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Critiques de Mircea Cartarescu (87)
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Mélancolia

."L'homme ne peut faire autre chose que ce que le ciel avait prévu qu'il ferait. À son dernier souffle, chacun considère sa vie et comprend qu'il devait en être ainsi."

Un prologue qui débute avec un conte qui nous annonce la couleur de la suite. Mircea croit à la fatalité. Pourquoi se tuer à courir après des buts fantômes, alors qu'on peut simplement profiter de ce qui est présent et à porté de main, puisque de toute façon ca ne changera pas grand chose à ce qui adviendra. Une vision mi figue mi raisin de la Vie.



Trois contes suivent, dont le premier est l'histoire d'un petit garçon resté tout seul avec ses trois jouets, son méchant clown Hubert, son petit cheval blanc en toile et son chat en bois bleu. Sa maman est partie faire des courses et n'est jamais plus rentrée. Pourquoi ? Comment le petit garçon s'en sort-il ? le premier aucune idée , aucune importance, le deuxième c'est justement l'histoire. le petit garçon part dans un monde onirique pour échapper à la réalité, bien que le lourd fardeau de la solitude continue à l'oppresser et il n'arrive pas à s'en échapper. Magnifique à lire et à visualiser , on dirait Fantasia de Walt Disney , ou Peter Pan et son "Neverland" à Bucarest,

Le deuxième conte est un conte plus sombre, qui m'a fait penser à Hansel et Gretel. Une frère et une soeur, aux parents fantômes, la nuit rejoignent leur " Neverland" où ils sont attaqués par les renards.....La aussi, ils n'arrivent pas a échapper à la solitude.

Le troisième et le dernier est l'histoire d'un ado solitaire, qui mue...oui, oui, vous avez bien lu 😊, et ses peaux il les conserve dans la penderie des parents, entre les costumes de papa et les robes de maman. Son papa muait aussi , tout ses amis au masculin muent aussi ainsi que leurs pères, et à ce sujet d'ailleurs que la fille rousse qu'il va rencontrer va lui en faire une demande indécente, "Apporte-moi ta dernière peau". Quand aux femmes, mystère , mystère, dans le cadre d'un Bucarest d'antan où on trouvait encore des remailleurs de collants pour dames. Comme les protagonistes des deux premières nouvelles, l'ado est dans l'angoisse métaphysique du présent et du futur, "Sa classe était à l'étage, au coin. Il y passait une bonne partie de sa vie, sans aucun sens, contraint par les règles absurdes de ce monde. Il étudierait, ensuite il travaillerait, des dizaines d'années, dans des lieux inconnus, peuplés d'étrangers, plus absents de sa vie que s'ils étaient faits de nuées. Pourquoi vivait-il ?.......lorsqu'il se regardait dans la glace, il ne voyait personne."

L' auteur ferme la boucle avec un épilogue, ultime cri de désespoir !



Melancolia me rappelle le film du grand cinéaste "Andrei Tarkovski", Nostalgia",

où le titre est palpable à travers les mots et images exquis tout au long du film, pareil dans ce recueil. le rêve et l'imaginaire ne débouchent nulle part, sinon à une solitude encore plus profonde. À travers l'enfance et l'adolescence, l'auteur exploite l'angoisse métaphysique aux coeurs de nos existences. Où qu'on aille, ou qu'on veuille s'échapper, de nuit ou de jour ("Quelle félicité ils avaient vécue chaque nuit, serrés l'un contre l'autre dans leur nid sous la terre, où il y avait de l'amour et de la chaleur, alors que dehors la neige et la nuit tuaient toute créature !"), on finit toujours par échouer sur soi-même, ce personnage qu'on aspire tant à réchauffer, guérir, soulager, lui changer de peau 😊, afin de le rendre heureux toute une vie ! Ce personnage si fragile et qu'on connaît finalement si peu, "Qu'une seule infime ligne, d'une papille gustative ou d'une lamelle de peau translucide du bout des doigts, n'entre pas parfaitement dans la fine glace de son existence et toute son enveloppe volait en éclats."

De la belle Littérature.





"Comment neige le destin ? le destin neige en silence."

"Pour ceux du monde du rêve, le monde réel est la plus invraisemblable des contrées."



Je remercie les Éditions Noir sur Blanc et NetGalleyFrance pour l'envoie de ce livre.

#Melancolia#NetGalleyFrance
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L'Aile tatouée

Orbitor (qui veut dire aveuglant en roumain) est une trilogie qui a été traduite en français et qui comprend, dans l’ordre : Orbitor (titre original Orbitor. Aripa Stîngă), L'Oeil en feu (titre original Orbitor. Corpul), L'Aile tatouée (titre original Orbitor. Aripa dreaptă). Une somme de plus de 1500 pages dans un style très onirique certes, mais pas que.

Pour le résumé j’appelle Mircea Cartarescu lui-même. Dans FRUMOASELE STRAINE (Les belles étrangères) à la page 199, il écrit (dans ma traduction française) : « Je sortirai une fois une édition de seulement 37 pages, réduite à l’histoire initiale, sans aucune sorte d’élucubrations, en plus richement illustrée. […] Ou, mieux encore, une édition de quelques lignes, dans laquelle on montre comment une ouvrière, Maria, met au monde des jumeaux. L’un d’entre eux, Mircea, vit à Bucarest sous le communisme, tombe sous l’emprise d’un ivrogne, Herman, qui délire de manière inintelligible de temps en temps, manque de peu d’être violé par un collègue et ensuite erre par-ci par-là jusqu’à la révolution [de 1989]. L’autre, Victor est enlevé pendant l’enfance et emmené à Amsterdam où il est élevé dans la promiscuité pour finir dans la Légion étrangère. Les deux se retrouvent à Bucarest pendant la révolution roumaine et... arrive la fin du monde. Comme dit l’autre less is more. »

Pour l’avis je partage celui d’un critique à qui Cartarescu doit beaucoup et que je traduis partiellement ici. Il s’agit de Nicolae Manolescu, Istoria critică a literaturii române (p. 1347). « Orbitor est le résultat superbe [d’un] projet paranoïaque, unique dans toute notre littérature. La construction de la trilogie est plutôt symbolique que rigoureuse. Le roman est inégal et désarticulé. Le troisième volume est beaucoup en dessous des deux premiers, descendant de manière vertigineuse, jusqu’à un reportage par endroit vulgaire de notre révolution de 1989. [...]



En conclusion, une œuvre hétéroclite, mais fabuleuse dont il faut avoir lu au moins quelques pages, même au hasard.



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Lulu

Deux plans narratifs dans ce bref, mais intense roman de moins de 200 pages : le présent est celui de Victor un écrivain de 34 ans avec une « réputation de romancier » et « aisance », chargé de famille (p. 18), tandis que le passé, le souvenir, est celui de Victor à 17 ans (p. 13). On retourne en 1973, lors d’un camp de vacances à Budila, quand un de ses camarades, Bazil s’est travesti en Lulu. D’ailleurs le titre original est Travesti.



L’auteur fait preuve d’une foisonnante imagination baroque et combine un fantastique hyperréaliste qui fait effet boule de neige tout le long de la narration, des visions oniriques et cosmiques originales, des obsessions sexuelles et des symboles sophistiqués. Il s’agit de guérir par l’écriture les propres névroses de l’auteur. Lulu décrit un cas d’androgynie qui a comme point de départ le fantasme d’une sœur jumelle. Par une chimérique, métamorphose le corps de l’homme passe dans celui de la femme, par les reflets dans les yeux de la partenaire ou par le sexe. C’est ainsi que le mâle semble dévorer la femelle d’un horrible insecte.

C’est donc un texte très dense où vibrent ensemble les réminiscences d’une adolescence solitaire et l’énergie d’un psychique rempli à saturation d’un monstrueux secret qui provoque une blessure aliénante chez le narrateur. Le miroir semble être aussi celui dans lequel s’observe l’écrivain lui-même, par le jeu d’une écriture remarquable.
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Solénoïde

« Chef d’œuvre de Mircea Cartarescu », peut-on lire en quatrième de couverture. C’est ce que proclame l’éditeur ; c’est son droit, il est dans son rôle. D’ailleurs, c’est bien cette proclamation qui m’a amené à lire Solénoïde, un livre de huit cents pages, écrit par un poète et romancier roumain contemporain que je ne connaissais pas. Mais voilà, le livre ne m’a pas plu et je ne suis parvenu à le lire jusqu’au bout, qu’en balayant du regard des dizaines de pages qui me procuraient l’impression de toujours rabâcher les mêmes délires morbides, cauchemardesques, parfois peu compréhensibles.



Le personnage principal et narrateur de Solénoïde est un double de l’auteur. Un double raté : humilié à l’âge de dix-sept ans par des quolibets lors de la lecture de ses poèmes, il a renoncé à l’ambition d’être écrivain. Modeste professeur de roumain dans une école de la banlieue de Bucarest, cet homme solitaire, étriqué et tourmenté prend à parti le lecteur : à quoi bon écrire un roman, bâtir une histoire dont chaque ouverture est un trompe-l’œil ne débouchant sur rien ? Selon lui, il faut viser plus haut : écrire pour résoudre l’énigme de l’existence, la sienne et celle du monde. Et profiter de l’implantation souterraine secrète de solénoïdes – des dispositifs générant des champs magnétiques –, pour s’ouvrir l’accès, par la lévitation, à la quatrième dimension.



Difficile de définir cet ouvrage ! Le narrateur – qui n’a pas de nom – amalgame présent et passé, espace et temps, réalité et rêves, mémoire et fantasmes, dans un récit hallucinatoire difficile à suivre. Il évolue dans un univers glauque, imprégné d’une luminescence jaune, un jaune sale, évoqué tout au long du texte. Les personnages sont dépeints sous leurs aspects les plus grotesques, exprimés par des corps où tout n’est que plaies, croûtes, filaments, matières desquamées, sécrétions liquides, acariens, asticots et autres parasites micro-organiques. Bon appétit !



Le visage de Bucarest présente la laideur triste et impersonnelle des villes communistes. Le quotidien se caractérise par un ciel crépusculaire et par le bruit de ferraille des tramways déglingués qui slaloment sur leurs rails, de quartier en quartier. Dans les rues, les alignements de façades décrépies sont entrecoupés par des terrains vagues encombrés d’ordures, ou par des hangars délabrés aux charpentes rouillées, aux tuyauteries éclatées, aux câbles arrachés. Dans les bâtiments où le narrateur entraîne le lecteur, des locaux inattendus s’ouvrent indéfiniment sur d’autres locaux encore plus inattendus. Une ancienne fabrique recèle des labyrinthes souterrains aussi mystérieux que les méandres d’un cerveau tourmenté. Un cabinet dentaire fantôme évoque de douloureux souvenirs d’enfance, ressentis comme une trahison maternelle refoulée.



Un moment, le narrateur se joint à des militants portant un nouveau type de revendications révolutionnaires : le refus de la maladie, de la vieillesse et de la mort, ce qui ne peut mener qu’à l’objectif de détruire le monde, qualifié d’enfer injuste et corrompu. En même temps, il tombe sur un manuscrit ancien oublié, écrit dans une langue indéchiffrable et illustré d’images incompréhensibles, symbole de l’impossibilité définitive de connaître le monde. Ne reste alors comme solution que la recherche d’un plan d’évasion, qui pourrait être la mise au monde d’un enfant. Une perspective finalement préférable à la création d’une œuvre d’art.



L’auteur multiplie les références littéraires. Pour ma part, le parcours laborieux du narrateur m’a fait penser à La Métamorphose, de Franz Kafka, mais la première référence de Solénoïde – assumée explicitement à plusieurs reprises – est à mon sens un ouvrage dont des extraits nous fascinaient quand nous avions dix-huit ans, Les Chants de Maldoror, écrit sous le pseudonyme de Comte de Lautréamont, par un poète franco-uruguayen du dix-neuvième siècle, mort à vingt-quatre ans, nommé Isidore Ducasse.



Un point positif : l’écriture de Mircea Cartarescu, parfaite et harmonieuse. Prises indépendamment, les phrases sont longues, onctueuses, agréables à lire, comme je les aime. Mais globalement, la lecture est interminable, ennuyeuse et déprimante.


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Comme dans un dessin d'Escher : Huit poètes r..

À ma connaissance, le seul livre aujourd’hui qui permet de découvrir en français Mircea Cartarescu comme poète. Le titre de l’anthologie est emprunté à un poème de Simona Popescu (p. 116).
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Orbitor

Orbitor (qui veut dire aveuglant en roumain) est une trilogie qui a été traduite en français et qui comprend, dans l’ordre : Orbitor (titre original Orbitor. Aripa Stîngă), L'Oeil en feu (titre original Orbitor. Corpul), L'Aile tatouée (titre original Orbitor. Aripa dreaptă). Une somme de plus de 1500 pages dans un style très onirique certes, mais pas que.

Pour le résumé j’appelle Mircea Cartarescu lui-même. Dans FRUMOASELE STRAINE (Les belles étrangères) à la page 199, il écrit (dans ma traduction française) : « Je sortirai une fois une édition de seulement 37 pages, réduite à l’histoire initiale, sans aucune sorte d’élucubrations, en plus richement illustrée. […] Ou, mieux encore, une édition de quelques lignes, dans laquelle on montre comment une ouvrière, Maria, met au monde des jumeaux. L’un d’entre eux, Mircea, vit à Bucarest sous le communisme, tombe sous l’emprise d’un ivrogne, Herman, qui délire de manière inintelligible de temps en temps, manque de peu d’être violé par un collègue et ensuite erre par-ci par-là jusqu’à la révolution [de 1989]. L’autre, Victor est enlevé pendant l’enfance et emmené à Amsterdam où il est élevé dans la promiscuité pour finir dans la Légion étrangère. Les deux se retrouvent à Bucarest pendant la révolution roumaine et... arrive la fin du monde. Comme dit l’autre less is more. »

Pour l’avis je partage celui d’un critique à qui Cartarescu doit beaucoup et que je traduis partiellement ici. Il s’agit de Nicolae Manolescu, Istoria critică a literaturii române (p. 1347). « Orbitor est le résultat superbe [d’un] projet paranoïaque, unique dans toute notre littérature. La construction de la trilogie est plutôt symbolique que rigoureuse. Le roman est inégal et désarticulé. Le troisième volume est beaucoup en dessous des deux premiers, descendant de manière vertigineuse, jusqu’à un reportage par endroit vulgaire de notre révolution de 1989. [...]



En conclusion, une œuvre hétéroclite, mais fabuleuse dont il faut avoir lu au moins quelques pages, même au hasard.



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Solénoïde

Je vois que nous sommes à présent 3 lecteurs pour "Solenoid". Comme je tiens beaucoup à l'émulation des classements ici, je souhaite évidemment publier la première critique, même si je n'ai pas encore fini cette lecture de longue haleine. Sur le mode sceptique je pourrais me contenter de m’interroger sur l'utilité des 2791 « ajutor » (à l'aide !) qui occupent les pages 732 à 742, en présentant des excuses si erreur de calcul il y a. Pour l'instant j'en suis arrivé(e) à la page 283. Il est vrai qu'au début, j'ai pu tenir la cadence indiquée par Andrei Plesu dans un article paru fin d'année dernière, soit une centaine de pages par jour, mais le problème avec le ”gras” (comme dit Alexi Jenni), c'est qu'il faut pouvoir se couper du monde pour le consommer, surtout quand il faut faire des recherches pour comprendre des références. Il s'agit d'ailleurs de ce que je continue à aimer chez Mircea Cartarescu : son incontestable érudition et sa psychédélique capacité à faire des ”correspondances” plus ou moins évidentes à décrypter. Pour la trame, il s'agit d'un narrateur, lecteur assidu (à 19 ans il a déjà tout lu), étudiant en lettres qui obtient un premier poste d'enseignant à Bucarest (incontournable chez l'auteur) dont des descriptions minutieuses vont s'accumuler par strates. Ce narrateur dont la littérature est la RAISON de vivre se pose la question de l’œuvre ABSOLUE, tout naturellement. Son manuscrit est intitulé Căderea, (La Chute). J'ai relevé une allusion à Max Blecher, avec la tanière de la solitude invoquée à la page 27, l'hommage à Friedrich Hölderlin (p. 31) et l'humour d'un passage d'autodérision (p. 44) concernant les critiques littéraires qui ”pratiquent la vivisection sur [son] corps martyrisé ». Je vais m'attirer les foudres des mêmes si je confesse un phantasme personnel : j'ai rêvé que les agents de Mircea Cartarescu ont remanié la présentation auteur de Calin Torsan pour y mettre le texte suivant ”Revino Căline la Humanitas să-mparțim no, Bellu!” i.e ”Reviens, Călin chez Humanitas qu'on partage ce X” (calembour sur le Nobel par imprécation du Bellu, cimetière de Bucarest qui accueille de nombreuses personnalités de la culture roumaine).
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Mélancolia

Je reviens de loin, de très loin, d’un univers onirique jusqu’à percer la peau du monde comme une croute de laid et aller vers un paradis blanc où l’on oublie le temps comme dans des rêves d’enfant. Et c’est déroutant…

Juste un brin de ritournelle pour se laisser absorber par ces trois nouvelles :

« Les ponts », ou l’effet mère prend tout son sens et ou les peurs naissent d’une absence.

« Les renards », quand la fratrie comme une patrie doit être défendue contre la maladie, quand le renard devient cauchemar.

« Les peaux », quand la vie n’est que solitude, que le monde est transparent jusqu’aux parents et qu’il n’existe plus que ce que l’on voit. Que la métamorphose soit la nouvelle règle du « je ».



Il faut que je sois honnête, j’ai eu du mal à marcher sur les ponts en peaux de truites pour échapper à la frayeur, j’ai âprement lutté contre les renards dans la nuit de la mélancolie éternelle, j’ai habité la détresse d’Ivan sans malgré tout pouvoir me glisser dans ses peaux.



J’avoue avoir perdu mes repères, avoir été englouti par mille émotions, mais je reconnais l’immense talent d’imagination de l’auteur à faire voyager le lecteur dans les entrailles des rêves au-delà du délire. A ce jour je n’avais jamais rien lu d’équivalent. Je dois également louer la qualité de la traduction qui m’a parue d’une magnifique précision dans ces cieux éthérés où le temps se fige autant qu’il s’éparpille en multitudes de fragments.



Par instant, cette lecture est demeurée énigmatique à mes yeux et malgré cela j’ai éprouvé des flashes de bien-être à revivre des images d’enfance enfouies comme on retrouve un peu de soi dans les mots des autres.



Merci encore à Babelio de cet envoi dans le cadre d’une masse critique ainsi qu’un grand merci pour la qualité des ouvrages édités par les éditions Noir sur Blanc.





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Mélancolia

Ah la la... Ah la la... Ah la la la la... Je meuble, je meuble, vu que je ne sais pas très bien par où commencer....





Alors voilà : j'ai entendu parler de ce livre je ne sais pas trop comment, mais quand il est sorti, j'étais certaine, ne me demandez pas pour quelles raisons obscures, qu'il était extrêmement intéressant. Pourtant, je n'avais jamais lu l'auteur. Il y a de ces mystères dans la vie, hein... Et quand je suis tombée sur la quatrième de couverture - oui, j'ai conscience de beaucoup trop parler des quatrièmes de couverture -, j'ai senti que ce livre était fait pour moi. Ça m'évoquait tout plein de choses que j'aime, par exemple Solaris, grande métaphore romanesque et mélancolique sur la solitude de l'être humain.





En fait, pas du tout. Non pas que ça ne me corresponde pas du tout, au contraire. le côté ville en ruines, les personnages solitaires, le recours au monde des rêves, les descriptions bizarroïdes du paysage urbain, c'était a priori fait pour me plaire. En fait, j'ai passé mon temps en lisant Melancolia à penser aux textes de fantasy très sombres de Lovecraft, à certains films de David Lynch, à Kafka (ça semble être une grosse référence de ce recueil, pour le coup), et à ceci, et à cela. Oui, mais justement, c'est là que le bât blesse : je n'ai pas cessé d'interrompre ma lecture, non pas pour réfléchir à ce que je lisais, mais pour penser à autre chose, qui m'intéressait davantage.





On se retrouve donc avec trois nouvelles présentées entre un épilogue et un prologue (épilogue et prologue que j'ai trouvés sans grand intérêt), et qui ont pour sujets l'enfance et l'adolescence, la solitude, et, évidemment, la mélancolie. J'en profite pour prévenir le lectorat innocent prêt à se jeter dans l'abîme : si vous êtes déprimé et que vous ne voulez pas sombrer davantage, évitez à tout prix Melancolia. Et si vous êtes sur le point de déprimer, évitez aussi à tout prix Melancolia. Et si jamais vous n'êtes pas déprimé mais que vous êtes, je sais pas moi, hypersensible, évitez aussi Melancolia. En revanche, si vous êtes déjà dans une phase carrément dépressive, ben de toute façon le mal est déjà là, donc peut-être que vous vous sentirez en phase avec les personnages et que ça peut vous convenir.





Il est donc question d'un enfant dont la mère est morte (alors c'est ce que j'ai cru comprendre, mais il semblerait que je sois la seule) et qui se réfugie dans les rêves pour échapper à la solitude, puis, pour se réconforter, dans l'isolement le plus sombre, le plus noir (j'ai compris qu'il se laissait mourir, mais là aussi il semblerait que je sois la seule) ; de deux enfants dont les parents sont comme des ombres, qui vivent dans un monde qui leur est propre, et jouent au jeu des renards jusqu'à ce que la petite fille soit envoyée à l'hôpital et que son frère se retrouve seul. Là, en sus de la solitude et de la mélancolie, il est beaucoup question de la maternité, notamment via le décor de la ville très étrange, mais aussi d'un double du garçon dont je n'ai pas du tout saisi le rôle ; j'ai tendance à voir des métaphores partout, même là où il n'y a pas, ben là j'ai vraiment pas capté à quoi celle du double servait. On commence à s'enfoncer dans un machin énigmatique, voire abscons, voire ésotérique (serait-ce donc un recueil dédié seulement à quelques initiés ?)





Et arrive la troisième nouvelle. Si j'avais cru peiner un chouïa sur les deux premières, là, j'ai carrément souffert le martyre. Et là, j'ai trouvé que Mircea Cărtărescu en faisait carrément des tonnes. Je me dois de préciser que si les deux premières nouvelles font entre trente et quarante pages, celle-ci en comporte environ quatre-vingt-dix. Et c'est beaucoup trop. Beaucoup de répétitions, notamment à propos du questionnement sur le sens de la vie qui, bon, ne va quand même pas bien loin. On a donc là l'histoire d'un adolescent solitaire, dont les parents sont des ombres pour changer, qui lit de la poésie (là, j'ai commencé à trouver qu'on était dans le cliché) et qui rencontre une fille de son âge. Pour évoquer les changements qui marquent la vie des hommes (et pas des femmes, attention), Cărtărescu utilise l'image des peaux : tous les hommes perdent leurs peaux régulièrement au cours de leur vie, et les rangent au fur et à mesure dans un placard ou n'importe où ailleurs. Mais apparemment cette mue ne concerne pas les femmes, et c'est là un grand mystère pour cet adolescent.





Alors comme ça, cette troisième nouvelle a l'air hyper captivante, encore plus que les autres. Mais parce que c'est vraiment très long, que le texte se délite presque à l'infini, qu'on revient toujours aux mêmes images... eh ben j'ai trouvé ça très gonflant. Je n'en pouvais plus de lire cette nouvelle, je n'en voyais pas la fin, j'ai même eu l'impression que jamais au grand jamais je n'en verrais le bout. J'étais harassée, épuisée, crevée, abattue, lasse, exténuée. Pour le coup, ça m'a permis d'entrer en connexion avec le personnage - au prix d'une grande fatigue, vous l'avez compris. J'ai trouvé une bonne partie des métaphores soit lourdingues, soit trop ressassées par l'auteur pour que ça ait une véritable portée. La nouvelle aurait pu être de la même longueur que les deux autres (déjà que je les trouvais un tantinet longuettes), mais non. Je ne sais pas si c'est pour faire plaisir aux lecteurs qui lui sont fidèles, ou parce que simplement Cărtărescu aime tellement écrire de cette façon qu'il a du mal à s'arrêter, ou pour une autre raison encore... mais c'est long, c'est long, c'est long ! Hou la la que c'est long ! J'en suis arrivée à me dire que le texte était complètement écrasé par le style de l'auteur.





Et si je vous ai parlé de mes pauses digressives, que dire du nombre de fois incalculable où je me suis, littéralement, endormie en lisant ces nouvelles (enfin, surtout la dernière, ce qui explique le temps que j'ai mis à terminer le bouquin) ? Pendant et après ma lecture, j'ai eu l'effrayante sensation d'avoir lu et relu les quatre mêmes mots à l'infini : décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie...


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L'Oeil en feu

Orbitor (qui veut dire aveuglant en roumain) est une trilogie qui a été traduite en français et qui comprend, dans l’ordre : Orbitor (titre original Orbitor. Aripa Stîngă), L'Oeil en feu (titre original Orbitor. Corpul), L'Aile tatouée (titre original Orbitor. Aripa dreaptă). Une somme de plus de 1500 pages dans un style très onirique certes, mais pas que.

Pour le résumé j’appelle Mircea Cartarescu lui-même. Dans FRUMOASELE STRAINE (Les belles étrangères) à la page 199, il écrit (dans ma traduction française) : « Je sortirai une fois une édition de seulement 37 pages, réduite à l’histoire initiale, sans aucune sorte d’élucubrations, en plus richement illustrée. […] Ou, mieux encore, une édition de quelques lignes, dans laquelle on montre comment une ouvrière, Maria, met au monde des jumeaux. L’un d’entre eux, Mircea, vit à Bucarest sous le communisme, tombe sous l’emprise d’un ivrogne, Herman, qui délire de manière inintelligible de temps en temps, manque de peu d’être violé par un collègue et ensuite erre par-ci par-là jusqu’à la révolution [de 1989]. L’autre, Victor est enlevé pendant l’enfance et emmené à Amsterdam où il est élevé dans la promiscuité pour finir dans la Légion étrangère. Les deux se retrouvent à Bucarest pendant la révolution roumaine et... arrive la fin du monde. Comme dit l’autre less is more. »

Pour l’avis je partage celui d’un critique à qui Cartarescu doit beaucoup et que je traduis partiellement ici. Il s’agit de Nicolae Manolescu, Istoria critică a literaturii române (p. 1347). « Orbitor est le résultat superbe [d’un] projet paranoïaque, unique dans toute notre littérature. La construction de la trilogie est plutôt symbolique que rigoureuse. Le roman est inégal et désarticulé. Le troisième volume est beaucoup en dessous des deux premiers, descendant de manière vertigineuse, jusqu’à un reportage par endroit vulgaire de notre révolution de 1989. [...]



En conclusion, une œuvre hétéroclite, mais fabuleuse dont il faut avoir lu au moins quelques pages, même au hasard.



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Mélancolia

Je rends ma copie en retard, j’espère que je n’aurai pas une trop mauvaise note, mais voilà un livre qui n’est pas facile à lire. J’ai pris mon temps, sinon je ne serais peut-être pas allée jusqu’au bout, et d’ailleurs, pour être tout à fait honnête, je n’ai pas encore terminé la troisième nouvelle. Ce livre est constitué de trois nouvelles, encadrées de deux contes.



Dans la première nouvelle, Les ponts, la mère d’un petit garçon est partie faire les courses et n’est jamais revenu. Alors, il tente de comprendre pourquoi elle est partie, peut-être est-ce de sa faute. Il n’a que cinq ans et son imagination s’enflamme vite. Pour tenter de comprendre, à force de regarder le ciel il finit par « voir » des ponts vers les nuages, sur lesquels il peut marcher sans danger. Retrouver Maman, mais aussi Papa qui est étrangement absent…



On a une très belle réflexion sur le temps qui passe, la vitesse à laquelle il passe pour un enfant de cet âge : des mois, des années plus moins la tristesse de l’abandon, la mélancolie liée à l’absence, à la solitude, comment exister en dehors de Maman, comment inventer sa vie…



Dans la deuxième : Les renards on fait la connaissance de Marcel et sa petite sœur Isabel, ils jouent ensemble, la nuit ils se rejoignent pour dormir dans le même lit, pour se rassurer. Marcel lui invente des histoires : ils sont deux petits lapins, bien au chaud et en sécurité dans leur lit devenu un terrier. Mais le danger guette : des renards viennent les attaquer pour leur faire du mal, alors Marcel les affronte héroïquement. Une nuit, Isabel est malade, avec une forte fièvre et on doit l’hospitaliser. Marcel se souvient du jour où il est allé voir sa mère après l’accouchement, de la statue représentant une femme enceinte avec deux bébés dont le ventre est ouvert pour représenter simplement la grossesse mais depuis il en fait des cauchemars. Il va affronter ses peurs pour tenter de sauver sa petite sœur.



Dans la troisième, Les peaux, Ivan retrouve dans une valise, les différentes peaux que son père a perdu durant son existence, elles sont moisies, mitées alors il les regarde quand il est seul à la maison. Il commence à avoir des « mues » lui-aussi et se demande si les filles passent aussi par ce genre de transformation.



Mircea Cartarescu nous expose ainsi les différentes phases du passage de la petite enfance à l’adolescence, avec une fascination pour la solitude et la mort. Les parents sont étrangement absents dans ces nouvelles, physiquement ou affectivement. On passe en revue, mine de rien, les rituels de passage et le chagrin qui les accompagne : il faut perdre quelque chose pour grandir.



J’ai aimé la profondeur de sa réflexion, et la poésie des mécanismes que ces enfants mettent en œuvre : les ponts pour accéder à une autre dimension et pour combler un manque : Maman est-elle vraiment partie ? Ou a-t-il simplement peur de l’absence qui lui paraît interminable ?



Mircea Cartarescu nous montre comment faire face à l’absence, par l’imaginaire, par des combats contre les renards comme les épreuves des chevaliers du temps jadis. Il joue avec dextérité avec la symbolique dans l’imaginaire de l’enfant qui atteint un sommet dans Les peaux avec les mues, et les transformations du corps chez les garçons et chez les filles.



J’aime beaucoup l’univers de cet auteur mais il m’a fallu du temps pour entrer dans chaque nouvelle, car c’est assez hermétique au départ, ensuite, je me suis familiarisée avec son mode de pensée, et la poésie du texte a fini de me convaincre de l’immense talent de l’auteur.



En voici un exemple :



C’était maman en négatif, la matrice de maman, peut être utilisée un jour pour la fabriquer en un seul exemplaire. Il resta énormément de temps dans le corps de maman, l’explorant en long et en large, pénétrant dans les fiers tunnels de ses bras et de ses jambes vides à l’intérieur, s’émerveillant de ses glandes en sucre candi, de ses dents véritables, des quatre cents perles disposées en grappes dans ses ovaires en chocolat.



La seule manière de s’échapper de l’appartement pour le petit garçon de cinq ans, ce sont les ponts car impossible d’accéder à l’extérieur, par l’ascenseur ou les escaliers qui sont remplis de terre, comme dans un cimetière… Ou les hôpitaux qui sont sinistres avec des chambres communes sinistres qui ont fait remonter un souvenir des profondeurs de ma mémoire : les enfants cachectiques dans les orphelinats à la fin de l’ère Ceausescu…



Un bémol quand même : si vous êtes dépressif, il vaut peut-être mieux éviter de le lire par les temps qui courent… Durant cette lecture, j’ai beaucoup pensé à l’atmosphère étrange de Melancholia, le film de Lars Van Triers avec mon actrice chouchou Charlotte Gainsbourg et Kirsten Dunst, même effet anxiogène avec une tension qui monte graduellement mais tellement troublante que l’on ne peut ni ne veut s’échapper, restant bloqué devant l’écran…



Un immense merci à Babelio et aux éditions Noir sur Blanc qui m’ont permis de découvrir ce livre et surtout l’univers de son auteur.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Pourquoi nous aimons les femmes



Ce recueil de 20 nouvelles est présenté comme un "petit joyau à la gloire de l'éternel féminin". Même si cette présentation est à mon avis un peu excessive, elle met en tout cas en lumière le regard d'un homme sur les femmes qui ont jalonné sa vie, et pourquoi, lui, aime les femmes. Un regard qui butine à travers les époques, les pays, les aspirations : un regard d'adolescent, d'amant, de mari, d'ami, d'homme ; un regard tour à tour tendre, nostalgique, fasciné, magnifié, coupable, onirique. 20 nouvelles, 20 regards, et quelques clins d'œil.



L'écriture est brillante, inspirée (?) et pleine d'humour, voire d'autodérision. L'auteur semble se confier à nous et nous entraine dans une atmosphère calfeutrée. Il effeuille ses brides de souvenirs et portraits de femmes par petites touches juxtaposées, d'apparence désordonnées, qui ne révèlent leur essence véritable que lorsqu'on les contemple dans leur ensemble, avec un peu de recul. Car au delà de sa vision des femmes, et des émotions qu'elles lui inspirent, ce sont aussi des réflexions sur la complexité des sentiments, sur l'homme qu'il est, ou dit être, et sur le bonheur.



Ce recueil sur l'altérité féminine, sensuel et amusant, est vraiment un plaisir à lire et une bien belle découverte ! Un grand MERCI à Tandarica de m'avoir fait découvrir ce livre et cet auteur.
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Le rêve

Un peu à court d'idées "fraîches" pour plaider en faveur des auteurs que j'aime, je vais oser une "reprise". Dominique Fernandez, que j'ai eu le plaisir d'entendre dans le Hors-champs de Laure Adler sur France Culture, m'a, par sa vitalité surprenante, fait relire son livre de 1998 sur la Roumanie. L'avis d'un académicien, à la fois citation (pages 156-157) de la "Rhapsodie roumaine" et critique "partagée", voilà de quoi faire d'une pierre un seul coup:

"Les amis de la Roumanie étaient tristes d'avouer qu'il n'y avait dans ce pays aucun écrivain de la force d'un Jerzy Andrzejewski en Pologne, d'un Bohumil Hrabal en Tchécoslovaquie. Eh bien ! c'est fait, "Le Rêve" de Mircea Cartarescu est le roman qu'on attendait, la preuve que la vie intellectuelle et spirituelle, loin de s'être laissé moucher en Roumanie, y brûle avec une intensité peu commune en Occident. Le livre n'est pas sans défauts, certes, il se ressent parfois de l'influence de Jorge Luis Borges ou de Franz Kafka, il est prolixe, désordonné, saute d'un sujet à l'autre sans nécessité, interrompt le récit fictif par des souvenirs d'enfance un peu trop envahissants, mais, dans l'ensemble, il respire une vitalité, une énergie, une rage qui empoignent le lecteur.

"Le Rêve" est d'abord le roman de Bucarest: Bucarest avec ses avenues staliniennes de béton, mais aussi le dédale de ses ruelles tortueuses, de ses jardins secrets, de ses hôtels particuliers à l'abandon, de son décor 1900 ruiné; avec surtout le labyrinthe de ses névroses, de ses cauchemars, de ses folies."
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Pourquoi nous aimons les femmes

Très bonne traduction, quoique l'auteur, dont c'est incontestablement le livre le plus facile à lire, puisse en penser (voir cependant note 1 page 145). Malgré un titre et une couverture plutôt conventionnels, le féminin est représenté aussi par le livre (« cărţi » en roumain est féminin et les « Nouvelles » de Salinger un livre culte pour moi aussi), la présence des villes (Braşov, Paris, Amsterdam, Turin), l'anglais comme langue étrangère et la chanson. C'est aussi, à mon sens, le livre le plus drôle de Cărtărescu.

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Lulu

Mircea Cărtărescu est un grand romancier roumain, pressenti en Roumanie comme un candidat au Nobel. J'ai lu ce livre presque au moment de sa sortie, dans la traduction d'Hélène Lenz, pas très bien appréciée par l'auteur, d'après les échos de son dernier livre, non traduit, tout du moins à ce jour.

Quoi qu'il en soit, autant que je puisse en juger, la traduction semble d'une part complète et sans assemblage, ce qui est loin d'être une évidence lorsqu'il s'agit de traductions du roumain. A la lecture, cela paraît plus que correct, autant que ma connaissance du roumain me permette d'en juger, sachant qu'il y a quinze ans, j'ai lu d'une traite sans détecter le moindre sujet. J'ajoute aussi que j'ai lu bien pire dans certains succès de librairie (cf. Gheorghiu pour ne citer personne).

Cette question abordée, le roman lui-même est une sorte de huis-clos à forte connotation freudienne, puisque le narrateur, Victor, s'est décidé à affronter les démons de son enfance, en particulier les souvenirs de son ami androgyne, Lulu. Ce postulat un peu paradoxal au départ porte néanmoins ses fruits et on se retrouve à attendre haletant le dénouement de ce face à face, la résolution de l'énigme, en ce qui me concerne, bien que je ne sois pas freudien pour un sou. Le style est riche en images, parfois assez baroque (foisonnement de termes inattendus, rupture avec la narration linéaire à certains moments seulement).

S'il faut décrire un peu plus précisément mon sentiment de lecteur, je pense que l'auteur a fait mieux, ou au moins en est capable, sachant que la valeur artistique de ce roman est loin d'être faible. Je regrette de ne pas avoir lu un autre de ses livre, à vrai dire...
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Le Levant

Je salue la naissance de cette nouvelle traduction du roumain et j'aimerais bien vous citer ce passage :

"Doamne, să avem iertare,

Da la noi un oarecare

Născocitor nu să știe

În nice-o academie.

Acilea toți naintează

Dupe ani, nu dupe vază,

Doxă ai ori doxă n-ai,

Ești doftor la treij-de ai,

La patruzeci învățat,

La cincizeci om luminat,

Iar d-agiungi la șaptezeci

La nemuritori tu treci."

... mais il me faudra attendre les soldes.
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Solénoïde

On avance dans Solénoïde comme dans une forêt touffue , on y trouve des descriptions sans fin de Bucarest , de l’enfance de l’auteur , de ses collègues enseignantes , des moments de grâce comme des oasis pour repartir de plus belle dans la forêt touffue .

Comment faire un résumé de cet ovni littéraire , cette lecture ardue qui contient quelques pépites et il faut bien le dire des pages et des pages indigestes comme ces rêves récurrents que certains critiques comparent à l’univers de Kafka .

On y apprend des choses sur la vie dans le Bucarest communiste , où en manque de tout , où les portraits des meilleurs élèves ornent le mur des écoles , où une enseignante jeune et jolie ayant un mari proche du régime est détestée de ses collègues , ou simplement ignorée car tellement différente .

Il y a aussi la trame de l’écrivain raté qui devient un médiocre professeur de roumain , des histoires d’amour comme la très touchante histoire d’amour qui clôture le livre , celle du père pour sa fille qui vient de naître .

On fait des rencontres étonnantes comme celles de l’inventeur du solénoïde qui donne son nom au roman , ce Borina qui travaille pour Tesla , une évocation rapide de Mitza Bicyclista , reine des cœurs du Bucarest avant le communisme , de l’inventeur du Rubik’s cube , Rubik est le nom de l’inventeur du célèbre cube des années 80 .

Il y aussi les Piquetistes qui organisent des manifestations contre la maladie , la mort .

Et bien d’autres choses encore , près de 800 pages en comptant les nombreuses pages ´ à l’aide ´ , j’en ai compté 18 mais ça dépend des éditions et moi j’ai lu le livre sur une liseuse .

Roman ardu , très , trop ardu ?

A chacun de se faire son avis , à ne lire que si la difficulté ne fait pas peur , si on aime les descriptions interminables , les allers et retours temporels .

Pour ma part , j’ai beaucoup aimé tous les passages sur l’enfance de l’auteur .

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Enciclopedia zmeilor

Comme l'ouvrage n'est pas très bien décrit sur les sites, je précise qu' il s'agit d'un volume de 170 pages d'environ 30 par 24 cm en papier glacé. Malheureusement non traduite à ce jour, cette collaboration franco-roumaine de 2002 associe un texte de Mircea Cărtărescu à des illustrations de Tudor Banuș, fils de Maria Banuș, qui réside en France depuis 1972. C'est une vraie-fausse encyclopédie des "zméous", ces monstres traditionnels roumains, à feuilleter régulièrement. Je dois dire que le résultat est génial, en grande partie du fait de la qualité du graphisme, des illustrations, mi-satiriques mi-modernisées à la limite de la culture geek. Le texte grouille lui aussi d'ingéniosités, qu'apprécient aussi bien les enfants que les adultes, pour les nombreuses références qu'ils sont seuls à percevoir. Ne devine-t-on pas dans la planche de la page 165 "neprețuitul meu colaborator, maestrul Banousch de Nogent” l'autoportrait de l'illustrateur injustement méconnu et, j'en suis presque sûr(e), à la page 7, entouré de ses discrets mais psychédéliques papillons comme une mise en abyme de son œuvre, Cărtărescu l'auteur lui-même : "Azi port cu mîndrie urmele acestor "întîlniri de gradul al treilea" [Je porte aujourd'hui fièrement les traces de ces rencontres du troisième degré]?"

En guise de conclusion, le lecteur est invité à apporter sa propre touche d'imagination et à transmettre ses propres représentations à l'éditeur. Relevons le défi !
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Dragostea

Qu'on aime ou qu'on n'aime pas M. Mircea Cartarescu (ou bien ses romans déjà traduits), il faut avoir lu CE livre : rien (à part peut-être le titre, [L'Amour]) qui soit bateau, ou alors ”ivre” de magistrale beauté moderne (quoique !), bourré de talent. RAM-tam-tam (j’applaudis vraiment, c'est lui que je choisis). Et puisque dans les années 1980 il se disait prêt à partir à l'ONU pour y rapporter la paix universelle („cri, noi putem astea toate”), dans 35 ans encore j'aurai l'audace de croire qu'il convaincra l'UNESCO. Que la Roumanie cesse donc de craindre ses poètes : „să alinăm nostalgia, frustrația, SIDA/coropișnița, moartea soarelui, infernul, omida...”
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Mélancolia

Deux contes encadrent une suite de trois longues nouvelles dans ce livre étonnant, rempli à ras-bord d’images fortes et même parfois cauchemardesques.

Si les personnages des nouvelles n’ont pas de point commun évident entre eux, on pourrait tout de même dire qu’elles illustrent les frayeurs de l’enfance puis de l’adolescence.



Dans la première, « Les ponts » un jeune garçon abandonné dans un appartement décrépit hante les lieux depuis une éternité. Il attend le retour de sa mère. Il trouvera un chemin vers le dehors.



La seconde, « Les renards » met en scène un garçonnet d’à peu près le même âge et sa jeune sœur de trois ans. Même si les parents sont présents, ils ne sont guère attentifs à l’intense vie intérieure de leurs enfants inséparables, qui vivent de jeux et de rêves. Ils seront confrontés à des forces obscures, qu’ils nomment renards.



Enfin la dernière, « Les peaux » a pour personnage principal un adolescent qui vivra sa première histoire d’amour, dans un monde où les hommes muent de temps en temps, comme des insectes ou des serpents, et gardent leurs peaux, témoignages de leur évolution physique. Les femmes ne semblent pas soumises à la même épreuve. Mais sont-elles quittes pour autant ?



J’ai été sensible aux thèmes communs de ces trois nouvelles, qui sont réunies par des sensations identiques, la mélancolie, bien sûr, mais aussi l’enfermement (l’image d’un insecte pris dans de l’ambre revient) sans oublier la cruauté d’un monde de solitude et de froid.



Je pensais lire assez vite ce livre, mais il m’a fallu tout mon temps pour assimiler cette expérience de lecture à nulle autre pareille. Le style, d’une grande clarté, n’est pas en cause. Ces textes sont si denses qu’il faut seulement leur accorder une pleine attention.

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