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4,2

sur 1989 notes
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« C'est un extraordinaire mélange du style racinien et du style journalistique de son temps » - Paul Claudel

Les dix dernières années de la vie de Charles Baudelaire vont être occupées par intermittence à la rédaction des poèmes du Spleen de Paris qui ne seront publiés qu'en 1869, deux années après sa mort, avec le titre « Petits poèmes en prose » regroupant cinquante poèmes.
Ces poèmes ne se limitent pas à « faire pendant » aux poèmes des « Fleurs du Mal qui viennent d'être censurés en 1861. le poète a voulu se libérer des contraintes du vers limitant son inspiration. Son idéal : « une prose musicale, sans rythme et sans rimes, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ».
L'aigreur du poète se ressent toujours dans une lettre à Victor Hugo en 1863 : « J'ai essayé d'enfermer là-dedans toute l'amertume et toute la mauvaise humeur dont je suis plein. » Dans une lettre à sa mère, en 1865, il écrit : « J'espère que je réussirai à produire un ouvrage singulier, plus singulier, plus volontaire désormais que Les Fleurs du Mal, où j'associerai l'effrayant avec le bouffon, et même la tendresse avec la haine. »
Cette expérience effraie Baudelaire par sa nouveauté. Ces poèmes en prose ont été pour la plupart d'entre eux publiés dans des revues et des journaux. Il s'y épuise jusqu'à ses derniers jours, déçu, insatisfait.
« Mais que les bagatelles, quand on veut les exprimer d'une manière à la fois pénétrante et légère, sont difficiles à faire ! » - Charles Baudelaire, janvier 1866, un an avant sa mort.

Dans cette prose où le poète, en se libérant du vers délivre une nouvelle forme de poésie, j'ai retrouvé constamment les grands thèmes des « Fleurs du Mal » : les rapports avec les femmes marqués par l'incompréhension réciproques ; l'ultime voyage que constitue la mort ; la thématique urbaine des « Tableaux parisiens » qui revient constamment avec la description des pauvres, des éclopés de la vie, des enfants. Perdu dans la foule, fasciné par le spectacle insolite de la rue, le poète erre et peint cette ville qui se transforme.

Ce pendant en prose des « Fleurs du Mal » de 1857 m'a profondément réjoui. Dans nombre des ces poèmes j'ai retrouvé les échos de ceux qui m'avaient ébloui dans le recueil en vers.

- En prose « La belle Dorothée » : Très beau poème s'inspirant de sa muse la métisse Jeanne Duval.
« Elle s'avance, balançant mollement son torse si mince sur ses hanches si larges. Sa robe de soie collante, d'un ton clair et rose, tranche vivement sur les ténèbres de sa peau et moule exactement sa taille longue, son dos creux et sa gorge pointue. de temps en temps la brise de mer soulève par le coin sa jupe flottante et montre sa jambe luisante et superbe ; et son pied, pareil aux pieds des déesses de marbre que l'Europe enferme dans ses musées, imprime fidèlement sa forme sur le sable fin. »
- En vers « À une malabaraise »
« Tes pieds sont aussi fins que tes mains, et ta hanche
Est large à faire envie à la plus belle blanche ;
À l'artiste pensif ton corps est doux et cher ;
Tes grands yeux de velours sont plus noirs que ta chair. »

- En prose « Les veuves » : « C'était une femme grande, majestueuse, et si noble dans tout son air, que je n'ai pas souvenir d'avoir vu sa pareille dans les collections des aristocratiques beautés du passé. Un parfum de hautaine vertu émanait de toute sa personne. »
- En vers « À une passante » :
« Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet
Agile et noble, avec sa jambe de statue. »

- En prose « le désir de peindre » : « Il y a des femmes qui inspirent l'envie de les vaincre et de jouir d'elles ; mais celle-ci donne le désir de mourir lentement sous son regard. »
- En vers « À une passante » :
« Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue. »

- En prose « le désespoir de la vieille ». La petite vieille est un personnage familier du Paris de Baudelaire.
« La petite vieille ratatinée se sentit toute réjouie en voyant ce joli enfant à qui chacun faisait fête, à qui tout le monde voulait plaire ; ce joli être, si fragile comme elle, la petite vieille, et, comme elle aussi, sans dents et sans cheveux.
- En vers « Les petites vieilles », poème qui était dédié à Victor Hugo :
« Avez-vous observé que maints cercueils de vieilles
Sont presque aussi petits que celui d'un enfant ?
La Mort savante met dans ces bières pareilles
Un symbole d'un goût bizarre et captivant,


Le spleen de Baudelaire est toujours là. Mais que c'est beau !
Même si je préfère le recueil des « Fleurs de Mal », les sonorités de ce recueil en prose, parfois grandiloquentes, sont un régal de lecture que je recommande à tous ceux qui admirent cet immense poète génial qu'était Charles Baudelaire.

***
Lien : http://www.httpsilartetaitco..
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Un ouvrage classique qu'il est bon de découvrir. La mission est accomplie, je l'ai lu. Mais j'avoue que je préfère les poésies en vers de Baudelaire. Cette lecture n'a pas été une révélation, ou une révolution, pour la lectrice que je suis. Un classique honnête, bien écrit naturellement, sans plus. Je vais plus facilement vers la re-lecture des "Fleurs du Mal".
Lien : http://araucaria20six.fr/
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Si la poésie était un pays, le voyageur, au long de son périple, arriverait un jour à la capitale. Traversant les rues, les quartiers, les ponts et le cours du fleuve, il y trouverait un monument de la poésie, un lieu qui aurait le nom de Charles Baudelaire.

Le Spleen de Paris : petits poèmes en prose, recueil paru en 1869 à titre posthume, est considéré comme le pendant des Fleurs du Mal, publiées douze années plus tôt. Comme un lien évident, Spleen et idéal est le sous-titre des Fleurs ou encore Un Hémisphère dans une chevelure, est un poème en réponse à ceux de Parfum et La Chevelure.

Dans les cinquante textes du recueil, dont la plupart ont d'abord été publiés dans des journaux et des revues, du vivant même de Baudelaire, beaucoup des thèmes déjà présents dans les Fleurs du Mal reviennent : l'amour, la passion, la beauté et la laideur, le spleen et l'idéal, la pauvreté, la mauvaise fortune, la mort et la maladie, la ville de Paris.

Dans ses poèmes, Baudelaire mêle narratif et descriptif pour faire part de ses pensées et témoigner du tragique et du pathétique de l'existence, notamment celle des plus déshérités, des laissés-pour-compte.

En faisant le choix de la prose, il se fait plus précis dans les descriptions, dans le détail, il use davantage de références, de métaphores. Il y a toujours chez Baudelaire la volonté d'organiser une vision cohérente de correspondances entre la nature et l'esprit, entre l'espace visuel et l'espace « du dedans » entre les images et les sons, entre la peinture et la poésie. L'écriture de Baudelaire est un lien cohérent fait de paradoxes, de contradictions mais qui toujours s'adaptent « aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience. » *

Le Confiteor de l'artiste, le Mauvais vitrier, Les foules, le Gâteau, L'Horloge, La Solitude, Les Yeux des Pauvres ou encore La Corde, Enivrez-vous et le Miroir, sont quelques-uns des poèmes qui m'ont le plus touché dans ce recueil, mais ma préférence va à La Chambre double, portrait saisissant d'un idéaliste déchu, son rêve mis à l'épreuve de la réalité.
« Il n'y a qu'une seconde dans la vie humaine qui ait mission d'annoncer une bonne nouvelle, la bonne nouvelle qui cause à chacun une inexplicable peur. »


Quand le voyageur remontera les rues, les quartiers, les ponts et le cours du fleuve, quand il quittera la capitale, il se souviendra longtemps du nom de Charles Baudelaire, de sa poésie. Dans sa marche, il se promet secrètement de revenir vers elle.


(*) extrait d'une lettre de Charles Baudelaire à Arsène Houssaye, ami du poète, éditeur et directeur littéraire de la Presse.

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Un très beau recueil de Charles Baudelaire. Écrire en prose à son époque n'était pas courant, et c'est une très belle réussite. C'est également un bel hommage à la ville de Paris. Baudelaire avait un vrai talent avec les mots, et il n'est pas devenu un de nos plus grands poètes par hasard. Et ce recueil en est une preuve. Conseillé pour les amoureux de Baudelaire, pour ceux de la poésie, ceux de Paris...et pour les curieux. :) Une belle oeuvre à découvrir pour ceux qui ne la connaissent pas encore.
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Une nième relecture et le plaisir de relire ces poèmes connus par coeur (L'étranger, Enivrez-vous, Anywhere out of the world); et aussi le plaisir de la redécouverte de cette merveilleuse liberté et diversité des textes: flâneries poétiques dans Paris, petits récits oniriques, fables morales, contes cruels (dont se souviendront sans doute Rimbaud et Mallarmé).

Même si certains de ces textes font le pendant, voire ont le même titre que des poèmes des Fleurs du mal (Invitation au voyage, Un hémisphère dans une chevelure, La belle Dorothée, le Port…), il ne faut pas les comparer, trouver que la composition en vers est plus belle que celle en prose. C'est un peu comme comparer une peinture achevée d'un paysage et un beau film qui le décrit. Ici, Baudelaire se libère de la contrainte de la forme versifiée, de la rigueur esthétique des mètres, rimes, disposition des strophes, pour nous livrer encore son sentiment d'exil, son dégoût de la laideur de la vie, sa recherche de l'idéal, son angoisse de la mort, mais aussi son observation si juste de la ville et des gens.

Et, bien sûr, tout y est dit dans un style magnifique, fluide, plein de vivacité et de sensibilité.
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Merveilleux moment de découverte que la lecture de ce fameux Spleen de Paris, bu à longues gorgées dans un état de sidération fascinée. Pendant en prose des Fleurs du mal, j'y ai ressenti une réalité plus palpable du poète maudit, à la fois plus ancré dans son temps et irrémédiablement détaché du commerce des hommes (et des femmes!). Et donc une perception plus sensorielle de l'intemporalité de l'homme : qu'aurait été Baudelaire à notre époque?
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Chaque lecteur lit à sa manière mais encore plus lorsqu'il s'agit de poésie. Alors, quand vient l'heure de rédiger ses impressions, cela devient plutôt ardu. On peut conseiller un roman que l'on a aimé tandis que conseiller un recueil de poèmes est plus difficile, il y a plus de risques qu'il ne trouve pas d'écho chez cette autre personne. de plus, la poésie est difficilement explicable, elle se lit, se vit tout simplement.

Cependant, je peux vous dire que j'ai beaucoup apprécié ces petits poèmes en prose. Juste avant, j'avais lu Les Fleurs du Mal (coup de coeur) et le spleen de Paris m'est apparu comme plus léger. Nous retrouvons les thèmes chers à Baudelaire comme la mélancolie, la faiblesse de l'homme, la mort mais également des thèmes moins morbides. Non pas que ce livre soit teinté de joie, je dirais plutôt qu'il est empreint d'une grande lucidité. Certains textes sont tristes mais pas à l'extrême. Baudelaire nous raconte à travers sa prose, ce qu'il voit, ce qu'il ressent. Il nous raconte Paris, les gens, la vie et tout ça avec une grande justesse.

Un livre très agréable sous forme de courts textes. Une plume dont on ne peut reconnaître que les qualités indéniables.
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Lire de la poésie en prose n'est pas nécessairement chose évidente ; mais, pour moi, avec le Spleen de Paris, c'est chose faite et avec beaucoup d'agrément.
La poésie de Baudelaire a dans ces "Petits Poèmes en Prose" la même puissance, la même force, la même profondeur, la même puissance d'émotion, que lorsqu'il s'agit de ces poèmes en vers.
La même originalité aussi. Car c'est une originalité radicale qu'impose Baudelaire, en poésie, à son temps.
Et puis, il y a le côté tellement, tellement imagé de la poésie baudelairienne.
Un magnifique recueil de poèmes en prose.
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Le Darkcook qui disait, pour la poésie, "Après le vers, le chaos"? C'était avant. Un temps où, dégoûté par les surestimés Michaux et Bonnefoy, équivalents poétiques de l'art abstrait, sédaté trop jeune par une mauvaise prof, j'avais fait l'impasse sur le Spleen de Paris, avec un atroce mais tenace préjugé sur le manque total d'émotions que susciterait chez moi une telle effronterie, un tel dénigrement des formes canoniques et sacrées, intrinsèques à la poésie et ses jeux musicaux. Oui, le déïficateur du XIXème romantique ignorait Baudelaire. Puis, un ami lui aussi empreint de ce siècle sacré (le même qui me conseilla Bruges-La-Morte) se scandalisa il y a quelques années à ce sujet. Je m'emparai donc des Fleurs du mal pour le lire un jour, et gardai sous le coude le Spleen de Paris, quoique demeurant peu convaincu par ce dernier, dont le souvenir demeurait rattaché à des cours trèèèèès ennuyeux d'une époque lointaine où je ne voyais que par Harry Potter. Bêtise, bêtise, bêtise...

Il aura fallu l'agrèg pour me réveiller. Comment décrire ce recueil? Une sorte de la Fontaine affranchi du vers, laissé dans Paris au XIXème, bercé par un univers onirique et gothique de son idole Poe, au service d'une célébration constante du poète et de l'artiste, et de la raillerie contre les aberrations de son temps. L'écriture est absolument sublime, mon prof actuel avait parlé du sens de la formule de Baudelaire, et c'est exactement ça. Un délice de tous les instants que ces poèmes, quasiment tous chefs d'oeuvre de perfection, maniant tour-à-tour mélancolie, ironie, humour, dans un romantisme absolu, et aux antipodes de l'obscurité et du non-sens dont aime à se parer la poésie moderne. Voyez-y plus un recueil de nouvelles poétiques d'une qualité exceptionnelle, atteignant des sommets littéraires, que quoique ce soit approchant Michaux ou Bonnefoy... Les dix derniers, ajoutés plus tard, sont un peu moins réussis, mais en regardant en arrière, difficile de choisir des poèmes favoris, tant Baudelaire a travaillé ces sculptures verbales qui nous impressionnent les unes après les autres et nous laissent pantois d'admiration et de communion avec lui.

Ma sélection sera forcément subjective : "À une heure du matin", "La Solitude", "Les Projets", "Le Joueur généreux" (hommage au Faust de Goethe!), "Les Vocations", "Enivrez-vous!", "Déjà!", (extraordinaire) "Le Chien et le Flacon" (tellement vrai!!), mais surtout, au-dessus de la pyramide, je mettrai "L'Horloge", partageant avec Baudelaire la religion des chats, tant il m'aura touché dans sa lettre d'amour à Féline.

Après une telle lecture, je vais beaucoup moins râler (mais toujours un peu) quant à l'Agrèg... Nul doute que Les Fleurs du mal suivront (puisque le Spleen est son pendant prosaïque, lui faisant sans cesse écho) ainsi que Gaspard de la nuit d'Aloysius Bertrand dont Baudelaire s'est inspiré... Merci, saint patron des Dandy!!
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Le poète selon Baudelaire est un alchimiste qui change la boue en or. Après avoir extrait du mal la beauté, la fleur, Baudelaire logiquement se tourne vers l'instrument anti-poétique par excellence, croyait-on encore à son époque (malgré Fénelon, Rousseau, Chateaubriand ...), la prose, et en fait l'instrument de l'alchimie poétique en l'associant à l'extrême modernité, le vieux Paris qui se change si vite en ville moderne, sous ses propres yeux. C'est comme si un poète contemporain parvenait, en inventant un nouveau langage poétique, à faire voir la beauté de la cité des 3000 d'Aulnay sous Bois, ou des faubourgs commerciaux à hangars et parkings de la banlieue d'Avignon. C'est à ce grand écart qu'il faut mesurer l'entreprise de Baudelaire et la beauté du résultat, beauté que le passage du temps, l'habitude et la patine du siècle écoulé, risqueraient d'effacer.
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