AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070374892
224 pages
Gallimard (13/09/1983)
3.94/5   297 notes
Résumé :
Montmartre au petit jour. Chaque matin, l'auteur, attablé au Sans-Souci, voit passer une femme dans la rue. Elsa Wiener, il l'apprendra bientôt, a fui l'Allemagne. Son mari Michel y est resté, enfermé dans un camp. Elle chante dans les boîtes de nuit. Elle vit seule avec un enfant juif, Max, que les nazis ont rendu infirme.
On suit avec fascination la lente chute d'Elsa, sa déchéance, au nom d'un amour qui n'existe peut-être pas.


Avec l... >Voir plus
Que lire après La passante du Sans-SouciVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (39) Voir plus Ajouter une critique
3,94

sur 297 notes
5
11 avis
4
19 avis
3
7 avis
2
0 avis
1
1 avis
Sublime et lyrique écriture de Kessel qui nous décrit avec finesse, avec humanité, une atmosphère, la complexité des relations humaines, l'imbroglio qui peut se nouer dans les sentiments humains, l'impact d'un instant sur nos vies, pour mieux nous entraîner, attirer notre attention, nous rendre plus réceptifs à ce qui peut se cacher sous le masque d'un visage humain. Il perçoit les mouvements de l'âme humaine. Il nous entraine dans une histoire d'amour tragique, bouleversante.

Témoin de son époque, ce « Lion » magnifique et généreux a tellement roulé sa bosse en sa qualité de journaliste-reporter qu'il a développé un sens aigu de l'observation. Ses aventures qu'il cherche aux quatre coins du monde, lui servent d'inspiration pour ses romans. Dans cette fiction (voire autofiction), il scrute ce qu'il se passe sous le ciel de Paris en 1935. Il voit les modifications sociopolitiques de l'époque et avec elles, pressent l'avenir de l'Europe malgré le bonheur des premiers congés payés.

Montmartre au petit jour, le narrateur, journaliste-reporter, fini sa nuit, attablé derrière la vitre du bistrot « le Sans-Souci ». Il remarque une jeune femme qui toujours aux mêmes heures, invariablement, passe devant le café. Son allure retient son attention. Elle est mystérieuse, elle le fascine par sa façon de se comporter dans son manteau de zibeline jusqu'à devenir une obsession.

« Je crois que sa régularité même, l'inclinaison pareille de la tête, le trajet identique, la démarche qui reproduisait strictement celle de la veille, m'inspiraient l'effroi que j'éprouve toujours devant l'automatisme des fous"

Jusqu'au jour où n'y tenant plus, le narrateur, ivre et fiévreux ce jour là, se met en travers de la route de son apparition. Pris d'un malaise, il s'écroule près d'elle, la jeune femme lui porte secours et va l'aider à rejoindre son domicile.

Elsa Wiener est allemande, elle a fuit l'Allemagne et son cortège de bourreaux. Son mari, Michel, éditeur et opposant à la nouvelle politique d'Hitler, a été arrêté pour être transféré dans un camp. C'est l'époque où l'apparition des premiers camps est évoquée. Elsa a fuit en compagnie de Max, un enfant juif, que les coups des nazis ont rendu infirme. Pour subvenir à leur besoin, Elsa chante dans les cabarets, la nuit.

A partir de cet instant, on assiste impuissant à la lente descente aux enfers d'Elsa dans ce milieu interlope des nuits parisiennes. Elle doit survivre pour elle et pour Max, tenir envers et contre tout jusqu'au retour de Michel ! La lecture nous propulse à la suite d'Elsa, d'étape en étape, de bonheur en déchéance, d'espoir en crise de détresse, d'angoisse pour Michel mais détestation d'elle-même, l'avilissement dans les bas fonds, l'alcool aidant, Elsa va vivre un véritable calvaire devant le regard d'un enfant de douze ans impuissant à soulager la détresse de celle qui l'a sauvé d'une mort certaine.

Ce roman est peut-être le plus beau de Kessel bien que je n'ai pas lu « Belle de jour ». Assister à la déchéance de cette femme a été pour moi une torture et c'est là que l'écriture de Kessel est admirable, il défie notre empathie.

Bouleversant, fascinant, la présence de Romy Schneider ne m'a pas quittée un seul instant bien que le livre et le film fussent totalement différents. Son aura a illuminé le livre.

La passante du « Sans-Souci » se situe à la fin des années folles. Kessel ressemble au narrateur, journaliste-reporter. La narration emploie le « Je » ce qui donne plus d'épaisseur à son message. Paru en 1936 chez Gallimard, ce petit livre de 285 pages est un manifeste antifasciste d'un écrivain Juif qui pressent un sombre avenir.
Commenter  J’apprécie          8432
Il flotte dans ce roman de 1936 comme un doux parfum suranné, et ce ne sont pas forcément les pages bien jaunies de mon exemplaire les responsables, même si elles y ont contribué sans doute à leur manière innocente. Ça serait peut-être le subjonctif ou le passé simple, ou plus sûrement les tournures descriptives et les réflexions psychologisantes sur les personnages, bien éloignées de la tendance au factuel moderne, ici empreintes de la subjectivité d'un narrateur aiguillonné par le mystère de la passante du Sans-Souci. Car le roman suit essentiellement la relation entre deux êtres, pour ceux qui n'auraient pas vu le film, ou l'auraient oublié. le narrateur, écrivain journaliste en proie à la détresse de son âme noie ses nuits dans l'alcool et la débandade de Montmartre. Tous les matins, il voit passer une dame spectrale, drapée d'une aura envoûtante. Leur première rencontre s'inscrit sous le sceau de l'entraide, mais c'est la mystérieuse dame qui endosse le rôle pour commencer, en ramenant à son domicile notre confident bien mal en point. Pour le reste, ça sera plutôt l'inverse. Surtout quand notre témoin connaîtra les conditions de vie de la belle, chanteuse exilée d'Allemagne, surtout quand il rencontrera son protégé Max, gamin estropié de la vie parce qu'il est juif, surtout quand il saura le lien viscéral d'Elsa avec Michel désormais en camp de concentration Outre-Rhin, et l'histoire de cet amour quelque peu embrasé par la distance et le désarroi.
Voilà pour le pitch. Une histoire qui nous plongera dans la vie pas si marrante d'un Montmartre des cabarets, finies les années folles. Mais un roman qui nous rappellera aussi la finesse que pouvaient prendre les romans d'époque, dans leur perception affûtée des sentiments (j'ai parfois pensé parfois à Zweig), dans leur lyrisme et dans la beauté des tournures stylistiques (même si un peu désuètes), dans leur capacité naturelle à retenir le lecteur sur des choses simples, comme ici la trajectoire tragique d'un sublime personnage, dans un monde déjà hanté par le nazisme.
Commenter  J’apprécie          4610
Je n'aime pas les histoires d'amour, sauf si elles sont absolument tragiques, impossibles, matures.
Nous y sommes en plein avec cette passante du sans souci qui donnera et perdra tout, sa joie de vivre, son honneur, sa beauté, pour un homme qu'elle n'aura même commencé à réellement aimer que dans la souffrance.
Le visage de Romy Schneider, qui a incarné Elsa Wiener dans le film pourtant assez éloigné du livre, a totalement habité ma lecture sur lequel il s'est serti à la perfection tant l'actrice colle au personnage de ce roman sépulcral, terrible et bouleversant, qui a su voir et dire avant la nuée des autres la barbarie du nazisme.
Immense coup de coeur.
Commenter  J’apprécie          485
1935. Quartier Montmartre où, quand Paris s'éveille, un client malade et dépressif, qui est le narrateur, se morfond dans le bar du Sans-Souci. Sa fièvre monte encore d'un cran quand apparaît une passante dont on ne va pas tarder à faire la connaissance.

L'ambiance chaude des nuits parisiennes connaît à l'époque un coup d'arrêt avec la crise qui s'installe.

Kessel, à travers ce personnage féminin traqué, aborde le nazisme , très toxique à l'époque puisqu'il est déjà question de terreur dans les quartiers juifs en Allemagne.
Kessel se sert du désarroi et de la descente aux enfers de cette femme pour tirer la sonnette d'alarme face au fascisme montant de l'époque.

L'intention est louable et surtout visionnaire mais je n'ai pas souscrit au procédé de l'écrivain qui consiste à entourer, surligner et re-souligner jusqu'à l'écoeurement l'explicite de la situation dramatique qui accompagne les deux secrets de cette femme.
Kessel est pour moi dans l'excès. Bien que sensible au sujet, j'ai trouvé que le pathos de nombreuses scènes desservait le message.
Cependant, on peut dire qu'il a vu juste. L'histoire lui a donné raison. le nazisme est bien une histoire de chasseurs et d'hommes traqués qui vont être battus à mort.
Commenter  J’apprécie          384
Véritable coup de coeur!
Il y a des romans qui vous révèlent la nature humaine dans toute sa crudité, avec justesse, un charme s'en dégage insufflant à la lecture une certaine atmosphère de sérénité! Quelle plume! Sublime, majestueuse et d'une puissance qui nous relate la genèse de la folie des pratiques inhumaines du pouvoir nazi au moment où le monde n'en soupçonne pas encore l'existence alors que les victimes de cette folie trimbalent déjà leur déchéance humaine, même à l'extérieur d'Allemagne.
Oh La passante du Sans-Souci ou encore Mme Elsa Wiener dont les circonstances et les situations ne peuvent se définir que par un seul mot confusion car elle va mener un combat très confus, et elle va y aller avec beaucoup de courage toujours confus, mais à quel prix...
Commenter  J’apprécie          370

Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
-Bon. Il s'agit de Gilberte. Vous êtes contente, j'espère.
-Attendez, attendez, murmura Elsa avec difficulté. C'est la femme plus âgée que son mari et il la quitte pour une jeune fille... Oui ? Mais c'est une vieille.
-Vous avez dû mal comprendre, dit Anselmet. Elle n'a guère plus de quarante ans.
-L'âge m'est égal, dit Elsa violemment. Si on la quitte, elle fait figure de vieille. Je n'ai pas l’habitude de ces personnages.
Anselmet ne brillait pas par la patience. Il répondit :
"Il y a une glace juste en face de vous, Madame. Ayez l'obligeance de bien vous regarder dedans."
Commenter  J’apprécie          50
Un petit jour gluant, porteur de brume et de suie, s'annonçait à des signes indéfinissables.
Peut-être dans les autres zones de la ville où la vie suivait une cadence mieux réglée sur la lumière et l'ombre du ciel, percevait-on ce blêmissement glacé des avenues et ce frileux silence par lesquels s'épuise la puissance nocturne. Mais au carrefour où je me tenais, les feux des cafés, les lettres ardentes des enseignes qui mourraient et renaissaient sur les façades des établissements de nuit, les trompes des voitures, les mouvements du peuple de plaisir, défendaient Montmartre contre les premiers pas du matin.
Commenter  J’apprécie          40
J'avais trop traîné à travers la vie et le peuple nocturnes, aux heures où tout se dénoue, se défait, se dissout, pour ne pas savoir à quelles promiscuités monstrueuses pouvaient mener à la misère, l'étroitesse des logis, l'atonie de la sensibilité, l'alcool, le stupre. Elsa était si faible si friable.
Commenter  J’apprécie          90
La peau était lisse, l'éclat du regard, la vivacité des traits et des mouvements semblaient ceux d'une très jeune femme. Mais il y avait dans la plénitude un peu molle de la chair un aspect de pulpe arrivée à son épanouissement, un caractère fragile, menacé, émouvant, que, seule, à l'ordinaire, donne une maturité toute proche.
Commenter  J’apprécie          80
Chacun de nous essayait de deviner ce que l'autre savait de la déchéance d'Elsa. Peu à peu je sentis le regard de l'infirme perdre sa réserve se faire pénétrable, accessible. Il passa de l'expression close par laquelle il s'était jusque-là protégé contre moi à celle d'une adhésion sans détours et d'une sorte de douloureuse complicité :
- Oui tout va bien, répéta Max.
Mais il ajouta en appuyant de façon à donner un sens restrictif à ce qu'il disait :
- Tout va bien entre nous.
Commenter  J’apprécie          40

Videos de Joseph Kessel (66) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Joseph Kessel
Retrouvez les derniers épisodes de la cinquième saison de la P'tite Librairie sur la plateforme france.tv : https://www.france.tv/france-5/la-p-tite-librairie/
N'oubliez pas de vous abonner et d'activer les notifications pour ne rater aucune des vidéos de la P'tite Librairie.
Jusqu'où peut nous entrainer l'amitié avec un animal ? Surtout quand cet animal est farouche : ici, il s'agit du roi des animaux. le lion.
« le Lion », de Joseph Kessel, c'est à lire et à relire en poche chez Folio.
autres livres classés : romanVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (849) Voir plus



Quiz Voir plus

Mais si, vous connaissez Joseph Kessel !

Avec son neveu, il est l'auteur des paroles d'un hymne à la révolte et à la résistance écrit à Londres dans les années 40 :

L'affiche rouge
Potemkine
Le chant des partisans

10 questions
196 lecteurs ont répondu
Thème : Joseph KesselCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..