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EAN : 9782379411915
270 pages
L'Arbre vengeur (19/05/2022)
2.9/5   5 notes
Résumé :

Il sont quinze. Quinze à défiler, devant une assistance silencieuse et prisonnière de ses sièges, pour lancer à la face du monde ce qu’ils ont sur le cœur ou l’estomac.

Ils représentent la quintessence de l’esprit de notre pays et de sa langue si subtile.

Figures éblouissantes de la mauvaise foi, de la mauvaise humeur ou de la mauvaise haleine, ils portent haut l’art de l’éloquence.

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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique

Anonymat oblige, vous devrez vous contenter de son prénom - Emmanuel - et de sa fonction : Président de la République, récemment réélu.
Beaucoup l'ignorent mais Emmanuel s'est toujours beaucoup inspiré des écrits de Franz Bartelt, son éminence grise.
Si son parti s'est longtemps appelé « En marche », ce n'est pas uniquement parce qu'il avait un programme à dormir debout mais aussi parce qu'il voulait lutter contre la politique de la chaise remplie.
"Moi, je suis du parti de la chaise vide, j'applique l'idéologie de la chaise vide."
"La révolution est en marche. Je dois dire qu'elle se sent même particulièrement en jambes."
"Voici deux mille ans - déjà deux mille ans, comme le temps passe ! - un prophète eut ses paroles qui sont tout un programme :
Lève-toi et marche !"

Emmanuel, avant de passer à la phase 2 de son mandat et de réorganiser son gouvernement, avait envoyé son ami Franz Bartelt en mission afin de connaître les principales préoccupations de leurs concitoyens français. L'auteur ardennais est revenu fort de nombreux témoignages, aujourd'hui publiés sous le titre Souvenirs du théâtre des opérations.
"J'en ai vraiment marre d'entendre les gens se plaindre. Ils se plaignent sans cesse. Ils n'arrêtent pas. A cause du travail. A cause de la vie chère. A cause des programmes de la télévision. A cause du temps qu'il fait. A cause du prix du carburant."
"C'est une maladie de se plaindre. Il y en a qui se plaignent de leur travail et il y en a qui se plaignent qu'ils ne trouvent pas de travail."
"Il devrait y avoir une loi qui interdise de se plaindre."

Emmanuel réfléchit et note tout en marchant les revendications de tous ces râleurs, et les idées pour y remédier.
- Vous avez pu avoir des témoignages de ces pauvres ? Quel est le rapport du Français à l'argent ?
- "Il n'y a pas que l'argent dans la vie, je veux bien, moi ! Mais quand on cherche ce qu'il peut y avoir d'autre on ne trouve rien."
"Par rapport à l'argent, moi, ma philosophie est très simple, je dis :
Il faut faire avec."

- J'ai eu l'occasion de mener ma petite enquête dans les théâtres, monsieur le président, dans le cadre de mon étude comparative entre les spectateurs de ces mises en scène et l'élevage des poules en batterie, qui ont la vie bien plus facile à mon avis. Et j'ai différentes idées à vous soumettre qui pourraient permettre de lutter contre la surpopulation.
"Si on extrapole les chiffres de la surpopulation d'un théâtre à la surpopulation des prisons au pays du marquis de Sade, il serait nécessaire d'entasser dix-sept personnes par cellule."
Pour un plus juste équilibre, nous pourrions diviser la taille des cellules par deux, peut-être trois, ce qui permettrait tout à la fois de garder davantage de prisonniers derrière les barreaux et de créer davantage de salles de spectacles qui rendrait plus supportable la visualisation du Cid. Pourquoi ne pas convertir la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis en théâtre pour la satisfaction du plus grand nombre ?

- J'ai également eu l'occasion d'assister au préambule d'un spectacle au comique hors normes, et à l'approche des législatives je me suis dit qu'éventuellement vous pourriez inciter les partisans d'extrême gauche et d'extrême droite à aller voir cet humoriste. Il n'est pas très médiatisé parce que personne n'est jamais ressorti vivant suite à ses prestations.
"J'ai toujours été bon pour faire rire les gens. C'est drôle. A trois ans j'ai tué ma mère. Elle a éclaté de rire. Et elle est morte.
"En voyant ma mimique, il s'est écroulé de rire tout de suite. Mais ce qui s'appelle s'écrouler de rire. S'écrouler. Comme une falaise."
Il faudrait juste lui demander de ne plus avertir le public de ce qui l'attend.
"La présence de spectateurs et de spectatrices n'est pas souhaitée. Danger de mort."

- J'ai également rencontré un journaliste qui m'a convaincu qu'une bonne petite guerre dans l'hexagone serait une bonne chose pour le peuple.
"Mais jamais nous ne savourerons l'allégresse de défendre notre terre, la terre de nos ancêtres, la terre que nous voulons léguer à nos enfants."
"Depuis le début des temps, aucune génération n'a été privée de cet apprentissage fabuleux de la vie. Nos pères y ont eu droit. Nos grands-pères y ont eu droit. Ils n'avaient même pas besoin de réclamer. C'était sur un plateau qu'on leur servait leur bonne petite guerre."
En outre, elle me parait nécessaire pour encourager la tolérance et lutter contre les discriminations. Il n'y a plus de critères primaires comme la beuté telle qu'on la voit dans les médias.
"Toutes les femmes, sans exception, ont la même chance d'être violées. C'est ce qui est bien en temps de guerre."

- Contre la discrimination, vous pouvez également utiliser le gaz. Enfin, c'est juste une suggestion.
"Le gaz ne fait pas la différence. Il ne pratique pas le tri sélectif. Quand il pète, il pète tout ce qui se trouve à sa portée. Il traîte de la même façon les coupables et les innocents. Au fond, il est juste : il ne fait pas de discrimination."

- Autre chose, monsieur le président, les alcooliques aimeraient davantage de considération. Ils se sentent montrés du doigt.
"Le seul service public qu'on reconnaisse en tant que tel, c'est le bistrot."
"Quand on est rond, ça roule."
"Heureusement qu'il y a encore des gens comme nous pour assurer la grandeur de la nation."
Peut-être serait-il bon pour notre pays de revendiquer leurs droits dans un ministère à leur image ?

- J'ai beaucoup d'autres remarques à formuler. Il faudrait prendre le temps d'évoquer l'attachement des habitants à leurs quartiers, le mal-être de nos concitoyens rongés par la solitude.
"Quand on souffre de la solitude, on souffre deux fois. Une fois à cause de la solitude. Une autre fois parce qu'on n'a personne à qui se plaindre."

- J'ai pensé que plutôt que de payer des sommes colossales aux entreprises en période de virus, il serait préférable de faire souscrire des assurances-vies aux dirigeants. Leur suicide permettrait alors à moindre frais de sauver des emplois en ces temps troublés pour notre économie.
Les syndicats sont partants.
Par ailleurs, les criminels aimeraient que la police ait un comportement moins approximatif avec eux.
"On ne traîte pas de la même façon un type qui a tué deux-cent-quarante-sept femmes et un type qui s'est contenté d'en sacrifier cent-quarante-sept !"
"Je suis innocent avec préméditation."

L'échange entre Emmanuel et Franz se poursuivra de longues heures.
Notre pays peut désormais se targuer d'avoir différentes grandes lignes directrices socio-économiques, grâce à l'intervention salvatrice de l'écrivain qui s'interroge toujours sur les besoins de chacun.

Hors contexte, Souvenirs du théâtre des opérations pourrait se lire comme un recueil de quinze textes.
Des nouvelles ? Pas vraiment. Plutôt des sketches qui ressembleraient à des témoignages déjantés exprimés avec le plus grand sérieux.
Quinze monologues rares ou inédits d'un auteur en très grande forme, qui exprime avec un humour acide et pince-sans-rire de faux problèmes de société, même s'il y a parfois un second degré de lecture plus grinçant.
Ansi sont mis en avant ces héros d'un jour, qui ont des préoccupations auxquelles nous n'aurions jamais ne serait-ce que pensés, qu'ils soient criminels, monuments de leur quartier, portés sur la bouteille, journalistes, solitaires ou en couple ( "La solitude, c'est ce qu'il y a de pire après le mariage." ), surdoués ( ou en attente de le devenir ), humoristes ou hommes politiques.
Les nombreux jeux de mots peuvent rappeler le regretté Raymond Devos.
C'est totalement farfelu, très drôle, flirtant parfois avec le mauvais goût.
Sourire aux lèvres de la première à la dernière page, j'ai adoré.
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J'avais gardé un excellent souvenir de son roman « le jardin du bossu » (voir ma chronique) et c'est sur cet a priori positif que je me décidai à lire « Souvenirs du théâtre des opérations ». Bien mal m'en a pris.
À l'image du dernier, et décevant, livre de Florent Oiseau, Franz Bartelt épuise son talent dans des brèves de comptoirs dignes d'un boomer aviné et nostalgique, j'allais dire « vinaigri », à la limite du déprimant (pages 94-95).
N'est pas Jean-Marie Gourio qui veut. On l'oublie trop souvent : les types qui pérorent au café sont d'un ennui mortel, accumulant poncifs et lapalissades. Ce recueil en est bourré. L'auteur pense être un maître absolu de l'absurde (voir ces nouvelles « La Chaise », « le surdoué » ou « La solitude ») parodiant Raymond Devos qui lui, savait émerveiller par l'intelligence et la poésie de son propos.
Encore un exemple d'ouvrage de confinement, pondu par un auteur en manque d'inspiration qui s'en remet à ses ficelles habituelles pour nous tricoter un truc présentable.
C'est dommage parce qu'en de très rares occasions, la plume de l'auteur surgit du néant. Quand il agite le glauque notamment (exemples pages 76 et 112), le récit en devient jouissif.
Bilan : 🔪
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Les récits de Bartelt ne font pas dans la dentelle, ils puisent autant dans une visible rage d'écrire que dans un profond sentiment d'absurde (les deux se répondant très bien l'un et l'autre). Personnages très très hauts en couleurs, saillies cultes, tirades bouffonnes, à la limite du délire, qui nous poussent souvent dans les marges. L'homme dans toute sa misérable splendeur en quelques traits acérés que l'auteur sait très bien porter, sans jamais retenir ses coups. Il y a une jubilation dans son écriture que l'on ressent très bien à la lecture et qui emporte ceux qui partagent, parfois, ses envies de massacre. Des textes libérateurs donc, où le rire éclate plus d'une fois, emporté par un style parfaitement maîtrisé où la dérision est reine.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Le rêve de la plupart des hommes politiques, c'est d'obtenir un siège. Une fois qu'ils l'ont obtenu, ils s'en servent, ils s'assoient, ils ne se relèvent plus.
En quelque sorte, ils pratiquent la politique de la chaise à plein temps. Députés, sénateurs, conseillers régionaux, conseillers départementaux, députés européens, j'en passe, et de plus assis, tous, sans exception, n'ont d'autre rapport avec la politique que ceux que leur derrière entretient avec la chaise.
Dans ces conditions il ne faut pas s'étonner que dans ce pays rien n'avance.
Les hommes politiques pourraient au moins sauver la face. Ne rien faire, mais debout. Ne rien faire, mais au moins faire semblant de faire quelque chose.

- La chaise -
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Plus ça va, plus je suis persuadé qu’un homme n’est grand qu’après avoir été mêlé à de grands événements. Un alpiniste sera toujours plus grand qu’un fossoyeur. La taille de l’alpiniste sera toujours augmentée de la taille de la montagne au sommet de laquelle il a su se tenir. Alors que la taille du fossoyeur sera toujours diminuée de la hauteur du trou au fond duquel il creuse. À moins d’être un géant la taille du fossoyeur sera toujours négative. Il lui manquera toujours dix ou vingt centimètres pour se hisser au niveau des pieds du plus simple des mortels de surface.
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Il y a le snobisme, bien entendu. Ça fait bien, de dire :
« Ce soâr, je vais zau théôtre ! »
Ça fait bien, mais ça ne fait pas beaucoup mieux que de dire :
« Je vais au Mammouth en matinée ! »
ou :
« Moi je vais à la nocturne chez Mutant ! Pour un payé, y a un gratuit ! »
ou :
« Et moi, sous aucun prétexte je ne veux rater la première démarque des soldes chez Pimky ! »
La différence tient surtout dans la manière de le dire. Il y a une manière terriblement puante de dire :
« Ce soâr, je vais zau théôtre ! »
Comme si c’était un exploit de payer pour s’ennuyer et pour se retenir de péter pendant trois actes.
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Entre les flics et les militaires, il n’y a pas beaucoup de différence, sauf sur la question de l’échelle. Quand un flic tire dans le tas, c’est une bavure. Quand un militaire se lâche un peu, c’est un pays rayé de la carte.

- Impressions d’un soliste -
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Une minute quarante de Franz Bartelt à consommer sans modération, extrait du livre "Le bon temps" paru à L'Arbre vengeur.
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