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EAN : 978B06XRNPKYC
points/ Seuil (30/11/-1)
4.28/5   40 notes
Résumé :
Robert Musil est né à Klagenfurt (Autriche) le 6 novembre 1880, dans une famille qui comptait des universitaires et des militaires. Destiné lui-même à la carrière des armes, il l'abandonne bientôt pour des études d'ingénieur. Son diplôme en poche, il part étudier la philosophie à Berlin. En 1906, il publie un premier roman, 'Les Désarrois de l'élève Törless', remarquable et remarqué. Il décide alors de se consacrer entièrement à la littérature. En 1933, il quit... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Ulrich, mathématicien, la trentaine passée, est un homme sans qualités, qui s'engage dans l'Action parallèle, censé célébrer l'anniversaire du règne de l'empereur en 1914, pour n'y rien faire, comme les autres participants du reste. En chemin, il rencontre plusieurs personnages : le criminel Moosbrugger, Bonadea, sa maîtresse devenue encombrante après leur rupture, Diotime, sa cousine assoiffée de culture, son mari le diplomate Tuzzi, Paul Arnheim, écrivain et homme d'affaires allemands qui a avec Diotime une liaison adultérine platonique, Son Altesse le comte Leinsdorf, initiateur du projet et dont il devient le secrétaire particulier puisqu'il s'avère être un homme politique noble et très influent, le général Stumm von Bordwehr, qu'il introduit chez Diotime, par qui il est subjugué, pour représenter l'armée au sein de l'Action parallèle. Il y a aussi Rachel, la bonne de Diotime qui est mise enceinte par Soliman, le domestique noir d'Arnheim, son ami Walter, musicien moyen à qui sa femme Clarisse, un tantinet folle et obsédée par Moosbrugger se refuse, le directeur Fischel, juif qui en fait n'est pas directeur et dont la fille Gerda semble devoir se fiancer à Hans Sepp, jeune antisémite (elle s'offre à Ulrich avant de se rétracter au dernier moment), le professeur Schwung, rival de son père et ancien meilleur ami de ce dernier, défenseur d'une autre théorie que lui sur une histoire de droit (la responsabilité sociale). le père d'Ulrich meurt et il retrouve pour régler les formalités sa soeur Agathe, perdue de vue depuis longtemps et mariée à Hagauer, pédagogue réputé. Elle s'enfuit et va vivre avec Ulrich. Diotime est en froid avec Arnheim et Clarisse a pu aller à l'asile avec un ami d'adolescence, le docteur Meingast, devenu prophète réputé. Là se termine ce que Musil a publié de son vivant : le dernier événement notable est la rencontre d'Agathe avec un certain Lindner après une dispute avec Ulrich au sujet de la falsification du testament paternel.
Un portrait vaste, satirique et pessimiste de l'Autriche, la Cacanie, car elle est kaiserlich et königlich (K et K), lu dans la traduction de Philippe Jacottet : Musil a passé la fin de sa vie en Suisse, dans la misère et la dépression, en partie pour son opposition au nazisme, conditionné par son mariage avec une Juive entre autres. La catastrophe était censée arriver à la fin : à la fois la première guerre mondiale et l'inceste entre Ulrich et sa soeur. C'est en grande partie la faillite de l'intelligence (celle d'Ulrich) et celle de la bêtise (celle des autres personnages, pour caricaturer) : les deux sont inefficaces. Un grand roman, reconnu comme tel. Il est néanmoins très long. Ceci étant, il est inachevé, probablement en grande partie du fait de la santé de Musil, et difficile de savoir s'il n'aurait pas été finalement en plusieurs volumes (déjà, on le trouve en deux volumes aux Points, en 800 pages pour le premier volume, je trouve cela lisible : on se souvient encore du début en arrivant à la fin). Je relève néanmoins sa misogynie primaire : les femmes (sauf les aliénées) sont en grande partie là pour se jeter sur les hommes façon DSK par moments et clairement conçues comme inférieures, et lorsque je dis "clairement", on parle de bien plus d'écart que les 15 à 20% de différence salariale actuellement recensés !
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Ne se préoccupant nullement d'avantages financiers ou de célébrité, Musil passa les 20 dernières années de sa vie à travailler sur ce roman, finalement inachevé et probablement inachevable. Roman philosophique, d'analyse historique et sociologique mais aussi roman de la réalité individuelle et de la conquête de liberté, L'homme sans qualités décrit le basculement d'un monde (le notre) dans ce que certains ont appelé la modernité. Parler d'intelligence au sujet de Musil ne pourrait être qu'un euphémisme et ce livre mérite tous les efforts et le temps nécessaire à sa lecture.
"Il n'est malheureusement rien d'aussi difficile à rendre, dans toutes les belles-lettres, qu'un homme qui pense. Un grand découvreur à qui l'on demandait comment il s'y prenait pour avoir tant d'idées neuves répondit : en ne cessant d'y penser. On peut bien dire, en effet, que les idées inattendues ne se présentent à nous que parce que nous les attendons."
Il serait fort difficile de faire un compte rendu des multiples sujets abordés et analysés par Musil dans cet ouvrage; toutefois, je m'étonne du peu d'intérêt porté, généralement, à la relation tout à fait hors du commun, d'Ulrich avec sa soeur Agathe, à sa signification. Car voilà pourtant ce qui, dans un climat de fin d'époque et emprunt de désabusement, laisse envisager quelque chose de tout à fait différent et porteur de dépassement. Cette relation s'appuie sur une sévère critique de la sphère familiale et de son hypocrisie sociale, ce qui explique peut-être le mutisme de certains "admirateurs" à ce sujet. Ainsi, « La vie dans la famille n'est pas la vie pleine ; les jeunes gens se sentent si frustrés, diminués, distraits d'eux-mêmes quand ils sont dans le cercle de famille. » Remarque qui peut paraitre en soi extrêmement banale mais fort caractéristique de la manière dont Musil met les pieds dans le plat sans y paraitre ; car qui cherche à approfondir ce genre de constat qui pourtant signe l'échec fondamental de la famille. «La famille leur a bu leur sang ». Aussi, « ce Moi collectif n'est qu'un égoïsme collectif ».
Avec les âmes soeurs surgit donc l'absolu qui dès l'abord semble associé indissolublement à l'éphémère et donc à l'essence même de la poésie. En contradiction avec la famille qui ne se conçoit que perdurant à tout prix et dans toutes les compromissions. On voit donc bien là Musil tentant de poser les bases d'un nouveau type de relations humaines, où l'individualité et l'indépendance ne seraient pas en contradiction avec le lien et la redevabilité sociale, ni d'avec l'appartenance; un nouveau type de communauté humaine.
« Mais, quand elle se fut enfin représenté cette évolution des concepts avec tous les détails qu'Ulrich put ajouter, savoir beaucoup de choses lui sembla charmant, après lui avoir paru si longtemps, à cause des expériences de sa vie, méprisable. »
Ah mince, il est vrai que nous en sommes, actuellement, toujours aussi loin !
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C'est l'un des romans les plus prestigieux du XXe siècle ; le genre de livre que personne n'a lu mais dont tout le monde a entendu parler. Il vaut la peine d'être lu, même s'il est très long, très lent et inachevé au moment de la mort de Robert Musil. le premier volume de L'Homme sans qualités compte 365 pages, et le dilemme du protagoniste, Ulrich, n'est présenté qu'à la page 300 environ. Néanmoins, l'écriture est si précise et l'argumentation de Musil à propos d'Ulrich et de sa situation si complexe que c'est intellectuellement et esthétiquement impliquant avant même qu'il ne le devienne émotionnellement.
Ulrich est un célibataire d'une trentaine d'années qui vient de rentrer à Vienne après plusieurs années passées à l'étranger. Il est mathématicien, mais bien que son esprit fonctionne toujours comme celui d'un scientifique, il a cessé d'être inspiré par sa vocation, et se retrouve au milieu d'une crise existentielle. C'est un penseur dont l'activité la plus caractéristique est d'affiner continuellement son analyse de lui-même et des gens qui l'entourent. Il n'est ni méditatif ni contemplatif, c'est-à-dire qu'il ne recherche ni la paix ni l'illumination. Auparavant, une fois par amour, plus tard par les mathématiques, il avait cherché la vérité, mais peu de temps avant le début du roman, il se relâche, n'étant plus assez passionné pour être déçu. Il trouve et redécore une maison puis reprend les activités typiques d'un gentilhomme viennois - il se procure une maîtresse et se mêle de projets bureaucratiques.
Huit personnages principaux : Ulrich ; sa cousine Diotime, grande, robuste, belle bourgeoise qui incarne un certain type d'Autrichienne germanophone satisfaite d'elle-même ; l'amant de Diotime, Arnheim, magnat prussien et homme de lettres qu'Ulrich déteste ; Bonadea, la maîtresse d'Ulrich, dont la promiscuité et la corruption spirituelle l'intriguent parfois ; et Leinsdorf, haut fonctionnaire du gouvernement chargé des célébrations du jubilé de l'empereur François-Joseph. Un sixième personnage, Moosbrugger, est un meurtrier dont le procès intéresse Ulrich et une de ses amies, Clarisse, qui est mariée à la compagne d'enfance d'Ulrich. Tous ces personnages ont beaucoup de loisirs, dont Moosbrugger, qui est en prison pour le meurtre d'une jeune prostituée.
L'Homme sans qualités n'est pas tragique, mais il n'est pas non plus comique, si nous entendons par comique qu'au moins certains des personnages établissent des liens authentiques entre eux à la fin du roman (bien sûr, il n'y a pas de fin, puisque le roman est inachevé). C'est cependant assez drôle, ou du moins plein d'esprit, en raison du langage figuratif étonnamment spécifique et complexe de Musil. le lecteur est assez souvent frappé par des épigrammes et des remarques qui offrent avec grâce des images et des aperçus tout à fait originaux et justes.
A insi, l écrit : « Ce sentiment de non-plus se réfère à quelque chose que beaucoup de gens appellent aujourd'hui intuition, alors qu'autrefois on l'appelait inspiration, et ils pensent qu'ils doivent y voir quelque chose de suprapersonnel ; mais c'est seulement quelque chose de non personnel, à savoir l'affinité et la parenté des choses elles-mêmes qui se rencontrent à l'intérieur de la tête." Et dans une remarque qui doit sûrement s'appliquer à de nombreuses choses inexplicables que font encore les gouvernements voyous et les sociétés voyous, il écrit : "Car seuls les criminels prétendent nuire aux autres de nos jours sans l'aide de la philosophie." Les chapitres sur Moosbrugger et le comte Leinsdorf sont des chefs-d'oeuvre contrastés d'empathie - d'un côté, avec un meurtrier dont la compréhension de la réalité est tout à fait logique mais effrayante, et de l'autre, avec un aristocrate qui n'a aucune idée de ce qui se passe dans le nation dont il est responsable.
Certains romanciers excellent à donner au lecteur la sensation émotionnelle de l'esprit d'un personnage (, d'autres? la sensation sensuelle de l'esprit d'un personnage. Musil est merveilleux dans les deux - même si Ulrich n'est pas très émotif, quelques autres personnages le sont, et Musil y entre assez facilement. Il est extrêmement doué pour caractériser la manière logique dont les pensées et les perceptions d'un homme pensant progressent, culminent et recommencent avec un autre sujet. Musil utilise le point de vue omniscient à la troisième personne et est parfaitement à l'aise d'entrer dans l'esprit de tous ses personnages; il semble s'en approcher particulièrement, comme si ce qu'il disait d'eux était si concis qu'il devait être absolument vrai.
Ulrich est à la fois attiré par Diotime, en même temps qu'il le méprise. Musil écrit : « En réalité, Diotime a toujours commencé à parler comme si Dieu avait placé le septième jour l'homme, comme une perle, dans la coquille du monde, et Ulrich lui a alors rappelé que l'humanité était un peu tas de points sur la croûte extérieure d'un globe miniature." Mais aussi stupide que soit Diotime, il devient évident qu'Ulrich est encore plus stupide, car, comme ses amis et sa famille ne cessent de le lui dire, il ne va nulle part.
le lecteur peut apprécier ses talents et son état d'esprit, mais Ulrich construit quelque chose qui n'est peut-être pas agréable. L'Homme sans Qualités exige et récompense la patience. Il renonce à l'intrigue au profit des idées, des personnages et, dans ce cas, de nombreuses idées très amusantes sur la vie moderne.
La plupart des romans semblent, pendant qu'on lit Musil, plutôt grossiers ; la plupart des personnages, trop facilement satisfaits.

Lien : http://holophernes.over-blog..
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Edifiant ! Vraiment excellent ! Un des auteurs les plus représentatifs, à mon estime, de la littérature allemande.
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Citations et extraits (47) Voir plus Ajouter une citation
Ce n'est probablement pas sans raison que dans les époques dont l'esprit ressemble à un champ de foire, le rôle d'antithèse soit dévolu à des poètes qui n'ont rien à voir avec leur époque. Ils ne se salissent pas avec les pensées de leur temps, produisent une sorte de poésie pure et parlent à leurs fidèles dans le dialecte mort de la grandeur, comme s'ils n'avaient quitté l'éternité que pour un bref séjour sur terre, ainsi qu'on voit un homme, parti trois ans auparavant pour l'Amérique, écorcher déjà sa langue maternelle lorsqu'il revient faire un séjour au pays. C'est un peu comme si l'on posait au-dessus d'un trou vide, par compensation, une coupole vide; comme la viduité sublime n'est que l'agrandissement de la viduité ordinaire, il est en fin de compte bien naturel qu'à une époque où l'on vénère les personnalités succède une époque où l'on tourne carrément le dos à tout ce qui sent la grandeur et la responsabilité.
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[Dans cet « état de grâce »], on ne possède plus rien au monde, on ne tient plus rien, on n’est plus tenu par rien. Rien ne peut se produire, dans cet état, qui ne soit en accord avec lui. Un désir d’abandon à cet état est l’unique motif, l’unique forme, l’amoureuse détermination de tout acte et de toute pensée qui se produisent en son sein. Il est quelque chose d’infiniment tranquille et d’infiniment vaste, et tout ce qui se passe en lui accroît sa signification régulièrement, tranquillement grandissante. S’il ne l’accroît pas, c’est le mal, mais le mal ne peut pas se produire, parce qu’à l’instant même le silence et la clarté se déchirent et l’état merveilleux se dissout.
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Tu vois une voiture ; et d’une certaine manière, tu vois en même temps, comme une ombre, la phrase : "Je vois une voiture". Tu aimes, ou tu es triste, et tu vois que tu l’es. A strictement parler, néanmoins, ni la voiture, ni ta tristesse, ni ton amour, ni toi-même n’êtes entièrement là. Rien n’est plus là entièrement dès que tu as réussi à être une "personnalité". Il ne reste plus qu’un mince fil de conscience de soi et de trouble amour-propre, qu’enveloppe une vie tout à fait extérieure.
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C’est aussi comme si on avait deux destins : l’un actif et secondaire, qui s’accomplit, l’autre inactif mais essentiel, que l’on ne connaît jamais.
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Mais, quand elle se fut enfin représenté cette évolution des concepts avec tous les détails qu’Ulrich put ajouter, savoir beaucoup de choses lui sembla charmant, après lui avoir paru si longtemps, à cause des expériences de sa vie, méprisable.
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Vidéo de Robert Musil
Avec Rainer J. Hanshe, Mary Shaw, Kari Hukkila, Carole Viers-Andronico, Pierre Senges, Martin Rueff & Claude Mouchard
À l'occasion du dixième anniversaire de la maison d'édition new-yorkaise Contra Mundum Press, la revue Po&sie accueille Rainer Hanshe, directeur de Contra Mundum, Mary Shaw, Kari Hukkila, Carole Viers-Andronico & Pierre Senges. Rainer Hanshe et son équipe publient la revue Hyperion : on the Future of Aesthetics et, avec une imagination et une précision éditoriales exceptionnelles, des volumes écrits en anglais ou traduits en anglais (souvent en édition bilingue) de diverses langues, dont le français.
Parmi les auteurs publiés : Ghérasim Luca, Miklos Szentkuthy, Fernando Pessoa, L. A. Blanqui, Robert Kelly, Pier Paolo Pasolini, Federico Fellini, Robert Musil, Lorand Gaspar, Jean-Jacques Rousseau, Ahmad Shamlu, Jean-Luc Godard, Otto Dix, Pierre Senges, Charles Baudelaire, Joseph Kessel, Adonis et Pierre Joris, Le Marquis de Sade, Paul Celan, Marguerite Duras, Hans Henny Jahnn.
Sera en particulier abordée – par lectures et interrogations – l'oeuvre extraordinaire (et multilingue) de l'italien (poète, artiste visuel, critique, traducteur, « bibliste ») Emilio Villa (1914 – 2003).
À lire – La revue Hyperion : on the Future of Aesthetics, Contra Mundum Press. La revue Po&sie, éditions Belin.
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