mafieuses de la famille Harrelson, notre héros se découvre une aptitude étonnante à la violence. Lorsque le voile rouge tombe, une rage inextinguible s’empare du jeune homme, et le conduit à casser la gueule des lâches qui ont eu le malheur de le provoquer.



« Les Jaloux » nous conte le passage à l’âge adulte de son jeune héros qui découvre l’amour, le vrai, avec une jeune fille juive au caractère bien trempé, protégée par un père aimant dont l’inclination pour la violence ne laisse pas d’inquiéter. L’histoire d’amour entre les deux jeunes gens est une métaphore de ces fifties heureuses, lorsque le jeune couple se promène le long de la mer, va au cinéma, ou danse dans le cadre idyllique et insouciant d’une Amérique rassérénée par sa victoire sur l’axe du Mal et le boom du pétrole.



La rencontre involontaire avec la famille Harrelson marque la fin définitive de l’enfance du héros, qui va devoir affronter la méchanceté sans limites d’une famille qui se sait au-dessus des lois, protégée par une police corrompue qui n’ignore rien de ses liens avec la mafia. Aaron devra surtout faire face à ses propres démons et découvrira la peur, la vraie, celle de perdre ceux qui lui sont chers, et se trouvent, eux aussi, dans le collimateur des gangsters malfaisants qui sèment la terreur dans le sud du Texas.



James Lee Burke nous plonge dans l’atmosphère à la fois trouble et insouciante d’une époque devenue mythique. « Les Jaloux » nous rappelle à travers la figure du père d’Aaron, un homme droit et alcoolique, décoré pour son courage lors de sa participation à la première guerre, que les démons les plus terrifiants sont ceux que nous portons au creux de notre âme.



Si l’intrigue est menée tambour battant, la lecture du roman nous rappelle à quel point l’auteur possède ce don unique de poser le décor, de déchirer le voile d’innocence des fifties, de faire surgir l’odeur d’un orage qui gronde au coeur de la nuit, d’arrêter le temps en insérant un instant de poésie pure dans une prose enlevée.



« Une rafale de vent chaud emporta dans le ciel les journaux le long du boulevard. À l’ouest, une lumière orange saignait les nuages, l’horizon s’assombrissait, les vagues s’écrasaient sur la plage juste de l’autre côté de Seawall Boulevard, les palmiers émettaient un bruit sec dans le vent. Je sentais l’odeur du sel, des algues et des minuscules coquillages desséchés sur la plage, comme une odeur de naissance. »



Je me demande parfois pourquoi je lis autant de romans noirs, et lorsque je vois à travers les pages la lumière orangée du soleil couchant, que j’entends le bruit des vagues, le vent qui fait tanguer les palmiers, que je sens l’odeur des algues salées, cette odeur de naissance qu’évoque James Lee Burke, je pense avoir trouvé ma réponse.



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Une saison pour la peur

Exemple typique de critique partisane totalement assumée .

James Lee Burke , j'aime . Son univers focalisé sur la Louisiane , j'aime . Son héros récurrent , j'aime , de façon platonique mais quand même . Dans un tel contexte , difficile d'écrire quoi que ce soit de partiellement objectif vue l'affection et la tendresse portée à un bonhomme s'étant forgé au gré de ses divers harassants petits boulots alimentaires pour finalement se trouver considéré à juste titre comme l'un des écrivains majeurs des United States of America d'Amérique , c'est dire...



Quatrième opus de la série Dave Robicheaux dit belle mèche , Lee Burke délocalise et ce sera le seul et ultime petit bémol . Friand des bayous humides recelant moults dangers aquatiques méchamment prisés en maroquinerie , c'est à la Nouvelle-Orléans que Robicheaux aura ici fort à faire , ayant été missionné par la FSPS ( force spéciale présidentielle sur les stupéfiants , what else ? ) pour infiltrer la mafia en approchant au plus près le parrain local , tonton Toto , enfin Tony Cardo plus précisément avec tous les risques que cela présente . Parallèlement , il se fera fort de retrouver un vil salopard qu'il convoyait il y a peu et qui , au prétexte d'être allergique à la tôle et ne voulant visiblement pas élargir le cercle de ses amis , aura sournoisement tenté de le dessouder ! Y a plus de respect tiens...

Ajoutez-y un amour de jeunesse retrouvé , un bon p'tit gars visiblement injustement accusé qu'il tentera de disculper , secouez , dégustez en écoutant un bon petit blues , de préférence...



Du Lee Burke pur jus !

Ce qu'il y a de bien avec l'auteur , c'est cette récidivante absence de tout manichéisme dégoulinant .

Tous ses protagonistes , qu'ils soient bons ou mauvais , présentent d'abyssales fêlures côtoyant d'insondables puits de tendresse .

Le récit est habile , puissant et totalement addictif dès les premières pages . D'une écriture ténébreuse et pleinement immersive , Lee Burke , comme à son habitude , fait la part belle à un espace géographique qu'il dépeint toujours admirablement .

Un polar envoûtant tirant magistralement sur le thriller ( un thrillar donc :) tant les rapports Robicheaux / Cardo illustrent à merveille le pervers jeu du chat et de la souris , le chasseur n'étant pas forcément celui que l'on croit .

James Lee Burke , la patte d'un très grand .



Une saison pour la peur : sale temps en Louisiane .

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New Iberia Blues

Vous le savez, je suis une inconditionnelle de James Lee Burke et de Dave Robicheaux. Je suis une inconditionnelle du lyrisme de l'auteur lorsque 'il s'agit de la faune, de la flore, des bayous, des marais, des odeurs, de l'alcool et de la musique. Les Cajuns, les Acadiens, les Blancs, les Noirs, les vivants et les morts, les fantômes que tous ces gens portent en eux, oui je suis une inconditionnelle. Mais avec "New Iberia Blues", j'ai vécu comme une histoire de fin. Robicheaux a, plus ou moins, 75 ans, Purcell tout autant j'imagine et j'ai ressenti un trop immense sentiment de déjà vu , ce qui a gâché quelqu'un peu mon plaisir de lecture. La religion, la violence, le remords, la spiritualité, toute cette métaphysique m'a quelque peu agacée. Sincèrement, je crois qu'il y a un temps pour tout. Je crois aussi qu'au bout de ce tout, une retraite s'impose parfois . Une retraite admirable sans feux d'artifices. Noble. C'est ce que je souhaite à Dave Robicheaux. Pour le mieux.
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Bitterroot

Un chapitre et tout est joué. On est imprégné après quelques pages.

On sent bien q'elle est là la violence aussi vicieuse que latente. Elle est assise dans un bar enfumé ou sur le tabouret d'un snack. Elle est portée par le vent, tapie dans la forêt ou encore, elle suit le courant de la rivière. Elle est bien enracinée. L'Ouest américain habité par ses ombres, très sombres. Et les racines de Bitterroot, oui, en plus d'être amères, elles sont de sueur et de sang.

James Lee Burke a une recette.

Et elle prend.

Aux tripes et à la gorge.

En même temps.
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Robicheaux

Ha le bonheur de retrouver Dave Robicheaux, Clete Purcel, et leurs démons vivants ou fantômes. Le bonheur de retrouver l'atmosphère, les odeurs, la flore et les habitants de la Louisianne. Le bonheur (oui malgré tout) de retrouver ces êtres malsains, bons, cupides ou honnêtes. Oui c'est toujours un pur bonheur car je suis une inconditionnelle amoureuse de James Lee Burke, de Robicheaux et de la Louisianne. Cet opus n'est pas différent de tous les autres de la série Robicheaux. On connait la recette. On connait ce qui s'en vient, on sait comment tout ça va finir, bref on a déjà vu. Mais on apprécie le lyrisme de Burke, sa façon de nous dire l'histoire de cet état et de ses habitants et surtout, le respect qu'il leur porte. Ces âmes qui rôdent, toujours présentes. Cette folie bien louisiannaise qui marque le quotidien et les convenances. Oui, tant que Robicheaux vivra, j'y reviendrai.
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Black Cherry Blues

C'est le livre du sac trop lourd à porter que l'on ne peut poser nulle part. C'est le livre du remord, de la culpabilité, des deuils non faits, mais aussi de la haine et la violence, de l'amour et de l'affection, de l'amitié. Burke est doué pour cela, il fait porter au lecteur la misère qu'a Robicheaux sur l'épaule, afin de le soulager. Il fait partager au lecteur sa rancoeur, sa haine, sa vengeance, mais aussi ses peines et son honnêteté foncière et irrévocable.

Traqué, abaissé, ruiné, avili, meurtri, blessé, Robicheaux ne change pas un iota de sa conduite, buté, teigneux, mais résolu et honnête. C'est lui qui sait, qui a raison. Et qu'est-ce que ça veut dire, d'abord, de menacer une gamine avec une seringue hypodermique souillée et, ensuite, de l'observer dans la cour de recréation de son école ?

Il aura une aventure de passage avec une jeune et belle indienne aux tresses noires, dont il tombera amoureux, qui paiera de sa vie d'avoir deviné l'indicible. Cletus, le vieux comparse de Dave, qui lui aussi aime cette belle Darlene, se trompera de cible, éliminera un affranchi qui s'avérera ne pas être le bon alors que Dave, lui sait...

De page en page, l'intrigue se fait plus prenante, montant à la gorge à vous étouffer, jusqu'à l'insoutenable et la délivrance. Robicheaux ira jusqu'au bout de ses doutes, de ses peurs, de ses convictions les plus intimes pour arriver à ne plus souffrir de rêveries qui l'empêchent de dormir. Il lui faudra une force surhumaine pour ne pas replonger dans ce premier verre qui est le triste détonateur du retour à l'alcoolisme, démon qui l'habite dans son tréfonds, prêt à jaillir comme un diable de sa boite.

Dans une plume impeccable, une intrigue haute en couleurs, des dialogues comme des coups de poing, des descriptions dignes des meilleurs auteurs classiques, Burke signe ici une oeuvre stupéfiante, généreuse et ô combien passionnante.

Que Dave Robicheaux entoure de colliers de belles-de-nuit les cous graciles des belles qui ne hanteront plus ses nuits.
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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New Iberia Blues

L'Acadie, comme La Nouvelle-Orléans, est pleine d'excentriques, en grande partie parce qu'elle n'a jamais vraiment été assimilée par l'Amérique. C'est un bon endroit pour être un écrivain, un iconoclaste, un bohémien, ou un alcoolique. Certains cajuns sont virtuellement incompréhensibles pour les étrangers, et cependant ils entretiennent leur accent, la structure inversée de leurs phrases, et oublient le monde extérieur. Si on le veut, l'anonymat n'est qu'à un bateau de distance. Le bassin d'Atchafalaya est le marécage le plus vaste des Etats-Unis. Pour le prix d'une péniche, on peut vivre dans des lieux qui n'ont pas de nom, car ils n'existaient pas hier, et auront peut-être disparu demain.

La modernité a été notre perte. Nos ancêtres étaient des fermiers et des pêcheurs expulsés du Canada en 1755 par les Anglais. Naturellement illettrés et pacifiques, incapables de comprendre le choc des empires, les Acadiens ont erré pendant des années avant de s'installer sur le Bayou Teche. C'est peut-être pour cette raison que nous sommes plus tolérants envers les gens qui sont différents, ou qui ont été collectivement rejetés.
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Créole belle

L’oeuvre de James Lee Burke, écrivain américain né en 1936, est surtout connue pour la série de romans noirs aux accents faulknériens consacrée à Dave Robicheaux, alcoolique repenti, ancien du Vietnam, et inspecteur à New Iberia, ville du golfe du Mexique, toute proche de la Nouvelle Orléans.



La longue saga consacrée aux aventures de Robicheaux et de son acolyte Clete Purcel, alcoolique pratiquant au physique gargantuesque, plusieurs fois décoré pour son courage au combat sur le front vietnamien, et devenu détective privé après que ses frasques eurent causé son renvoi du NOPD, évolue en même temps que son héros et peut se décomposer en deux grands volets.



Dans les premiers épisodes, Dave surnommé « Belle Mèche » retombe parfois dans ses démons alcoolisés, qui l’emportent dans un vortex d’une violence inouïe. Hanté par les années passés sur le front vietnamien, il aperçoit tantôt les fantômes de soldats confédérés qui errent dans la brume des marais de la Louisiane. Robicheaux est surtout un homme en colère contre les injustices qui frappent sa terre natale, où les grandes familles règnent tels des seigneurs féodaux d’un autre temps, et fraient en toute impunité avec la pègre.



Comme l’indique un critique dans le quatrième de couverture de « Creole Belle », le dix-neuvième opus d’une série qui en comporte vingt trois à ce jour : « A l’image des derniers enregistrements de Johnny Cash - crépusculaires - l’oeuvre de James Lee Burke semble s’obscurcir, roman après roman, pour en en devenir plus sublime encore ».



Les romans « tardifs » se font de plus en plus amples et moins nerveux, leur intrigue y est moins resserrée. Ils comportent de longs passages contemplatifs, décrivant la beauté du soleil qui se noie dans l’océan, l’odeur musquée des magnolias en fleurs, l’entrain joyeux et jazzy qui souffle encore et toujours dans le Vieux Carré, au centre de la Nouvelle-Orléans. L’auteur laisse libre cours à une forme de génie poétique qui célèbre la beauté de la Louisiane, tout en s’inquiétant de la disparition du monde de l’enfance de Dave, ce moment de grâce du rêve américain que constituèrent les années cinquante, avant la perte de l’innocence, et l’irruption d’un monde gangréné jusqu’à l’os par une cupidité insatiable.



Dave est à présent à la lisière de la vieillesse, il ne court plus ses cinq kilomètres quotidiens, ne soulève plus de fonte, et se montre plus clément envers les nombreux truands qui croisent sa route. Notre héros reste hanté par ses cauchemars de toujours, la mort accidentelle de son père sur un puits de forage, les images indélébiles des massacres commis sur des civils vietnamiens sans défense. Mais il a vieilli, subi la disparition violente de deux épouses, et c’est à présent une homme tout à la fois désabusé et apaisé qui vit avec une ancienne nonne prénommée Molly et Alafair sa fille adoptive d’origine salvadorienne.



Dans « Creole Belle », Dave se remet de sévères blessures dans une unité de soins de la Nouvelle-Orléans lorsqu’il reçoit la visite de Tee Jolie Melton, une jeune femme de couleur à la voix d’ange qui lui laisse sur son iPod des chansons qu’il est le seul à entendre, dont le blues « My Creole Belle ». Tee Jolie est censée avoir disparue, et Dave se demande si sa visite n’était pas l’un de ces rêves éveillés dont il est coutumier.



En enquêtant sur la mort atroce de Blue Melton, la petite soeur de Tee Jolie ainsi que sur l’exécution de truands locaux, Dave et Clete vont croiser la route des Dupree, famille richissime, qui semble mener un projet maléfique tout droit sorti de l’enfer de Dante. La possibilité du Mal est ici attaquée par sa face nord lorsque l’on comprend qu’Alexis Dupree n’est pas le survivant des camps de la mort hitlériens qu’il prétend être.



Si cet opus s’attarde sur la personnalité tourmentée de Clete Purcel, qui y retrouve sa fille Gretchen Horowitz, une jeune femme à l’enfance volée, devenue tueuse à gage, « Creole Belle » est surtout l’occasion pour son auteur de revenir sur les ravages causés par l’explosion de « Deepwater Horizon », une plateforme pétrolière offshore exploitée dans le golfe du Mexique.



Trop long et touffu pour atteindre la perfection de certains opus, « Creole Belle » est un roman très sombre empreint d’une poésie magnétique qui questionne le Mal absolu en abordant le génocide organisé par le troisième Reich. La beauté ineffable de la Louisiane que nous dépeint James Lee Burke y apparaît comme une forme d’avertissement crépusculaire contre la menace de la possible disparition d’un paradis terrestre menacé par la convoitise d’une caste invisible et malfaisante.

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Dixie City

Je ne suis pas du tout impartiale, je suis amoureuse et je mets donc cinq étoiles à Dixie City. Cinq étoiles parce que depuis toujours j'aime James Lee Burke et Dave Robicheaux. Cinq étoiles parce qu'ils aiment la Louisianne, ses habitants et son histoire, inconditionnellement. Cinq étoiles parce que rien n'est que blanc ou que noir chez les personnages de Burke même si souvent on a l'impression du contraire. Cinq étoiles pour l'humanisme de son justicier, pour le gros bon sens de son acolyte et fidèle ami de toujours , Clete. Cinq étoiles pour la flore, les odeurs, la cuisine, la musique et l'eau de la Nouvelle-Orléans. Pourtant, rien ne nous surprend dans la construction des tomes de la saga des Robicheaux. Tout est prévisible, tout est attendu et je donne tout de même cinq étoiles à ce romantisme teinté de gris sombre, à ce lyrisme qui me charme tant et qui fait que je reviens toujours vers James Lee Burke et Robicheaux. P. 152 "Comme je descendais Bourbon ce soir-là, non loin de Basin, l'une des anciennes limites de Storyville, l'air était rempli d'une brume mauve illuminée de néon, parfumé des odeurs chaudes de bière et de whiskey en gobelets de carton, et le ciel au-dessus de ma tête barrée par un nuage rose solitaire venant du lac Pontchartrain. La rue, fermée à la circulation automobile, était embouteillée de gens, le visage heureux et empourpré dans le tintamarre des orchestres de rockabilly et Dixieland. Des bonimenteurs en panama de paille et gilets à rayures bariolées faisaient la retape devant les rades à strip; des gamins noirs dansaient à l'intention des touristes, dans le tintement métallique des claquettes ferrées rapportées à leurs chaussures sur le béton; un orchestre de rue, uniquement constitué de Noirs, tintant de tambourins et cornant de trombones, faisait beugler Millersburg au coin de Conti; et un demi-bloc plus haut, manifestant une humeur moins hédoniste, un groupe de fanatiques religieux, munis de pancartes porteuses d'avertissement apocalyptiques, essayaient d'épingler quiconque acceptait d'écouter leur message de désespoir." Et pour toutes ces images, cinq étoiles.
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Black Cherry Blues

Patron, doublez-moi Ces Emotions Névrotiquement Transcrites, Ces Restitutions Irrémédiablement Trop Irrationnelles Qui Ulcèrent, Ebaubissent, Subjuguent...



Après une longue pause dans l’hémisphère sud bravant un cyclone tropical pour la première fois de ma vie (et la dernière fois j’espère), je reviens en métropole avec eau, électricité et internet retrouvés pour vous faire découvrir (ou redécouvrir) le livre de James Lee Burke « Black Cherry Blues », troisième d’une série de romans dont le héros cajun (francophone de Louisiane) se nomme Dave Robicheaux.



En préambule et pour mieux comprendre la personnalité de Robicheaux, l’auteur rappelle à travers quelques cauchemars de Dave qu’il a perdu sa femme dans un meurtre horrible dans un précédent roman. En outre, Dave a adopté une petite d’origine Salvadorienne Alafair, prénom de la propre fille de Burke, qui lui sert d’unique boussole lorsque sa vie ne va plus tenir qu’à un fil. Un fil d’enfer je dirais même…



Enfin, participant fréquemment aux réunions des AA, Dave a est un ancien flic qui rimait avant avec alcoolique (Ô surprise) en duo avec un certain Clete qui l’appelait gentiment « Belle-mèche ». Sympa, non !



Alors que Dave se consacre principalement à l’éducation de sa fille qu’il appelle par ailleurs petit mec (James Lee Burke adore vraiment les surnoms plutôt étranges !), un vieil ami d’enfance Dixie Lee Pugh débarque pour confier à Dave quelques secrets au sujet de deux meurtres d’indiens liés à des questions d’exploration de gaz et de pétrole dans la région.



Prenant trop à cœur les problèmes de son ancien ami, Robicheaux va jouer au flic sans en avoir les prérogatives. Et les ennuis vont lui tomber dessus comme jamais et le conduire dans le Montana près de Missoula….



Missoula, Missoula… Ne serait-ce pas la ville d’adoption de James Crumley, le grand écrivain du dernier baiser !



Comme ce dernier, James Lee Burke excelle dans l’exploration des personnages plutôt cabossés et usés par la vie et par l’alcoolisme bien entendu. Dans un style plutôt flamboyant quand il s’agit de s’extasier devant les paysages américains, James Lee Burke réussit également à alterner subtilement les phases d’introspection de ses personnages et les scènes d’action parfois violentes jusqu’au dénouement final plutôt haletant.



Même si j’ai grandement apprécié ce roman, je pense qu’il aurait été préférable de commencer par le premier opus de la série « La pluie de Néon » afin de mieux appréhender la première partie du roman.



Toujours est-il que je reviendrai explorer la bibliothèque fournie de cet écrivain américain avant ma 300ième critique, c'est certain !



A découvrir sans modération et bonne année à tous au passage.

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Dieux de la pluie

C'est avec un swing redoutable qu'encore une fois James Lee Burke frappe ! Il sait tellement nous parler d'une certaine Amérique. Avec une narration qui semble être toujours sur le même ton, l'auteur réussit parfaitement le portrait du quotidien des paumés, des loosers, des cupides, des vils, des religieux, des vrais méchants pas tout le temps mauvais et des vrais gentils pas tout le temps bons. Nous sommes au Texas où un être seul, tellement seul, le shérif Holland, retrouve les corps de 9 femmes thailandaises mitraillées derrière un église abandonnée avec, dans le ventre, des sacs d'héroïne.

Voilà nous y sommes. Attention, je trouve que Dieux de la pluie est d'une malveillance, d'une violence terrifante, toujours latente, tant verbale que physique. Tout est dur dans ce récit , dur comme le "hardpan" du Texas.

C'est un récit de la misère et de la vermine. Un récit accrocheur sur la rédemption qui ne nous réconcilie pas nécessairement avec le genre humain. Mais c'est un récit qui parle, qui est vrai, qui a du mordant où $$$ et religion s'entrechoquent et qui nous est raconté par un maître.
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Robicheaux

Bon sang , mais pourquoi n'ai je pas pu me glisser dans cette histoire ?Pour quelle raison la lecture m'est - elle devenue soporifique et ennuyeuse comme l'une de ces maudites leçons qu'il fallait apprendre par coeur pour espérer réussir une interro qui , il faut bien l'avouer , ne procurait aucun plaisir non plus . Pourtant , Robicheaux et son copain Clete occupent l'espace . Trop peut - être ? Doués , très doués, très perspicaces mais l'un et l'autre bien atteints par les malheurs de la vie . Porter la misère du monde , se vautrer dans l'alcool et autres " menus " plaisirs , la violence par exemple , qui ne résout aucun des problèmes existentiels de nos deux héros mais donne au roman une sorte de " brume " asphixiante , ankylosante dans laquelle je me suis laissé engluer . Pris au piège, baladé entre les réunions de AA , les rencontres dans des bars un peu glauques , les coups de poing , lancé aux trousses d'un étrange psychopathe , un projet de film , des riches louches , des louches pas forcément riches ,etc , bref , une sorte de " méli- mélo " hétéroclite qui m'a, à plusieurs reprises , déstabilisé au point de me laisser renoncer .A ma décharge, avouez qu'il n'est pas banal , pour un héros, de ne plus se souvenir s'il est l'auteur d'un assassinat ou non !!! Lui , non plus , n'est pas vraiment " clair " , alors , moi ....

À la fin de ma lecture , et pour mieux me situer, voire me rassurer , j'ai consulté vos avis , qui m'ont appris que , sans doute , j'avais entre les mains un livre qui n'était pas , et de loin , le meilleur de cette longue série de " Robicheaux " . Pour moi , ce roman se voulait être une découverte, j'aurais sans doute été mieux inspiré de faire connaissance avec Robicheaux ( j'adore ce nom ) et Clete dans un des opus précédents. Ceci étant, par vos avis éclairés, vous avez remis " l'église au centre du village " , chers amis et amies , cette " impression mitigée " ne viendrait pas que de moi ...Ouf ..même si je porte forcément une part de responsabilité .

James Burke est un sacré auteur , certains passages sont absolument remarquables et remarquablement écrits mais bon , voilà, je n'ai pas eu "la flamme " , une autre fois peut - être, à vous en croire ( et je n'ai aucun doute là- dessus ) , Robicheaux a séduit nombre d'entre vous . Si vous avez un titre à me conseiller , je suis preneur et je vous remercie d'avance . J'aimerais tant ne pas en rester sur cette impression négative et je compte sur vous , les " Robicheaux ' fans " pour me faire découvrir le " Robicheaux ' show ". ( Oui , c'est pas terrible mais j'ai pas trouvé mieux pour aujourd'hui ).
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Le bagnard et autres nouvelles

J'étais resté sur - La pluie de néon -, que j'avais présenté ici... un polar Nouvelle-Orléans, avec son décor et son mode de vie si particuliers et puis son flic alcoolique luttant contre ses démons et la pègre locale. Un bon polar, dont l'écriture était riche et embarquait le lecteur dans les bayous, la flore, la faune, les ciels palette de cette ancienne colonie française.

- le bagnard - était quelque part dans ma bibliothèque -, j'avais envie de lire des nouvelles plutôt qu'un roman. J'ai ouvert la première page et n'ai refermé le recueil qu'au dernier mot de la dernière short story.

Neuf petites histoires, essentiellement localisées dans le sud de l'Amérique, à l'exception de deux d'entre elles qui se déroulent en Corée du Nord et au Salvador.

Les époques varient de la Guerre de Sécession, à l'immédiat Après-guerre jusqu'au conflit nord-coréen.

Le thème n'est pas tant "la conquête du courage", comme le mentionne de manière erronée la quatrième de couverture, mais celui de l'homme face à la violence d'un monde, qu'il soit en paix ou en guerre.

Burke se contente d'observer ces hommes provoquant ou subissant cette violence.

Il ne prend pas parti.

Il ne nous fait pas la morale.

Il nous les montre... À nous "de faire de l'âme qui n'existe pas un homme meilleur qu'elle... ou pas !"

Si vous aimez Burke... et si vous voulez lire de ce bon auteur autre chose qu'un polar.

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Dans la brume électrique avec les morts confédérés

En matière de polars, il y a les auteurs dont nous achetons tous les livres, dont nous suivons avec fébrilité les publications annoncées et qui font déborder nos étagères, nos PAL et nos pense-bêtes. A l'opposé, il y a les auteurs dont les livres, depuis des années, nous font comme un clin d'oeil appuyé depuis les étals de nos librairies préférées, et pour lesquels, à chaque fois, nous nous disons à nouveau « ce sera pour une autre fois, soyons raisonnable, j'ai de toute façon dans ma PAL de quoi lire jusqu'en 2020 à raison de 40 livres par an (faites le calcul, c'est mon cas hélas) ».



Jusqu'à une date récente, James Lee Burke faisait partie des auteurs de la seconde catégorie.



Mais dans le cas présent, le grand type qui me faisait de l'oeil depuis sa couverture (si j'ose dire), avec sa silhouette dézingandé, déganzingué… désarticulée et nonchalante, avait tout de Tommy Lee Jones, le front soucieux, le sourcil préoccupé, la grimace révélant un certain accablement devant tant de malheurs en ce bas monde, mais aussi l'éclat de son étoile de shérif-adjoint fixée au ceinturon, permettant d'identifier à coup sûr le célèbre Dave Robicheaux en train d'émerger de la brume électrique des bayous louisianais.



Une seule couverture pour deux Lee, me voilà dans de beaux draps, me dis-je, et dans un titre qui de plus parle de Confédérés, on peut aussi imaginer le général Lee tapi en embuscade. C'est donc une coalition de Lee ligués qui entraîna ma décision d'acheter le livre, et tant qu'à lire du Lee Burke, autant commencer par le plus connu.



Ce bon vieux Dave irait bien refaire un tour du côté du delta de l'Atchafalaya, non pas pour revoir son premier amour qui lui donnait rendez-vous sous le chêne… mais pour tirer au clair une vieille affaire de lynchage d'un Noir dont on aurait retrouvé le cadavre momifié (sous les chaînes). Il ne voudrait pas refaire le chemin à l'envers, et pourtant, taraudé par un sentiment de culpabilité pour n'avoir pas osé dénoncer un crime dont il a peut-être été le témoin dans son enfance, il n'aura de cesse de recueillir les témoignages sur ce drame que tout le monde souhaite oublier.



En parallèle, Dave enquête sur un tueur en série dont l'identité demeure mystérieuse, se lie d'amitié avec un encombrant mais attachant couple d'acteurs hollywoodiens portés sur la bouteille, venus tourner dans la région un film sur la guerre de Sécession, est au petit soin avec sa famille proche, une sorte d'inventaire à la Prévert comportant une fille adoptive et un raton laveur, et s'amuse à jouer au chat et à la souris avec une grosse pointure de la mafia locale, son ami d'enfance Julie Balboni, fréquentation pas très fréquentable, soupçonné de tous les mauvais coups et assez bizarrement producteur du film en cours de tournage dans les bayous.



Tout cela suffirait amplement, après mixage des scènes extérieur nuit et intérieur jour, des travellings sur les bayous, les rues poussiéreuses et les façades des bars à jazz de New Iberia, à générer une excellente ambiance de polar, mais Burke ajoute à cela encore deux touches personnelles.



La première est la touche poétique décrivant le climat particulier de la Louisiane : l'humidité saturée, le frémissement « électrique » de l'air, le grondement du tonnerre, l'éclat des éclairs, les pluies torrentielles… qui annoncent et soulignent les effets tragiques et n'épargnent aucun des personnages, condamnés à ruisseler (au choix, de pluie, de sueur ou de larmes).



La seconde est le recours au surnaturel, que l'on peut regretter mais qui donne incontestablement au roman une tonalité poétique, un supplément d'âme, un caractère unique, un sentiment d'irréalité, un frisson d'inquiétude et de peur indicible, ok j'arrête là, avec l'apparition (sans autre témoin que l'ami Robicheaux) d'un officier sudiste accompagné de sa troupe, le général John Bell Hood, mort et enterré depuis longtemps, qui semble jouer le rôle de la conscience de Dave. Hallucination ? Personnage imaginaire ? Ou fantôme existant bel et bien en dehors des pensées de Dave Robicheaux et visible seulement par lui, comme les morts surgissant brusquement devant Cole Sear, le gamin médium de 6ème Sens ?



Quelques indices corroborent le caractère fantastique de ces apparitions, mais les éléments les plus bizarres peuvent toujours s'accommoder d'une explication rationnelle, même tordue, en cherchant du côté de l'autosuggestion. le choix du genre littéraire est donc à mon avis laissé au lecteur.



N'ayant pas (encore) vu le film de Bertrand Tavernier, je ne m'aventurerai pas à suggérer des comparaisons oiseuses entre le film et le livre, et encore moins à provoquer des débats pour savoir lequel, du roman ou de son adaptation, est le plus réussi des deux. La bande annonce est visible sur Babelio (merci qui ?) et elle est suffisante pour donner une idée du « climat » présent dans le film comme dans le livre.



Ce qui est sûr en revanche, c'est que cette première lecture donne envie de connaître un peu plus les romans de James Lee Burke et son personnage Dave Robicheaux, le plus célèbre shérif-adjoint de New Iberia, Louisiane. C'est tellement vrai que je me demande désormais si James Lee Burke ne devrait pas figurer parmi les auteurs de la première catégorie définie en début de cette critique.
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La nuit la plus longue

Louisiane 2005, La Nouvelle-Orléans est frappée par Katrina et pour ajouter à la dévastation de l’ouragan, les digues mal entretenues se rompront et des quartiers de la vielle seront complètement submergés.



Dans ce décor de cauchemar, d’autres crimes sont commis. Un jeune Noir est tué et un autre a été gravement atteint à la colonne vertébrale. Ce ne sont que deux victimes dans cet enfer, mais le blessé était justement recherché par Clete Purcell, détective privé, pour le compte d’un prêteur sur gages. Et quand son ami policier Dave Robicheaux se trouve mêlé à l’enquête, on sent qu’ils iront jusqu’au bout, même si leurs proches sont menacés.



Un polar très violent. En plus des noyés de Katrina et du racisme endémique, il sera question d’un viol collectif, de gens torturés, de règlement de compte et de « diamants de sang ». On ne passera pas sous silence aussi l’ampleur de la corruption, avec la manne de l’argent de la reconstruction qui est détourné au profit de criminels à cravate.



Un bon polar, mais c’est du lourd, il faut avoir le cœur bien accroché. On le classe dans la liste : Les 100 meilleurs polars américains selon Sang Froid n°3 : https://www.babelio.com/liste/12915/Les-100-meilleurs-polars-americains-selon-Sang-Fro

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La pluie de néon

Ce qui distingue La pluie de néon d'un polar lambda, c'est sans contexte la Louisiane... sa cuisine faite de maxi-torpilles aux crevettes et aux huitres ou de steaks bien grillés, sa chaleur poisseuse qui incite à nager longuement dans le fleuve, ses bayous, sa sensualité, ses pauvres parfois désespérés, ses voyous... et Dave Robicheaux.



Comme bon nombre de ses confrères littéraires d'un peu partout, le policier Dave Robicheaux est un ancien alcoolique, un solitaire rebelle et un enquêteur hors pair. Rien d'original jusque là. Mais il a une nonchalance et un art de vivre tout à fait dignes de la Louisiane : le livre ne se concentre pas uniquement sur son enquête, mais évoque aussi sa vie privée, de ses rencontres amoureuses à sa jolie relation avec son frère, en passant évidemment par la lutte avec ses démons ou ses réflexions philosophiques. Là, c'est nettement plus original... et, plus encore, c'est excitant, c'est émouvant et c'est beau.



Je ne vais pas revenir sur le détail de cette enquête qui commence par les révélations effrayantes d'un condamné à mort et comprend son lot de meurtres, de tabassages en règle et de trahisons. Non, je ne vais pas revenir dessus, car je vous recommande de la lire vous-mêmes... En tout cas, moi je vais bientôt retourner voir Dave Robicheaux.
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La nuit la plus longue

Il y a des fulgurances poétiques et oniriques dans ce roman. Tout le long d'une écriture classique, elles s'échappent ; elle crèvent à la surface comme des bulles d'air. Les ouragans Katrina et Rita ravagent la Louisiane à quelques jours d'intervalle ; le doigt de Dieu écrase la Nouvelle-Orléans. La religion a son importance chez Jame Lee Burke. Dave Robicheaux est autant guidé par sa foi que par son instinct de flic. Cette "nuit la plus longue"  relate donc les ravages de Katrina  et de Rita, avec en toile de fond une enquête policière complexe. Toutes les digues sont rompues dans cette histoire, au sens propre et figuré ; Robicheaux tente de colmater les brèches. Ce que décrit J.L. Burke à propos de l'ouragan Katrina, du chaos et du désespoir à la Nouvelle-Orléans, est probablement bien en dessous de la réalité. La littérature même si elle peut s'approcher au plus près du réel ne peut le surpasser, ni assimiler l'essence de sa vérité. Bien sûr, il y a une enquête policière. Elle sert de fil rouge à une critique du gouvernement américain, des institutions, des préjugés, des problèmes raciaux, de la brutalité des humains et de leur inconscience. L'écriture de J.L. Burke est rude, atténuée par une réelle empathie pour les déclassés et les classes moyennes américaines. Nous avons l'impression que tous font ce qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont ou ce que la vie (qui souvent n'a pas été franchement favorable) leur donne. Certains caractères, certaines situations pourraient paraître tout à fait manichéens et notre esprit européen des Lumières pourrait facilement se gausser sauf que J.L. Burke nous offre une peinture sociale américaine cohérente, complexe, sans langue de bois, sans apologie, sans outrance. Sa seule glorification est pour la description de la Louisiane, cet état qui, selon lui, n'en fut jamais un, mais qui fut une chanson, une pensée. La végétation, la lumière, l'eau omniprésentes sont des îlots miraculeux de beauté dans l'opacité.

Clete Purcell, l'ami de Robicheaux et lui-même regardent cette ville – la Nouvelle-Orleans – qu'ils aiment, s’effacer, s'engloutir, devenir le fantôme de leurs regrets. Je parlerai de Clete Purcell dans Swan Peak où il est un pivot central de l'histoire.

Et puis la Nouvelle-Orléans fut la ville de Jame Lee Burke ; c'est donc un cri du cœur, un cri d'amour pour « sa ville » disparue ; une oraison funèbre rageuse, impuissante et désolée.

La fin du livre est un tableau biblique, comme une ultime prière. Peut-être le seul rachat pouvant absoudre la destruction, la honte et la violence dans le cœur des hommes.
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James Lee Burke

James Lee Burke est né le 5 décembre 1936, mais où ?

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Houston, Texas
Bâton-Rouge, Louisiane
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