Citations de Éric-Emmanuel Schmitt (7971)
De toi, je n’ai reçu que de la tendresse, de l’attention, de là considération, de l’enthousiasme. De toi, j’ai recueilli la passion d’exister, le désir d’admirer, l’ivresse d’entreprendre. De toi, je ne conserve aucun mauvais souvenir, seulement chaleur, lumière, joie. Pas moyen de déterrer un instant où ton sourire se serait fermé, où ton écoute aurait failli, où une éclipse aurait terni ta bienveillance. Impossible de me rappeler la seconde où tu m’aurais déçu. Ton amour se révélait aussi généreux qu’inusable.
Il me faisait entrer dans les monuments religieux avec un bandeau sur les yeux pour que je devine la religion à l’odeur.
–Ici ça sent le cierge, c’est catholique.
–Oui, c’est Saint-Antoine.
–La, ça sent l’encens, c’est orthodoxe.
–C’est vrai, c’est Sainte-Sophie.
–Et là ça sent les pieds, c’est musulman. Non, vraiment là, ça pue trop fort…
"Un homme est fait de choix et de circonstances. Personne n'a de pouvoir sur les circonstances, mais chacun en a sur ses choix." (p.355)
- Vous ne m'avez pas répondu, monsieur Ibrahim, pour votre femme , Pour votre femme?
- Momo, pas de réponse, c'est une réponse.
N’arrête pas de douter, c’est ce qui fait de toice que tu es. Un homme fréquentable. Cela te donne
un sentiment d’insécurité, certes, mais cette insécurité, c’est ta respiration, ta vie, c’est ton humanité.
Si tu voulais en finir avec cet inconfort, tu deviendrais un fanatique. Fanatique d’une cause ! Ou pire : fanatique
de toi-même !"
La jalousie ne constitue pas une manifestation de l'amour mais la forme exacerbée du sentiment de propriété.
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"Avoir" confiance. On n' "a" jamais confiance. La confiance ne se possède pas. Ça se donne. On "fait" confiance.
- [...] Il propose une morale dangereuse, qui pourrait bouleverser tout l'équilibre de notre monde si elle avait le moindre écho : il [Jésus] prétend que tous les hommes sont égaux. Tu entends, Pilate ? Te rends-tu compte ? Aucun homme ne vaut mieux qu'un autre ! Cela veut dire qu'il attaque l'esclavage !
D'un amour essentiel, on ne se remet pas.
Si je m'intéresse à ce que pensent les cons, je n'aurai plus de temps pour ce que pensent les gens intelligents.
–Y a de ces cons !
–Pauvre bête.
–Pauvre bête et pauvre docteur.
–De là à se faire sauter le caisson après !
–Le chagrin, ça ne se discute pas.
–Quand même !
–Merde, c’était un médecin, Heymann, il en avait vu mourir des gens, et il ne s’était pas trucidé.
–Et ben peut-être qu’il aimait mieux son chien que les gens…
Et puis lire, voracement, pour vivre toutes les vies que je ne vivrai pas
Ne fais pas quelque chose pour le finir, fais-le pour le faire. Les hommes crèvent d'occuper le futur, jamais le présent. Ils se préparent à vivre, ils ne se réjouissent pas de vivre.
Les questions les plus intéressantes restent des questions. Elles enveloppent un mystère. À chaque réponse, on doit joindre un « peut-être ». Il n'y a que les questions sans intérêt qui ont une réponse définitive.
À trop vouloir se montrer par trop original,
On joue au vieux bon sens un tour bien infernal.
On ne choisit pas en amour, on est choisi par l’amour.
Qu'est-ce que le monde ? Une compétition de dents et d'estomacs. Soit on est le mangeur, soit on est le mangé. L'univers ne connaît pas d'autre loi, il nous propose deux places, prédateur ou proie, deux positions aussi instables qu'interchangeables, malheureusement.
L'humiliation constitue la perte de l'idée que l'on se fait de soi.
Sur terre, ce ne sont pas les occasions de s'émerveiller qui manquent, mais les émerveillés.
Depuis toujours, ma mère élargissait mes jours aux dimensions d'un poème : je vivais deux fois, une fois pour en jouir, une fois pour le lui relater. Un coup pour moi, un coup pour elle. Les événements que je traversais sécrétaient un récit que je lui destinais, que j'essayais de clarifier, d'orner, de rehausser, guettant son œil curieux, provoquant son ébahissement, la rejoignant dans le fou rire. Certes je ne lui comptais pas tout–je gardais des secrets et nous partagions une immense pudeur–, mais je recyclais une large part de mes rencontres, de mes sentiments, de mes agacements, de mes regrets et de mes sarcasmes, dans la gazette que je lui concoctais pendant plus de cinquante ans, j'ai bénéficié de deux existences, une réelle, une narrée.
Je ne possède plus qu'une seule vie, la mienne. Adieu à la vie pour nous deux. Adieu à la vie en un mot.
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