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sur 4415 notes
La peau de chagrin est devenue une expression toujours utilisée de nos jours. Effectivement la peau utilise pour fabriquer les tambours se rétrécissait à la fabrication; mais Balzac lui a trouvé un autre sens. Un pacte, et pas avec n'importe qui; un fantasme dangereux. le plus dur est de savoir s'arrêter...
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Raphaël perd au jeu son dernier napoléon, décide de son suicide et attend la nuit pour sauter dans la Seine. Pour tuer le temps, il visite l'antre d'un personnage méphistophélique. le vieillard est un juif millionnaire et polyglotte, âgé de 102 ans, qui tient dans sa boutique un monceau de merveilles. Raphaël lui décrit sa ruine et sa décision. le vieillard montre un talisman, une peau de chagrin. Raphaël l'examine, découvre une inscription (l'illustration montre une écriture arabe de fantaisie) et la traduit aussitôt (Ah, vous lisez couramment le sanscrit, dit le vieillard). Balzac nous donne cette traduction sous forme d'un calligramme, un triangle trinitaire renversé. On lit : Si tu me possèdes tu posséderas tout. Mais ta vie m'appartiendra. Dieu l'a voulu ainsi. Désire, et tes désirs seront accomplis. Mais règle tes souhaits sur ta vie. Elle est là. A chaque vouloir je décroitrai comme tes jours. Me veux-tu ? Prends. Dieu t'exaucera. Soit !

Raphaël s'empare du talisman et s'enfuit. Rastignac l'emmène à un festin monstrueux où il n'y a que des hommes. le salon voisin est une sorte de sérail, où la ripaille se poursuit par une orgie. Les deux amis passent la nuit avec la brune Aquilina et la blonde Euphrasie. le lendemain, Rastignac trouve un expédient pour que Raphaël ait de quoi vivre. Raphaël écrit pendant trois ans sa Théorie de la volonté. Il est modestement logé par la douce Pauline (Je l'attirai doucement à moi, puis sur son front d'amour, vierge comme la neige qui n'a pas touché terre, je mis un baiser de frère, un baiser de vieillard). Il rencontre Foedora, la femme au coeur de bronze (Eh bien, avec de l'or nous pouvons toujours créer autour de nous les sentimens qui sont nécessaires à notre bien-être). Son modeste pécule s'épuise et il invoque pour la première fois le talisman, non sans l'avoir mesuré. Il se retrouve au réveil de la même orgie, mais cette fois survient un notaire qui lui signifie qu'il hérite de six millions. Il mesure de nouveau la peau, qui a dûment rétréci, et comprend que sa vie est menacée. Il achète un palais où il se cloitre, mais un soir va à l'Opéra, retrouve Pauline qui est aussi devenue millionnaire. Nuit d'amour, maladie, fuite aux eaux, duel, je passe les péripéties et le dénouement.

Cette « Étude philosophique » a la fantaisie et la liberté des feuilletons, et un style artiste et cynique qui annonce le snobisme (Thackeray écrit The book of snobs en 1848). A propos de Raphaël : Implacables doivent être les ouragans qui forcent à réclamer la paix de l'âme à la bouche d'un pistolet. […] La conscience de sa prochaine mort rendit pour un moment au jeune homme l'assurance d'une duchesse qui a deux amants. A propos de Foedora : Ses lèvres fraîches et rouges tranchaient sur un teint d'une vive blancheur, ses cheveux bruns faisait assez bien valoir la couleur orangée de ses yeux mêlés de veines comme une pierre de Florence, et dont l'expression semblait ajouter de la finesse de ses paroles, son corsage était paré de grâces plus qu'attrayantes. A propos des prêtres, des femmes et des savants déçus : Les prêtres, les magistrats et les femmes ne dépouillent jamais leur robe entièrement […] Ils étaient comme des chrétiens sortant de leur tombe sans trouver un Dieu dans le ciel.

Un ami m'a prêté le premier tirage de la première édition illustrée (1838). C'est le plaisir De Balzac dans son jus : format in-8, reliure, papier, orthographe (sentimens, enfans, passans). L'illustration compte, par son abondance (100 vignettes), par sa qualité (les meilleurs graveurs de l'époque), et par un érotisme discret : à la scène d'orgie la nudité est dans les statues ; une image étrange est la métaphore de la possession : Raphaël, vêtu et couché sur un sofa, pose les pieds sur les fesses d'Aquilina, vêtue et couchée à terre.
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Les Chouans fut une lecture scolaire imposée au collège et je dois reconnaître qu'elle m'avait poussée à me dire "Balzac ? Plus jamais !".

C'était sans compter sur François Busnel qui, dans un special de la Grande Librairie consacré à la vie de cet auteur, m'a donné envie de lire "Tout Balzac", comme dirait l'autre.

Le pitch de la peau de chagrin m'a séduite : un côté un peu fantastique, une dimension largement philosophique, un personnage principal désespéré qui saute à pieds joints dans les mauvaises solutions. Bref, ce roman me paraissait accessible.

Pour autant, la première partie du roman m'a été extrêmement fastidieuse, ardue et longue. L'interminable description du magasin de l'antiquaire, suivie du récit de l'orgie, tout aussi délayée, ont failli avoir raison de ma patience. Une conversation sur les événements politiques, artistiques et culturels de 1830, ça n'était pas suffisamment compliqué alors Balzac s'est dit que tenue par des mecs bourrés, ce serait plus drôle.. Hmmmmm....

Mais dès que Raphaël commence le récit de sa vie, le roman prend une tournure plus accessible et un rythme plus digeste.
L'opposition entre les deux femmes du récit, Foedora et Pauline, l'entêtement de Raphaël, c'est prodigieux.
Et quand il comprend réellement ce qu'implique d'avoir accepté cette peau de chagrin, on touche au génie ! Tous ses subterfuges pour éviter l'inéluctable dessein de la peau.... Choisir de ne pas vivre pour ne pas mourir : Génial !

Bon, Balzac ne serait pas tout à fait Balzac s'il ne digressait et délayait pas un peu de temps en temps mais sur la deuxième partie du roman, cela reste parcimonieux.

Alors je ne regrette pas d'avoir persévéré pour découvrir l'un des premiers chefs d'oeuvre de ce romancier magistral et, si je vais favoriser des lectures plus faciles pendant quelques temps, je pense que je céderai à nouveau aux sirènes balzaciennes d'ici quelques temps. Peut-être pas "Tout Balzac", hein.. Mais au moins quelques uns.
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Voilà une lecture qu'il était temps que je fasse !! Toujours autant de plaisir à lire Balzac... cette aventure dans la Comédie Humaine me plaît toujours autant.
Cette lecture moralisatrice, romantique et un peu surnaturelle m'a vraiment marqué, elle permet de réfléchir sur le sens de la vie et ce qu'on décide d'en faire, le temps qui passe, les plaisirs simples ou encore sur nos désirs insensés. Chacun y trouvera un message qui lui est destiné et qu'il interprétera tellement ce livre est riche.
La description du magasin d'antiquités avec son bric à brac, trésors de l'univers, parenthèse magique de ce livre est je trouve grandiose. Les passages relatant le séjour du héros du livre Raphaël dans les montagnes est tout juste magnifique et nous permet à nous aussi lecteur de reprendre notre souffle.
Une belle lecture que je conseille !!
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Raphaël Valentin erre dans les rues de Paris : il a tout perdu et n'a plus cure de vivre. Avant d'aller se suicider sur un pont, il visite une boutique d'antiquaire, déambule dans ses couloirs inondés d'objets rares, luxueux voire même étranges. Voyant le désarroi du jeune homme d'à peine 26 ans, un vieillard travaillant sur place lui parle d'une mystérieuse peau capable d'exaucer tous les souhaits les plus fous, au prix de la vie de son propriétaire. Avec ses derniers sous en poche, Valentin achète l'objet, pourtant prévenu du danger de le posséder. Il émet tout de suite des voeux de richesse, sans pour autant croire en son pouvoir...

Il est de ces romans qui vous arrivent entre les mains au moment opportun. La lecture de "La Peau de Chagrin" m'a parfois laissée indifférente, parfois ennuyée, mais m'a également émue. J'ai eu le sentiment en lisant quelques lignes de pouvoir m'identifier à ce personnage dont je partage le nombre d'années d'existence mais aussi certaines de ses expériences. Malgré les évènements mystiques/improbables/chanceux qui lui arrivent et qui suivent l'acquisition de la Peau, on peut s'identifier à Valentin, qui avant de posséder l'objet de sa fin a vécu des moments difficiles qui font encore aujourd'hui notre quotidien. Tout le début de la deuxième partie relate le passage à la vie d'adulte du narrateur, c'est d'ailleurs le seul moment du livre que j'ai réellement apprécié. Sans doute parce que c'est pour une bonne part autobiographique et non fictif, parce que les mots utilisés par Balzac, simples mais cruels de vérité, auraient pu, sans doute le style en moins, sortir de ma propre bouche. Rares sont les romans dans lesquels on peut se voir en miroir. Cette expérience, je l'ai faite avec Balzac. J'ignore si cela se reproduira, c'est un sentiment très personnel.
Maintenant, l'ensemble prête à d'autres commentaires. Il est (fut ?) de coutume de proposer à l'étude ce roman à des lycéens. Un choix basé sur la richesse de vocabulaire de notre auteur, sur l'aspect autobiographique et philosophique de l'oeuvre, sur le genre fantastique développé, à la façon peut-être de son homologue contemporain américain Edgar Allan Poe. En France, le genre est avant-gardiste. En Amérique et en Angleterre, c'est déjà presque une institution, en marge des récits de fantômes et autres peurs nocturnes. Mais il faut bien avouer que pour une lecture de loisir, la compréhension se trouve entravée si notre livre de chevet ne s'intitule pas Encyclopédie. le nombre incalculable de références devient très souvent inaccessible si l'on ne fait pas l'effort de couper sa lecture pour s'abreuver au puits de notes en fin d'ouvrage.
Les parties sont mille fois trop longues, et l'aspect philosophique balaie généralement le caractère fantastique de l'histoire.
La fin quant à elle est prévisible. Certes l'on n'ignore pas que Valentin succombera à ses désirs, mais on comprend aussi assez rapidement que sa mort aura un rapport avec son amour déraisonné pour la petite Pauline, elle-même victime d'un souhait d'amour démesuré de la part de notre personnage principal. Une fin... cousue de fil blanc, si je puis faire un mauvais jeu de mots.
Notons enfin l'humour De Balzac qui a toujours une repartie et un phrasé exceptionnels.
L'histoire ne répond pas à toutes les attentes, mais lire du Balzac, c'est lire du bon français, et ça fait du bien.
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
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C'est un téléfilm diffusé par France2 il y a quelques semaines à peine qui m'a donné l'envie de me replonger dans ce classique de la littérature française. Si le thème « fantastique » nous est familier à tous, rien ne vaut la lecture du texte qui bien entendu dépasse ce simple aspect pour le reléguer au second plan – tout le contraire de l'adaptation filmée qui par essence ne peut montrer que ce qui se voit.
Honoré de Balzac (1799-1850) a 31 ans quand paraît son premier chef-d'oeuvre La peau de chagrin qui sera suivi l'année suivante du Colonel Chabert, premières pierres de la longue litanie de près de 90 romans et 2000 personnages qui constitueront La Comédie Humaine.
Ruiné par le jeu et à deux doigts de se suicider, Raphaël de Valentin achète à un vieil antiquaire un talisman, une peau de chagrin aux pouvoirs magiques. On appelle chagrin, un cuir grenu en peau de chèvre ou de mouton utilisé en reliure, ce qui ici constitue une sorte de jeu de mot entre la matière et l'effet obtenu. La peau réalisera tous ses voeux mais en contrepartie, représentant sa durée de vie, elle rétrécira d'autant à chacun de ces désirs comme lui explique le vendeur « Après tout, vous vouliez mourir ? hé ! bien, votre suicide n'est que retardé… ». Raphaël va se jeter dans le luxe et la débauche contaminé par une fièvre du toujours plus qui le mènera inéluctablement vers le tombeau.
Le roman est composé de trois parties distinctes, « le talisman » nous présente Raphaël au bord du suicide, l'acquisition de la peau de chagrin, le premier souhait exaucé qui le mène à un grand dîner organisé par un banquier lançant un nouveau journal ; « La femme sans coeur » Raphaël nous raconte sa vie, sa chambre minable louée à la pauvre Mme Gaudin et sa fille Pauline où il écrit son grand oeuvre, sa rencontre favorisée par son ami Rastignac avec Foedora, une courtisane, sa vie de débauche, les dettes et la misère, son souhait exaucé et la peau qui rétrécit ; « L'agonie » Raphaël et Pauline devenue riche à son tour se retrouvent et s'avouent leur amour, le temps du bonheur total, la peau qui s'amenuise jusqu'à l'issue fatale.
Balzac utilise l'aspect du conte – le talisman magique – mais déjà il nous montre son époque (ou la notre ?) faite d'égoïsme (Raphaël en fait ne pense qu'à lui, Foedora n'existe que pour elle-même), où l'argent est le sang qui fait vivre la cité. L'écrivain invite l'esprit de Molière quand il raille les scientifiques et médecins ne pouvant expliquer ni le mystère de la peau, ni la maladie de son propriétaire et l'on retrouve son style fait de phrases riches en descriptions ou précisions sur les dernières découvertes scientifiques de son époque.
Néanmoins on ne sait pas vraiment ce que Balzac a voulu dénoncer ici, l'excès de la passion chez l'homme ou la puissance du désir ? « Vouloir nous brûle et pouvoir nous détruit ». A moins qu'il n'ait voulu montrer tout simplement, à travers ses personnages, la naissance d'une société égoïste.
Enfin j'en terminerai avec une question primaire mais non moins essentielle à mes yeux. Quand Raphaël est presque arrivé au terme de son existence, pourquoi ne fait-il pas un dernier voeu, celui de continuer de vivre ? La situation aurait alors été troublante et paradoxale puisque le talisman pouvant encore exaucer le souhait aurait du sauver le jeune homme, mais par contre étant le dernier voeu exaucé, la peau réduite à rien devait conduire son propriétaire à la mort ! Je suppose qu'il aurait fallu écrire un autre livre et celui-ci dans une collection de Science-Fiction.
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A lire les critiques de "La peau de chagrin" déjà présentes sur babelio.com, je m'aperçois des difficultés posées par son roman – et plus généralement par son oeuvre (mes premières lectures, comme "Le lys dans la vallée", en sont un bon exemple). Balzac peut agacer aujourd'hui, son mysticisme peut faire sourire et sa grandiloquence lasser. Je pourrais renchérir sur ces reproches si l'auteur de la Comédie humaine ne possédait cette distance ironique particulièrement prononcée dans ce récit (voir l'hommage rendu à Molière dans la scène des médecins), s'il n'avait pas la portée philosophique, reprise quelques décennies plus tard par Nietzsche, sur les limites du langage et de l'art, sur les limites mêmes de nos perceptions, troublant ainsi nos certitudes quant à savoir ce qui relève de la fiction ou de la réalité. Car le jeune héros Raphaël est constamment le jouet de son imagination. Cette peau de chagrin existe-t-elle bel et bien ? L'ensemble du récit n'est-il pas le produit des illusions et des chimères de ce personnage romantique et désespéré ?
Enfin, je n'ai pu que me délecter de l'art avec lequel Balzac a composé, en un temps bien pudibond, une ode indirecte aux plaisirs des sens. La scène de la nuit de débauche, digne du grand Rabelais, ne peut être l'oeuvre que d'un bon vivant.
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Je viens de terminé ce roman, oeuvre majeure d'un des plus grands romanciers français du XIXeme siècle : Honoré de Balzac.
Ce livre est à la fois un conte philosophique mais aussi un roman fantastique, il est totalement inclassable.
Cette histoire de talisman maléfique a servi de référence à nombre d'oeuvres qui y ont puisé une part d'inspiration. Bazar de Stephen King par exemple, dans lequel on retrouve des petites similitudes, ou pour le thème de la mortelle malédiction : La peau sur les os du même auteur.
Balzac nous expose ici trois thèmes principaux : la vanité, l'amour (dont celle sans réciprocité) et enfin la mort.
Je dois vous avouer que c'est une lecture pas toujours facile ni très accessible car l'auteur aime en rajouter des tonnes sur ses descriptions avec un style foisonnant, certaines pages sont des pavés à elles seules.
J'ai particulièrement aimé le fait que l'auteur sache mettre en exergue les contradictions de ses personnages, il exploite cet aspect psychologique avec talent.
En résumé, un grand classique de la littérature française à la croisée du fantastique, du psychologique et du philosophique. J'ai aimé cette plongée dans le Paris décadent du début du livre, puis dans la province rugueuse de la seconde partie.
Le héros tente de fuir sa mort quitte à oublier de vivre et d'aimer, lorsqu'on connaît son passé de grand vaniteux c'est un sacré retour de bâton. Finalement, c'est une forme de leçon de vie que l'on prend en lisant ce livre.
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L'épigraphe choisie par Balzac en hommage à Laurence Sterne donne un indice sur le livre que l'on a en main : il y a dans le récit de cette vie fantasmagorique, débridée et inaboutie une dimension picaresque où l'importance d'une existence ne semble pas tant se retrouver dans sa conclusion que dans un moment de joie sans mélange. « Il y a toute une vie dans une heure d'amour » fait-il dire à un vieillard soudain devenu amoureux au terme d'une vie d'austérité studieuse, celui-là même qui avait tiré de sa galerie d'antiquités, un immense bric-à-brac imaginaire, la peau de chagrin, talisman de vie et de mort auquel il avait toujours résisté (il réapparaît plus tard, grimé en Méphisto pour couvrir son âge, vision fugitive, grotesque et tragique, émouvante, d'une vie sans désir ni chagrin). Premier grand roman De Balzac, c'est aussi un roman sur le roman, comme le furent Tristram Shandy et Don Quichotte.

Ici cependant, il s'agit d'une tragédie. Raphaël est beau comme un ange, mais c'est un ange déchu, un ange qui veut se suicider.
Le choix de vie qu'il a posé, cette vie que Balzac peint, puis que le personnage nous raconte lui-même, récit dans le récit, avant de rendre la parole au narrateur, ce choix est de brûler la chandelle par les 2 bouts, de chercher les plaisirs jusqu'à la débauche, comme un suicide lent. A l'origine de son malheur, les déceptions de la vie, déception d'argent, de réussite sociale et surtout déception d'amour. Engagé initialement dans l'ascèse de l'écriture (une théorie sur la volonté) ses passions amoureuses contrariées lui font conclure à l'absurdité de son existence chaotique et sans espoir : rien ne vaut la peine de rien.

Sauf que l'obtention miraculeuse d'un talisman lui donne soudain l'amour et l'argent, en même temps qu'une terrible lucidité sur le choix de vie qui s'est imposé à lui : il ne lui est plus possible de séparer son désir de mort de ses désirs de vie.

Accepter la vie et son chagrin. Choisir un art de vivre comme un art de mourir. Ne sommes-nous pas tous en possession de cette peau vieillissante impossible à quitter? Lire La Peau de Chagrin, c'est se lire soi-même, c'est poser la question de la vie en général et celle de sa vie : qu'aurais-je fait si, tel ce personnage qui reçoit le talisman sous forme d'une peau d'âne (un cuir qui renferme le livre de sa vie) une pirouette du destin m'offrait l'omnipotence au moment même où je croyais avoir tout raté ? Quelle histoire voudrais-je raconter? Quelle tournure donner à mon destin? Quelle place aurais-je laissé à la science, à l'art, à l'étude, au livre? Quelle place au simple plaisir d'exister et à l'amour? de quelle grandeur ou quelle médiocrité d'âme aurais-je été capable? Quel pouvoir aurais-je exercé? Sans doute ne faut-il pas répondre trop vite à ces questions, tant il est vrai, nous suggère le récit, que nos désirs ne sont pas nos désirs mais ceux d'une époque qui nous façonne plus que notre volonté même.

On connaît les portraits au vitriol que Balzac a peint de l'esprit bourgeois et snob qui baignait son temps : l'obsession vénale pour la rente, l'anxiété vis-à-vis du déclassement et de la paupérisation Tout cela semblait ne laisser d'autre choix qu'entre le cynisme égoïste et la marginalité.
Il y a beaucoup plus dans un livre De Balzac que ce qui pourra jamais tenir dans une critique ; c'est une construction symbolique, faite de symétries, de croisements, d'évocations diverses qui passent souvent complètement inaperçues au lecteur emporté par un récit passionnant ; c'est un feu d'artifice de descriptions, de portraits de considérations philosophiques, mais surtout, surtout... ce sont des images plus intenses que la vie même, foisonnantes, inoubliables, qui dépeignent merveilleusement des paysages naturels et humains.
Il faut le lire lentement, comme à haute voix, avec gourmandise.
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Quand un livre devient une expression, c'est que le titre était bon. Récit terrible et beau comme son français. On pense à d'Aurevilly mais c'est du Balzac. Honoré!

Vanité des vanités, dit L’Ecclésiaste, vanité des vanités, tout est vanité. Quel avantage revient-il à l'homme de toute la peine qu'il se donne sous le soleil?…
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