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Critiques de Pierre Siniac (199)
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Femmes blafardes

Lapin chasseur au menu du jour !

Perso, je préfère Bugs Bunny à la moutarde mais ce n’est pas le sujet. Alors, quoi de neuf docteur Siniac ?

Comme les vieux garçons un peu maniaques, les tueurs sont attachés à leurs petites manies. Celui d’une petite ville de province ne tue que le jeudi soir et signe ses crimes d’un éventail. Son surnom : forcément Jack l’Eventeur… Génial !

Séverin Chanfier, ancien flic, bavurophile, tombe en rade dans le patelin et décide d’enquêter pour se refaire la cerise entre gueuletons et visites guidées au bordel.

Il va découvrir que dans ce bled, la routine est aussi immuable qu’un jour sans fin, façon Bill Murray au réveil. Les habitudes composent la symphonie du quotidien. Au métro, boulot, dodo, les habitants des lieux préfèrent la trilogie, resto, ragots et culbuto.

Les donzelles victimes du tueur sont blafardes. Le crime ne sied pas au teint. En revanche, si le petit bourg est sinistre, ses habitants sont du genre rougeauds. La prostituée vedette est syndiquée, les élus prêts au pire pour ne pas bouleverser la quiétude mortifère, le chasseur est susceptible, le cuistot affable et le voyageur de commerce un peu obsédé.

Côté pédigrée, on est dans le champêtre : entre la mère maquerelle qui s’appelle Augustine Balbaupoul, l’assureur baptisé Urbain Petitbosquet et la voyante qui signe Emilienne de Chamboise, pas de place pour un Kévin Destates dans les streets.

Si les crimes ne suffisaient pas à animer le village, un corbeau croasse des lettres anonymes et promet la fin du massacre si certains acceptent de rompre le train-train quotidien. Gare à vous : c’est l’effet papillon qui larve sous le clocher. La revanche des secrets sur les apparences.

Si on sort la boussole, le village se situe en Vendée dans les années 70 et Siniac ne perd pas le Nord quand il s’agit de dézinguer le bar et les mœurs provinciales. Satire et ça tire sur tout ce qui bouge : le petit notable et son prestige de niche, les culs bénis souvent à l’air, le journaliste alcoolique à jeun de scoop et l’entremetteuse compromettante.

J’aime le verbe de Siniac. J’aime l’humour désenchanté qui fait chanter les mots de l'auteur et coscénariste des Morfalous.

Le dénouement est un peu décevant mais le roman de Pierre Siniac, publié en 1981 propose un vaccin qui reste encore efficace contre la moraline.

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Reflets changeants sur mare de sang

Généralement, dans les recueils de nouvelles, deux ou trois sortent du lot, et les autres donnent le change. Mais comme tout est bon dans le Siniac, Reflets changeants sur mare de sang est un excellent recueil que l‘on referme avec regret. Sept nouvelles diaboliques, écrites de main de maître, sept histoires inventives, imprévisibles, cruelles et sarcastiques…les sept Archanges de l'Apocalypse semblent s'abattre sans pitié sur des personnages pathétiques baladés sans vergogne par un romancier impitoyable. Des fêlés, des pigeons pigeonnés, des laids, des désespérés, des héritiers impatients de toucher le gros lot, d'anciens SS complètement tarés se font tailler en pièce par une trame assassine et des formules lapidaires, et le lecteur ricane devant tant de cruauté. C'est vachard, dénué de morale, acide à souhait. Impossible d'en choisir une en particulier, alors faites vous plaisir, lisez Siniac et gare au risque de chute dans cette mare de sang bien poisseuse. Attention, ça glisse!

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L'unijambiste de la cote 284

Je ne sais plus qui a écrit que le cynisme n'était rien d'autre que l'art de voir les choses comme elles sont plutôt que comme elles devraient être, mais c'est à cette phrase que je pensais en lisant ce recueil de nouvelles de Siniac. L'écrivain semble avoir toujours aussi peu de foi en l'humanité, et se fait donc plaisir en croquant les travers et les petites bassesses qui conduisent souvent au pire. Cocufiages, vengeances, petits crimes en famille, héritiers potentiels guettant la mort d'un vieux parent, traine-savates alléchés par la vie facile, c'est le festival des macchabées façon Grand-Guignol. Quelle peau de vache ce Siniac! Et comme je le préfère quand il parle des deux guerres, je retiens deux nouvelles en particulier, « L'unijambiste de la côte 284 « , ou la revanche de Fallioux, un poilu normand lassé d'aller au casse-pipe avec ses camarades pendant qu'à l'arrière les pistonnés mènent la belle vie et « Le pétainiste », ou le destin d'Octave Cotrelles, classe 92, qui voue un véritable culte à Pétain depuis la première guerre mondiale et auquel ses héritiers font croire que le maréchal est parti à Londres pour sauver la patrie .
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Ferdinaud Céline

Le dernier Siniac pour la route. Une bonne gueule de rentrée.

Passer une année sans lire un polar de Pierre Siniac, c’est comme me demander de passer un été sans une bouteille de rosé, un Noël sans revoir le Père Noel est une ordure, un dimanche après-midi sans mon canapé ou une vie sans ma moitié. Impensable.

Dernier roman de l’auteur, Ferdinaud Celine n’est pas une parodie de l’auteur du Voyage au bout de la nuit. C’est plutôt un hommage loin des oriflammes de la République. C’est aussi un règlement de compte avec le monde littéraire. Il a la niaque Siniac, alias aussi Signac. On fait mieux comme camouflage.

Cette année-là, Dorchin, un ancien clochard et son acolyte sont invités par « gros sourcil » dans son illustre émission littéraire où la culture bouillonne façon viandox avec les abonnés habituels pour présenter « La Java Brune », roman sorti de nulle part, miracle de la littérature qui collectionne les superlatifs et qui raconte l’occupation et la libération de Paris en 45 avec tous les retournements de veste des résistants de la dernière heure. Il n’y a rien eu de mieux depuis Celine ! Le grand déballage bien emballé.

Comme nous sommes dans un Siniac, je me doutais bien que cette histoire n’allait pas se limiter à la genèse d’un roman culte d’un auteur touché par la grâce.

Très vite, on apprend que Dorchin est le seul auteur du roman et que son Narcejac qui ne boit pas que de l’eau l’a piégé pour voir son pédigrée sur la couverture et profiter du succès.

Ce succès stupéfait Dorchin qui reste persuadé d’être un écrivassier incapable d’écrire le hors d’œuvre d’un chef d’œuvre. Il se rappelle alors la très lente gestation du bouquin.

Son vagabondage l’avait amené jusqu’à la Halte du Bon accueil, sorte de gîte d’agités réservé pour tous les recalés des hôtels traditionnels. On y trouve tous ceux qui ne ressemblent pas à monsieur tout le monde, Freaks en tout genre, ceux qui se font refouler en raison d’animaux de compagnie encombrants, ceux qui ont des gueules à problèmes ou qui prennent trop de places à table.

Sur place, la patronne de cette arche bigarrée, Céline Ferdinaud, la bien-nommée, est une ancienne libraire qui persuade Dorchin qu’il a de l’or dans les mains et qu’il doit absolument finir son roman. Pendant plusieurs années, elle va l’accompagner, taper son manuscrit et se faire payer en nature.

Malgré ses doutes, le livre est édité par un modeste éditeur et rencontre le succès. Bizarrement, les quelques critiques qui osent émettre des réserves sur ce roman, trépassent à la chaîne. Le meilleur moyen d’obtenir un consensus. Méthode Poutine.

Roman foisonnant, un peu long à l’allumage, encre au diesel, mais le dénouement est imprévisible, les personnages renversants et la plume de Siniac toujours aussi acérée. Ce dernier roman est un peu un condensé de toute son œuvre, un testament comme un bras d’honneur.

L’humour de Siniac est un monument historique qu’il faut préserver de l’oubli et qui mérite plus qu’une fiche Wikipedia. Pas de classement à l’Unesco pour les mauvais esprits. Dommage.

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Le tourbillon

On s'est connu, on s'est reconnu, et puis chacun est reparti dans le tourbillon de la vie, jusqu'à ce qu'en 1975, un camion citerne ne provoque un gigantesque accident.

Pierre Siniac lâche la bride à son stylo plume et ne contrôle plus sa verve. La guerre de 14, l'Occupation, les Trente Glorieuses… les années défilent, les personnages passent, enfants du malheur, rejeton fin de race, malfrat italien, anarchiste espagnol, incendiaire frapadingue…Il croque les vies avec le talent qu'on lui connaît, sans que le lecteur ne comprenne le lien qui les unit, mais il suit fasciné Siniac dans son trombinoscope tarabiscoté.

Puis une masse d'air tournoie et emporte les feuilles de manuscrit, nous offrant un collage intrigant et la révélation de cette intrigue.

Siniac a l'art de croquer les petites vies avec son sens de aigu de l'observation, son sens du verbe, son imagination débridée. Et sous le cynisme, la tendresse. Le tourbillon est un des meilleurs Siniac.



« Fabien Cavalla -la vie vous gâte rarement- était tombé bien bas. C'était aujourd'hui un type qui allait sur ses cinquante-huit ans, usé, maigre comme un chat perdu, avec des yeux aux pupilles dilatées marquées par de profondes pattes d'oie et de longs cheveux gris et ternes séparés par la raie au milieu. Il ressemblait à Antonin Artaud en Marat dans le Napoléon d'Abel Gance. Il était loin le fringuant maque aux doigts bagués et aux belles manières, le Don Juan méditerranéen à l'allure de coiffeur pour dames! »
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L'Orchestre d'acier

On se croirait au cinoche dans les années 60/70, ambiance Pierre Siniac Présente, devant une superproduction sur la libération de la France qui n'aurait rien à envier aux Morfalous ou à De l'or pour les braves, mes mignons. Il y aurait toutes les tronches de cake du cinéma français, un trombinoscope de seconds couteaux inoubliables, les Dominique Zardi, Robert Dalban, Paul Crauchet, Charles Gérard, Michel Constantin, Yves Afonso, André Pousse..., et dans le rôle des Allemands Hardy Krüger et Karl-Otto Alberty. Il y aurait de l'action, du suspens, des rebondissements en veux-tu en voilà, des coups d'éclat et des coups bas. Car dans L'orchestre d'acier, le jeu en vaut la chandelle. Un colonel SS a bien l'intention de quitter la France avec un joli pactole méchamment gagné pendant l'Occupation, mais des petits truands et des opportunistes ont bien l'intention de mettre la main sur le magot avant que la libération du pays ne vienne sonner la fin de la récréation des malhonnêtes . Seulement voilà, le butin de guerre a pris le chemin de Horcourt pas loin de Belfort, et en septembre 44, la bataille des Vosges bat son plein. Pas facile de mettre la main sur le magot. Il y aurait des dialogues percutants aussi, comme on en entend plus depuis longtemps, dans le genre «Ce SS commence à m'emmerder, pensa t-il. Qu'est-ce qu'il faut pas faire pour s'adjuger un place au soleil! Devenir collabo au moment de la Libération! ça, c'est moi tout craché, j'en ferai jamais d'autres! » ou bien « Tu bigophonais à qui? Au bout de mon zob, dit Maigoual, en allumant une Camel. Je voulais savoir s'il allait bien. »

Sous l'aile noire des rapaces mettait en scène le casse du siècle sur les routes de la débâcle, L'orchestre d'acier avec sa partition tonitruante raconte un vol au dessus d'un nid de SS prêts à quitter la France. C'est comme toujours délicieux à lire et c'est signé Siniac.
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La course du hanneton dans une ville détruite..

En Juillet 1944, Barbara travaille chez le généreux comte d'Auvarqueville qui accueille dans son château normand une vingtaine d' enfants réfugies.

La guerre fait rage, les pauvres gosses crient famine...

N'écoutant que son courage, Barbara à bord d'une  Delage part chercher des provisions mais se perd dans  St Lô , un champs de ruine en plein chaos.

Comme la chanson elle passe et repassera par là au volant de son auto, tournera en rond et large et au travers au milieu des boches paumés , des ricains cyniques et hilares, des épiciers pingres, de truands en cavales et d'un chien jaune poissard.

Pour sa dernière sortie, Pierre Siniac s'inspirant d'un fait divers réel,

à partir de témoignages de prisonniers allemands, de soldats américains et d'habitants de la région,

nous sert un artifice de sa composition des plus allumés avec au volant une Pénélope au grand coeur qui en déroute plus d'un....

La course du hanneton, haletante !

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Des perles aux cochonnes

Après plusieurs décennies d'absence, Romuald Muzardin de Falgoncoul, la petite quarantaine devenu photographe de cartes postales à Paname est de retour à Quiéffrans son pays natal. Il compte bien se réapproprier son château en ruines, se venger des bouseux qui lui ont mené la vie dure et par la même occasion prendre la place qu'il mérite, celle de député maire...Au pied du château brinquebalant, coup de foudre, l'attend Irène la bergère qui rêve du prince charmant. Quand on parle du loup , on en voit le bout...sauf que le Romuald est sans le sou...mais par la grâce du Saint Esprit ou presque, il prend en stop dans sa 2 cv un hippie qui lui dit qu'en mer d'Oman, on trouve des perles extraordinaire qui le sortiront de sa mouise ...

Ca c'est un Siniac fantasque et fantastique comme je les aime : à mi chemin entre le conte de fée qui part en fumée et le polar poissard qui fait blêmir... une ambiance de village où tous le monde se fait des grimaces, où se mêlent des profiteurs et truands de petits chemins, des inventeurs de génie sans bouillir et une fleur des lys un peu niaise qui s'amourache d'une fleur des champs pas si fleur bleue...Il nous arrose avec ses perles et son histoire à dormir debout mais comme par magie, retombe toujours sur ses guibolles !

Des perles aux cochonnes, pour sûr c'est pas pour les pourceaux !

Comme dirait Pecosa ça c'est du titre...
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Femmes blafardes

Ça commence comme un  polar à l'ancienne.



Tous les bons vieux clichés du genre, et qui rassurent: Séverin Chanfier, un flic usé, radié pour obsession sexuelle, devenu privé ( et déjà sur un siège éjectable) voit sa caisse rendre l'âme dans un petit bled innommable et innommé. Il pleut, il a faim, pas le moindre garage en vue : il  s'arrête donc quelques jours, croit-il. Le voilà contraint de vivre la vie provinciale bien huilée dudit bled.



Un féminicide tous les jeudis soir.



Il est pris comme un moucheron dans un pot de miel.. .



Notre ex-poulet se pique au jeu et du cinoche  à la salle des fêtes, du restaurant bourgeois au buffet de la gare, du chocolatier au magasin de Nouveautés, des chambres d'hôtes au lupanar du coin,  il a tôt fait de faire le tour des points névralgiques de cette petite ville où la routine si grise semble avoir pris le mors -ou la morte?- aux dents.



 Assez vite, on comprend que nous aussi on s'est fait faire aux pattes dans ce faux  polar à l'ancienne..



Tout y est en trompe-l'oeil: noms de famille tarabiscotés et qui semblent  faux comme des pièces de 13 francs, personnages sans plus de psychologie que des automates, qui agissent mécaniquement comme des marionnettes dont on actionnerait les ficelles,  mobiles obscurs et irrationnels,  rituels aberrants, obsessionnels, concaténés comme des rouages d' horlogerie.



 Tout cela pimenté par les remarques décalées,  ironiques ou saugrenues , du narrateur ou de son "héros",  égratignant au passage les moeurs et usages de la petite bourgeoisie provinciale bien-pensante, bien-mangeante, bien- faisante et bien-baisante...à la façon d'un Chabrol au meilleur de sa forme.



Comme chez Chabrol, la fine gueule, et de l'avis de Gaston Cantoiseau, restaurateur de son état. :"la bouffe, la bonne bouffe ,  c'est beaucoup plus important que vous croyez".



La cuisine a ses raisons que la raison ne connaît pas! Ainsi en va-t-il, par exemple,  du lapin chasseur...



La fin, hallucinante, de ce polar iconoclaste  et volontiers surréaliste, atteint des sommets de drôlerie absurde!



J'ai adoré ce premier Siniac, (sûrement pas le dernier) ,  chaudement recommandé par deux experts, Pecosa et Koalas! Qu'ils soient remerciés pour cette lecture spirituelle et décapante!



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L'increvable

En 1967, l'unique rejeton du célébrissime maestro Montalbray disparaît au bord de son monoplan dans la jungle du Péten au Guatemala.

Malgré des fouilles quasi archéologiques, Flandier, la crème des explorateurs, revient bredouille.

Le chef d'orchestre fou de douleur n'a qu' une idée en tête

retrouver à tout prix son petit casse cou ...pas trop démantibulé.

Il organise donc à ses frais une autre expédition dans la jungle pour retrouver son fiston et ce coup-ci il enfilera ses pataugas...

Embarquement immédiat garanti dans le roman d'aventure de Pierre Siniac

orchestré avec moult mouvements par un vieux maestro radoteur pas encore au bout de sa partition qui mène à la baguette une fine équipe d'explorateurs de pacotille qui rechignent à la tâche !

Faut dire que rechercher un homme perdu dans la jungle, pagayer dans les marécages en pirogue au milieu des crocodiles , des sauvages, des mygales, des scorpions, y'a de quoi avoir les chocottes !

A coté, Indiana Jones, c'est le club med'.

Comme toujours avec Siniac, le scénario ne laisse rien au hasard...

la patte est assassine, la fin quasiment imprévisible et le ricanement assuré. Et là on est farci , l'équipe de broussards et de froussards s'enlisent dans la jungle en folie du baratineur Siniac.

L'increvable, c'est pas du chiqué !
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Pas d'ortolans pour la cloducque

Luj Inferman', traîne-savate quadragénaire qui ressemble « au regretté Bogart; mais l'embêtant c'est que personne encore ne s'en est aperçu » et son comparse la Cloducque, « créature dont on ignore l'origine exacte », sont de nouveau sur les routes. Les deux clochards même pas célestes ont décidé de se taper la cloche, des bouchons lyonnais jusqu'aux bistrots de Paris et banlieue, au gré de leurs déambulations. Point d'ortolans certes, mais de la volaille, de balaises côtes de boeuf et j'en passe. Pour payer leur pitance, ils travaillent (un peu), volent (moyennement), rusent (beaucoup), rencontrent un nombre incalculable de personnes, dignes d'un panel représentatif de l'INSEE, et le lecteur suit, épuisé, les deux compères, spirituellement plus proches d'Archimède le clochard que de Vladimir et d'Estragon.



Guidée par la bonne parole de Koalas, Siniacologue Distingué, j'ai lu mon 1er Luj, et dans le désordre (le 5ème sur 7, mais ce n'est pas gênant) et je ne sais toujours pas d'ailleurs, ce que j'ai lu. Siniac se défoule, part en roue libre, semble aller vers où le vent le porte, comme les deux traîneurs de savates qu'il a enfantés.

Les séquences se succèdent, loufoques, surréalistes. J'en ai apprécié la langue, les trouvailles linguistiques, l'humour. Siniac très en forme s'amuse, déboulonne à la dynamite tout ce qu'il approche, et enchante le lecteur par ses bons mots, ses métaphores et ses vacheries. Il est si efficace que j'ai eu la sensation de lire un roman en odorama, tant les lignes consacrées à la Cloducque, sont imagées et peu ragoûtantes, voire franchement répugnantes. Pas d'ortolans pour La Cloducque à lire, certes, mais pas à l'heure des repas.
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La course du hanneton dans une ville détruite..

Un Siniac par temps de guerre comme L'Orchestre d'acier, Les Morfalous, Sous l'aile noire des rapaces, Les sauveurs suprêmes, certes. Mais avec La Course du hanneton dans la ville détruite, Siniac signe un roman différent. L'un des personnages centraux est une femme, une réfugiée lorraine du nom de Barbara Rousset. Et ses motivations contrairement à la majorité des personnages siniacais (?), ne sont dictées ni par l'appât du gain, ni par le goût du risque.



Barbara est arrivée en Normandie lors de la débâcle. Employée chez le comte d'Auvarqueville, elle a pris en charge huit orphelins cachés dans le château. La guerre se rappelle à leur bon souvenir car la bataille de Saint-Lô se déroule juste à côté. Les Américains bombardent la ville, GI, Allemands, résistants français se tirent dessus. Au château, les vivres manquent. Pour ne pas laisser les enfants le ventre vide, Barbara décide de partir au volant de la superbe Delage 1937 du comte pour sillonner Saint-Lô en ruine à la recherche de ravitaillement, quite à franchir les lignes ennemies dans la ville martyre.

« Puisque cette bonne femme, avec sa « corvée de soupe », est prête à tout pour passer…même sur la brioche d'Hitler… ma foi , on aurait tort de se gêner. »



La Course du hanneton dans une ville détruite est un Siniac différent, moins mordant, plus touchant. le romancier est toujours aussi incisif surtout lorsqu'il décrit magistralement la ville détruite, et lorsqu'il croque les travers de ses personnages, comme les Lobtenjois, épiciers que Jean Dutourd aurait pu dépeindre dans Au bon beurre. Barbara, elle est une modeste héroïne, (qui serait inspirée d'un personnage réel), touchante dans son obstination et son abnégation, et sous la plume du cynique, on sent poindre une certaine tendresse pour elle. Siniac surprend son lecteur. Il laisse paraître son humanité sans cynisme « Quand je dis Fritz je dis Wermacht. Les SS, eux, ne mangeaient pas de ce pain-là, vous pensez bien, à croire que ces couillons blonds au profil nordique que l'on a vus tant de fois défiler au pas de l'oie aux actualités sous l'oeil du malade à la mèche n'avaient jamais eu d'enfants, puisque, généralement, les enfants, ils les tuaient. » Et il parle du lui à la troisième personne dans le dernier chapitre, surprenant pour un homme si discret qu'il mourut seul dans son appartement.
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Bonjour cauchemar

Il me manquait Bonjour cauchemar pour clore mon tableau de chasse de Pierre Siniac !

Chose faite, il trône désormais au dessus de ma bibliothèque cheminée à la place de ma tête de sanglier et aux cotés de tous mes autres petits Siniac.

Ce polar des années cinquante est paru dans la collection "Crime parfait ?" en 1958, la même année qu'Illégitime défense, son tout premier.

Bonjour Cauchemar, son deuxième roman qu'il signe sous le pseudo de Pierre Signac ( à ne pas confondre avec son troisième roman Monsieur Cauchemar) vous fera chanter et déchanter ... Il n'est certes pas aussi truculent que son excellent Ferdinaud Céline , on sent encore le jeune Siniac un peu timoré, tout en retenue, pas encore prêt à lâcher complètement son humour vachard et ses perles aux cochonnes. Mais le portrait de Florent Lespardier, petit journaliste d'une une gazette locale devenu un écrivain à succès, le meilleur conteur contemporain selon son éditeur Coué-Vérac faiseur de Concourt, est gratiné...

La panne sèche n'est pas loin, l'histoire tourne vite au vinaigre et au nègre..Bref, comme d'habitude avec Pierre Siniac, on tourne en rond, en large et en travers, on prend les chemins de traverse. Ici, avec des manuscrits qui apparaissent et disparaissent comme par enchantement . le passe muraille de Marcel Aymé est revisité à sa drôle de façon . Et l'atmosphère est glauque à souhait, un messager des ombres rôde dans le coin, un ancien collabo pointe son nez sous l'oeil vigilant d'une chienne de garde tandis que l'écrivain sue à la tâche. La narratrice du cauchemar ambulant , c'est sa femme Irène, épouse délaissée qui avoue dès les première pages du polar avoir commis l'irréparable.

Ce n'est pas le meilleur de ses polars mais on se laisse manipuler par sa plume endiablée, ses personnages englués et son engrenage infernal en spirale qui feront sa marque de fabrique.

Bonjour Cauchemar, je n'ai plus de Siniac-Signac à me mettre sous la dent !
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Le tourbillon

Tout commence par un fantastique accident d'un camion citerne.

Le conducteur perd le contrôle du véhicule sur une route sinueuse de Bourgogne. Faut dire qu'il ne roulait pas à la vitesse d'un escargot de...

L'histoire s'enflamme comme le camion, part au quart de tour, fait des allers retours dans le temps

un détour par la rue Laureston, fief de la gestapo française, dans le coin des Batignoles, chez les forains bretons, dans un château de la Bresse, dans un dancing brûlant...

Pas le temps de s'ennuyer, les chapitres s'enchaînent, s'emballent,

la douzaine de personnages vedettes aux allures de faux derches défilent à la  chaîne, un maître chanteur sadique, des anciens malfrats et collabos, un fils de bonne famille dégénéré, une môme piaf, et d'autres petits malins qu'auraient dû rester bien  au chaud...

Tous pris dans un infernal  engrenage, dans une fresque bouillonnante.

Je file un carton plein, sans blême, à Siniac pour son tourbillon dévastateur que je viens de siphonner d'une traite.

Je ne suis pas près d'oublier Charlot-la-Carlingue, disque rayé, Marie Dupuy et Gaston les bretelles.

Ah, j'oubliais le plus gratiné, Linthié de Haudricourt...

A mon avis, un de ses meilleurs romans noirs.
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La course du hanneton dans une ville détruite..

Pour mes premiers Siniac j'avais demande conseil a une specialiste et j'avais apprecie les conseils et les livres. Cette fois j'ai choisi tout seul, au hasard, pour la beaute du titre. Et je m'en felicite car j’ai retrouve un debut ou les descriptions de paysages et la lenteur a presenter, a camper les differents personnages m'ont un peu rappele Ferdinaud Celine, alors que dans toute la deuxieme partie se dechaine le nerf, l'hysterie de Sous l'aile noire des rapaces (vous l'aurez compris, c'est les deux seuls Siniac que j'ai lu, jusqu'ici). Et cerise sur le gateau, surprise pour moi, je n'ai pas retrouve son cynisme, mais au contraire une ironie moderee, pudique dirais-je, qui laisse affleurer un certain respect pour son heroine principale, en fait pour la vraie heroine historique dont il s'est inspire.



L'histoire en bref: alors que les allies ont debarque en France et qu'on se bat avec acharnement pour chaque ville, chaque village, chaque metre du territoire, une jeune femme se retrouve seule dans un chateau isole avec une douzaine de gamins qui y etaient caches, a sa charge. Ils n'ont rien a manger alors elle part (au volant d'une Delage D8 20cv six cylindres, excusez du peu!) essayer de trouver des vivres aux alentours. Aux alentours? A Saint-Lo en ruines ou on combat encore pour chaque rue! “Pour Saint-Lo la guerre eut la main bien leste!” Siniac dixit. Ce sera donc une randonnee epique, que le titre reflete discretement. Et la fin? Douce-amere. Je n'en dirai pas plus, point n'est besoin.



L’ecriture en encore plus bref: c'est du Siniac. C'est explosif (bien sur, c'est la guerre!). C'est haletant (bien sur, c'est une course!). Dans la deuxieme partie on a droit a un retournement d'action toutes les deux pages (y'a pas comme la Delage pour prendre les virages!). C'est un drame conte avec humour (c'est pour mieux te manger, lecteur!), mais pas acerbe. Le fantome d'une larme a l'oeil de l'auteur ecrivant le mot fin? Non, je dois me faire des illusions.



Conclusion brevissime: Veni vidi amavi? Non. Autrement. J'ai pris le livre. Je l’ai lu. J’ai aime. A vous maintenant!

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La Nuit du flingueur (La nuit des Auverpins)

Le Cantalou, un Auvergnat moustachu bien de chez nous

sort de taule la mine réjouie avec en vue un pactole provençal

qui va le rendre pénard pour ses vieux jours.

Mais zut , flute, mince ou m...

c'est bêta, il n'a pas le code pour ouvrir le coffiot rempli d'or.

La bonne âme qui a le sésame Ouvre-toi

ne veut lui donner qu'en échange de l'adresse de la planque

et de la moitié du gros gâteau tout chaud.

Que nenni, L'Auverpin reste auvergnat

au grand dam de l'autre pleureuse qui fait appel

à la bande de Nice pour rafler le butin

et pourquoi pas le rayer de la carte.

Va s'ajouter à cette partie de pétarade,

un Yougoslave qui a du chien , un charbonnier

et sa Laurette qui est vraiment très chouette.

Quel nuit mes amis, c'est la fiesta à la mode Siniac

Difficile d'échapper au menu de la soirée auvergnate :

Distribution à volonté de châtaignes, de bleus d'Auvergne

et de salades de la bande niçoise ;

sans oublier un long détour par les bains douches, les ciné louches

et les bistrot parigots en compagnie de Scoto l'impresario des yéyés,

Mâche toujours, le chouchou à Léone, Locomotive Brown

et tous les autres déclassés à têtes de veau ...Marengo !

Comme d'habitude, avec Siniac, je me suis laissé couler

dans une histoire ébouriffante et rocambolesque qui m'a coupé la chique à la fin.

La nuit des Auverpins,...m'enfin !
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Des amis dans la police

Germain Gouyande surnommé l'Albinos, ancien flic devenu vigile à la retraite, est l'un des plus fidèles clients de Clovis Merouilleux bouquiniste à Gisors.

ll lui achète régulièrement des polars et des pornos qu'il glisse avec en douce.

Parfois, une lubie lui prend de lire un roman un peu plus sérieux.

Justement, son dernier choix tombe sur un Sagan..

dans lequel est glissé à sa surprise un message cartonné qui lui glace le sang : on l'accuse d'un meurtre parfait resté impuni...

Le soir sa femme le retrouve raide mort, terrassé par une crise cardiaque.

Son épouse et Joe un ancien flic ami du défunt

décident de mener leur petite enquête... insensée

mais ne sont pas sorti de l'auberge...Siniesque.



Comme d'hab, j'me régale !

Ce qui est bien avec Siniac, c'est qu'il se renouvelle sans cesse en gardant toujours cette pointe de malice, sa griffe inimitable.

Il se moque des codes du polar qu'il manipule et détricote à sa guise et nous mijote une histoire emberlificotée de sa spécialité :

Là, un bouquin pris au hasard par Germain dans un étal de libraire d'occas', un mot accusateur...d'où vient-il ?

Derrière cette histoire de fou...à délier

Siniac brosse les mœurs pas jolies jolies d'une petite ville de province

des histoires de coucherie, d'apparences trompeuses

de jalousie et de meurtres sanglants..

Le dénouement est pour le moins renversant.

J'en dis pas plus, de toute façon, c'est irracontable.

Des amis dans la police, indispensable !
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La tenue léopard

La tenue léopard, c'est le  putsch d'Alger revisité par un Siniac très en verve. Car il s'en passe de belles dans les forêts vosgiennes, surtout quand un français s'allie avec des généraux espagnols pour abattre le président, afin que de l'autre côté de la frontière des franquistes puissent rétablir une dictature en toute quiétude.

Un militaire machiavélique Césaire Pétrofianni, ancien sénateur d'Algérie, et quarteron de généraux à lui tout seul, monte une équipe, finance l'Opération, fait évader quatre barbouzes incarcérés pour des hold-up sanguinolents.

Tout est prévu pour renverser la République mais il y a un couac. Il leur manque l'homme providentiel, la figure publique vertueuse sans tache, le militaire qui prendra la tête de la dictature et rassurera les Français. Ils ont bien trouvé le bonhomme, Marcel Ranjard un général à la retraite qui coule des jours paisibles dans les Vosges avec la générale et un petit Vietnamien qu'il a recueilli.

Ranjard , sentant l'entourloupe, et qui est fidèle à la République, refuse l'offre des émissaires et oublie cette histoire. Mais quand ça défouraille sec dans les bois environnants, il va remettre sa tenue léopard et rameuter ses troupes, quelques vétérans de l'Indo qui ont toujours sous le coude une tenue camouflage et les flingues qui vont avec.



« Dans la nuit du 13 au 14 septembre 1964, le monde vivait en paix. Et qui, au cours de cette nuit, appuya le premier sur la gâchette ? Qui recassa le vase de Soissons ? Bref, qui donna le premier coup de pied au cul ? » Bein c'est Siniac, et il a la plume en folie: blazes improbables, pedigree dignes de concours canins, casiers plus du tout vierges, descriptions folles, intrigue sanglante, jeux de mots qui tuent…

Mise en bouche:

« Le général était en train de mettre sa vieille tenue léopard, les leggings, les grosses godasses montantes, la casquette « à la Ranjard », une mode qu'il n'avait pas voulu lancer, tout ça c'étaient des futilités, il n'avait jamais été un guignol de magazine de mode, des journalistes qui s'étaient jeté là-dessus, sa galette, la canne de Leclerc, les beaux yeux bleus de Pétain, le monocle de von Stüpnagel, les plats en sauce de Joffre, la plume dans le cul du général Dourakine, tout ça c'étaient des conneries pour amuser les pékins, soyons sérieux. Il s'habillait. Tenue de combat ».

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Monsieur Cauchemar

Un brouillard à couper au couteau, un froid glacial et une grève des poulagas

les trois conditions déplorables sont enfin réunies

pour qu' Esbirol, un vieux libraire parisien spécialisé en polars d'occas' et écrivain raté,

se transforme en Monsieur cauchemar,

l'étrangleur nocturne... qui fait trembler les unes des canards.

Fier de son surnom et de ses meurtres plus que parfaits

l'assassin met dans la confidence un gamin, qu'il cherche à épater...

mais ce dernier cherche avant tout à percer son secret...fou à lier.



Atmosphère cauchemardesque-grotesque et humour noir garantis pour ce polar fantastique vintage

qui se déroule dans le Paris des années 50.

Siniac fait revivre un quartier populaire avec des trognes bien franchouillardes .

Tout un petit monde apeuré par un mystérieux étrangleur qui traîne dans les rues sombres à l'affût de sa proie qu'il hypnotise. Qui sera le prochain ?

Ce qui fait surtout l'originalité du roman cauchemar

c'est la conclusion, Pierre Siniac ne tranche pas !

Propose trois fins différentes

qui vont de la plus banales à la plus..tordues.

A vous de choisir la chute finale

Monsieur cauchemar... dingue !

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Carton blême

A l'aube du troisième millénaire, dans une grande mégapole futuriste "Pourriture-City", le trou de la Sécu a atteint des sommets himalayesques. L'Etat en faillite n'a plus les moyens de protéger toute la populace des serial killers et autres mabouls qui traînent en nombre dans les rues.

Pour le bien du peuple, un ministre de l'intérieur du genre futé a trouvé un remède "démocratique" qui cartonne ...

Cela n'empêche pas le dingue au marteau de continuer à frapper pour la 9e fois et à prendre la tête de sa dernière victime pour une enclume !

Le nouveau chef de la crim' chargé de cette affaire met les pieds dans un infernal engrenage et la terreur s'empare de nombreux citoyens devenus blêmes.

A cette ambiance cauchemardesque, on ajoute une prose débordante d'imagination, une bonne dose d'humour noir, de cynisme, et des portraits au vitriol : un médecin des pauvres je m'enfoutiste mouillé jusqu'au cou, des indics, des politiciens véreux, des affolés du bocal qui sentent leur fin approcher ...

on secoue le tout

et cela donne

un bon polar fantasque et fantastique de Pierre Siniac

Carton blême, ça cartonne sec...

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