Citations de Joseph Kessel (1254)
Art Beckett choisit un tabouret très bas derrière un tonneau.
— Je m’appelle John N… et je suis un alcoolique.
En 1960, les lecteurs de France-Soir, dont j’étais, découvraient avec un étonnement incrédule des Martiens d’outre-Atlantique : des ivrognes qui, au lieu de se cacher derrière leur bouteille avec toute la honte qui convenait à leur état, proclamaient bien haut : « Je m’appelle John S., je suis alcoolique », et en avaient même l’air vaguement fier.
(Avant-propos)
Il y avait eu le mois d'août 1914.
Un jour que dans un petit bar, tout de laque et de silence, nous nous entretenions à mi-voix de nos voyages, mon ami le pilote Estienne parla ainsi : « Vladivostok est une ville que les grands vagabonds traversent souvent, mais où ils ne s'arrêtent guère. »
Ayant traversé la mer intérieure du Japon, le Kita-Maru, qui venait de Vladivostok, jeta l'ancre dans le port de Kobé.
Ce samedi, la femme passa devant moi à la même heure environ que les nuits précédentes.
Les camions n'avançaient guère plus vite que les chameaux des caravanes et l'homme à cheval que le piéton.
Pour aller de sa chambre à celle de sa mère, Séverine, qui avait huit ans, devait traverser un long couloir.
Il était facile de faire entrer cette misérable existence dans les lois d'un monde mal ajusté.
Nus comme ils l'étaient - la misérable étoffe jetée sur une épaule ne cachait rien - ils portaient cependant le vêtement le plus chaste et le plus magnifique : leur beauté.
Elle leur venait d'un équilibre incomparable et comme divin entre la grâce et la force. On ne pouvait rien imaginer de plus flexible, de plus délié que les attaches et les courbes de ces jeunes corps farouches. La finesse et la douceur extrêmes du modelé des leurs bras et les cuisses, la moelleuse rondeur des épaules, la tige lisse du cou, la minceur flexible du torse, tout avait une harmonie étrange et presque féminine. Mais, par une vertu qui tenait du sortilège, cette nonchalance était toute imprégnée, nourrie, pétrie de virilité.
Il marchait très vite, n'ayant pas à courber le front pour éviter les branches et les ronces qui nous giflaient et griffaient au passage. On sentait qu'il pouvait aller ainsi pendant des heures et des jours, le torse bombé, le jarret tendu, léger comme un insecte, sans faire craquer une brindille morte, sans déranger une feuille tombée.
Je suis un régulier, aimait à dire de lui-même Hippolyte, entendant par là qu'il vivait selon un code qui, s'il n'était pas celui de l'espèce inférieure qui s'agite sans risque, n'en était pas moins plein d'exigence.
Je m'entendais sur la couchette pelucheuse, je disposais mes bagages légers dans le vaste filet, je m'asseyais dans le fauteuil qui fait face à la table, j'ouvrais le cabinet de toilette.
On dirait que pour avoir connu le fond de la déchéance et le bout de la nuit, ils appartiennent à l'élite des hommes.
Il y avait vraiment à cette époque et dans ce lieu désolé une atmosphère unique.Fin de guerre, fin d'un ordre social, peau neuve d'un peuple, de cent peuples. Les nations en folie y avaient toutes débarqué des soldats.
Les arguments de Himmler étaient : police, politique, guerre, raison d'État. Et Kersten répondit uniquement, inlassablement : amitié.
— Ton remède est-il magique, ô Aïeul de Tout le Monde?
— Si tu veux, dit Guardi Guedj. C'est un présent de la sorcière la plus vieille et la plus sage.
— Son nom ? demanda Ouroz.
— La terre, dit Guardi Guedj.
— Une plante... une herbe ? murmura Ouroz.
— La sève du pavot, dit Guardi Guedj.
— Quoi ! s'écria Ouroz.
Il se pencha brusquement vers le vieillard et poursuivit avec violence :
— Toi, toi, si vieux et savant, pourquoi me donner un poison qui enlève force et dignité, tout comme le vin que maudit le Coran ?
— Rien n'est maudit de ce qu'offre la terre, dit Guardi Guedj.
Alors il etait juste, il était bon que Zéré fût dehors, comme une chienne assoiffée, affamée, tandis que eux, les hommes... ? Non, pas Zéré... Mais pourquoi elle seule ? Et Mokkhi, derrière celle qu'il aimait, aperçut la file sans fin de ses soeurs déshéritées et se sentit coupable d'une faute dont il ne savait rien sauf qu'elle avait la moitié de la race humaine pour victime.
Mais cela, loin de calmer la fureur de Toursène, en redoublait la violence. Il haïssait les traits effrayés et naïfs qui qui lui demandaient : « Pourquoi ? Oh, pourquoi ? ». La réponse, il ne la pouvait donner à personne.
Alors il leva son poing monstrueux pour écraser la question sur le visage qui la portait.
Rahim ne recula, ne cilla point. Chez le grand Toursène, il vénérait jusqu'à l'injustice.