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EAN : 9782070325061
250 pages
Gallimard (23/03/1989)
4.07/5   21 notes
Résumé :
" Qui se tourne vers le fondateur de l'Académie rencontre bientôt une résistance surprenante et se voit contraint d'entrer en dialogue.
Platon ne saurait être constitué ni en " curiosité archéologique ", ni en écrivain prétexte. C'est de nous qu'il parle, de l'homme en proie à la triple problématique caractéristique de son destin, de l'individu qui cherche la satisfaction, du citoyen qui veut la justice, de l'esprit qui réclame le savoir ; et sa parole retent... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
« Platon est mort il y a vingt-trois siècles. Quel intérêt y a-t-il donc, pour nous qui sommes plongés dans les problèmes confus et complexes de la civilisation technicienne, problèmes dont l'étrange et constante nouveauté ne cesse de nous exalter et de nous accabler, à interroger un penseur si lointain, si évidemment vieilli ? » (p. 13) L'auteur présente la pensée de Platon, ainsi qu'une certaine histoire du platonisme. En projetant cette philosophie antique sur le monde moderne, il interroge ce dernier et donne des voies de réflexion. « le platonisme définit une autre voie autrement fructueuse : celle d'une pensée que, par la médiation du discours dialogué de l'assentiment d'autrui et de la recherche de soi, prenant appui sur les bribes d'être subsistant au sein de ce faux être qu'est le monde naturel, cherche à découvrir, au-delà, l'Être véritable. » (p. 21)

Platon, après Socrate, a fondé sa pensée sur le logos que l'on traduit par dialogue ou discours. « de Socrate, Platon a appris qu'il fallait dialoguer non pour dire, mais pour laisser l'autre éprouver peu à peu l'inutilité, le vide de son discours. » (p. 24) le dialogue permet de faire la différence entre l'opinion et le savoir. le discours permet à l'homme de se libérer de la sujétion du sensible pour atteindre la vérité. Mais parler s'apprend : « Ainsi l'Idée est l'envers de la chose, c'est à considérer cet envers comme l'endroit authentique qu'invite la philosophie. » (p. 159)

François Châtelet présente aussi l'histoire de la Grèce telle que la concevait Platon. le philosophe critiquait les fondements injustes de la démocratie. « Née d'une spoliation, elle s'achève par une spoliation. le processus de dégénérescence est clair : les riches sont constamment dépouillés de leurs biens qu'on distribue au petit peuple. » (p. 79) Selon lui, la philosophie est en quelque sorte un sophisme : elle poursuit un but d'égalité, mais se fonde sur un passé d'injustice et de violence hérité d'autres régimes politiques. « Timocratie, oligarchie, démocratie, tyrannie, telles sont les étapes qui jalonnent le chemin nécessaire de la corruption. » (p. 82)

Par cette initiation à la philosophie de Platon, François Châtelet donne envie de découvrir les textes de l'auteur antique, de faire siens les mots et la pensée du fondateur de toute philosophie. Cet essai est brillant, mais également complexe. François Châtelet développe son propos en prenant de nombreux détours. Finalement, la conclusion est évidente, flagrante, mais il ne faut pas avoir manqué une étape.
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François Chatelet nous propose ici une introduction riche et concise du fondateur de la philosophie, à travers une approche thématique, organisée sur un nombre réduit de chapitres.
Ce livre a été plus ou moins mon premier livre de philosophie, et malgré mon parcours absolument pas littéraire (ingénieur), je pense avoir saisi la plupart des propos tenus dans cet ouvrage, sans pour autant avoir la prétention d'avoir compris, ni même de pouvoir tout ré-expliquer de tête.

Premièrement j'ai trouvé la construction du livre excellente. Les paragraphes s'enchaînent de façon fluide, on a le droit à une longue remise en contexte historique, synthétique et efficace. On oublie assez vite le nombre très réduit de chapitre (env 5 je crois). Il n'est pas difficile de reprendre le livre après 1 ou 2 jours de pause.

Le livre est donc une présentation, pas réellement un essai argumenté (les oeuvres de Platon étant là pour ça). Nous ne serons donc pas surpris que certaines choses soient affirmées comme étant ainsi, nous laissant parfois un sentiment d'incompréhension ou de désaccord. Je pense que, comme le dit l'auteur, le but d'une introduction est de donner envie de lire. Ainsi, je vois dans ces interrogations des portes ouvertes vers l'oeuvre de Platon. Ce qui finalement est (à mon sens) signe d'un dialogue entre Chatelet et le lecteur réussi.

Quant à la difficulté, je ne suis pas le plus apte à en juger. Mais j'ai globalement trouvé le livre accessible, ni facile, ni difficile, excepté le chapitre sur la question de l'être, très "philosophique".

Je pense que ce livre est un bon point de départ dans la philosophie, car Platon est "le créateur" de la philosophie, plaçant la raison au centre de celle-ci. L'auteur nous propose même de lire des auteurs beaucoup plus récents, comme Nietzsche, car celui-ci aurait lui-même travaillé sur cette notion de raison, chère à Platon.

Pour moi, c'est presque un 5/5. Mais on pourrait reprocher certaines formulations de phrase un peu difficile à lire sans accroc. C'est peut-être une question d'époque, ou tout simplement volontaire, l'auteur cherchant à nous arrêter sur certains points précis.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Commencer à philosopher, c’est, de prime abord, mettre en question non pas seulement le contenu divers des opinions – celles-ci font apparaître si pratiquement leurs contradictions qu’elles se ruinent d’elles-mêmes – mais encore le statut d’une existence qui croit qu’opiner c’est savoir et qu’il suffit d’être certain pour prétendre à être vrai.
Car l’opinion – la doxa – tout l’exercice de la démocratie le prouve, ne se veut point telle : elle revendique la vérité, elle prétend savoir la réalité telle qu’elle est. En d’autres termes, elle est certaine de soi. Et lorsqu’elle se heurte à la certitude égale de l’autre, elle s’étonne, elle s’indigne et entre dans la discussion avec le sentiment que la contestation qu’on lui oppose est dérisoire, qu’elle en triomphera aisément. En fait, tout au long du débat, elle s’enferme sur elle-même et reste sourde à l’argumentation adverse. Le dialogue n’est qu’apparent : deux monologues parallèles se développent. Or, dans ces conditions, lorsque la discussion a pour but de définir une action commune, qui va donc trancher entre des interlocuteurs qui refusent de se comprendre ? Qui va donc décider lorsque, à l’Assemblée, deux orateurs défendent des points de vue diamétralement opposés ? La majorité ? Chacun de ceux qui participent à l’Ecclésia est aussi dans l’état de certitude : il se rallie à l’une ou l’autre thèse, à une troisième qui n’a point été exposée, il vote en fonction de son opinion, qu’il érige au rang de savoir et qui n’est, en réalité, que l’expression de son intérêt. Précisément, parce que les intérêts et les passions sont en jeu et que personne ne peut sortir de la fascination qu’ils exercent, les décisions prises par la majorité, une majorité qui est essentiellement variable, n’ont point d’effets durables : la minorité s’active, complote soit pour inverser le rapport des forces à l’intérieur de l’Assemblée, soit pour détruire le régime populaire lui-même. Derrière le « libre jeu » des opinions, derrière les antagonismes des intérêts et des passions se profile le véritable juge, celui qui va trancher en dernier ressort : la violence. La démocratie telle qu’elle est pratiquée à Athènes ne développe pas la liberté : elle libère la violence.


Ainsi, le premier moment de la philosophie – celui qui met sur le chemin de l’éventuelle « sagesse » - consiste à « psychanalyser » l’opinion, à lui révéler la conscience erronée qu’elle a d’elle-même. Sur quoi l’opinion s’appuie-t-elle ? Quels sont ses arguments ? Qu’elle s’alimente à la tradition ou qu’elle soit armée par l’ « enseignement nouveau », elle invoque pour soutenir ses raisonnements ce qu’elle appelle des faits. Elle use de la technique des exemples. Ses exemples, elle les puise sans discernement, de-ci de-là, dans la littérature édifiante, dans le donné mythique, dans l’histoire, dans la vie quotidienne. Elle prétend se fonder sur le « réel » et, pour elle, le réel, c’est ce qu’elle voit, ce qu’elle constate dans la perception, ce qu’elle éprouve dans l’expérience. En bâtissant avec un matériau aussi fragile, elle confie ce qu’elle croit être le développement de la pensée aux mots : elle ne rend point compte du caractère conventionnel du langage et du fait que celui-ci ne vaut que lorsqu’il traduit une connaissance véritable. Elle construit de cette manière des discours qui embrassent dans une fausse unité la disparité de son expérience ; ne sachant pas comment on doit user des mots, elle les utilise, en toute certitude, pour masquer les inconstances, les contradictions de ses jugements.


Au fond, ce que l’opinion ignore, c’est qu’elle prend pour la totalité du réel ce qui est donné dans la partialité de ses perspectives. Avec des exemples, elle invente des faits, alors qu’elle a constitué ses exemples d’une façon contingente, à partir du hasard de ses rencontres empiriques et des intérêts que suscitent ses désirs et ses passions. Ce qu’elle nomme réel, c’est l’imaginaire qu’elle élabore à partir des bribes de réalité que laisse subsister sa perception obscurcie. Par cette dernière, elle se laisse guider – par elle et par ses appétits sensibles. Car tel est bien le statut de l’opinion : au lieu de rechercher ce qui est effectivement réel, elle s’abandonne à ce qui la satisfait immédiatement. Les appétits par lesquels elle est gouvernée lui signalent des « valeurs » qu’elle recueille comme les seules acceptables et dont elle fait les pivots de ses discours…


A la racine des contradictions des opinions, il y donc la diversité qu’implique nécessairement la soumission aux désirs. La séquence est fort claire désormais : l’homme, qui est passif devant ses appétits, prend pour juge de sa pensée ses intérêts, ses passions ; pour faire valoir ces derniers, il parle, il use du langage pour les manifester face à autrui ; or, de par leur nature les intérêts sont contradictoires ; surgissent ainsi les discours antagonistes, tous assurés de leur vérité, tous fermés à l’argumentation de l’autre. Dès lors, puisqu’il n’y pas moyen de trancher, puisque chacun prend pour juge la partie la plus instable de soi-même, subsiste une seule raison : celle du plus fort.


L’analyse abstraite recoupe et fonde la description historique. Nous connaissons maintenant l’origine du mal. Mais encore faut-il déterminer de quelle manière il est possible de sortir de cette situation. Comment montrer à des hommes aveuglés par leur certitude et refusant toute mise en question, que leur attitude est à l’origine de leur propre malheur ? Insister sur ce malheur, mettre en évidence les souffrances et les injustices. Ceux qui sont soumis à l’opinion n’entendront pas : les partisans de la tradition évoqueront le passé « où tout allait si bien » et réclameront absurdement le retour des temps anciens ; les « politiques honnêtes » - comme Thucydide l’historien – construiront l’image d’une cité où il serait possible d’apparier l’appétit impérialiste et l’intelligence calculatrice ; les cyniques s’étonneront de cette prétention puérile à rompre avec un état qui correspond à la nature même. La pensée libératrice apparaît comme privée de toute possibilité d’action ; elle semble n’avoir aucune prise…


Lorsque le philosophe platonicien considère sa situation face à l’opinion, il s’éprouve comme étant dans le dénuement complet ; au même titre que le philosophe lecteur de Descartes à l’issue de la Ière Méditation métaphysique »
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« Platon est mort il y a vingt-trois siècles. Quel intérêt y a-t-il donc, pour nous qui sommes plongés dans les problèmes confus et complexes de la civilisation technicienne, problèmes dont l’étrange et constante nouveauté ne cesse de nous exalter et de nous accabler, à interroger un penseur si lointain, si évidemment vieilli ? » (p. 13)
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« Commencer à philosopher, c’est de prime abord mettre en question non pas seulement le contenu divers des opinions – celles-ci font apparaître si pratiquement leurs contradictions qu’elles se ruinent d’elles-mêmes – mais encore le statut d’une existence qui croit qu’opiner c’est savoir et qu’il suffit d’être certain pour prétendre être vrai. » (p. 84)
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« Timocratie, oligarchie, démocratie, tyrannie, telles sont les étapes qui jalonnent le chemin nécessaire de la corruption. » (p. 82)
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« Née d’une spoliation, elle s’achève par une spoliation. Le processus de dégénérescence est clair : les riches sont constamment dépouillés de leurs biens qu’on distribue au petit peuple. » (p. 79)
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