Kwei-Lan écrit des lettres à sa soeur. Elle fait partie d’une famille de haute naissance chinoise. Depuis l’enfance, elle se prépare à épouser le fils d’une riche famille chinoise selon les rites traditionnels. Son fiancé revient d’Europe où il a étudié la médecine. Elle ne le connaît pas et le rencontre le jour de son mariage en 1920. Elle va apprendre à devenir son épouse, mais pas selon l’enseignement qu’elle a reçu de ses ancêtres et de sa mère. Son époux qu’elle appelle «Seigneur» vit plutôt selon le mode libéral et il entend bien que sa jeune femme si elle souhaite lui plaire, réponde à ses attentes, car il n’a aucun respect pour les rites, les coutumes ou encore les vieilles croyances chinoises.
Le frère de Kwei-Lan est parti en Amérique pour échapper à un mariage forcé. Il est fiancé depuis qu’il est un enfant avec une jeune fille d’une riche famille qu’il ne connaît pas et il la considère laide. Sa mère lui en veut et désire qu’il revienne pour qu’il respecte la promesse faite à la famille de sa fiancée. Cependant, en Amérique, il rencontre une belle jeune femme blanche dont il tombe éperdument amoureux. Il l’épouse et revient auprès de la famille de sa soeur pour la présenter à sa mère et à son père et faire basculer ainsi l’autorité parentale en sa faveur. Cependant, les événements vont s’enchaîner et le vent va souffler de tous les côtés afin de provoquer des changements. Est-ce possible dans cette Chine qui ne connaît rien de l’Occident?
Mes impressions
Comment ne pas aimer cette histoire où la nouveauté/la jeunesse versus la tradition/les parents, ancêtres s’opposent et animent le coeur des personnages? Ces derniers d’ailleurs appartiennent à un côté plutôt qu’à l’autre. Kwei-Lan cependant est tiraillée entre les deux.
«Je suis comme un pont fragile, reliant à travers l’infini le passé et le présent.» (p. 100)
Elle s’avère particulièrement touchante car elle n’a pas le choix de changer puisqu’elle aime profondément son époux et le respecte. Le premier geste qu’elle pose m’a marquée car elle doit débander ses pieds qui ont été enfermés toute sa vie dans des toiles pour qu’ils restent petits. J’avais mal pour elle… Son époux trouve les petits pieds horribles et il révèle à Kwei-Lan que cette coutume est malsaine pour son corps en entier et ses os. Elle décide de ne plus les bander car elle veut gagner l’amour de son époux.
«Car, lorsque mes pieds eurent été baignés, et entourés d’une bande plus lâche, la souffrance devint intolérable. En réalité, la détente fut aussi pénible que la compression du début. Mes pieds, habitués à être maintenus, s’allongèrent légèrement, et le sang se reprit à circuler. Dans la journée, par instants, j’arrachais les bandes pour me soulager en les resserrant. Mais à la pensée de mon mari, à l’idée qu’il s’en apercevrait le soir, je les remettais en place d’une main tremblante. Je n’obtenais qu’un peu de répit qu’en m’asseyant sur mes pieds et en me balançant d’un côté et d’autre. » (p. 57)
Kwei-Lan a toujours cru qu’en ayant des petits pieds, elle était belle et désirable. C’est un choc de constater que son époux trouve sa souffrance terrible et qu’il souhaite qu’elle s’émancipe de cette horrible pratique. D’ailleurs, il lui mentionne un peu plus loin :
«Nous supporterons cela ensemble, Kwei-Lan, me disait-il. C’est cruel de vous voir tant souffrir. Tâchez de penser qu’il ne s’agit pas seulement de nous, mais des autres : une protestation contre une vieille et mauvaise chose. » (p. 57)
De la protestation, il y en a dans ce récit. Cette dernière apparait causée aussi par amour. Kwei-Lan aime son époux et elle lui demande conseil car elle le trouve sage. Il l’éveille, il l’éduque à la nouveauté, à la science. Son frère aime sa femme. Pour cet amour, il renonce à l’autorité parentale et à son héritage. La puissance de l’amour des personnages les amène à protester contre l’ordre établi, les mauvaises traditions qui sont souvent la cause de leur malheur. Et cette protestation découle de l’Occident. Les Chinois vont s’instruire au contact des Occidentaux. Ils vont comprendre que la Terre est ronde, qu’être obligé d’avoir une Première épouse, des concubines, une Seconde épouse, etc. est une pratique désuète et terriblement cruelle pour les femmes qui aiment leurs époux.
En tous les cas, je ne peux que vous recommander de lire Vent d’est, vent d’ouest. La construction des personnages est forte et les thèmes abordés cherchent à illustrer l’écroulement des vieilles fondations chinoises. La plume de Pearl Buck est toute fine et délicate. Sa prose est épurée et elle va à l’essentiel. Ses descriptions apparaissent magnifiques. Elle sait raconter les conflits intérieurs de Kwei-Lan. C’est de l’émotion à l’état pur!
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