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EAN : 9782864324669
950 pages
Verdier (02/03/2006)
4.35/5   34 notes
Résumé :

Nulle désillusion ne se compare à celle que la génération d'après-guerre a connue. Au printemps des années soixante a succédé l'hiver, qui dure encore, des années quatre-vingt. Les grandes espérances ont pâli, la vie perdu la saveur qu'on lui trouvait. Le changement d'horizon, la fin d'une époque, c'est à l'échelle des heures, dans le détail de l'expérience personnelle qu'on e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Je procède à rebours du temps avec ces carnets de notes de Pierre Bergounioux. J'ai découvert cet aspect de son oeuvre avec le volume consacré aux années 2016-2020, une de mes premières lectures de cet auteur. Je ne m'attendais pas à me passionner pour ce journal si singulier, que je qualifierais de taiseux, tout en retenue et qui pourtant rend si bien le passage des années…

Après avoir lu sept de ses livres (heureusement il m'en reste encore beaucoup à découvrir), j'ai eu envie de faire retour à son journal. J'ai donc choisi le tout premier chronologiquement, où il est question de l'intégralité de ses années 1980. Il a trente et un ans, vit de son salaire de professeur (collège). Avec Catherine ils ont deux enfants, Jean, l'aîné, et Paul qui va naître au début de ce volume. Les soins du ménage l'occupent aussi beaucoup, car il est un père attentif.

Néanmoins il va réussir, avec de grandes difficultés et hésitations, à donner aux éditions Gallimard de grands livres : Catherine, Ce pas et le suivant, La Bête faramineuse, La Maison rose, L'Arbre sur la rivière et C'était nous. Il est miné par un sentiment de grande insuffisance personnelle. Toute son histoire explique ce sentiment. Et les bons retours critiques ne suffisent pas à l'encourager.

Comme dans toute vie les années passent avec leur cortège de deuils et de craintes (notamment pour ses enfants). le métier d'enseignant lui donne quelques satisfactions et beaucoup de doutes. Il n'est pas particulièrement tendre pour ses élèves : c'est un homme exigeant avec les autres comme avec lui-même.

Ce premier volume de ses Carnets se voulait au départ comme une tentative d'enfermer dans l'écriture un peu du temps qui passe. Formellement il est un peu plus démonstratif que celui de 2016-2020. Pierre Bergounioux essayait d'y voir un peu plus clair dans sa vie et s'interrogeait sur ses ressorts intimes. Avec mesure et pudeur.

Je vais continuer avec cet auteur, probablement vers les romans qui me restent encore à découvrir de cette période. (Ce pas est le suivant me tente…).
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Une Babeliaute qui se reconnaitra m'a conseillé de m'intéresser à cet auteur dont je ne savais rien. J'ai donc entrepris non sans mal la lecture de son journal, le volume 1 fait 950 pages et couvre une décennie. On y découvre la vie personnelle, familiale et professionnelle de ce jeune enseignant par nécessité car on ne peut pas dire qu'il voue une passion pour l'enseignement. Son objectif : mieux comprendre le monde à travers la lecture, puis l'écriture. Mais il s'agit-là d'une forme d'addiction, il lit jour et nuit, chaque jour, il fréquente les librairies, achète des quantités impressionnantes de livres depuis l'âge de 17 ans, âge à partir duquel il s'est détourné du monde pour vivre dans les livres. Ses autres passions tristes sont l'entomologie et la sculpture. Avons-nous affaire à un a-social ? je le crains car il n'exprime pas d'amour ou d'empathie pour ses semblables, même sa femme et ses enfants ne sont l'occasion d'exprimer une quelconque affection, pire, les tâches domestiques et l'éducation des enfants l'éloignent de sa mission et de ce qu'il appelle sa table de labeur, le bureau sur lequel il avale les ouvrages et écrit, outre son journal une à deux pages par jour. Un galérien de la lecture et de l'écriture qui ne semble pas exprimer un quelconque plaisir. Un anxieux, un dépressif, et quand il n'est pas inquiet, cela l'inquiète.
Ses propos sur les élèves m'ont choqué : "Je retrouve avec irritation, avec dégoût le ramassis de crétins de la classe pré-professionnelle" et plus loin "Toute une classe d'âge entre en sixième et ceux qui se retrouvent dans les filières d'enseignement professionnel, si le mot d'enseignement convient encore, sont tous des instables, des demeurés, des cas sociaux."
C'est à partir de là que j'ai décroché. Tout être humain a droit au respect et les jeunes en difficultés ont besoin de considération, d'une écoute bienveillante. Je travaille (travaillais serait plus juste depuis le premier septembre, date de ma retraite) dans un centre de formation en travail social mais j'ai également accompagné des jeunes dans le cadre d'un CFA spécialisé. L'effet Pygmalion en pédagogie nous l'a bien montré : s'intéresser à la personne crée les conditions de sa réussite. Si on les considère comme l'auteur, ils vont se conformer ou lui en faire voir de toutes les couleurs. Grave erreur d'aiguillage : qu'il lise tout son saoul, qu'il écrive pour soigner sa névrose mais qu'il arrête-là.
Schopenhauer qui n'était pourtant pas un gai luron le disait bien : vous n'avez aucune chance, alors saisissez-la !

Je mets 3/5 parce qu'il écrit bien incontestablement et aussi car c'est toujours intéressant de comprendre la vie d'un homme à travers son journal intime, les amateurs de ce type de récits devraient s'y retrouver.
Challenge multi-défis 2021.
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On sait, quand il écrit de la fiction, qu'un écrivain ne raconte pas sa vie. Il n'en est pas de même lorsqu'il écrit son journal intime. Dans le cas de Pierre Bergounioux et de ses Carnets de notes, on s'interroge.
L'homme, dans la vie, est, paraît-il un charmant monsieur, assez gai, souriant, affable et poli. Pourtant, si l'on lit ces premiers Carnets de notes, on peut penser qu'il est asocial, handicapé de la vie et déverse un fiel retenu trop longtemps sur ses semblables y compris ceux qu'il chérit le plus.

"Plus je vais, moins je souffre le commerce de mes semblables. Rien ne me convient plus que le labeur solitaire."

Ayant lu les Carnets de notes, dans le désordre : j'ai commencé par ceux de 2001-2010 puis j'ai enchaîné avec les derniers sortis (2011-2015) pour finir par prendre les premiers qui commencent très exactement le 16 décembre 1980. L'homme vient donc de passer la trentaine et ses deux garçons sont encore des petits voire des bébés. La vie est alors rythmée par les dents et les réveils nocturnes du petit dernier qui vient de naître jusqu'à l'angoisse lorsque le petit garçon présente une pneumopathie mal diagnostiquée.

"Si l'amour paternel est celui qui voudrait se charger de toute la souffrance et la porterait avec joie, alors je la possède au suprême degré."

Car Pierre Bergounioux est un grand angoissé devant l'Eternel. Si l'épisode hospitalier avec son petit garçon le justifie largement, le reste démontre que la vie doit souvent lui être insupportable. Bien sûr, au cours de cette décennie il perd son beau-frère Norbert dans des circonstances assez pénibles et son père à qui il voue un amour-haine assez complexe et singulier, bien sûr il y a ces heures de collège de banlieue devant des enfants démotivés et peu au fait de la connaissance et de la chose écrite, tout cela peut démoraliser. Et les parents d'élèves lui font perdre du temps qu'il pourrait consacrer à écrire.

"Si les gens s'occupaient convenablement de leur progéniture ils s'épargneraient bien des soucis, et à moi un long et douloureux ennui."

Combien de fois peut-on se dire cette phrase lorsqu'on est professeur ? Chaque année me semble-t-il.
Mais quand il est en vacances avec du temps pour lui de créer ses statues de métal, d'aller fouiller les ferrailleurs et se promener dans sa Corrèze d'enfance, il reste inquiet de je ne sais quoi, comme un néant qui rôde, une noirceur sourde qui l'accompagne et qui le rend sensible et finalement créatif.

"De n'être pas rongé d'inquiétude, voilà qui m'inquiète."

Socialement, on sait aussi que l'homme est de gauche, a même sa carte au parti communiste, est un défenseur des petits, syndicaliste convaincu mais se désole devant les gens qu'il est censé représenter :

"(Fête fédérale.11-6-1983) Mais je dispose d'un observatoire exceptionnel sur un monde dont je me suis détourné, à la fin de l'adolescence pour vivre dans les livres. Deux, au moins, des gars sont de ces gens au commerce desquels je préférerais, comme Stendhal l'avoue dans son journal, la solitude du cachot, épais, au physique comme au moral, hâbleurs, amis de la grasse blague et des Kronenbourg. Les autres, des métallos, ont cette allure entière, ouvrière, dans l'action et l'expression, l'affirmation de soi, à quoi s'oppose ma retenue de petit bourgeois."

Il reconnaît son appartenance au monde des bourgeois, à celui des livres et de la culture. le contact avec les autres est d'autant plus frontal. Paradoxalement, il reproche aux grands bourgeois du début du vingtième siècle comme Gide de ne pas connaître la vraie vie, celle où il faut la gagner en travaillant, comme lui, le professeur. Opinion que je partage largement. On pourrait le dire de Proust s'il n'était sauvé par son oeuvre entière.

"Vie facile, bourgeoise que la sienne. Que de temps passé, sans remords, en mondanités et bavardages, en déplacements, en voyages. Nulle allusion aux fatigues du travail, à la dure nécessité de gagner sa vie. Pas d'obligations familiales. Il fait un cas énorme de riens tandis que l'orage monte, que l'Europe s'apprête à entrer en convulsions."

Et les enfants grandissent, et la famille construit une nouvelle maison. le plus grand, Jean, devient un adolescent et son père ne supporte aucun écart, aucune rébellion, aucun manquement à l'étude. Cela commence en primaire avec le plus jeune, Paul, lorsqu'il a huit ans et ne comprend pas d'emblée le système métrique, Pierre écrit tout de suite un drame :

"Tout autour de nous, des êtres en perdition, inaptes à soutenir leur vie, et qu'on passe la sienne à tenter de sauver."

Car s'il s'adonne avec ferveur à la lecture et l'écriture dès potron-minet, Pierre Bergounioux le doit à un serment qu'il s'est fait dès ses dix-sept ans qui est en résumé : « la connaissance ou la mort. » Tenter de « comprendre », de « faire la lumière dans ce monde » est l'une de ses préoccupations majeures. C'est pour cela qu'il ne peut supporter qu'on ne soit pas comme lui, que des personnes soient en train de paresser autour de lui, dans sa maison, dans les cafés, dans les rues. Il est paradoxal aussi que cet homme de gauche soit si méprisant du peuple qui ne lit pas, qui n'est pas éduqué, comme lui a pu le faire, depuis sa province reculée, a eu la chance de le faire devrait-on dire.

"Peu de lieux où se concentrent plus intensément qu'en ses estaminets la tristesse et la déréliction, le néant."

Plus proche de lui, ses enfants n'ont pas droit à l'erreur, certes, il les aide dans leurs tâches scolaires, souvent en concevant de l'humeur mais ne les encourage pas souvent. Ainsi lorsque Jean joue dans une pièce de Molière à la MJC locale :

"Tout le monde se rend à la MJC en soirée (sauf moi) pour assister à la représentation des Précieuses."

Finalement, comme le gros beauf' de base qui ne supporte pas le théâtre, Pierre reste à la maison. Parfois la soif de connaissance est contre-productive.
Enfin Pierre Bergounioux, à force de faire, devient comique, peut-être même sans le vouloir. Il invente des images. Il faudrait qu'il explique ce qu'est "une moustache inculte" par exemple.
Et puis, irrésistible cette phrase :

"Depuis notre retour, j'ai vécu comme une taupe, enfoncé dans les livres, à tenter d'y voir un peu plus clair."

C'est sûr, on y voit tout de suite plus clair !
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Pour qui aime les journaux et pour qui aime Bergounioux je conseille vivement ce livre que l'on feuillette et que l'on lit avec empressement
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Di 21.12.1980

(...)S'il n' y a ni repos ni cesse à escompter du désir de savoir, c'est qu'il n'y a point de terme à la connaissance. Je continue à lire avec la même avidité, la même tremblante fureur. (p. 9)
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Nous aurons passés quarante et un ans ensemble et jamais, sans doute, de tout ce temps, nous ne nous serons vraiment rencontrés. Toujours un écran nous aura séparés et ce n'était pas ma faute ni mon fait. La lutte à mort à laquelle il m'a convoqué, m'aura empêché de lui dire qu'elle place il occupait dans ma vie. C'est maintenant que se dissipent, comme fumées, les sentiments hostiles, la vindicte, la haine qu'il a fait naître en moi, aussi loin qu'il me souvienne, et continuellement attisés. Et je sais encore ceci : que si j'ai tenté de vivre, de m'emparer en conscience de ma vie, d'(en faire un usage rigoureux, orienté, constant, c'est lui qui m'y a contraint, par le rôle qu'il a joué, le défi mortel qu'il m'a lancé.
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(Sur Gide) :
Vie facile, bourgeoise que la sienne. Que de temps passé, sans remords, en mondanités et bavardages, en déplacements, en voyages. Nulle allusion aux fatigues du travail, à la dure nécessité de gagner sa vie. Pas d’obligations familiales. Il fait un cas énorme de riens tandis que l’orage monte, que l’Europe s’apprête à entrer en convulsions.
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Je finis de dactylographier mon récit.
J'avais oublié que c'est jour de concert salle Pleyel. Il me faut prévenir Cathy; pour qu'elle prenne Paul. J'embarque Jean et son copain. Nous sommes rue Hoche vers trois heures. Paris est gai, sous le soleil, et moi passablement mélancolique, irrité des autres réflexions des gosses, sur la banquette arrière. La séance d'aujourd'hui est consacrée à Mozart. Biographie édifiante, avant qu'un orchestre de jeunes amateurs n'exécute la Petite Musique de Nuit, un concerto pour violon et la Symphonie des jouets. Je relis ce que j'ai écrit, que je trouve confus et plat.
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Depuis notre retour, j’ai vécu comme une taupe, enfoncé dans les livres, à tenter d’y voir un peu plus clair.
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Videos de Pierre Bergounioux (18) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Pierre Bergounioux
Cette semaine, Augustin Trapenard est allé à la rencontre de Pierre Bergounioux à l'occasion de la sortie en poche de son livre "Le Matin des origines" aux éditions Verdier. Ce merveilleux ouvrage célèbre l'ancrage profond dans ses racines, dans les terres du Quercy entre Lot et Corrèze, où l'auteur a grandi, dans la chaleur de la maison rose et au sein des paysages qui ont façonné son être. Ces souvenirs, imprégnés dans sa mémoire, représentent une part essentielle de son identité qui demeure là-bas. À travers ces pages, Pierre Bergounioux évoque avec justesse le lien puissant que la terre tisse avec nos souvenirs et nos émotions, révélant ainsi le pouvoir des lieux familiers pour donner du sens à notre passé et à nos moments les plus heureux. Il était donc évident qu'Augustin Trapenard se déplace au coeur de cette histoire, sur les contreforts du plateau des Millevaches, dans sa maison de Corrèze pour un retour aux origines de la vie et de l'écriture.
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