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Critiques de Michel Foucault (131)
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Surveiller et punir

25 juillet 2014 : Je ne vais pas critiquer ce monument inévitable. Juste dire que son contenu m'était déjà trop connu avant sa lecture, donc j'ai peiné (je n'aime pas la répétition).

A lire pour un lecteur, sans doute à neuf, sans a priori, sans jugement, pour le bien juger.



-- 27 janvier 2024. Relecture.

Ce livre aura bientôt 50 ans et il me semble un indispensable encore et toujours. Un indispensable socle à penser. Ce travail fourni, minutieux et sans parti pris (en tout cas sans parti pris évident) est un colosse sur lequel on doit s'appuyer.

Il décrit admirablement le chemin qu'a pris le traitement des torts, des fautes, des délits, des erreurs, des troubles commis par les hommes au fil du temps.

Ciblant des moments-clés, des constructions-clés, tant juridique, que matérielle, puis scientifique.

Aucune stratégie ne semble simple à ses yeux et critiquable dans l'absolu. Tout est source à réfléchir.

Ce qui est évident, c'est que la prison telle qu'elle est encore fonctionne bien mal, et elle a été critiquée depuis sa "naissance". Sans pour autant être abandonnée. Foucault explique bien pourquoi ce quasi statu quo.

Depuis 50 ans ou presque, j'ai l'impression qu'on n'a pas beaucoup évolué.



La société et les moeurs ont pourtant "sacrément" évolué, eux. De l'enfermement volontaire filmé dans le cadre de télé-réalité, l'omniprésence médiatique par les réseaux sociaux, la mise en scène de soi devant le monde entier (en tout cas accès pour le monde entier)... Tout autant de variation d'un panoptisme qui n'en finit pas d'être et de croître.

Le covid aussi, qui a montré la possibilité de discipliner, de cadre, de réguler, d'imposer toute une série de choses, pour l'ordre, pour le bon fonctionnement, voire pour la survie d'une société ou de l'humanité. Comme on a pu dire...

Et des changements de statuts dans ce qu'est une faute, délit etc. Du vol, viol, brigandage aux évasions fiscales qui enfoncent certains dans la pauvreté... Et la justice à deux (ou plus) vitesses...



Je pourrais continuer encore longtemps, tant les morceaux et briques posées par Foucault dans son texte amènent à réfléchir et reréfléchir.

Et inutile de réinventer la poudre. Les erreurs graves ont déjà été commises, il convient de ne pas les oublier pour ne pas sans cesse les répéter.

Je dis ça et je pense en même temps : peine perdue. On voit arriver les (mêmes) erreurs-catastrophes à pleine vitesse.

Peine perdue.

En tout cas, des "intellectuels" de cette trempe, on a bien l'impression d'en manquer cruellement, et depuis longtemps. Ou alors, ils sont muselés ? En tout cas pas audibles !

Bref.

Lisons, instruisons-nous pour grandir en se servant de tout le passé comme exemple.

Peine perdue ?
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Les criminels de paix

Nous connaissons tous la notion de crimes de guerre, mais qu'en est-il des crimes de paix, ceux commis au nom du maintien de la paix et du bon ordre social?

Dans ce volume, Franco Basaglia et Franca Ongaro Basaglia ont rassemblé les écrits de plusieurs philosophes, sociologues, psychologues ou autres de l'époque. A la différence de leurs livres que j'ai lus précédemment, celui-ci est avant tout politique et cela ne le rend pas moins intéressant, loin de là. Nous y retrouvons entre autres Michel Foucault, Ronald David Laing, des entretiens avec Jean-Paul Sartre, bref, des grands.



Challenge XXème siècle 2019
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Surveiller et punir

Nous avons affaire avec "Surveiller et punir" à l'un grand classique de sociologie selon Michel Foucault, qui y décrit l'histoire et la sociologie du système pénal ainsi que l'avènement du système carcéral.



L'auteur dresse ici un brillant exposé dans un style remarquable d'intelligence et de clarté sur la naissance de la prison, sur une société de surveillance à visée rééducative issue de l'intrusion de la psychologie dans la justice, de l'individualisation des peines, de la généralisation de l'incarcération dans un modèle coercitif et secret de surveillance servant de modèle à l'organisation de la société. Il y démontre également l'affirmation du pouvoir du souverain puis de la société à travers les décisions de justice,

et une peinture de la genèse des "appareils" disciplinaires et de contrôle des individus (école, caserne, usine, hôpital...) dont la prison est une composante issue du monarchisme.

Un livre remarquable dont les éléments historiques et politiques développés apportent une culture générale non négligeable à l'instar de la description de l'exécution de Damiens pour régicide.

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Surveiller et punir

Où Foucault développe sa vision d'une mutation vers la société disciplianaire.

Surveiller et punir peut être lu comme un livre d'histoire, l'histoire d'une mutation, du châtiment féodal à une organisation globale de la surveillance autour de la prison. Il peut être lu comme une vision, celle d'une société dont les rouages essentiels sont voués à la discipline : école, caserne, hôpital, prison. Il peut être lu enfin comme une analyse de son temps. Le livre paraît au milieu des années 70, au moment où la question de la prison se pose de façon particulièrement aiguë.

Foucault s'attache à montrer comment le passage de la punition à la surveillance entraîne l'ensemble de la société, et que la prison devient un outil déterminant du pouvoir dans cette perspective disciplinaire globale.
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Histoire de la folie à l'âge classique

Opus captivant à plusieurs titres .

En premier lieu c'est un pur régal sur le plan de la langue française et de son utilisation .

De telles phrases mises au service d'une réflexion sur ce qu'est la folie , cela ne pouvait qu'étre passionant .

Si l'on ne comprend pas tout , l'on à quand méme une réflexion trés profonde sur les liens que la socièté et la folie on , sur le rapport entre les deux , ect.

Si le tout avait était un peu plus facile d'approche le livre y aurait gagné de nombreux lecteurs , un peu rebutés par la grande complexité de l'ensemble .

Passionant mais trop ardu .

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Histoire de la sexualité, tome 1 : La volonté d..

Premier volume d'une Histoire de la sexualité que son auteur n'aura pas le temps d'achever, La volonté de savoir reste un ouvrage fascinant. Il n'en reste tout de même qu'une introduction.





Foucault, par le prisme de la sexualité et de tout ce qu'elle entraîne, mène une étude qui relève de la sociologie, de la philosophie, de l'histoire et de beaucoup d'autres domaines, tout ça en même temps. Il s'agit là de la spécificité de Foucault, pour ce que je connais de lui, il possède une connaissance incroyable de toutes ces disciplines, cela lui permettant de mener ses travaux avec le regard qu'apporte chacune de celles-ci, l'un permettant de nuancer celui de l'autre.

Il tente d'abord de démontrer que la sexualité d'un peuple est adaptée à ses nécessités, la nôtre serait dominée par une "volonté de savoir" du pouvoir. L'un des exemples lui permettant d'étayer cette thèse, est celui de l'aveu, qui est omniprésent dans tous les compartiments de notre vie, un phénomène croissant depuis que l'Eglise, au XIIIème siècle, a demandé à ses sujets de s'agenouiller une fois par an, ce afin de confesser tous leur pêchés. L'on se rend compte que ce besoin d'aveu est préparé pour s'implanter dans notre mode de vie depuis bien longtemps. Beaucoup de justifications pour nous pousser à avouer, l'une des plus en vogues, depuis la popularisation de la psychologie, est l'aveu permettant, non pas d'offrir à celui à qui on avoue notre vérité, mais de permettre à celui-là, de par notre aveu et ce qu'il engendre, de nous offrir notre vérité, qui se refuse à nous de prime abord, qui nécessite une interprétation extérieure pour être révélée; nous en sommes au point où comme Foucault le dit si bien, des personnes louent leurs oreilles, pour nous écouter parler et parler de nous.

Vous l'aurez compris et vous en serez douté même avant de me lire, cette Histoire de la sexualité n'est en aucun cas une histoire des pratiques sexuelles -bien qu'elles soient évidemment abordées-, une histoire de la perversion, ou une histoire de l'érotisme. La sexualité et la façon dont on la considère reflète en effet la manière dont notre société est organisée.

Mais ce premier volume ne fait qu'exposer la pertinence des travaux menées, ils ne sont pas approfondis. Il n'est là que pour nous apprendre à parler, ou au moins à comprendre, le langage que Foucault va employer dans les livres suivants et lui permettant la précision dont il a besoin pour évoquer des sujets aussi complexes; ne pas nous apprendre ce langage nous reléguerait dans l'incompréhension ou dans l'abstrait, au mieux, dans la mésinterprétation, au pire. De tels sujets nécessitent qu'on les peigne avec de minuscules pinceaux, et non avec d'énormes rouleaux à peinture.





Pour résumer, c'est un premier tome très intéressant et déjà très instructif, mais qui n'existe que pour préparer les suivants. Il ne se suffit pas à lui même ou, tout du moins, ne saurait exprimer son plein potentiel sans la lecture des suivants.
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L'ordre du discours

L'Ordre du Discours est la leçon inaugurale de Michel Foucault au Collège de France, et elle est tout à fait passionnante. Dans cette leçon, Foucault étudie les conditions de production d'un discours, les met en perspective, pense leurs modifications dans l'histoire, les rituels qui donne sa légitimité au discours, les rapports entre la forme et le fond du discours, étudiant son sujet de fond en comble, sous tous les angles. Lorsque l'on a lu cette passionnante démonstration, notre vision des différents discours que l'on tient autour de nous n'est plus du tout la même.
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Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma soeur..

Pierre Rivière est né dans les année 1800, jeune homme de 20 ans issu d'une famille d'agriculteur , illettré, égorge à coup de serpe sa mère , sa soeur et son frère dans un village normand.Il prend la fuite , se réfugie dans les bois.Il sera finalement incarcéré , dans sa cellule il se met à rédiger une véritable autobiographie.Il explique avoir été guidé par Dieu . Par son geste il voulait délivrer son père infligées par sa mère.Condamné à mort , il sera gracié par le Roi puis se pendra dans sa cellule en 1840.

Ce cas de parricide est très intéressant , on constate toujours la mère comme le mauvais objet .Cependant sur la plan psychanalytique ...le cas clinique est très intéressant .Comment un jeune homme illettré vivant à la campagne , peux t il en arrivant en détention a écrire son acte.

La mère est bien présente et on voit que tout est crée autour d'elle comme pour un schizophrénie. Ce qui est étrange c'est que Pierre soit passé à l'acte avant d'écrire ...

Livre intéressant si l'on s'intéresse un peu à la psychiatrie .
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Surveiller et punir

Ce texte reste fondamental pour comprendre notre époque présente, bien qu’il ait été publié dans les années 1970 et que son auteur soit décédé en 1984 – lorsque que l’on parle de surveiller et punir, c’est un comble de mourir cette année-là !

Foucault expose l’évolution de la surveillance et la sanction vers une rationalisation. Il envisage le monde moderne dans la perspective d'une surveillance généralisée. Et malgré les quelque quarante années qui nous séparent de son essai, force est de lui donner raison. L’informatique nous le démontre !

Il explique aussi comment la sanction a glissé de la torture du condamné à l’exécution rapide : on est passé des supplices de Ravaillac ou Damien à la guillotine. Puis, les exécutions publiques ont disparu ; avec elles une excitation au voyeurisme morbide. Au passage, je rappelle aux plus jeunes qu’à l’époque de ce livre la peine de mort est encore en application en France. Elle sera abolie en 1981.

L’espace carcéral aussi s’est rationalisé, comme les espaces hospitalier et de travail, deux lieux où l’on archive et surveille également les individus. S’agissant de l’espace de travail, sa rationalisation atteindra son paroxysme avec la taylorisation, ce découpage des tâches qui transformera l’homme en machine-outil. Pour les prisons, la maltraitance physique du prisonnier s’est muée en privation de liberté.

Autrement dit, l'homme contrôle l'homme, ce qui oblige à repenser la liberté.

Mais la sanction – et c’est maintenant moi qui parle – n’en reste pas moins essentielle pour maintenir un équilibre viable et limiter les instincts individuels. Ne dit-on pas : « Ma liberté s’arrête là où commence celle des autres » ? L’éducation ne saurait suffire : il faut une répression, raisonnée certes, mais une répression tout de même, pour que les règles de vie en commun soient respectées. Car vivre ensemble – mot aujourd’hui galvaudé, voire perverti – est un jeu qui peut s’avérer dangereux si chacun établit ses lois personnelles sans souci de l’autre.

Toutefois, quelles que soient mes divergences d’opinions d'avec Foucault - sans la prétention d'égaler son savoir! -, elles n’empêchent pas certaines convergences intellectuelles. Car, je le rappelle, Surveiller et punir est un essai majeur.

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Surveiller et punir

Voilà quelques temps que je souhaitais faire la découverte de Foucault, l'entame de celle-ci s'est portée vers cet ouvrage, Surveiller et punir, dont je ne regrette pas la lecture.





Il y fait la généalogie du système pénal -français, avec quelques exemples mondiaux, mais l'extrapolation n'est pas compliquée à faire, la nature humaine restant partout fidèle à elle-même- et comment celui-ci influence notre société.



La privation de liberté est maintenant la peine la plus aboutie dans notre pays, la plus aboutie et la plus conséquente à une époque où la liberté justement ne l'a jamais autant été elle aussi -n'en déplaise à ceux qui aiment à hurler à sa destruction, restons lucides-, la coïncidence ne doit pas en être une.

La prison telle que nous la connaissons a environ deux siècles, et aujourd'hui, comment la considérons-nous ? Comme un échec encore et toujours retentissant, les statistiques sont éloquentes, les probabilités d'y passer une partie de sa vie sont presque supérieures après y avoir séjourné quelques temps que si l'on n'y a jamais été, symptôme d'une erreur en perpétuelle recommencement, ou réussite camouflée d'une préparation des individus ?

A la lecture de ce livre, la réponse ne fait plus guère de doute, mais la prison n'est que la quintessence de la façon dont est organisée notre société contemporaine, elle est l'organisme disciplinaire qui nous est le plus éloigné, mais nous connaissons et expérimentons son principe tous les jours. Non, ce n'est pas un délire de paranoïaque en mal de nouvelle théorie du complot à propager, la façon dont Michel Foucault a mené son étude a des bases tellement solides, cite tellement de sources, possède un raisonnement tellement logique et évident sitôt que l'on nous met face aux bons éléments, que l'on ne peut qu'y souscrire.



Le style d'écriture qu'a choisi Foucault pour nous exposer sa thèse, sans être vulgarisé, est vraiment accessible pour peu que l'on s'en donne la peine ; ne vous excusez pas de ne pas accepter d'ouvrir les yeux sur la manière dont s'articule notre système autour de la prison sous prétexte que cet ouvrage doit être incompréhensible, car il n'en est rien, on peut le lire sans même avoir fait la connaissance avec le genre de l'essai pour peu que l'on s'en donne la peine.





Une grande découverte qui, bien que pouvant décontenancer, permet une plus fine analyse de notre société contemporaine et de la façon dont celle-ci est organisée.
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Histoire de la folie à l'âge classique

Michel Foucault. “Histoire de la folie à l’âge classique”. La première moitié du livre est passionnante, elle raconte l’histoire de la conception de la folie et de la pauvreté d’abord au Moyen Âge, où pauvreté et folie apparaissaient familièrement dans le paysage humain, comme venant d’un autre monde, côté tragique de la folie (Bosch, Brueghel, Dürer... il en restera toujours quelque chose avec Nietzsche, Van Gogh, et surtout Artaud); puis à la Renaissance, avec Brant, Erasme, Rabelais et la tradition humaniste, où la folie est prise dans l’univers du discours, et Montaigne peut considérer qu’on en est tous atteint et qu’elle touche à la sagesse; enfin à l’âge classique où la pensée rationnelle fait de la folie une maladie mentale qu’elle classe au même rang que la pauvreté en en faisant une affaire de police, de désordre.

La deuxième partie est plus psychanalytique, et j’ai vite laissé tomber.
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Surveiller et punir

Hormis l'histoire intellectuelle au sens strict et l'histoire des théories philosophiques, il m'a toujours paru très avantageux, dans tous les cas, d'associer l'étude de la philosophie à celle de l'Histoire. Il en est ainsi dans ce grand classique que j'ai beaucoup tardé à prendre en main. Deux évolutions survenues à l'âge classique (XVIIe – XVIIIe s.) : les réformes judiciaires qui, partout en Europe suite à Beccaria, visent à transformer la sanction pénale du supplice du corps du criminel à la réhabilitation de son âme, et une invention architecturale due à Bentham, le Panopticon, qui permet de surveiller un grand nombre de détenus simultanément et sans être aperçu, donnent naissance à la prison moderne, et par là même elles révolutionnent dorénavant l'esprit et la pratique de l'exercice du pouvoir et de la domination, par la généralisation de la notion de « discipline », héritée des ordres monastiques, appliquée et diffusée dans tous les domaines de la société : en particulier à l'école, à l'armée, à l'atelier, à l'hôpital et naturellement dans le judiciaire.

Les philosophes du droit des Lumières préconisaient l'abolition de l'aspect spectaculaire des punitions, de leur côté inhumain, cruel et arbitraire, ils aspiraient à justifier les peines à l'aune de leur utilité pour la resocialisation du criminel par le travail, la morale et l'hygiène de vie. Mais leur démarche s'inscrit dans une autre tendance historique lourde : celle de la surveillance des masses, de la normalisation des comportements par la sanction, de leur adaptation par la domination (« dressement ») à une rationalisation de la production, de l'apprentissage, de la guerre au moindre coût et moindre risque de rébellion, et enfin de la production d'un savoir sur l'humain conforme au pouvoir et de la standardisation de telles connaissances avec la diffusion de l'examen. Si les peines deviennent plus douces, la punition se généralise, et c'est l'omniprésence de la détention dans les prisons modernes, fondées sur la « cellule », bien que des études très précoces – pratiquement contemporaines de la réalisation du judiciaire « tout-prison » dès la première moitié du XIXe s. – montrent ce que l'on dénonce aujourd'hui aussi : la prison crée la récidive, elle transforme le délinquant occasionnel en professionnel du crime, le régime carcéral hors du tribunal tend à moduler la peine selon la personne du criminel et son statut social plutôt que selon la gravité du crime et sa nuisance pour la société. Mais Foucault va plus loin : le carcéral, exercice de la discipline par excellence et pour l'exemple, tout en rendant les corps « dociles et utiles », crée la délinquance voire une figure spécifique du délinquant, en sélectionnant parmi les illégalismes ceux qui sont le plus conformes au dessein général du pouvoir : le contrôle maximum et la manipulation des forces sociales par la discipline. S'il vivait aujourd'hui, il trouverait une confirmation de sa thèse dans les nouvelles formes de surveillance ainsi que dans le nouveau discours sur la sécurité...

Tout cela est démontré, par une profusion de textes divers qui parfois versent dans le sordide, uniquement comme une archéologie de cette métamorphose caractérisant la modernité, c'est-à-dire par des textes du XVIIe, XVIIIe et de la première moitié du XIXe s. : l'ouvrage se clôt assez brutalement, sans un point, comme saisi par l'immensité de l'évocation de ses derniers mots : « il faut entendre le grondement de la bataille », par la note suivante : « J'interromps ici ce livre qui doit servir d'arrière-plan historique à diverses études sur le pouvoir de normalisation et la formation du savoir dans la société moderne. »

Et en effet la frustration est constante, durant la lecture, de rechercher des clés d'interprétation des réalités contemporaines, a minima par analogie, alors que le texte apporte toujours un grand soin à cadrer sa démonstration dans le strict respect du contexte thématique et historique. Les innombrables commentateurs et tous ceux qui citent cet ouvrage ne se sont pas privés de faire le saut (et mes cit. ci-dessous ne font pas exception) au point que je n'avais pas du tout imaginé que cet essai était un livre d'Histoire...
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Surveiller et punir

Un livre essentiel et un livre très dur à lire.

Michel Foucault a l'art de raconter et de mettre en lumière faits historiques et mouvements de pensées. Néanmoins certaines parties décortiquant et retranscrivant des scènes de supplices m'ont marqué au point que j'ai sauté des pages.

La réflexion sur le système historique de mise en scène collectif par le spectaculaire jusqu'à l'invisibilité des peines actuelles par le maintien, la maîtrise et l'ordre est passionnant. Le raccordement à la place de la religion et / ou des Lumières est vraiment intéressant et donne à voir la gestion du judiciaire et son histoire comme miroir d'une société et de sa santé.
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Histoire de la folie à l'âge classique

Un essai essentiel pour comprendre comment le culte de la rationalité, né au XVIIème siècle classique a définitivement mis les "fous" hors des contrevenants à la loi, à l'ordre et aux règles de vie commune, avec lesquels ils étaient jusque là confondus,- on les mettait en prison avec les criminels- pour les exclure doublement, en les mettant à l'asile. Après Descartes, les gens frappés de déraison ont été non seulement enfermés mais rejetés hors du monde de la rationalité.



Privés de leur être social et de leur humanité.



Un livre passionnant pour comprendre aussi tous les grands textes classiques



.Un Foucault lumineux et convaincant!
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Les Mots et les choses



Petty Words











Empoisonnés aux mots insignifiants,

gavés de connaissances misérables,

nous,

qui savons que seul sait celui qui ne sait pas.



Avec nos mots,

qui ne sont autres que des non-mots,

nous pouvons parler tout au long de notre vie,

et ne jamais avoir rien dit.



Désormais éveillés au domaine de l'ignorance,

débarrassés de toute sagesse,

nous rions de ce monde

qui honore les hommes considérés.





effleurements livresques, épanchements maltés http://holophernes.over-blog.com © Mermed
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Naissance de la biopolitique : Cours au col..

Ennuyeuse, irritante ou stimulante,

l'analyse du néolibéralisme selon Michel Foucault,

ne peut pas laisser indifférente...



Le sujet nous mène tout droit à l'actualité gouvernementale,

car ce néolibéralisme est apparemment partout à l'oeuvre :

en Allemagne dès l'après-guerre, aux États-Unis,

et en France déjà sous la présidence de Giscard...



L'histoire du néolibéralisme, qui est donc le sujet de ce livre,

regorge de témoignages, à saisir,

pour réviser ses connaissances,

ou tenter à son tour, sa propre révision de l'histoire...



Parmi cette centaine de témoignages,

on remontera par exemple au libéralisme de Adam Smith,

avec sa formule de la « main invisible »,

Puis au néolibéralisme, en question dans le colloque Walter Lippmann, etc..



Mais il faut un témoignage pour conclure la série :

un certain Becker éclaire enfin ce qu'est l'utopie biopolitique :

l'application au niveau gouvernemental,

de l'étude systématique des comportements humains,

en réaction à des variables contrôlables du milieu...



Il semble, d'ailleurs, que Foucault prenne un malin plaisir,

à ne pas commenter les aspects les plus rebutants du néolibéralisme ;

Il passe ainsi rapidement sur l'eugénisme,

ou la programmation de la « sélection des plus aptes » ;

Il passe aussi sur l'expression « fabrique du consentement » du fameux Lippmann ;

Ces silences embarrassants,

laisseront à chacun le temps de la réflexion,

Pour certains, le temps de la tentation néolibérale...



Si ce témoignage de l'utopie biopolitique doit conclure la série,

c'est qu'il intervient apparemment à l'opposé du laisser-faire,

caractéristique de la doctrine libérale classique ;

C'est du moins ce que Foucault reconnaît à l'homo economicus,

ou sujet d'intérêts :

à savoir la liberté irréductible de définir ses intérêts...



Mais il reconnaît aussi plus tôt, dans le libéralisme,

un régime politique qui ne fabrique des libertés,

que pour les consommer ;

Des libertés à marchander,

donc réductibles à leur contrepartie,

voilà la vision ;

Et d'ailleurs, transactions ou contrat (social), quelle différence ?



Le néolibéralisme retrouve ainsi sa continuité avec le libéralisme,

dans l'économisme, ou l'analyse économique appliquée systématiquement,

à tous les comportements des humains, pris comme des entreprises...



La formule classique du « laisser-faire »,

c'est l' « open bar » pour des nations européennes

face à un marché mondial virtuellement illimité ;

Puis la loi du marché s'exprime par la formule,

« L'inégalité égale pour tous ! » ;

La rareté des ressources en toile de fond,

fait résonner la formule comme la fin de l'histoire ;

En 1978, on sait qu'il y des signaux écologiques qui alertent,

sur cette folle manière de penser,

mais Foucault y est totalement insensible...



Tout absorbé dans l'inertie d'un monde chosifié,

il finit ainsi de dresser son histoire, dans son laboratoire,

ajoutant une pincée de formules sensationnelles :

Ce qui ressort de la volonté d'un peuple serait dépassé ;

Les droits de l'homme seraient « rétro-actionnaires » ;

L'économie serait, quant à elle, une « discipline sans Dieu »...

Pour ma part, je dirai exactement le contraire,

en songeant à Dieu comme l'extension logique de l'Ego (Jim Morrison)...



En un mot, le gouvernement libéral aurait inventé le pragmatisme,

le jeu gagnant-gagnant versus le jeu à somme nulle, etc..

C'est à coups de marteau,

que l'auteur fait ainsi entrer les artefacts de ses fouilles,

dans les strates bien ordonnées de son histoire...



Mais sur le sol contemporain, c'est la panne d'imagination,

L'engluement dans son sujet, le néolibéralisme ;

Son analyse de la société civile tente, sans conviction,

de retrouver un sens social concret,

à partir d'une situation qu'il a d'abord rendu abstraite,

entre volonté collective suspecte,

et égotisme blanc comme neige ;

- soupir face à son public au collège de France -

Peut-on imaginer un autre art de gouverner ?...



Face à son public,

il rappelle aussi la méthode d'étude des réalités humaines ;

qu'il a déjà appliquée à divers aspects,

comme la folie, la criminalité ou la sexualité ;

Or, tous ces témoignages recueillis,

comportent leur part irréductible de liberté ;

de mauvaise foi en particulier ;

Est-ce que ce sont des choses qu'on peut classer,

dans des strates archéologiques ?...



Cette lecture aura-t-elle été assez stimulante ?

Permet-elle, par exemple,

de répondre aujourd'hui à ces slogans de supporters trumpistes :

« liberties not liberalism »,

ou dans le style “fun” d'une élue républicaine :

“I don't wear a mask for the same reason I don't wear underwear ;

Things gotta breathe.”...



Les enregistrements audio de ce cours au collège de France,

sont disponibles ici en douze parties ;

Voici le lien vers le 1er de la série :

https://youtu.be/U0c4bwrrwcw
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Histoire de la folie à l'âge classique

Livre admirable de Foucault qui jette les bases de la méthodologie qu'il développera ensuite et questionne le concept central de la philosophie occidentale moderne : la raison.



Sur le plan méthodologique, Foucault prolonge le geste nietzschéen. Il ne raisonne pas dans la théorie et l'abstrait, mais se fonde sur des textes, ce qui les a rendus possibles, leur histoire. Il nous livre une histoire des interprétations de la folie. Cette méthodologie, inaugurée par Nietzsche dans la Généalogie de la morale, lui permet de déplier les imbrications sous-tendues par la folie et la manière dont celle-ci a été traitée dans l'histoire.



Descartes inaugure le bal avec son doute méthodique : selon lui, le rêve est plus propre à le faire douter, car ce serait être fou que de se croire fou (je paraphrase, n'ayant pas le texte sous les yeux). Foucault démontre que cette position est en fait constitutive de la raison. Nous avons la raison parce que nous ne sommes pas fous, et c'est parce qu'il y a des fous que nous savons, à rebours, que nous sommes dotés de la raison. Paradoxalement, la raison s'est donc construite négativement en regard de la folie.



Il y a de magnifiques pages sur l'ombre que fait planer la folie sur le soleil de la raison : le rêve assurait à Descartes l'exercice de sa raison, mais l'hypothèse de la folie faisait tout vaciller.



Au-delà du seul travail conceptuel, Foucault montre comment la folie a d'abord été conçue comme entité abstraite avant de s'incarner dans des individus concrets. On ne parlera plus de "la folie" mais "des fous". Toutefois, le mouvement souterrain du concept continue à travailler : en assignant la qualité de "fou" à certains individus, le périmètre de la folie est très précisément bornée. Elle n'a donc plus à inquiéter la raison, puisque nous savons où la folie se trouve : chez les fous. Il ne reste plus qu'à l'enfermer : mettre les fous à l'asile. Le travail cartésien s'est ainsi prolongé. Là où Descartes écartait purement et simplement l'hypothèse, de peur de menacer le cogito, les modernes ont adopté une conception de la folie leur permettant d'en circonscrire le périmètre et, partant, d'en écarter définitivement la menace sur le travail de la raison.



Démonstration remarquable.



Ces travaux seront prolongés dans les ouvrages postérieurs de Foucault intéressant la psychiatrie.
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L'ordre du discours

L'Ordre du discours est la leçon inaugurale de Michel Foucault au Collège de France, prononcée le 2 décembre 1970. 
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Histoire de la sexualité, tome 1 : La volonté d..

La Volonté de savoir est une attaque en règle de l'hypothèse répressive sur la sexualité qu'a mise de l'avant Marcuse. Foucault, tout en finesse et en subtilité, lance attaque par dessus attaque, montrant que la sexualité n'est pas nouvellement libérée des carcans bourgeois, mais qu'elle a été autrement constamment, nommée, mise en lumière, racontée. En faisant une économie extrême de moyens - puisque le premier tome de L'Histoire de la sexualité ne fait que mettre la table pour les cinq suivants (qui ne seront jamais écrits) - Foucault retrace les mécanismes qui ont emmenés le pouvoir à obtenir des aveux à propos de la sexualité (des confessions à la psychanalyse) et à produire sur cette sexualité un savoir qui reconduit l'emprise du pouvoir sur les individus. Il montre de plus comment les modes de gouvernement modernes fonctionnent à travers l'investissement des corps, ce qu'il nommera le "biopouvoir".

À travers La Volonté de savoir, la pensée de Foucault atteint une portée qui marque de façon durable la philosophie et les sciences humaines.
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Surveiller et punir

Corrigez-moi si je me trompe mais il est de notre devoir, puisque c'est aussi le droit de tout un chacun, de remanier le discours, de le reprendre à son compte, de prendre note des actes de langage. L'ensemble des rapports rédigés constituent un ensemble de données ; il faut les classer, les hiérarchiser, pour que ces archives construisent peu à peu un savoir sur l'homme permettant d'en faire l'objet d'une étude : nous en venons aux sciences humaines. Connaître l'homme, c'est essentiel pour le comprendre, pour l'assimiler ; l'objectif premier est de le mener vers quelque chose de bien précis, et puisqu'il est dans la nature humaine de vivre en société, je dirais qu'on le conduit vers le vivre-ensemble ; du moins, en théorie.



En pratique, c'est différent parce qu'on ne s'entend pas toujours. On se dispute. On s'entretue même, parfois. On meurt ensemble, aussi. L'état de nature n'est pas loin, d'autant plus quand on vit dans la jungle des villes. On se demande comment se constitue la société, lorsque la violence règne.



Michel Foucault entre direct dans le vif du sujet. Il fait de nous les spectateurs d'une condamnation à mort et on assiste à la représentation théâtralisée de la violence. Il faut bien solliciter la participation du peuple puisqu'il s'agit de faire souffrir le condamné, avec une surenchère de détails , pour mieux l'édifier, et surtout, pour que le pouvoir s'affirme de la manière la plus absolue. Ils ne manquaient pas d'imagination pour torturer les gens à l'époque. On a l'impression d'assister à mille morts sur la même personne. Pourquoi une telle violence ? Parce qu'il s'agit de châtier le pire des crimes : le régicide. C'est un peu comme un parricide, mais c'est encore plus scandaleux parce qu'on s'attaque au pouvoir absolu, au représentant de l'État, qu'on imagine volontiers choisi par Dieu, s'il n'est pas Dieu lui-même. On punit un sacrilège. La violence qui peut paraître gratuite a une fonction sociale, politique, et j'ajouterais même religieuse, puisqu'il s'agit de s'intéresser aux rituels qui régissent la société, à tout ce qui nous réunit, aussi.



La circulation des feuillets où le condamné proclame son crime rend le châtiment légitime. C'est le fait divers de l'époque. Le peuple réclame parfois la punition, notamment contre les tueurs d'enfants, mais il se révolte aussi, à l'inverse, contre le bourreau, contre les représentants du pouvoir. Une autre forme de littérature apparaît alors, écrite par le peuple et pour le peuple, où le criminel proclame son crime non plus pour rendre légitime le châtiment mais pour exprimer sa révolte. On idéalise peu à peu le criminel, pour en faire un symbole, contre le pouvoir absolu. Il a fallu faire autrement, parce qu'on s'éloignait de l'objectif : la main mise sur le peuple. On essaie de limiter les supplices, en créant l'échafaud, par exemple, pour que l'exécution soit rapide, et puis c'est pratique pour séparer le corps de la tête, pour éviter que les idées de rébellion, les idées révolutionnaires, ne s'expriment en actes. La violence entraîne la violence et il ne faut pas s'étonner de voir l'échafaud, l'instrument privilégié de l'État, réutilisé pour attenter au chef du chef de l'État.



Le pouvoir, peu à peu, se fait plus prudent, plus discret, plus subtil. On établit des Codes, on écrit pour que la loi retrouve sa légitimité. La justice se fait plus visible, la procédure, plus lisible. Enfin, en théorie, parce qu'encore de nos jours, il faut connaître les codes pour comprendre leur jargon. La justice s'exécute de manière insidieuse, secrète. C'est un nouvel investissement politique et détaillé du corps. Au lieu de s'attaquer ouvertement aux corps, qu'on souhaite dociles, on forme les idées, par le discours : l'idéologie.



On s'intéresse aux utopies où tout fonctionne comme sur des roulettes parce que tout est savamment orchestré, huilé. On les réalise : on bâtit ces architectures parfaites, qui permettent de coordonner l'ensemble pour une meilleure efficacité, pour un meilleur contrôle, aussi. C'est l'utopie politique, parce que si on pense selon d'autres critères, ces murs qu'on construit attentent à la liberté. L'utopie a ses limites et se transforme très vite en dystopie. On surveille constamment les individus avec le modèle du Panopticon, via la tour de contrôle. La tour elle, demeure impénétrable au regard, ce qui fait qu'on se retrouve confronté au regard inquisiteur de Dieu qui voit tout, à notre conscience, parce qu'on se retrouve seul face à nous-même, parmi la multitude.



On instaure la discipline. Voici une définition trouvée à la va-vite sur wiki : "Une discipline est un petit fouet à base de cuir, de chanvre ou de métal servant à s'infliger sévèrement une punition corporelle, selon un rite religieux. Il s'agit d'une forme de mortification". Ah non pardon, je dois confondre ... La discipline, selon Foucault, c'est l'exercice du corps et de l'esprit, selon une mécanique bien spécifique, selon un emploi du temps donné, sur le modèle des monastères, où le temps est découpé en fonction des temps de recueillement, des rituels.



C'est une nouvelle "anatomie politique", une "mécanique du pouvoir", qu'on applique un peu partout, dans les institutions religieuses, médicales, scolaires, militaires, judiciaires. On nous suit, on crée des dossiers sur nous : dossier scolaire, dossier médical etc. et ce même si on a pas de casier judiciaire. L'administration permet un meilleur contrôle des masses, une meilleure gestion des hommes, une meilleure productivité, une économie optimale. On nous capitalise.



C'est une justice codée, qui se veut égalitaire, mais on a en contrepartie les dispositifs disciplinaires et " les disciplines réelles et corporelles ont constitué le sous-sol des libertés formelles et juridiques" (p.258). Michel Foucault parle d'un "contre-droit", puisqu'il s'agit d'un mécanisme d'objectivation, de normalisation, d'une subordination consentie parce qu'elle est subtile.



Autrement dit, on nous prive de notre liberté d'être nous-même en nous formant selon une norme préétablie. On est déterminé par les lois mais plus encore par les techniques disciplinaires qui assujettissent nos corps et nos esprits, dès l'enfance.



Je finirai cette critique qui est déjà bien trop longue par la partie que j'ai préféré du chapitre "Prison", dans la sous-section " Illégalismes et délinquance". C'est un compte-rendu de la Gazette des tribunaux, datant d'août 1840. Un jeune garçon de treize ans, orphelin, est inculpé de vagabondage et condamné à deux ans de correction. "Il serait à coûp sûr passé sans traces, s'il n'avait opposé au discours de la loi qui le rendait délinquant (au nom des disciplines plus encore qu'aux termes du code) le discours d'un illégalisme qui demeure rétif à ces coercitions". Le journaliste note :

"Le président : On doit dormir chez soi. - Béasse : Est-ce que j'ai un chez soi ? - Vous vivez dans un vagabondage perpétuel. - Je travaille pour gagner ma vie. - Quel est votre état ? - Mon état : d'abord j'en ai trente-six au moins ; ensuite je travaille chez personne. Il y a déjà quelque temps que je suis à mes pièces. J'ai mes états de jour et de nuit. Ainsi par exemple, le jour, je distribue de petits imprimés gratis à tous les passants ; je cours après les diligences qui arrivent pour porter les paquets ; je fais la roue sur l'avenue de Neuilly ; la nuit, j'ai les spectacles ; je vais ouvrir les portières, je vends des contre-marques ; je suis bien occupé. - Il vaudrait mieux pour vous être placé dans une bonne maison et y faire votre apprentissage. - Ah ouiche, une bonne maison, un apprentissage, c'est embêtant. Et puis ensuite, le bourgeois, ça grogne toujours et ensuite, pas de liberté. - Votre père ne vous réclame pas ? - Plus de père. - Et votre mère ? - Pas plus, ni parents, ni amis, libre et indépendant."



Rares sont ceux qui se sentent réellement libres.



Cet enfant m'a rappelé le Mondo de J. M. G. le Clézio, cet enfant vagabond, épris de liberté et qui s'effraie à l'idée qu'un jour, on l'emporte comme les chiens dans le véhicule de la fourrière, pour le conduire ailleurs, pour le faire disparaître.
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