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Critiques de Roland Barthes (184)
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Sur Racine

J'avais toujours entendu présenter "Sur Racine " comme une des références absolues en la matière. Mais Roland Barthes s'évertue à démontrer l'exactitude de ses théories (notamment sur le "héros solaire", une belle plaisanterie) en forçant le texte de toutes parts.

Bien entendu, une partie des analyses reste intéressante et originale (c'est Barthes), mais en contrepartie bien des passages sont sujets à caution, voire carrément en pleine impasse (c'est Barthes): un mot relevé et décontextualisé suffit au critique à valider une hypothèse. La rhétorique en devient maladroite...



Mais cette lecture reste un excellent exercice intellectuel: faire la part de l'analyse honnête et du dérapage demande de l'attention, et quelque part on trouve plaisir à guetter les (nombreux) faux pas du grand Barthes...
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Fragments d'un discours amoureux

Sous forme d'un dictionnaire, Roland Barthes expose les différents éléments qui compose l'amour dans la littérature.



Chaque élément est accompagné d'une définition et d'explications basés sur des textes, principalement de Werther de Goethe.



Lecture intéressante et surprenante d'une part la forme proposée, celle d'un dictionnaire, qui permet une lecture morcelé et chronologie réelle mais aussi dans le fond qui montre des éléments qui constitue le discours amoureux à plusieurs époques et selon plusieurs formes et points de vue mais qui reste encore très actuelle pour certain principe.
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Journal de deuil

Fragments d’un discours douloureux !



Je lis les mots de Barthes par bribes, la charge émotionnelle qui s y dégage est si forte, que je ne peux le lire d'une traite.

Je ne peux pas, ne veux pas !



Comme le mentionne l'auteur, suite au décès de sa mère, Mam à laquelle il était furieusement attaché, seul le chagrin demeure.

Il est question d'une succession de notes, de pensées, parfois sans lien précis, noircies ici & là, la douleur qui teinte chacune de ces pages est limite palpable.

Le texte est parfois difficile à lire, mais il est d’une rare beauté, à travers toute cette peine qui transparait ici, c’est une magnifique déclaration d’amour que Barthes adresse à sa mère.

Ces fragments, par leur forme déjà, expriment particulièrement bien le caractère discontinu de l’endeuillement, cette discontinuité qui pèse !

Barthes essaie de manière sensé de comprendre ce processus. Il pratique aussi par ce biais une auto analyse qui peut tout aussi bien servir au lecteur.



Récit du manque, de la souffrance & de l'énergie vitale, sans pour autant, tomber, ni dans le mélodrame ni dans le pathos !
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Fragments d'un discours amoureux

Ceci est l'intégral de l'état amoureux !



Arrivez-vous à superposer exactement les mots sur vos sentiments, vous ?

Ou encore cerner ceux de l'autre ?!

Moi, par moment, j'ai l'impression de forcer des triangles dans des trous carrés !

À mon sens, analyser son état amoureux, (alors celui de l'autre..) c'est comme réaliser une autopsie: on n'en ressort pas vivant, pas plus que mort.

Barthes lui, il le dissèque magistralement dans ses "Fragments d'un discours amoureux"



Que l'on aime comme au cinéma, que l'on aime modérément, secrètement outrageusement, ou pas tout à fait, on est tous égaux dans l'attente, l'absence, l'angoisse, le comblement ou encore la dépendance. Etc



Ce livre est une bible.

Ce livre me sert de boussole.

Ce livre est à lire au gré des envies.

Ce livre se butine, se picore & ses passages me (nous) révèle.

Est-ce que je gère pour autant ?! Non.

Je garde en mémoire que là où il y a du feu, il en restera des braises.



Bref, on les reconnaît facilement ces livres qui nous élèvent, ce sont ceux qu’on a tellement de mal à refermer. Je recommande.



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Essais critiques, tome 4 : Le bruissement d..

C'est le seul livre de Barthes que j'ai lu, un peu par hasard, Il rassemble des écrits assez courts le plus souvent de Barthes entre 1964 et 1980. Je n'ai pas tout lu, n'étant ni linguiste ni impliqué dans l'enseignement du français. Et pourtant, malgré son abord un peu difficile, il aborde des thèmes passionnants pour qui s'intéresse à la littérature et à l'histoire: les rapports entre science et littérature, entre auteur et lecteur '"la mort de l'auteur") la question de l'effet de réel, ses réflexions sur Proust, Brecht, Michelet,et même Brillat-Savarin, ses interrogations multiples, je cite en vrac quelques unes: sur la musique du sens, sur l'image et notamment filmique , sur le tutoiement etc... tout cela est extrêment stimulant.
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La Chambre claire

Ce que j'aime chez Audiolib ce sont les belles voix associées aux textes et l'interview qui les accompagne. Daniel Mesguich lit la dernière oeuvre de Roland Barthes intitulée "La chambre claire" et Benoît Peeters, qui fut son élève et ami, la commente.

Contrairement à ce qu'évoque le sous-titre, "Note sur la photographie", cet essai ne traite pas la photographie d'un point de vue technique. Alors peu importe si la photo est numérique aujourd'hui, ce livre reste d'une grande originalité car il présente les pensées de Roland Barthes qui s'interroge sur ce qu'est la photographie pour lui. Pour cela, il se place du point de vue de celui qui regarde.

Alors que ce livre est une commande, il ressemble à une autobiographie car il nous permet de rentrer dans l'intimité de l'auteur qui évoque le deuil de sa mère à travers les photographies de famille.

Roland Barthes utilise beaucoup de termes latins surtout dans la première partie du livre construit comme un recueil de textes courts à la manière de "Mythologies" mais de façon personnalisée puisqu'il utilise le « Je ». Il nomme le photographe Operator et celui qui regarde le Spectator. Il a créé aussi les termes de Studium et de Punctum.

Barthes choisit d'observer en précisant qu'une photo témoigne de ce qui a été mais aussi de ce qui sera, par exemple les personnes que l'on voit vivantes sur la photo qui sont mortes aujourd'hui. C'est un réel qu'on ne peut plus toucher et en cela il fait le lien entre la photo et la mort.

Barthes parle peu de la photographie d'art même si Robert Mapplethorpe est souvent cité. Alors qu'il la présente comme inclassable, il compare la photographie au théâtre, à la peinture ou au cinéma et la met en avant, « la distingue de la communauté des images ».

Je trouve que les propos de Roland Barthes ne sont pas si simples que ça, ils sont profonds et sa belle écriture sublime une grande sensibilité, en écho au développement dans une chambre noire mais qu'il choisit claire parce que les photographies peuvent apporter la lumière.





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Fragments d'un discours amoureux

J'aime bien lire Roland Barthes. Même si le sémiologue français utilise des mots et des formulations peu courantes que je ne comprends pas toujours, je vois où il veut en venir.

Avec "Fragments d'un discours amoureux" publié en 1977, Barthes propose un essai original formant un ensemble construit à partir de textes courts.

Le chantre de la pensée structuraliste fait une analyse très personnelle du sentiment amoureux. Il s'appuie sur ses lectures d'oeuvres diverses, poésies, pièces de théâtre et surtout romans et fait référence aux arts comme la musique ou la peinture. Il s'en sert pour construire des propos basés sur ses expériences ou ce qu'il a entendu. Il explore ainsi la relation amoureuse comme un abécédaire (Absence, Comprendre, Déclaration, Etreinte, Fête, Insupportable, Jalousie, Rencontre, Tendresse, Union, Vérité...) parfois avec un grain d'humour. Et il est assez juste de comparer la méthode utilisée par Roland Barthes aux collages des surréalistes.







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Fragments d'un discours amoureux

Sans doute faudrait-il être soi-même amoureux pour entrer vraiment dans les mots de Barthes autour de l'amour. Le discours amoureux n'est dicible, ou lisible, que par l'amoureux lui-même, qui passe son temps à s'identifier au héros malheureux, au chercheur de tendresse, au discoureur savant qui tente de donner forme à la folie aimante. Mon impression de non-amoureux qui a lu ceci pour retomber dans la marmite est d'être passé à côté d'un sens secret. Comment se réininitier? La lecture ne suffit pas. Les mots, en amour, au fond, sont secondaires.
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Fragments d'un discours amoureux

" je ne tombe jamais amoureux, que je ne l’aie désiré, la vacance que j’accomplis en moi (…) n’est rien que ce temps, plus ou moins long, où je cherche des yeux, autour de moi, sans en avoir l’air, qui aimer. "

Nous avons besoin d'aimer et d'être aimé(e). Le grand sémiologue analyse le discours amoureux, prenant des exemples littéraires et quotidiens. Rafraîchissant. Cela donne envie de (re)tomber amoureux.
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Mythologies

Bonsoir,

Je vais être clair avec vous, je ne suis pas sûr d'avoir compris tous ses concepts.

Je découvre Roland Barthes et sa pensée.

Bin oui, je ne connais pas tout. Pas vous ?

Mythe, mythologie, culture bourgeoise ou petite-bourgeoise, thèmes marxistes, méta-langage etc...

Plein de connotations qui vont vers mes biais de confirmation, mais qu'en est-il réellement ?

A cette heure, je n'ai pas d'avis tranché. D'où le 3/5.

Je dois digérer cette lecture puis la remettre à l'établi (il rejoint ma pile PAR - Pile à relire).

Au plaisir de lire vos ressentis.

Et à bientôt !

Livresquement vôtre
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Journal de deuil

En emportant de la librairie le Journal de deuil, de Roland Barthes, je pensais que j’allais découvrir des pensées fortes, des réflexions profondes sur ce qu’un deuil révèle de soi et du lien rompu, sur ce que l’absence inflige et change, sur ce que l’on trouve, ou non, comme sens à ce traumatisme.

Mais le Journal de deuil de Roland Barthes n’est qu’un journal, je ne peux même pas dire banal à pleurer, puisqu’il m’a laissé indifférente. Et même agacée : R. Barthes constate, assez satisfait, à plusieurs reprises, qu’il n’«hystérise »pas son chagrin, qu’il en fait peu part à ceux qui l’approchent. Mais où avait-il vu que les gens en peine profonde allaient la raconter à tous vents ?

Et comment croire qu’il n’avait pas la réponse à cette question : « Pouvoir vivre sans quelqu’un qu’on aimait signifie-t-il qu’on l’aimait moins qu’on ne croyait… ? »

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Marcel Proust : Mélanges

"Donc, d'abord, Proust."



Les fulgurantes miscellanées que nous prodigue, d'outre-tombe, un Roland Barthes ébloui sont de ces friandises que tout proustien (ou marcellien, selon le subtil distinguo du sémillant sémiologue) se doit de croquer.



Brillant sans jamais être pontifiant, sagace sans mésuser du moindre jargon affecté, le philosophe s'attache à dévider l'écheveau de la Recherche en multipliant les perspectives : le déclencheur du grand œuvre, l'invention d'une langue unique, l'énonciation du "je", la poétique de l'onomastique, le moment sacré où le génie éclot...



Floculation, émulsion (la mayonnaise accommodant fort bien le bœuf en gelée), mutation, vacillation, mystagogie ou cristallisation... Barthes métaphorise d'importance pour tenter d'élucider "l'enchantement du Vendredi Saint" que constitue le septuor de Proust. Ses analyses, ses annotations, au même titre que ses confidences murmurées, sont confondantes d'acuité et de ferveur retenue.



Au-delà de propos singulièrement éclairants, Barthes, fervent missionnaire, nous redonne une furieuse envie de lire, relire, délire le précieux bréviaire. C'est l'essentiel.



"De tout cela, nous ne garderons qu'un seul fil - celui de notre projet : essayer de savoir comment quelqu'un est passé de la Notation à la Nappe, de la Vie à l’œuvre."
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Fragments d'un discours amoureux

Un livre dont j'avais, forcément, beaucoup entendu parler en classe préparatoire littéraire, mais que je ne découvre véritablement que maintenant - la khâgne apprendrait-elle à parler de livres que l'on n'a pas lus... ?

Il me manque donc peut-être désormais certaines bases pour comprendre la démarche de l'auteur, je n'avais jamais vraiment lu et étudié un ouvrage de sémiologie et de linguistique auparavant. Et j'avoue que les trois premières pages où l'auteur expose son propos, entre mots en grec ancien non traduit, citations savantes et figures de style dont j'avais un peu oublié le nom, a commencé par me rebuter. Mais cette préface aurait presque dû être placée à la fin, j'aurais mieux compris le principe.

Heureusement, la lecture du coeur de l'ouvrage s'est révélée bien plus facile que son début. Même si, contrairement à ce que l'auteur recommande, j'ai lu des étapes d'une histoire, celle du Narrateur et de X, mais aussi des étapes de ma - ou de mes - propre histoire d'amour. Ni le Je, ni le X ne sont vraiment sexualisés ou genrés. Alors, certes, ce n'était surement pas le but de l'auteur, mais on peut y lire aujourd'hui une volonté d'inclusivité, en tant que femme je peux m'identifier. En effet, à chaque situation, je me demandais ce que moi je disais, aurais dit ou dirait, mais surtout quelles références j'aurais employées.

Car c'est ce que j'ai apprécié : l'auteur le dit bien, chacun peut s'approprier en quelque sorte la démarche, en utilisant ses propres références. Par exemple, je ne connais Werther que de réputation - ce qui m'a donné d'ailleurs envie de le lire, mais pour parler d'amour, je convoquerai dans ma carte du tendre personnelle la poésie - à laquelle Barthes renvoie peu, et surtout Stendhal, avec ses romans et sa théorie de la cristallisation - pour moi, le grand théoricien de l'amour. Je ne comprends pas son absence d'ailleurs. En revanche, alors que je ne connais absolument rien à la psychanalyse, j'ai trouvé que l'auteur y faisait de nombreuses références, semblant avoir manifestement une relation fusionnelle mais complexe avec sa propre mère.

Une oeuvre stimulante donc, qui fait réfléchir sur son comportement et sur ses références culturelles, même si je m'interroge encore sur la démarche et sur les procédés, entre recueil de citations littéraires et psychanalytiques, forme d'auto-biographie déguisée ou au moins de sélection de ses oeuvres favorites.
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Fragments d'un discours amoureux

Cet alphabet de l’Amour universel est hallucinant. Une pénétration dans le cœur de l’Amoureux.euse carrément vertigineuse. La plume demande de s’accrocher car très philosophique, mais c’est genre le meilleur mal de crâne ever.

Un chef-d’œuvre que je re-consulterai souvent !
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Mythologies

Ouvrage daté et Ultra moderne a la fois.



Les exemples choisis de la première partie ne peuvent être parlant qu'à de vieux croutons dans mon genre.



La deuxième, plus théorique , qui ressemble a un raidillon en vélo à monter en danseuse, demande de prendre quelques notes de lecture quand on n'est pas familier des notions exposées. C' est simplement un manuel de la fake news, parfaitement d'actualité ....



J'ai remarqué la référence à le Pen ( le père jeune ), déjà ....

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Fragments d'un discours amoureux

« Le langage est une peau : je frotte mon langage contre l’autre »



Texte inclassable, Fragments d’un discours amoureux se divise en 17 parties, chacune décryptant un mot-clé du point de vue de l’individu amoureux. Roland Barthes ne prétend pas établir ici une sorte de philosophie de l’amour, mais donner la parole à l’amoureux, établir le profil de l’amoureux à partir de ses propres observations et expériences personnelles mais également à partir de ses lectures. En effet, le texte contient énormément de références littéraires, philosophiques et psychanalytiques (Goethe, Platon, Proust, Balzac, Stendhal, Freud…), qui viennent illustrer les dires de l’auteur.



« A chaque instant de la rencontre, je découvre dans l'autre un autre moi-même »



J’ai bien aimé cette lecture, j’y ai trouvé de belles réflexions ; mais elle ne m’a pas particulièrement touchée. Globalement, je suis passée à côté du profil amoureux décrit, certains comportements m’ont d’ailleurs paru exagérés, purement fictifs (cela rejoint la sensation éprouvée lors de ma lecture du roman Les souffrances de Werther, de Goethe).



« Et, longtemps après que la relation amoureuse s'est apaisée, je garde l'habitude d'halluciner l'être que j'ai aimé : parfois, je m'angoisse encore d'un téléphone qui tarde, et, à chaque importun, je crois reconnaître la voix que j'aimais : je suis un mutilé qui continue d'avoir mal à sa jambe amputée »



J’ai néanmoins passé un bon moment de lecture, mais ce texte n’a pas révolutionné ma façon de penser ni de percevoir l’amour, que ce soit dans la réalité ou dans la littérature.
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La Chambre claire : Note sur la photographie

Barthes caractérise l'impression mentale produite par la contemplation d'une photographie en produisant deux concepts très personnels : le studium et le punctum. le premier est la perception la plus immédiate que nous avons de ce qui est représenté et que nous associons à nos propres expériences visuelles ; nous identifions un sujet que nous pouvons nommer avec l'évidence la plus spontanée ; le studium est l'impression première partagée par tous les regardeurs, antérieure à tout jugement esthétique, moral, personnel. le punctum quant à lui pointe un détail qui peut troubler la conscience du regardeur, il est la manifestation d'une relation personnelle du regardeur à la photographie regardée ; beaucoup plus subjectif, le punctum est un point focalisant l'intérêt, ce sera un ou plusieurs détails qui d'ailleurs ne surgissent pas toujours immédiatement à la conscience.



Technique du compte rendu visuel, la photographie est d'abord l'invention d'un chimiste qui a su fixer dans la matière des impressions lumineuses formant la marque d'une analogie avec une portion de l'espace placé devant un objectif. C'est une saisie mécanique d'une portion du monde projetée sur les deux dimensions d'une surface chimique. Sans nier complètement le fait qu'un photographe puisse avoir une intention en cadrant de telle ou telle manière, la volonté de l'artiste photographe a un rôle mineur dans le résultat sans aucune comparaison avec celui du peintre dans la production d'un tableau. Ce petit bout d'espace-temps figé sur du papier qu'est la photographie ne prend sa signification ( ou ne la prend pas) qu'après coup. C'est le regardeur qui va lui donner un sens et qui la transforme en objet sémiologique (objet qui, en l'occurrence, est susceptible de connaître un destin social s'élevant au rang de mythe).



La photographie n’est pas une invention d’opticien mais une invention de chimiste. Les peintres de la renaissance se servaient de la camera obscura bien avant que Nicéphore Niepce ait pensé à placer au fond de cette chambre noire une surface sensibilisée au nitrate d’argent. L’art photographique n’est pas un art de la chambre noire comme on aurait pu le dire de la peinture de la Renaissance. La chambre noire de l’appareil photo est entièrement mécanique et automatique ; le photographe lui a délégué son pouvoir de représenter. Mais c’est la lumière du jour qui révèle le photogramme, cet instant de réel irrémédiablement perdu dont la trace est figée dans une émulsion. C’est dans le jour que la photographie se fait invisible sous le masque d’un sens qui occulte le non-sens de ce qui fut une fois pour toute sans espoir de retour. L’art photographique est un art de la chambre claire.



La photographie comme saisie d'une contingence qui renvoie du reconnaissable au regardeur (studium) par lequel pointe parfois un détail troublant (punctum) sont les idées principales qui se dégagent de cette « note sur la photographie ». Mais la forme même de « La chambre claire » est une méditation mélancolique qui n'est pas sans beauté, à l'opposé d'un exercice théorique aride. L'écriture de Roland Barthes se situe ici entre l'essai et la méditation. La Chambre claire a tout l'air d'un essai conçu après la mise en ordre de notes prises en regardant des photographies ; ces contemplations, rapportées à la première personne, donnent au texte un caractère méditatif où l'auteur assume sa subjectivité. C'est d'ailleurs une méditation très personnelle tant l'intimité de Roland Barthes y affleure: lorsqu'il écrit ces notes, il évoque la perte encore récente, de sa mère et c'est ce deuil qui l'a ramené vers quelques vieilles photos de familles.

Enfin, cette méditation à un caractère explicitement mais subtilement bouddhiste (en passant d'abord par la phénoménologie).

Puisant dans le vocabulaire husserlien, il assigne à la contemplation de la photographie une noématique dont il m'est difficile de dire si elle est conforme à la phénoménologie husserlienne : « le nom du noème de la photographie sera donc : « ça a été », ou encore : l'Intraitable. » (p. 120). Mais c'est pour insister sur le caractère contingent de l'impression réalisée par la lumière sur la pellicule et le papier photographique. La méditation de Barthes ne s'intéresse pas aux façons de cadrer et à la technique du photographe ; ces questions ne touchent pas à l'essence de cet art (qui n'a pas acquis ce statut d'art sans mal) mais sur cette saisie unique de quelque chose « qui fut » par la chimie des révélateurs sur une surface de papier. Car la photographie « répète mécaniquement ce qui ne pourra jamais plus se répéter existentiellement ». Elle est la rencontre matérialisée et singulière de quelque chose qui fut et qui n'est plus et qui nous ramène à l'impermanence de toute chose qui est au fondement de l'ontologie bouddhiste. Se référant à Alan Watts, Roland Barthes écrit : « Pour désigner la réalité, le bouddhisme dit sunya, le vide ; mais encore mieux : tathata, le fait d'être tel, d'être ainsi, d'être cela ; tat veut dire en sanscrit « cela » et ferait penser au geste du petit enfant qui désigne quelque chose du doigt et dit : Ta, Da, ça ! Une photographie se trouve toujours au bout de ce geste ; elle dit ; ça, c'est ça, c'est tel ! Mais ne dit rien d'autre (...) » (pp.15-16). Mais parce qu'elle ne peut montrer que quelque chose qui fut et ne sera désormais plus jamais, la photographie met le regardeur face à ce qui est sans retour ; autrement dit l'idée de la mort. (Une mort que nous conjurons en recherchant les photographies les plus « vivantes »).



Ce qu'il y a d'étonnant dans ce texte entièrement parcouru par l'idée de la mort, c'est que le fond d'inquiétude funèbre qui l'imprègne ne se réduit peut-être pas à l'état subjectif d'un Roland Barthes encore endeuillé de la perte de sa mère. Il reste qu'il parvient à nous persuader (sinon convaincre) qu'il touche aussi à quelque chose d'universel.

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La préparation du roman

Roland Barthes se fait prodigue à propos d'une multitude d'éléments liés à l'écriture et à la lecture, des idées, des auteurs, des pratiques, un rapport très personnel au livre qu'il décortique, et que le lecteur peut comparer à sa propre expérience. C'était une lecture qui devenait très intéressante pour moi (non seulement pendant, mais avant de commencer l'ouvrage) du fait de ce besoin d'écrire qui me colle presque malgré moi. Le cours de Barthes s'enrichie aussi d'un documentaire précieux sur cette question : Comment d'autres écrivains vivaient cette pratique de l'écriture ? On ne s'étonne pas de l'omniprésence de Proust, que Barthes admire, on goûte à la puissance des images vraies chez certains haïkistes, Matsuo Bashô et Masaoka Shiki, surtout eux. Une lecture très riche, qui peut permettre d'identifier ses difficultés, et avant tout d'être à l'affût d'une hygiène de vie, de ce qui rend possible (si c'est possible) un travail à la fois rigoureux et détaché.
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Cy Twombly

Pour les aficionados de Barthes et/ou de Twombly. Il s'agit ici de comprendre la peinture de Twombly avant tout comme une écriture ou même comme ce qui la précède.

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Le plaisir du texte

Barthes est un incontournable pour qui étudie en littérature. Ces réflexions sur le plaisir de la lecture font du sens et ces théories sont indispensables, il aurait juste été intéressant d'avoir un peu plus de plaisir à le lire!
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