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Critiques de Michel Foucault (131)
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Surveiller et punir

La description de l’exécution du régicide Damiens, tirée de la Gazette d’Amsterdam du 1e avril 1757, donne le ton à ce livre, où Foucault entremêle au fil exigeant de sa pensée précise et brillante des images frappantes trouvées ici et là au cours des siècles.

Comme souvent chez Foucault, le titre est trompeur. Alors qu’on pourrait s’imagier que le sujet principal semble être les systèmes de contrôle normatif des populations, il s’agit avant tout d’exposer, en survolant l’évolution des milieux carcéraux, la relation entre le pouvoir et la discipline :

« S’il y a un enjeu politique d’ensemble autour de la prison, ce n’est ... pas de savoir si elle sera correctrice ou pas; si les juges, les psychiatres ou les sociologues y exerceront plus de pouvoir que les administrateurs et les surveillants... Le problème actuellement est plutôt dans la grande montée de ces dispositifs de normalisation et toute l’étendue des effets de pouvoir qu’ils portent, à travers la mise en place d’objectivités nouvelles. » (313)

Foucault tente de démontrer que la transition de la société vers la modernité entraîne la formation d’institutions de plus en plus aptes au contrôle disciplinaire des populations. Alors que la punition visait autrefois le physique du coupable, depuis les lumières, la cible a été transférée sur son esprit. Ce n’est plus l’extériorité mais bien l’intériorité qu’il s’agit maintenant de plier au respect des normes établies.

Le tout est écrit avec une froide précision qui convient d’une manière sublime au contenu philosophique et historique du livre.

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Surveiller et punir

Je ne connais rien de l’œuvre de Michel Foucault. Je ne sais ce qui m’a poussé à choisir ce livre, "Surveiller et punir, naissance de la prison", peut-être, me semble-t-il, le fait que Michel Foucault soit l’un des grands intellectuels français de la seconde moitié du vingtième siècle et qu’il soit une référence pour de nombreux penseurs et philosophes...

Il s’agit donc d’une critique de novice, sans prétention aucune, mais sans doute est-il bon, parfois, d’avoir un regard vierge de toute érudition sur des œuvres tant vantées et commentées…

J’ai compris, dès les premiers chapitres, pourquoi Michel Foucault avait acquis cette renommée. La clairvoyance de ses analyses et l’originalité de ses observations ne peuvent que laisser pantois. C’est une œuvre extrêmement documentée, l’auteur ayant effectué un travail de recherche exhaustif pour tenter de comprendre les problèmes actuels (nous sommes alors dans les années 1970) du système pénitentiaire. Ce véritable travail d’historien l’a amené à élargir son champ d’analyse aux pratiques organisationnelles de nos sociétés avec l’apparition, au XVIème siècle, des structures disciplinaires héritières des règles monastiques. Celles-ci expliquent le basculement progressif d’une justice comme expression de l’autorité et de la puissance d’un souverain, à une justice comme emblème d’un contrôle de la normalité.

En effet, la prison n’est, selon Michel Foucault, que l’arbre qui cache la forêt. Si ces principes élémentaires : contrôle panoptique (voir sans être vu) et règles de vie disciplinaires, n’ont jamais été remis en cause malgré les perpétuels échecs du système (les crimes et délits n’ont jamais diminués), c’est que ces principes s’appliquent aussi à l’extérieur pour le contrôle des populations par notre système politique. La récurrence disciplinaire donne raison à Foucault : dans les écoles, dans les casernes, dans les hôpitaux, dans le monde du travail, tout est soumis à la discipline. On compartimente, on sépare, on divise dans le temps et dans l’espace pour normaliser et assujettir afin de mieux contrôler.

Ces réflexions font écho en 2008 avec les questions actuelles de fichage informatique généralisé, du développement de la vidéo-surveillance et de l’abaissement de l’âge de la pénalisation à douze ans ! Cette accentuation dramatique, qui sera forcément sans résultats, sinon celui de mettre dans le circuit de la délinquance encore plus de monde, celui des classes les plus exposées, les classes non protégées, les classes les plus pauvres, cette accentuation aurait, à n’en pas douter, fait réagir Michel Foucault. Comment, il est vrai, ne pas protester quand les politiques stigmatisent les petits délinquants, les responsables, selon eux, de tous les maux de notre quotidien, alors que les rois de la finance vivent loin des caméras, à l’abri de tout soupçon, continuant paisiblement à ne pas respecter les lois pourtant garantes de notre vivre ensemble.

Tiens donc ! il me semble comprendre soudain pourquoi j’ai voulu lire cet indispensable essai…

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Les Mots et les choses

Imaginez que « Les mots et les choses » fut le best-seller de l'année 1966. Qui peut prétendre à cette réussite, de nos jours, sinon Christophe André ou Frédéric Lenoir dans la catégorie des essais ? Du premier aux seconds, c'est un gouffre de connerie qui s'est creusé. Un vide de la pensée. Peut-être cette fameuse analytique de la finitude dont nous parle Foucault et qui, pour s'être éprouvée jusqu'à ses limites les plus extrêmes, a fini par retomber en demi-molle souriante.





Donc, Foucault examine scrupuleusement les quelques siècles passés en Occident du point de vue de l'évolution des structures épistémologiques. Ce n'est pas une histoire de la pensée mais une archéologie du savoir : au lieu de suivre le développement des connaissances, il s'agit de mettre à jour les conditions de possibilités des discours qui se sont formés (les épistémès). Foucault dégage ainsi trois épistémès et remarque que le changement majeur intervient entre l'âge classique et l'âge moderne, aux environs du 17e siècle. Alors qu'à l'ère classique, le langage et les mots étaient liés par le prisme de la représentation, sans ambiguïté ni équivoque, l'âge moderne se définit par leur éloignement progressif puis par leur séparation : l'ordre a succombé à l'historicité. Cette rupture met à jour de nouveaux domaines de réflexions. C'est ici qu'apparaît l'homme comme objet de réflexion dont peut s'emparer la conscience épistémologique. Deux nouvelles formes de pensées apparaissent : la critique kantienne qui cherche à former une nouvelle synthèse possible entre les représentations, et l'Idéologie qui interroge quant à elle les conditions qui permettraient d'établir un rapport entre les représentations du côté de l'être qui s'y trouve représenté. Cette dualité est rapidement dépassée et remplacée par un domaine de recherches variées, les sciences humaines.





Voilà que l'on entend ricaner au fond de la classe. Ceux qui se réjouissent déjà de formuler leurs objections en logorrhée gerbante sont priés de fermer leur gueule. Non, Foucault ne tombe pas dans le piège et n'essaie pas de ressasser le merdier habituel selon lequel les sciences humaines seraient vraiment des sciences. « Inutile donc de dire que les « sciences humaines » sont de fausses sciences ; ce ne sont pas des sciences du tout ; la configuration qui définit leur positivité et les enracine dans l'épistémè moderne les met en même temps hors d'état d'être des sciences ; et si on demande alors pourquoi elles ont pris ce titre, il suffira de rappeler qu'il appartient à la définition archéologique de leur enracinement qu'elles appellent et accueillent le transfert de modèles empruntés à des sciences ». Voilà qui met fin aux débats stériles. Mais les sciences humaines ont une qualité que ne possèdent pas forcément toutes les autres : celle de vouloir se démystifier sans arrêt. Leur remise en question perpétuelle se fait par le prisme de l'histoire et de l'inconscient, ce qui a donné lieu à l'émergence de ces variétés de discours que sont l'ethnologie et la psychanalyse. Toutefois, si leur objet d'étude est cela même qui constitue la méthode de remise en question des sciences humaines, alors elles se constituent en contre-sciences : plutôt que de former un savoir sur l'homme, elles le font disparaître en remontant vers les raisons de sa constitution comme objet de savoir. Notons ici que Foucault envisage la psychanalyse du point de vue de son objet alors qu'il s'agit d'une forme de discours qui, en tant que telle, marque encore une rupture d'avec les formes précédentes de discours. Mais ceci n'est ici point noté.





Le point nodal de l'intrigue reste quand même cette découverte de l'homme, non pas comme résultat d'une reconnaissance de notre nature spécifique d'être humain mais comme aboutissement de processus historiques particuliers. C'est pour cette raison qu'une technologie de pouvoir s'est formée dans la continuité de ces processus historiques, faisant germer l'illusion d'une subjectivité qui serait la source de ces comportements, alors que la maîtrise de ceux-ci serait le résultat de l'exercice d'une forme de pouvoir sur cette prétendue subjectivité. On comprend alors mieux pourquoi toute l'œuvre de Foucault s'est ensuite articulée sur cette question : comment le gouvernement de soi et (surtout) des autres a-t-il nécessité la production d'une vérité du sujet ?



Suivant Freud, il me semble plus juste de dire que, la société procédant du sujet de l'inconscient, les technologies de pouvoir tentant de maîtriser le sujet ne sont que le troisième temps d'une dialectique qui s'ignore en ce qu'elle croit en être le terme initial, lorsqu'elle n'en est que le saisissement manqué.



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Surveiller et punir

Surveiller et punir est incontournable pour déchiffrer les mécanismes moderne d'exercice du pouvoir disciplinaire. Prison, école, hôpital...toutes les institutions apparaissent progressivement comme des espaces de contrôle des corps, d'administration des âmes et de normalisation de la pensée. Plus qu'un ouvrage philosophique, Surveiller et punir se veut une généalogie, le produit d'un archéologue qui fouille dans les strates de l'histoire de la pensée, à la recherche des motifs qui ont conduit à la fabrication du pouvoir moderne. D'une plume profondément littéraire. Brillant?
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Alternatives à la prison

Invité à donner une conférence à Montréal dans le cadre de la Semaine du prisonnier, en 1976, Michel Foucault soutient que les sanctions « alternatives » étendent les murs de la prison à toute la société.

(...)

Alors que se multiplient de plus en plus rapidement les dispositifs de contrôle, à l’ombre des États d’urgence dont nombre de dispositions provisoires deviennent permanentes, et sous couvert de protection des populations, contre le terrorisme ou les virus, cette conférence de Michel Foucault qui va bien au-delà de la seule question de la prison et interroge la société dans son ensemble, mérite toute notre attention, pour ses renversements de perspectives et sa portée ambitieuse.



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Histoire de la folie à l'âge classique

Je suis infirmière en milieu carcéral et en psychiatrie et il me semble inévitable de remettre des bonnes passes de psychiatrie pour comprendre les être humains.Je suis consciente que lorsqu'on dit psychiatre ....;on nous prend pour des fous alors que tout un chacun dans sa vie aurait besoin d'un psychiatre ...La vie n'est simple pour personne et on peut a toute moment faire un épisode dépressif si nous prenons de névrosés lambda comme nous.



La publication de Histoire de la folie, la thèse de doctorat de Michel Foucault, constitua un véritable événement intellectuel, et rares ont été les livres de philosophie à avoir fait couler autant d'encre. Ce que cherche à montrer Foucault, c'est qu'il n'y a pas une seule réaction possible à la folie et que le regard que l'on porte sur elle dépend de la culture dans laquelle elle s'inscrit. Le fou n'a pas toujours été considéré comme un « malade mental ».



Foucault esquisse donc les grandes étapes du rapport de la raison à la folie à partir de la fin du Moyen Age jusqu'à la naissance de l'asile au xixe siècle en s'appuyant sur des matériaux divers .



La création de l'Hôpital général à Paris en 1656 est un événement historique capital qui marque l'ère du « grand renfermement ». Désormais, le fou est interné aux côtés des oisifs, des délinquants et des marginaux dans des centres qui visent à isoler et à faire travailler ceux qui pèsent comme une charge pour la société.

L'autre événement clé de cette histoire de la folie est alors la libération des enchaînés de l'hôpital Bicêtre en 1793 par Philippe Pinel.

Le fou n'est plus guère avec les délinquants : il va se trouver enfermé mais seul.

Particulièrement critique à l'égard de la psychiatrie, Foucault lui reproche de n'être qu'un monologue de la raison sur la folie

Foucault qui obligea toute une génération à réévaluer la psychiatrie et à entendre à nouveau la voix des fous, bien assourdie dans notre société.



De nos jours les hôpitaux psy sont vidés ..les patients sont dehors et comme ils sont perdus ou en rupture de soins et bien ils se retrouvent en prison ....si un schizophrène dangereux est traité ..tout se passe bien , sans traitement il peut tuer et fait la une du journal ....c'est une honte mais une journée de prison ne coute rien tandis qu'un journée d'hospitalisation psy ce n'est pas donné.

Pour lire ce livre il faut des notion de psy.
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Surveiller et punir

Les prisons forment un monde mystérieux, et objet de tous les fantasmes. Perdu entre ceux qui s'indignent de l'état de délabrement de nos prisons actuelles, et ceux qui s'indignent tout autant que les prisonniers aient assez d'espace dans leur cellule pour étendre leurs jambes, confort qu'ils ne méritent certainement pas, une question se pose rapidement : qu'est-ce qu'on attend réellement de nos prisons à notre époque ? Cet essai de Michel Foucault nous fournit de bonnes bases de réponses.



Réponse qui commence par un nécessaire historique du système pénal en France : d'abord expression de l'autorité et de la puissance du souverain, et donc « forcée » de répliquer à chaque infraction par un coup plus dur, on glisse progressivement vers une justice qui doit « réparer » le coupable et le réinsérer dans la société. On ne juge plus un acte, mais la personne dans son ensemble : quelle est sa part exacte de responsabilité dans l'acte qu'elle a commis, et surtout, quels sont les risques qu'elle recommence ?



Si les premiers penseurs imaginent des punitions directement liées au crime commis, le système carcéral vient balayer toutes ces idées et s'affirme capable de corriger n'importe quel coupable. Les mécanismes se mettent en place : surveillance continue, recensement de tous les bons et mauvais comportements, consignes à respecter scrupuleusement, … Ces mécanismes sont vite adoptés par toute une foule d'autres institutions : école, armée, hôpitaux, entreprises, qui y voient le moyen idéal de gérer des groupes importants en imposant une normalisation de chaque individu.



L'essai est assez dense, et bouscule beaucoup d'idées préconçues : quand on ne connait pas un sujet, on a tendance à le voir de manière linéaire (tout était très mauvais il y a des siècles, et chaque décennie fait un pas vers le mieux). Le constat sur la prison est sévère, et est présenté comme un échec. Difficile pourtant d'imaginer une solution alternative, tellement elle s'est imposée comme une évidence de nos jours. On peut aussi se demander s'il est possible d'instruire et de faire travailler des milliers de personne sans les formater quelque peu auparavant. Si le cœur crie « oui ! », trouver des alternatives qui tiennent la route est loin d'être simple. En bref, « Surveiller et punir » nous force à nous interroger sur le bien-fondé de mécanismes qu'on a acceptés depuis longtemps sans trop se poser de questions.
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Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma soeur..

Agé de vingt ans et des poussières, Pierre Rivière est poursuivi par la justice après avoir tué sa mère, sa sœur et son frère. Après avoir commis ce meurtre, il s’enfuit et vagabonde pendant un mois dans les forêts alentours. Lorsqu’on le retrouve, il invoque tout d’abord la raison divine pour justifier son meurtre, puis reconnaît qu’il voulait seulement venger son père, victime selon lui d’humiliations répétées de la part de sa mère. Le meurtre de la petite sœur et du petit frère est justifié quant à lui par l’attachement de ces derniers à leur mère.





Michel Foucault, auteur d’une « Histoire de la folie », à l’occasion de son entreprise critique des institutions, a déterré un rapport complet autour de cette affaire qui s’est déroulée dans la campagne française des années 1865. L a première partie du livre est factuelle et nous expose sans commentaire les documents de l’arrestation, de l’instruction, des consultations médico-légales, du procès et du mémoire.





La deuxième partie réunit plusieurs intellectuels contemporains de Foucault autour d’un commentaire qu’ils souhaitent neutre de l’affaire. Ils ne se laissent pas prendre au piège qu’ils dénoncent et ne cherchent pas à analyser le comportement de Pierre Rivière d’un point de vue psychiatrique ou psychanalytique. Ce qui les intéresse, c’est d’observer les rapports entre la psychiatrie et la justice pénale, de se poser la question de la formation et du jeu d’un savoir dans ses rapports avec les institutions, de déchiffrer les relations de pouvoir, de domination et de lutte à l’intérieur desquelles les discours sont produits. Cette analyse n’est pas exempte de défauts : on fout la paix à l’individu pour questionner le collectif, on dénonce la violence qu’inflige l’interprétation psychanalytique à l’individu pour la reproduire sur le collectif, bref, on passe d’un coupable à un autre, comme si on reconnaissait que l’individu est la conscience éveillée qui manifeste parfois, sans le savoir, les dérèglements d’une société et de ses institutions.





Il ne faut sans doute pas se soumettre absolument aux interprétations psychiatriques, et les observations critiques des intellectuels dans ce livre sont du même ressort, même si elles cherchent à prendre du recul et à se montrer critique vis-à-vis de leur propre discours. Malgré les défauts inévitables qui apparaissent dès lors que quelqu’un produit un discours, ce livre offre cependant le témoignage rare et brut d’un assassin. Aurait-on permis à cet homme de s’exprimer et, le cas échéant, aurait-on gardé son témoignage en mémoire avant le 19e siècle ? Plus encore, au-delà du fait anecdotique, Michel Foucault nous invite à observer les jeux entre la justice et la psychiatrie au 19e siècle, se construisant mutuellement entre rejet et complicité. Ce croisement inédit augmenterait selon lui considérablement le risque de réalisation de son plus grand cauchemar, à savoir l’emprise toujours croissante des institutions sur la liberté présumée de l’être humain.
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L'ordre du discours

« L'ordre du discours », c'est marrant, c'est le nom que Foucault donne à l'introduction de sa leçon inaugurale au Collège de France en 1970. Il va faire là un truc qui ressemble à une mise en abîme : dans son discours, causer de ce que c'est que le discours, et pourquoi c'est pas innocent comme on y croit. Quand on est en manque de sujet d'étude pour causer intellectuel, il faut chercher l'inspiration là où elle se cache.





Pour donner du piquant à son sujet, Foucault nous dit que le discours n'est jamais si libre qu'on veut bien le faire croire. Un peu comme moi quand j'écris cette chiée dans l'écart réservé sur Babelio. Même si on essaie de varier, on se rendra bien compte qu'il y a des murs un peu partout. Et pourtant, c'est pas qu'on n'essaie pas de les casser, mais au bout d'un moment ça fatigue, on se dit qu'il vaut mieux pas trop tirer sur la corde et même à les casser une fois, les murs, si on veut recommencer on se rend compte qu'on entre à notre tour dans l'ère de la technique, et on a honte. Entre nous, on appelle « commentaire » ce qui se publie sur Babelio en guise de récapitulatif de lecture. C'est marrant encore, Foucault parle justement du commentaire dans son discours comme étant une des modalités internes du contrôle du discours. Avait-il prévu que je parlerais de lui de la sorte ? Sans doute pas, il est trop malin pour ça.





« le commentaire conjure le hasard du discours en lui faisant la part : il permet bien de dire autre chose que le texte même, mais à condition que ce soit ce texte même qui soit dit et en quelque sorte accompli. La multiplicité ouverte, l'aléa sont transférés, par le principe du commentaire, de ce qui risquerait d'être dit, sur le nombre, la forme, le masque, la circonstance de la répétition. le nouveau n'est pas dans ce qui est dit, mais dans l'événement de son retour. »





Autant dire qu'il faudrait s'arrêter de causer aussi sec avec Foucault, sauf à faire ce qu'il fait, toujours réinterroger les machins qu'on se croit sûrs, mais bon on a changé d'époque. C'est peut-être le fait d'avoir pas connu les années 70 mais il était sans doute bien salutaire en ce temps-là de remuer les paquets de merde figée pour les interroger sur leur nature existentielle dans leur vie antérieure. Maintenant, je sais pas trop à quoi ça servirait, reste-t-il encore des choses qui peuvent être creusées, raclées, perforées, défenestrées ? On se la joue carte du pessimisme.





Et pourtant, Foucault fait bien genre qu'il ne déconnait pas. Il était tellement sérieux qu'il a établi un programme qu'en détails, il ne s'emmerda pas à suivre strictement. C'est déjà là un bon signe de jugeotte. Voici donc les grandes lignes de son projet général :

- Remettre en question notre volonté de vérité.

- Restituer au discours son caractère d'événement.

- Lever la souveraineté du signifiant.





On n'y comprend rien, mais c'est le but. Et ce qui accompagne les objectifs, quatre exigences de méthode :

- Principe de renversement : "là où, selon la tradition, on croit reconnaître la source des discours, le principe de leur foisonnement et de leur continuité, dans ces figures qui semblent jouer un rôle positif, comme celle de l'auteur, de la discipline, de la volonté de vérité, il faut plutôt reconnaître le jeu négatif d'une découpe et d'une raréfaction du discours."

- Principe de discontinuité : "Les discours doivent être traités comme des pratiques discontinues, qui se croisent, se jouxtent parfois, mais aussi bien s'ignorent ou s'excluent. »

- Principe de spécificité : "Il faut concevoir le discours comme une violence que nous faisons aux choses, en tout cas comme une pratique que nous leur opposons ; et c'est dans cette pratique que les événements du discours trouvent le principe de leur régularité."

- Principe d'extériorité : "Ne pas aller du discours vers son noyau intérieur et caché, vers le coeur d'une pensée ou d'une signification qui se manifesteraient en lui ; mais, à partir du discours lui-même, de son apparition et de sa régularité, aller vers ses conditions externes de possibilité, vers ce qui donne lieu à la série aléatoire de ces événements et qui en fixe les bornes.





C'est plutôt cool l'idée de faire du discours un événement. C'est ce qu'a réalisé Foucault et j'imagine que ça ne pouvait l'être qu'une fois. Bravo à lui d'avoir créé ce qui, du même coup, était voué à ne plus pouvoir être répété. C'est là le copyright ultime.





Ce qui est certain à propos du discours, si on n'en sait rien d'autre des jeux de pouvoir et de savoir qu'il engrange, c'est que ça reste une lutte éternelle, un truc qui permet de mesurer le calibrage de ceux qui en ont une, alors que souvent, ceux qui écoutent, justement, n'écoutent pas. O triste ironie du sort.


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Surveiller et punir

Tout d'abord, il est important de préciser qu'il n'y a pas une seule lecture de Surveiller et punir. Tout ouvrage peut être lu et interprété différemment. Surveiller et punir comme les autres et bien plus qu'un certain nombre...

Surveiller et punir est un livre difficile à cataloguer : Est-ce une étude philosophique ou un livre d'histoire ? Est-ce une analyse des 18ème et 19ème siècles ou un diagnostic de la société des années 1970, date de publication de l'ouvrage ? Difficile à dire.il est important de lire Surveiller et punir comme ce qu'il est au premier abord à savoir, une histoire de la naissance de la prison ou encore comme l'histoire d'une mutation, qui s'est produite aux 18ème et 19ème siècle, celle de la punition à la surveillance.



Mais si Surveiller et punir est une histoire parmi d'autres, elle n'est pas vraiment une histoire comme les autres. D'une part, c'est une histoire historiquement datée, publiée en 1975, dans un contexte particulier.

En effet, de nombreuses révoltes ont lieu dans les prisons françaises, durant l'hiver 1971-1972 puis pendant l'été 1974. D'autre part, Surveiller et punir est construit selon une méthodologie bien particulière : par exemple, pour démontrer sa thèse, Foucault n'hésite pas à choisir délibérément ses documents. Enfin, Surveiller et punir n'est pas une simple histoire de la naissance de la prison : au delà, elle est une généalogie du pouvoir disciplinaire.

A ce jour en 2015 , Foucault ne s'était pas vraiment trompé...sur tout ce qu'il allait advenir



Michel FOUCAULT (1926-1984) est diplômé de l’Ecole Normale Supérieure, titulaire d’une licence en philosophie, de psychologie et un diplôme de psycho-pathologie. Ses premiers travaux scientifiques portent sur les maladies mentales. C’est dans ce champ de recherche qu’il publiera en 1961 Folie et Déraison : histoire de la folie à l’âge classique. Michel FOUCAULT est nommé au Collège de France en 1970 et il introduira lors de sa leçon inaugurale le concept qui va guider ses travaux par la suite : le pouvoir.
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Histoire de la sexualité, tome 1 : La volonté d..

Une sexualité longtemps enfouie, brimée par la mentalité bourgeoise avant d’être soudainement libérée au cours du siècle dernier ? Foucault n’y croit pas. En analysant les discours sur la sexualité du 17è siècle à nos jours, il démontre au contraire qu’il n’y a eu qu’une lente progression du même phénomène.



Et ce phénomène, c’est l’aveu. Il s’est installé tout d’abord dans les confessionnaux, où les prêtres tentaient d’extirper la moindre trace de péchés chez leurs ouailles. Et pas question d’y couper, la confession annuelle étant un minimum syndical ! Petit à petit, la médecine s’est également emparée du sujet, dans un contexte où le sexe avait un impact considérable sur la « vigueur de la race ». Pour atteindre le saint Graal de la sexualité parfaite, elle a elle aussi demandé aux patients de dévoiler toutes leurs attirances et leurs moindres pulsions, pour les classer, les catégoriser et éventuellement les soigner. Dans cet état d’esprit, ni Freud ni mai 68 ne paraissent particulièrement révolutionnaire. Il s’agit encore et toujours de parler de sa propre sexualité, dans les moindres détails, en demandant anxieusement aux « experts » si l’on se trouve bien sur la bonne voie.



Sujet intéressant donc, et propos à contre-courant de ce qu'on entend habituellement. Malgré tout, l'essai se révèle un peu frustrant. Ce premier volume devait constituer l'introduction aux tomes suivants, et cela se ressent dans le texte, pas assez profond. Les motivations des différents pouvoirs et les mécanismes de domination décrits restent encore assez flous pour moi. Pour ne rien arranger, Foucault fait à peine un pas dans une direction qu'il se rétracte aussitôt, déclarant que le sujet n'est pas si simple et qu'il faut creuser encore pour le comprendre vraiment, ce qui ajoute encore de la confusion.



À mon sens, il ne faut ouvrir ce livre que si on a la ferme intention d'avaler les tomes suivants juste après. Mais en tant qu'ouvrage isolé, il risque fort de n'apporter que de la frustration.
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Alternatives à la prison

La conférence de Foucault de 1976, prolongée par les analyses de Sylvain Lafleur et de Tony Ferri, donne matière à réfléchir sur notre actualité carcérale et la généralisation du statut de prisonnier. Elle annonce l'avènement de la société de contrôle et du bio-pouvoir.
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Les Mots et les choses

L'homme objet des sciences, est « tel qu'on prendra en lui connaissance de ce qui rend possible toute connaissance » : une étrange proposition (qui me rappelle en le disant quelque chose comme la fameuse incertitude d'Heisenberg).

Déjà la psychanalyse et l'ethnologie «parce qu'elles se dirigent vers ce qui, hors de l'homme, permettent qu'on sache, d'un savoir positif, ce qui se donne ou échappe à sa conscience. (…) Elles s'adressent à ce qui constituent les limites extérieures du concept d'homme (…) Elles dissolvent l'homme ».

En restant sur le sol contemporain, on se dira peut-être que les sciences progresseront continûment dans la connaissance de leur objet par tâtonnement et par intuition géniale, en résolvant les problèmes les uns après les autres. Mais quel objet ? L'inconscient ?

« Comment peut-il se faire que l'homme pense ce qu'il ne pense pas ?...Comment peut-il être cette vie dont le réseau, dont les pulsations, dont la force enfouie débordent indéfiniment l'expérience qui lui en est immédiatement donnée ?...Comment peut-il être ce travail dont les exigences et les lois s'imposent à lui comme une rigueur étrangère ?».

« Qui parle ? » : Nietzsche est constamment à l'esprit de Foucault.

Dès l'âge moderne (fin XVIII début XIX), apparaissent ces notions nouvelles de vie, travail et langage. A ce moment on va parler de biologie, d'économie et de philologie.

« Cuvier et ses contemporains avaient demandé à la vie de se définir elle-même, et dans la profondeur du vivant ; de la même façon, Ricardo avait demandé au travail les conditions de possibilité de l'échange, du profit et de la production ; les premiers philologues avaient aussi cherché dans la profondeur historique des langues la possibilité du discours et de la grammaire. ».

Cuvier, Ricardo, Bopp, sont des noms évidemment moins connus que Darwin ou Marx, et qui donc piquent la curiosité. Foucault s'empresse d'expliquer ce choix car certains noms passeraient facilement pour des « réactionnaires » (on comprend mieux en lisant la biographie de Cuvier sur Wikipedia). Tout au long du livre, on peut d'ailleurs lire la méfiance de Foucault à l'égard des multiples tentatives de théorie évolutionniste. Mais ce qui pique réellement c'est l'approche archéologique de Foucault, son concept d'épistémé.

Dans la première partie du livre, il va appliquer cette démarche successivement aux périodes traditionnelles de la Renaissance, de l'âge classique et donc de l'âge moderne, en prenant soin d'analyser ensemble les 3 domaines du savoir qui deviendront donc la biologie, l'économie et la philologie (linguistique). Sa démarche s'annonce laborieuse, et il interpelle le lecteur : « comment faire autrement ? ». (Par là il nous rappelle à la manière de Kant, que son livre n'est une rhapsodie).

Son objectif est précisément de révéler les discontinuités et l'a priori historique qui caractérise le champ des savoirs possibles à chaque période, l'épistémé. Ce déterminisme radical ainsi creusé, devra lui permettre à la fin du livre, de ramener les questions contemporaines à la recherche de la nouvelle épistémé, comme une espèce de mystique non-dite ou d'essence de la pensée actuelle.Plus concrètement ce pourrait être une nouvelle unité retrouvée du langage, actuellement dispersée selon les modes de la littérature, de l'exégèse, du formalisme et de la philologie.

Ce concept le conduit à reléguer au second plan tout le travail des scientifiques qui procèdent à partir des problèmes à résoudre. D'autre part, le pré-supposé théologique (cas de Charles Bonnet) ou d'autres types de déterminations se trouvent également ignorés par avance derrière l'a priori historique. (Voir notamment la critique de Pierre Bourdieu dans "Raisons Pratiques").

A coups de marteau, il se retrouve à souder une à une les découvertes des savants à l'épistémé qui les a rendues possibles à leur époque. le comble de l'agacement c'est que les changements d'épistémé entre les périodes restent des évènements archéologiques à l'origine complètement inconnue. En tous les cas, ce livre ouvre forcément un champ important à la critique.

Ce livre forme avec le précédent « Une histoire de la folie à l'âge classique » une sorte de diptyque : histoire de l'autre/histoire du même. Dans les deux cas on parcourt l'histoire avec l'art et la littérature. C'est d'ailleurs ici « La prose du monde » qui résume son chapitre sur la Renaissance, et c'est le tableau des Menines de Velázquez qui représente l'âge classique et la prochaine mutation archéologique et qui traverse le livre avec son mystère : « L'homme apparaît avec sa position ambiguë d'objet pour le savoir et de sujet qui connaît : souverain soumis, spectateur regardé, il surgit là, en cette place du roi que lui assignait par avance les Menines, mais d'où pendant longtemps sa présence réelle fut exclue ».
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Histoire de la sexualité, tome 1 : La volonté d..

Lors d’un apéro avant-hier, autour de la table, une nana ânonne : « moi je peux raconter ma vie sexuelle dans tous ses détails à n’importe qui, ça me gêne pas ». Bravo. Les compliments ne tardèrent pas à choir pour la faire taire rapidement. Pas une once d’imagination. Spinoza évoquait « cette fameuse liberté humaine que tous se vantent d’avoir ! ». Elle consiste « dans le fait que les hommes sont conscients de leurs appétits et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés ». Souvenez-vous, grands poupons : « C’est ainsi que le bébé croit librement appéter le lait, que l’enfant en colère croit vouloir la vengeance, et le peureux, la fuite ». On commence même à penser qu’il serait judicieux de bourrer la tête du gosse qui ne sait toujours pas se torcher le cul tout seul de notions sur la sexualité. C’est quand même plus bandant que de faire des maths et du français. Enfin, ouf, on se prépare peut-être à créer de nouvelles générations de dégoûtés du cul, ça permettra à la situation démographique de se désenclaver un peu.





A vous qui ne souhaitez pas lire ce livre mais désirez quand même en connaître les grandes lignes, voici l’interrogation majeure qui le parcourt : « La question que je voudrais poser n’est pas : pourquoi sommes-nous réprimés, mais pourquoi disons-nous, avec tant de passion, tant de rancœur contre notre passé le plus proche, contre notre présent et contre nous-mêmes, que nous sommes réprimés ? »





Aliénation extrême : ce qui semble refléter la condition de notre libération n’est en fait qu’un arsenal déployé par la sphère dominante –autrefois la bourgeoisie- pour faire circuler les savoirs et les pouvoirs dont la plus haute fonction, désormais, n’est plus de tuer mais d’investir tous les domaines de la vie (éducation, démographie, forces vitales). Michel Foucault analyse ainsi, pour les démolir, les raisons d’un savoir qui se prétend neutre alors que les désirs commandent la manière dont il va être déployé.





Eric Zemmour a parlé de ce livre dans son récent ouvrage « Le suicide français ». Il indiquait que la sexualité, qui a fait du sexe un problème, est une construction culturelle et historique imposée par le pouvoir normatif de l’Etat : « Je fabrique quelque chose qui sert finalement à un siège, à une guerre, à une destruction ». Pas de sexualité = on ne pense pas au sexe comme un problème, on le fait quand il le faut, et puis basta. Comme quoi, Eric Zemmour ne raconte pas toujours n’importe quoi, n’en déplaise aux partisans de la lobotomisation culturelle.





Mais revenons-en à Michel Foucault : « Ne pas croire qu’en disant oui au sexe, on dit non au pouvoir ; on suit au contraire le fil du dispositif général de sexualité ». Donc, vous ne faites rien de subversif lorsque vous racontez votre vie sexuelle à n’importe qui pour faire croire que vous êtes détendu du gland, lorsque vous organisez des soirées sex toys à domicile avec vos collègues (aucune dignité) ou lorsque vous enseignez à votre gosse de cinq ans comment bien se masturber. Tout au plus indiquez-vous votre résignation face à un pouvoir que vous n’avez même pas reconnu, pris au piège par l’ironie de ce cruel dispositif de sexualité qui «nous fait croire qu’il en va de notre « libération ». »

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Histoire de la folie à l'âge classique

Michel Foucault nous embarque avec la Nef des Fous, la peinture de Jérôme Bosch (vers 1500), pour un long voyage au bout duquel on pourrait aussi bien tomber sur la scène du célèbre film "Vol au-dessus d'un nid de coucou" où le personnage interprété par Jack Nicholson, interné à l'asile, organise une virée rocambolesque avec les autres internés.

Cette histoire est une boucle autour de la liberté insaisissable des fous, à travers l'ordre social et moral encore à œuvre à la « libération » des fous par Pinel à Bicêtre et à La Salpêtrière (et par Tuke en Angleterre).

La pensée médicale n'est que secondaire dans cette histoire alors même que ces évènements de la fin du XVIIIème sont considérés comme l'origine de la psychiatrie. Et même en prolongeant jusqu'à Freud, Michel Foucault veut montrer que « si le personnage médical peut cerner la folie, ce n'est pas qu'il la connaisse, c'est qu'il la maîtrise ».

La philanthropie est également secondaire. La solidarité humaine, primaire à toute société, est canalisée par la conscience bourgeoise dans une assistance publique minimale (idée promue notamment par un certain Dupont de Nemours). Il n'y a que des morales closes à l’œuvre. Celle des Quakers, dans le projet de Tuke, est dépeinte comme une abomination. Les résultats qui tiennent du «quasi-miracle » paraissent évidemment douteux : la « guérison spontanée de la folie n'est peut-être que sa secrète insertion dans une artificieuse réalité ».

Mais le pouvoir du « positivisme » des « légendes de Pinel et de Tuke » se comprend peut-être mieux quand on songe aux terribles conditions d'enfermement au XVIIème siècle, le siècle du « rationalisme » de Descartes, qui marque une « coupure essentielle entre raison et déraison, dont l'internement n'est que l'expression institutionnelle ». C'est qu'à cette époque on enferme pêle-mêle les fous, les libertins, les indigents, les chômeurs, les homosexuels, etc… « Cette société qui devait un jour désigner ces fous comme des "aliénés", c'est en elle d'abord que la déraison s'est aliénée »

Il faudra du temps pour que ce domaine de la « déraison » se vide et laisse la folie toute seule, « objectivée », mais pour autant « l'asile des fous de Tuke et Pinel n'est qu'un rééquilibrage des formes de conscience de l'âge classique ». C'est pourquoi Foucault va observer précisément tout le long de ce livre, les opérations de ces différentes formes de conscience : critique, pratique, énonciative et analytique. Les problèmes soumis à la conscience sont toujours les mêmes : la peur, de devenir fou ou d'être assailli par les fous, la responsabilité, notamment dans les affaires criminelles, l'assistance et le traitement médical.

L'analyse est abondamment nourrie de témoignages d'époque et d'extraits d’œuvres littéraires. Ce sont autant d'invitations à explorer plus loin : l'Eloge de la folie (Erasme au XVIème siècle), Don Quichotte (Cervantes, XVIIème), Le Neveu de Rameau (Diderot, XVIIIème), les oeuvres de Sade (XVIIIème), etc..

Antonin Artaud et Nietzsche jouent un rôle bizarre dans ce livre, leur nom est répété de nombreuses fois sans commentaire ou presque, comme un leitmotiv. Mais on devine le problème.

« Quel est donc ce pouvoir qui pétrifie ceux qui l'ont une fois regardé en face, et qui condamne à la folie tous ceux qui ont tenté l'épreuve de la déraison ? »

Je reste perplexe devant cette étrange fascination pour « la ruse et le triomphe de la folie » et devant un tel scepticisme envers le pouvoir humain de compassion et de solidarité.
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Les Mots et les choses

Citation de Roger-Pol Droit in "7 philosophes qui ont fait le XXème siècle ":



Avec Les Mots et les Choses, en 1965, Foucault fait émerger de l'ombre et de l'oubli la fracture dans l'espace du savoir qui a fait naître les sciences humaines telles que le XIXème siècle les développe. Chemin faisant, il souligne combien la figure de l'homme, conçue comme principe central d'explication, est historique, donc temporaire, en train de s'estomper peut-être déjà.
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Surveiller et punir

Difficile de résumer un livre aussi dense, érudit et complexe du fait des processus qu’il décrit. Michel Foucaut brosse une histoire de la prison qui débute au Moyen Age avec le supplice des corps, « seul bien accessible » au temps de la féodalité, qui incarne plus tard le droit de punir du souverain. La punition doit être publique, marquer les esprits et non seulement les corps.

Progressivement nait l’idée que le châtiment doit avoir une analogie avec le crime commis et que la réparation doit profiter à la société, c’est le début des travaux forcés et du bagne, puis de l’institution carcérale.

L’homme étant très créatif ( !), il va au cours des siècles multiplier les lieux, outils et méthodes qui permettront de contraindre, non plus le corps, mais l’esprit. L’usine, l’école, la prison (et le panoptique de Bentham) – autant d’endroits où s’exercent discipline et dressage sous de multiples formes.

C’est un livre à lire, et à relire car on y découvre toujours de nouvelles champs de réflexion. C’est certes un peu ardu, engagé (la pensée de Foucault est marquée d’un point de vue idéologique) mais quand même incontournable pour comprendre certains débats

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Histoire de la sexualité, tome 2 : L'usage de..

Foucault, un grand vivant



On peut être philosophe et peintre, en même temps...

Quand c'est le regard qui intéresse le plus, son influence et la manière dont il faut s'en faire le découvreur plutôt que l'otage

N'est-ce pas un peu toujours le mouvement de Foucault ?.. qui s'arrête s'il se sent trop sûr du chemin, se méfiant des "anges"... Reprenant la réflexion, se rassurant aussi sur la direction à prendre (même si pour cela, il faut en changer complètement)

De cette manière de faire de la philosophie, en marchant ; on profite, en lisant

Passée la problématisation, l'exposé est clair et "intéressant" au sens littéral ; c'est-à-dire, (comme on le dit souvent mais là, il faut vraiment le dire) que ça nous concerne, directement, aujourd'hui encore...

Cette inactualité de la pensée grecque nous travaille, profondément

Inactuelle car les questions posées ne sont plus du tout les mêmes, ni les représentations mais ces dernières ne se sont pas évanouies dans la nature, ni ne se sont radicalement transformées...

Là encore, c'est une histoire de regard

Car je crois qu'il y a davantage qu'une survivance de cet idéal de maîtrise, de mâle volonté sur soi-même et ceux qu'on est appelé à commander naturellement ; bien plus que cela, obscurément, dans le jeu(/je) complexe des identifications sexuelles
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Histoire de la sexualité, tome 1 : La volonté d..

Il est toujours dangereux de lire.

En particulier, les auteurs "difficiles"...

Difficiles, dans un sens irréductible au seul vocabulaire ou à la complexité d'une pensée (qui ne fait que se chercher elle-même à mesure qu'elle s'élabore)

La pensée toute faite, ça n'existe pas (au contraire des idées..)

Foucault appartient à cette catégorie de chercheurs, d'autant plus dangereux à lire qu'on a tôt fait d'en extraire les points d'exclamation pour raccorder à son propre discours (discours en son sens le plus pauvre, "discours reçu" seulement)

C'est oublier le fond d'une démarche... critique jusqu'au-boutiste même des imaginations qui nous arrangent



Ainsi, je suis un peu effarée (et effrayée.. mais à ce stade, on a depuis longtemps fini d'avoir peur) de voir associé le nom de Zemmour à celui de Foucault, sous prétexte que ce dernier questionne la volonté de savoir dans une histoire de la sexualité ; en particulier, d'une vérité à dire (religieusement, médicalement) prenant la forme de l'aveu, dans nos sociétés

Je ne pense pas que Foucault "regrette" un passé silencieux ou tolérant en matière de pratiques sexuelles.. Ce dont ne rêvent d'ailleurs pas non plus ceux qui font cette lecture, hypocrites ignorant à quel point ils le sont, peut-être ou "vrais" naïfs...

A rebours de cette naïveté feinte ou ignorée, Foucault se demande bien plutôt si nous sortirons un jour de l'ordre d'un discours sur le sexe

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Surveiller et punir

Comment est-on passé du supplice à la discipline? La question que pose Foucault est complexe. Il montre pour commencer la justice telle qu'elle se jouait durant l'Ancien Régime. Il s'agit de punir les crimes en fonction du préjudice subi par la société et, à travers celle-ci, par le roi. Le supplice avait valeur d'exemple. Il était un spectacle, la vengeance d'une société bafouée. Plus le crime était odieux, plus la souffrance du criminel, celle de son corps, augmentait. Rapidement pourtant, vers la fin du dix-huitième siècle, un système tout autre se met en place, celui de la prison. Foucault tente de comprendre le succès de cette institution pourtant décriée dès ses débuts avec les mêmes arguments qu'on entend aujourd'hui encore : inefficacité, production de criminalité, création de récidive, etc. Il montre que c'est à travers la discipline, c'est-à-dire la volonté et la capacité d'une surveillance constante des individus en vue de les ramener sur le droit chemin, que la prison devient un modèle. Il montre que le pouvoir s'y cache tout en s'y renforçant et que la dimension disciplinaire du pouvoir n'est pas l'apanage de la seule prison, qu'elle se manifeste à l'armée, à l'école, dans les usines, bref, qu'elle quadrille la société pour mieux contrôler que chacun est à sa place. Nous vivons encore sous le joug de la discipline. Comment s'en libérer?
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