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EAN : 9782070712175
196 pages
Gallimard (14/01/1988)
3.96/5   35 notes
Résumé :
L'asphyxie, c'est l'atmosphère dans laquelle grandit la Bâtarde. Sa mère ne lui donne jamais la main.
Bien au contraire. Elle lui fait porter le poids d'une faute qu'elle n'a pu accepter. Quant à son regard sur sa fille, c'est à peine un regard : c'est dur et bleu.
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Coup de coeur pour Violette Leduc, romancière trop peu connue selon moi. Je n'avais jamais entendu parler d'elle avant le film « Violette » qui retrace son existence, avec la très belle Emmanuelle Devos (dont je suis fan par ailleurs). En voyant ce film d'ailleurs on peut deviner ce qui a fait obstacle à la reconnaissance de l'auteure par le milieu littéraire. Et suite à ce film, je m'étais dit qu'il fallait un jour que je la lise.

Alors oui ce n'est pas une lecture facile, d'abord par le sujet, puisqu'elle y parle de son enfance de bâtarde, de fille non désirée, sous le regard bleu et dur d'une mère narcissique, manipulatrice, égoïste, instable. Une enfance où elle a peu de place pour grandir, où elle étouffe littéralement, en pleine asphyxie. Heureusement la fillette trouvera réconfort, tendresse et complicité auprès de sa grand-mère (« Elle était mon sauveur et ma compagne. »), avant de trouver la voie vers la libération.

Néanmoins le roman est assez difficile à appréhender : il faut bien lire cinquante pages pour comprendre comment le récit est articulé, entre vie quotidienne et rêves de la fillette qui constituent un formidable exutoire. Il faut accepter de ne pas tout comprendre, lâcher prise et se laisser porter par l'imagination de l'enfant. Et peut-être se rappeler que nous aussi avons été cet enfant plein d'imagination, qui s'inventait des histoires pour tromper l'ennui des campagnes ou de la province.

Une fois cette difficulté surmontée, on appréciera le style très visuel, l'écriture légèrement désuète, qui n'hésite pas à employer le passé simple, à user de prépositions inhabituelles avec certains verbes ou de métaphores très originales. Ainsi « l'odeur de la cuisine devenait exigeante » signifiera que le poulet crame dans le four …

Certains paragraphes sont aussi très suggestifs (non ce n'est pas le printemps qui me joue des tours et rallume un désir dans mes vieilles veines sclérosées …), comme l'épisode de la mousse débordante, ou encore la course au papillon et la découverte des premiers émois amoureux et d'une homosexualité possible, qui deviendra peut-être bien une autre source d'asphyxie pour la jeune Violette …
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Premier Livre. Pas un roman. Un acte de survie.
C'est une écriture qui se met à germer dans une terre ravagée, piétinée.

Un miracle que ces mots là aient pu sortir et venir jusqu'à nous.
Un vrai miracle. A quoi sont dus les miracles?
A une grand mère, à un chausson aux pommes, à un flacon d'anisette, où à cette l'envie toute naturelle qui nous vient de vivre?

Il n'y a pas vraiment de chronologie, c'est vrai. Tout est juste. Parce qu'un enfant retient, retient beaucoup, regarde tout, écoute, et comprend.
Mais un enfant ne classe pas sur la ligne de temps, l'enfant accroche ses souvenirs à la ligne de son coeur.

L'asphyxie c'est beaucoup de visages, beaucoup de vies, beaucoup de souffles. Des bruits, des cris, des coups, des larmes, du venin, un étouffoir d'enfance, une blessure et puis c'est un parfum d'orange, une musique de rue, un tablier, un cornet de frites, une poupée brisée, de la corde d'espadrille, et toute cette nuit accrochée à une fenêtre.

Tout est là. L'écriture est là. Les images, ce rythme très particulier qui gifle et caresse les pages. Elle a tout semé dans ce premier livre. Sa semence. Un jais, son style.
Tout ce qu'elle ne cessera jamais d'écrire : ce mal d'aimer.

« il n'est pas bon d'être aimé, si jeune, si tôt. […] Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. » écrivait Romain Gary dans la Promesse de l'aube.
Mais une promesse, c'est déjà ça. Ce n'est pas un serment, juste un sentiment. Ça fait rêver, ça apaise, ça fait patienter, ça fait espérer.

« c'était une mère irréprochable», sans doute.
Que peut on reprocher à qui ne formule aucune promesse? Qui n'a aucune parole à donner ne désirera tenir aucune main.

Violette Leduc se donnait, et nous donnait, là une très belle promesse, une promesse qu'elle aura su tenir jusqu'au bout de son écrit.


Astrid Shriqui Garain
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Voici des fragments d'enfance sans ordre chronologique. Deux personnages les dominent : la mère, brutale, excédée, élégante, qui balance à l'égard de sa fille entre animosité et attention, et la grand-mère : complice, aimante, pâtissière, réconfortante, dont la mort, abordée dès le début, permet de ressentir lors des évocations ultérieures, à quel point l'enfant a été laissée seule après sa disparition.

Sont évoquées les amours impossibles entre les classes sociales, ( origine de l'immense blessure de la mère), la camaraderie, la mort, la solitude de la ménagère obsessionnelle, la lubricité des hommes âgés envers les fillettes, la beauté de la musique. D'autres tableaux sont plus flous, plus impressionnistes, à tel point qu'on les ressent davantage qu'on ne les comprend : l'auteure suggère-t-elle ainsi que l'enfant qui les a vécus ne les a pas non plus réellement compris, mais les a accueillis avec la réceptivité du jeune âge ? Tel l'épisode où elle poursuit dans un parc un homme accompagné d' un "bébé" (paquet de chiffons ? landau de clochard?, poupée ?) soudain saisi d'une crise impressionnante (épilepsie ?)

L'univers de Violette Leduc, par la grâce de son écriture, est triste et sévère, exubérant et joyeux : pétri des qualités contradictoires qui font la trame de la vie.

Ce voile de désespérance qui recouvre l'enfance était-il là depuis toujours, ou y a-t-il été jeté par son évocation rétrospective ?

Violette Leduc est une artiste qui se sert de sa plume comme d'un pinceau.
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Cette première oeuvre, autobiographique, met en scène trois femmes de trois générations différentes : la grand-mère, la mère, et Violette, enfant. Ces trois personnages représentent un flux qui charrie la malchance, la tristesse, l'incapacité à dire ses sentiments en lien avec une éducation stricte où le qu'en dira-t-on tient une place primordiale. Etre mère sans désir d'enfant est aussi le lot de cette famille. Ainsi Violette, le fruit pourri, la petite fille rejetée subit une société où l'avortement est interdit ; la petite Violette maudit sa mère de l'avoir mise au monde et la mère, maudit cette enfant qu'elle méprise au point de s'en débarrasser par le biais de la pension, située à quelques mètres de chez elle.
Du point de vue de l'enfant, nous observons le jeu des adultes, celui de la mort, de la séduction, de l'entremise et du secret. On parle peu de femme ogresse en littérature mais il me semble que Violette Leduc dresse le portrait d'une génitrice qui, comme Saturne, dévorerait symboliquement sa fille afin qu'elle ne lui tende pas le miroir reflétant sa pauvreté, ses mensonges et sa cruauté. le maquillage parfois outrancier de cette femme souligne un regard « bleu et dur », qualificatif qui la désignera tout au long du récit, la réduisant à la froideur, la sécheresse. Violette a des sentiments mitigés pour sa mère qu'elle adore et dont elle est en attente constante de douceur mais elle ne reçoit que coups, pincements, et paroles aigres. Les souvenirs d'enfance de l'écrivain, principalement axés autour de la figure maternelle, sont relatés avec une écriture sensuelle et souvent poétique. Ces réminiscences non linéaires évoquent le mouvement de la mémoire qui parfois, oublie et reconstruit, formant des images floues et proches du rêve, du cinéma, d'un air de musique, univers omniprésent de la petite fille que fut Violette Leduc. C'est ainsi que de bribes en bribes rythmées et chatoyantes, l'auteur reconstruit le puzzle d'une courte période de son enfance et révèle ce qui sera le fil conducteur de son oeuvre à savoir, un besoin de reconnaissance et une soif d'amour inextinguible, l'écriture comme exutoire, un sentiment de solitude extrême : « Ma mère ne m'a jamais donné la main… Elle m'aidait à monter, à descendre les trottoirs en pinçant mon vêtement à l'endroit où l'emmanchure est facilement saisissable. Cela m'humiliait. […] Un après-midi, […] je repoussai sa main. Elle me pinça davantage et me souleva de terre comme un poulet qu'on enlève par une seule aile. Je devins molle. Je n'avançais plus. Ma mère vit mes larmes. - Tu veux te faire écraser et tu pleures ! C'était elle qui m'écrasait ».
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Décousu : voilà le qualificatif qui me vient à l'esprit quand je pense à ce livre. Ce sont des bribes de souvenirs qui reviennent dans le désordre. La grand-mère complice était morte et voilà qu'on la retrouve ; elle est à nouveau morte et la revoilà encore ! Dans les dialogues eux-mêmes, il n'est pas toujours évident de savoir qui parle. Un des chapitres, plus long que les autres, est particulièrement nébuleux. On devine le soulagement pour l'auteure de déposer là le poids de son enfance sans amour maternel, mais du côté du lecteur, l'intérêt est plus limité.
Violette Leduc est née en 1907, ce livre, son premier, est paru il y a trois quarts de siècle. le décor relève désormais du livre d'Histoire. Il pourrait dès lors intéresser celles et ceux qui aiment à se replonger au temps des petites filles sages en jupons à froufrous. Ce patchwork d'évocations poétiques ne les éclairera que peu sur la vie d'alors. Assez toutefois pour réaliser qu'il y a des choses qui ne changent pas, et je ne parle pas des amours hors mariage et des enfants non désirés. Quelques bouts de phrase savamment distillés indiquent que les prédateurs rodaient déjà autour de nos futures (arrière-)grand-mères.
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Citations et extraits (37) Voir plus Ajouter une citation
Il amena une demi-cigarette. Son geste était plus humble que cette petite chose entamée. Il la faisait rouler en avant, puis en arrière. J’admirais son poignet qui dirigeait discrètement. Je compris qu’il rusait avec la mousse. Il attendait peut-être qu’elle tombât encore sur le revers, à la même place. Il ne pouvait pas introduire cette vieille cigarette entre ses lèvres. Sa bouche eût été trop embarrassée… La mousse arrivait. Elle se poussait comme une marée. J’avalai ma salive plusieurs fois pour lui.
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Je tombai aussi sur le commis épicier. Je le connaissais de vue. Il était étendu sur une demoiselle. Ils avaient chacun une pâquerette à la bouche. Chacun mâchonnait la tige. Ils semblaient mécontents, mail à l’aise, irrésolus, poussifs. Ils soufflaient fort et les fleurs avançaient, reculaient… L’ensemble manquait de grâce.
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L'été, un rempart d'ombrelles fleurissait le long du mur. Par temps maussade, les fleurs posées sur des échasses, s'inclinaient avec condescendance sur les vieilles croix qui tombaient de traviole sur la terre... On frôlait le mur, on levait les bras et ces parasols en guipure vous distrayaient le creux de la main... La nuit, on ne fermait pas la barrière. On pouvait l'enjamber aisément. On ne fermait pas la porte de l'église qui présidait à ce laisser-aller. Elle ressemblait à une longue maison qui va en s'enfonçant. On en voit de semblables dans les paysages inondés.
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Ma mère ne m’a jamais donné la main… Elle m’aidait à monter, à descendre les trottoirs en pinçant mon vêtement à l’endroit où l’emmanchure est facilement saisissable. Cela m’humiliait. Je me croyais dans la carcasse d’un vieux cheval qu’un charretier tirerait par l’oreille… Un après-midi, alors qu’une calèche fuyait, éclaboussant de ses reflets le sinistre été, au milieu de la chaussée, je repoussai la main. Elle me pinça davantage et me souleva de terre comme un poulet qu’on enlève par une seule aile. Je devins molle. Je n’avançais plus. Ma mère vit mes larmes.
- Tu veux te faire écraser et tu pleures !
C’était elle qui m’écrasait.
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On le regardait, on le regardait encore.
À force de se glisser sous l’eau avec ses « pouches » de tabac son corps avait la nonchalance d’un roseau. Si grande était sa souplesse qu’on l’eût cru vêtu de l’onde, sa complice. Entre les cils, s’écoulait un regard indifférent. Ses lèvres minces devaient plaire à ceux qui s’acharnent aux êtres de fuite. Il avait de belles mains.
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Videos de Violette Leduc (11) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Violette Leduc
Lecture par Mathilde Forget & Laura Vazquez Festival Paris en toutes lettres
En 1955, les Éditions Gallimard publient une édition censurée de Ravages de Violette Leduc. Un drame personnel et littéraire pour l'autrice, qu'elle décrit encore vingt ans après comme un « assassinat ». Cette année, une nouvelle édition propose enfin une structure revue et augmentée des passages censurés, au plus près de l'entreprise romanesque et autobiographique de Violette Leduc. Mathilde Forget qui a écrit l'une des deux préfaces, propose une soirée mêlant archives, lectures et chansons, accompagnée par la poétesse et romancière Laura Vazquez, pour fêter ensemble cet événement littéraire.
« Mon baiser est intègre lorsque j'embrasse indirectement la peau. La bouche s'épuise, la faim persiste. » Violette Leduc, Ravages
À lire – Violette Leduc, Ravages (édition augmentée), coll. « L'imaginaire », Gallimard, 2023. Mathilde Forget, de mon plein gré, Grasset, 2021. Laura Vazquez, le livre du large et du long, éditions du sous-sol, 2023.
Son : Lenny Szpira Lumière : Hannah Droulin Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
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