Acquis et lu en avril 2022- Chroniqué le 6 juin 2023 !
***Gros, gros coup de coeur
Dans une sorte de tourbillon boulimique toujours galopant et de dispersions multiples, je me suis rendue compte ce matin en faisant une pause afin de faire des rangements et des classements de livres, que j'avais omis de rédiger un billet sur cette belle et intéressante lecture...
Ce que je fais ce jour , avec plus d' une année de retard....à ma grande honte.
Honte car
Tahar Ben Jelloun est un auteur que je suis depuis fort, fort longtemps, depuis mes débuts de " jeune libraire" avec un essai, m'ayant durablement marquée :"
La plus haute des solitudes ": une réflexion et des récits poignants sur la solitude, et la misère affective , sexuelle des travailleurs immigrés du Maghreb...en France !
Je n' ai découvert que bien plus tard que cet écrivain était aussi un peintre " confirmé "; que les deux expressions artistiques lui étaient essentielles. Ce récit personnel, aux multiples facettes nous fait comprendre les influences, les inspirations, les origines de ce double besoin de "peindre" et d'Écrire"....
Il décrit fort bien cette double nécessité ressentie:
"Un écrivain qui peint,c'est comme un artisan qui sent qu'il doit compléter un travail. Il n'y pas que du malheur, il y a aussi autre chose de plus beau,de plus apaisant. J'ai toujours senti qu'il y avait un manque,un vide,un espace à remplir. Qu'y a-t-il de mieux que la couleur ? Une gamme où couleurs et sentiments se mélangent pour démentir la fatalité."
Tahar Ben Jelloun dans une explosion de couleurs et d'anecdotes nous offre ses souvenirs d'enfance, son besoin, déjà, de dessiner et de peindre, peut-être pour rendre son bonheur en voyant les épices multicolores dans le commerce paternel...
Il narre mille choses : son enfance, ses écrivains et peintres préférés, les rencontres décisives, l' apport gigantesque du cinéma , lui ayant appris à " raconter des histoires"...et j' ai eu connaissance d' une toute nouvelle facette de ses talents : le Vitrail...On sent son immense fierté d'avoir été sollicité pour cet autre art...que des artistes admirés, ont tenté merveilleusement avant lui : Matisse, Soulages,
Cocteau, etc...
J'insère un de mes passages préférés qui exprime très clairement combien ce besoin de couleurs a été un besoin , très jeune, pour notre " peintre-écrivain " et une philosophie de vie :
"Dans ces années 1950 à Fès, l'horizon était limité. Pas de cinéma, pas de Musée, pas de théâtre, pas de music-hall.Il fallait tout imaginer. Je décidai alors d'attribuer une couleur à chacun des jours de la semaine : lundi,gris foncé ; mardi, gris léger tendant vers le bleu ciel; mercredi, vert; jeudi,jaune; vendredi, tantôt blanc tantôt orange; samedi, bleu azur,selon son travail et son humeur, devrait ainsi donner une couleur à chaque jour.Je sais que,pour certains, tous les jours sont gris. Cela se voit sur leur visage.On ne peut que les plaindre. "
Une " palme spéciale " pour la beauté et l' esthétique de l'ouvrage aussi multicolore que son contenu, enrichi , in- fine, par les photos des toiles de l'auteur, avec ses commentaires personnels ! Une lecture éblouissante , à tous niveaux !