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BRÉSIL, TOUJOURS TERRE D'AVENIR ?

Un pavé, une somme, une masse, un roman-fleuve, roman labyrinthique... Aucun superlatif ni qualificatif ne manquent dès lors qu'il s'agit de résumer l'épaisseur ainsi que le contenu de ce roman paru en 2008, roman éminemment dense, étonnant, polymorphe, d'un auteur, le philosophe et archéologue sous-marin Jean-Marie Blas de Roblès, dont on peut affirmer sans être particulièrement condescendant qu'il n'était guère connu jusque-là, sauf, sans doute, pour ses magnifiques et passionnants ouvrages consacrés à l'archéologie (aux éditions Edisud entre autres) et un ou deux romans ou recueils de nouvelles plus confidentiels, l'un d'eux recevant tout de même le prix de la nouvelle De l'Académie Française... même si cela remonte à 1982 !
N'oublions pas, non plus, de rappeler les détails liés à la confection de cette épopée historico-contemporaine : dix années de travail rédactionnel - sans même prendre en considération les années plus nombreuses encore que demandèrent la compilation de lectures, de documentations, la confrontation des sources et des recherches concernant le fameux Athanase Kircher dont il sera abondamment question dans l'ouvrage -, presque autant de temps pour trouver un éditeur assez fou, un succès aussi bien critique que de librairie (ce qui est assez rare pour le signaler), ainsi que trois prix, dont l'un des plus prestigieux : le Médicis en 2008.

C'est donc nanti de ces premières extravagances que nous abordâmes les rives tumultueuses de Là où les tigres sont chez eux - dont on se sent, à l'image des chroniqueurs précédents, obligé de rappeler que le titre est inspiré d'un vers extirpé aux Affinités électives de Goethe -. Une idée née du plus grand des hasards que cette lecture : quelques pages entraperçues à la volée, et appréciées, tandis que l'ouvrage était l'un des cadeaux d'anniversaire offert à un ami, quelques lignes donc, ainsi que la référence à l'essai fameux de Stefan Zweig, "Le Brésil : Terre d'avenir", le tout publié par les excellentes éditions Zulma, c'était tentant !

«L'homme a la bite en pointe ! Haaark ! L'homme a la bite en pointe !» C'est par cette exclamation détonante, prononcée par la voix aiguë d'un perroquet répondant au nom de Heidegger et appartenant à Eléazar von Wogau, le personnage central du roman que débute ce roman-amazone de (donc) presque huit cents pages, et avouons-le, dans la mesure où il ne s'agit en rien d'un roman érotique de gare, cela augurait bien de la suite !

Après ce prologue en fanfare, le premier chapitre entame, comme ce sera le cas des trente et un suivant, l'étonnante biographie d'un savant jésuite, polymathe et polygraphe, aujourd'hui à peu près totalement oublié : Athanase Kircher. Celui-ci, en véritable esprit de son temps doté d'une culture digne d'un nouveau Pic de la Mirandole, s'attaqua à presque tous les sujets scientifiques de son temps. le magnétisme, la linguistique (langues orientales et hiéroglyphes égyptiennes), la géographie, l'optique et la lumière, la musique, la médecine, les mathématiques, l'archéologie (donnant même à cette science en devenir un nom totalement oublié aujourd'hui : "l'archontologie"), la théologie, bien entendu, la kabbale aussi, etc. Loin d'être le savant qui eut tout faux, ce qui est une injustice que le principal protagoniste du roman ne cesse de répéter pourtant, jusqu'à revenir sensiblement sur sa réflexion, Kircher fut l'inventeur d'un certain nombre d'objets qui existent encore à ce jour : le mégaphone, le microscope (il est d'ailleurs sans doute le premier à avoir observé les globules rouges et blancs... Qu'il prit pour le bacille de la peste), la lanterne magique, l'interphone, une machine à calculer ainsi que le pantographe, le premier musée vraiment digne de ce nom, etc. Portons aussi à son crédit qu'il pourfendit l'alchimie, encore étonnamment étudiée et pratiquée en ce temps. En revanche, Kircher, et c'est ce que nous allons découvrir au fil de l'ouvrage, s'est presque systématiquement trompé - contre les grands noms de son temps, tels Blaise Pascal, René Descartes, Galilée, Isaac Newton et quelques autres grands théoriciens des sciences de ce XVIIème si prometteur en avancées scientifiques - chaque fois qu'il s'est pris à émettre des théories, enferré qu'il était à la fois dans des temps dépassés et dans une foi trop présente dont il faisait le but premier et dernier de toutes recherches et publications, une sorte de cadre de pensée, hélas indépassable. On en serait presque à s'énerver de voir une telle intelligence produire des résultats aussi vains !

Chapitre après chapitre, nous suivons donc le sort de ce père jésuite, sous la plume de son élève puis ami et disciple, un certain Kaspar Schott, hypothétique rédacteur posthume de cette hagiographie totalement inventée par Blas de Roblès dans un français absolument digne de celui à la fois très élégant et très ampoulé de son temps, sans oublier d'en rajouter quant à la la déférence obligée, permanente, de l'élève à l'égard du maître qui rend l'ensemble parfois - l'auteur s'en est donné à coeur joie - aussi loufoque que risible. C'est donc en compagnie de cet Eléazard, un français tombé amoureux du Brésil et, plus précisément, d'Alcantara, une ancienne ville coloniale espagnole en totale déshérence, sise face à Sâo Luis la capitale de l'état de Maranhâo que nous allons suivre une bonne part de ce long racontar. En réalité, ce sont six destinées que Blas de Roblès nous donne à découvrir, indépendamment les unes des autres au point de départ, mais qui sont ou bien liées par leurs acteurs ou finissant par se rejoindre au fil des pages :

- La vie de Kircher et de son disciple Schott, à travers une bonne partie de l'Europe, de leur Allemagne natale jusqu'à Rome.
- La vie et les réflexions sur celle-ci d'Eléazar von Wogau, correspondant de presse ne croyant plus guère à son métier ni aux médias, en instance de divorce, Elaine, père d'une jeune femme nommée Moéma, étudiante en ethnologie. Sa rencontre avec une italienne un peu plus jeune que lui portant un très lourd secret, et Soledad, la jeune femme qu'il a recueilli après qu'elle ait subit un viol et qui est, plus ou moins, sa gouvernante ; elle pratique le candomblé. Eleazard est aussi un habitué du cabinet du Dr Euclides, médecin retraité et bibliomane sur le point de devenir aveugle mais dont le regard lucide, affûté, sans concession, sur le monde et sur la société se développe de manière inversement proportionnelle à sa cécité naissante.
- Un groupe d'archéologue, parmi lesquels l'ex-épouse d'Eléazard, deux chercheurs dont l'un est un ami de longue date et l'autre un carriériste veule et couard. Un étudiant en archéologie, Mauro, fils du gouverneur de Maranhâo et son épouse, une riche héritière. Un trafiquant de drogue, ancien soldat nazi mais qui se fait fort de les emmener à destination et son indien, grand connaisseur de la forêt équatoriale.
- le colonel Moreira, un politique sans scrupule, en passe de faire le coup financier du siècle, ayant profité d'indiscrétions de son ami le ministre de l'industrie sur la future implantation d'une base militaire américaine dans sa région ; et son épouse Carlotta, une femme malheureuse, alcoolique, héritière richissime et cultivée mais dont le mariage est un pur désastre. Et qui va aussi terriblement s'inquiéter pour son fils parti en expédition.
- Un groupe de jeune gens de la classe moyenne, plus ou moins à la dérive, plus ou moins étudiant ou bien jeune prof, plus ou moins à la recherche de l'amour ou d'une destinée. Parmi ceux-ci, Moéma, la file d'Eléazard et d'Elaine, se perdant peu à peu sur les chemins torts et trompeurs de la drogue.
- Deux "sans classe", enfin, survivant dans les favelas de Fortaleza dans l'Etat de Ceara : Nelson, d'abord. Un jeune homme très handicapé par une malformation des jambes, qui survit d'expédients, d'aumône et d'un désir presque inassouvissable de vengeance (tuer le riche qui est à l'origine de la mort accidentelle de son père mineur). L'oncle Zé, ensuite. Un brave homme, camionneur presque illettré mais philosophe inné, et qui s'est pris d'affection pour Nelson qu'il aide comme il le peut.

A travers ces destins plus ou moins brisés, ces personnages sans avenir ou sans passé, ces personnalités parfois à la dérive, parfois au point mort, c'est un univers aux accents bien plus sombres et déprimants qu'il n'y parait de prime abord que Blas de Roblès nous donne à découvrir. Il faudra même attendre pas mal de temps - et de pages - pour augurer des failles qui déchirent ces femmes et ces hommes de notre temps. Mais le désenchantement le plus abyssal est au bout du chemin, semble-t-il.
C'est aussi une profonde réflexion sur l'acte créateur, sur celui de l'écriture en particulier, principalement par le biais de cette relation ambiguë que mène Eléazar avec ce savant oublié de l'Ancien Régime, qu'il étudie depuis tant d'années qu'il en est devenu l'un des spécialiste - sans l'avoir véritablement cherché - mais dont on comprend, à l'instar de ceux de son entourage, qu'il a appris patiemment à détester cet aïeul par l'intellect, parce qu'il n'admet pas qu'il ait pu à ce point se fourvoyer tout au long de son existence, qu'il lui cherche tous les poux possibles pour le rendre ridicule dans ses erreurs, qu'il l'estime n'être rien de plus qu'un faussaire, qu'un bonimenteur, un bricoleur sans envergure mais épuisant de culture et de suffisance modeste (parce que l'homme présente toutes les caractéristiques du saint homme, évidemment). Un personnage historique digne d'entrer dans la légende par le biais de la fiction, plus que par celui des sciences ou de sa véritable biographie. Une sorte de Samuel Johnson (lui aussi polygraphe) un siècle avant l'heure, dont on a retenu le nom grâce à la biographie de son contemporain James Boswell, et qui est considérée comme un modèle du genre, alors que la vie de son instigateur fut tout sauf épique... N'est-ce pas là, précisément, que réside tout l'art et le génie profond de l'écrivain : celui d'être le plus doué des bluffeurs et des charlatans ? Kircher renvoie ainsi l'auteur à une espèce d'image de lui-même, malgré les dissemblances apparentes.

Des réflexions, ce roman démiurgique en d'ailleurs est truffé : sur l'amour, sur la vérité, sur Dieu (ou sur les Dieux), sur les rapports entre l'homme et la nature qui l'environne, sur la violence - violence politique, violence de classes, violence entre les êtres, violence sauvage, violences sexuelles, violence des mots - ; une réflexion sur les origines, nos origines, tout autant que sur notre ou nos avenirs possibles ; une réflexion sur l'universel et le particulier, une réflexion sur la possibilité d'être ensembles, une réflexion plus vaste sur notre propre monde contemporain, lui-même bien souvent désenchanté ou plus subtilement désenchanteur...

Plusieurs entrées sont possibles à ce roman qui, pour être long et très dense, se lit cependant d'une traite, malgré les passage d'un style à l'imitation de celui du XVIIème à un autre, contemporain, mais d'un niveau de langage relativement élevé, au style fluide, précis, capable cependant de passer des pires insultes ou des scènes de violence les plus insupportables aux discussions philosophiques les plus enfiévrées. On pense inexorablement à Jorge-Luis Borgès par certains aspects à mi-chemin entre fantasque et fantastique, on songe aussi inévitablement aux romans du regretté Umberto Eco (mais les moments d'éruditions y sont bien plus accessibles que chez le philologue italien). Des qualités, Là où les tigres sont chez eux n'en est franchement pas avare.

Pourtant... Il y manque quelque chose, ce petit quelque chose qui permettrait d'emballer définitivement le lecteur, un petit quelque chose, peut-être, de la folie d'un Cent ans de solitude, pour rester en Amérique latine, ou encore l'étrange définitif du "Manuscrit retrouvé à Saragosse" (la filiation n'est pas si hasardeuse) de Jan Potocki. Sans doute cette irrésolution finale (la fin ressemble à une sorte d'immense point d'interrogation existentiel : on devine, certes, dans les grandes lignes, l'aboutissement crépusculaire de chacun des destins que nous avons pu suivre, mais tout demeure relativement suspensif et saumâtre comme l'embouchure de l'Amazone) ajoute-t-elle à la distance qui s'insinue lentement entre l'infini dédale des histoires de ce roman et le pauvre lecteur qui n'en peut mais. Sans doute la psychologie des personnages, assez volontairement à l'emporte-pièce, une peu à la manière de ces portraits des Caractères de la Bruyère, chacun représentant un aspect de la psychologie de tous, manque-t-elle aussi d'une certaine finesse, d'un petit rien de complexité hors des sentiers battus et d'une certaine complaisance. Peut-être, aussi, le texte de Jean-Marie Blas de Roblès finit-il par s'adresser bien plus à l'intellect qu'à l'épiderme - ce qui n'est pas qu'un défaut -, aux neurones plutôt qu'au coeur, de peur de tomber dans tous les travers possibles de ce genre de littérature sensiblement picaresque, entremêlant aventures, histoires amoureuses, défaites spirituelles et morales, pensées intimes, rencontres improbables. C'est bien dommage car ce petit supplément d'âme eut parachevé ce roman, excellent et terriblement talentueux nous ne cesserons de l'affirmer, mais dont le baroque voulu est par trop calculé, prévisible, architecturé pour que cette perle littéraire puisse resplendir autant qu'elle aurait dû, laissant ainsi le lecteur dans un entre deux presque gênant dont il ne sait plus que penser à force d'être sollicité.

Le relire pour véritablement l'apprécier dans son entier...? Peut-être.
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Tragédie baroque au Brésil
1982 : Eléazard von Wogau, vague correspondant de presse français expatrié à Alcantara, ville abandonnée du Nordeste, se plonge dans un manuscrit inédit sur la vie d' Athanase Kircher, jésuite du XVIIe siècle, héritier des esprits universels De La Renaissance, mathématicien, linguiste, archéologue, naturaliste, historien des religions, ingénieur, géologue...
Découpé en 32 sections, ce roman vertigineux se cristallise autour de la vie d'Athanase Kircher racontée par son disciple, Caspar Schott, qui ne ménage pas son admiration pour le grand homme. Chaque section commence donc par un chapitre de la vie du jésuite qui fut une sorte de Léonard de Vinci de l'époque baroque, un polygraphe qui a écrit sur tout, polyglotte, rêveur loufoque, fasciné par le prodigieux, curieux de tout et doté d'une formidable énergie. Les tribulations des personnages contemporains se déroulent et s'emboitent autour de cette biographie érudite.
Dans un Brésil écartelé entre misère et opulence, pendant qu'Eleazard décrypte Athanase, Elaine, son ex-femme, remonte le fleuve Paraguay et s'enfonce dans la jungle amazonienne pour une expédition archéologique qui tourne au cauchemar, leur fille Moéma glisse sur la pente dangereuse de l'addiction, Moreira, gouverneur de la Province d'Alcântara, échafaude une machiavélique opération immobilière avec la bénédiction du Pentagone et le jeune Nelson, mendiant infirme des favelas rumine des projets de vengeance à l'encontre dudit gouverneur… Tous sont inéluctablement en route vers leur destin...
Autour de ces vies entrelacées s'échafaude une réflexion profonde sur la condition humaine, le sens de la vie : au nom de Dieu et de la science, des hommes tels que Kircher sont partis évangéliser le monde et le Brésil en particulier et ont fondamentalement modifié le pays et la vie des peuples qu'ils ont rencontrés...
Foisonnant, vertigineux, truculent, un grand roman d'aventure à ambition philosophique, une écriture précise et rythmée, un style enlevé, à déguster avec une caïpirinha !
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De quoi nous parle ce Jean Marie Blas de Roblès, qui, il ne faut pas l'oublier car c'est important, est archéologue?
De la vie d'Athanase Kircher, donc,un jésuite allemand, graphologue, orientaliste, esprit encyclopédique et un des scientifiques les plus importants de l'époque baroque.nous dit wikipedia.
Racontée en chapitres jusqu'à sa mort par un disciple, Caspar Schott, un autre scientifique allemand contemporain, qui a ,lui aussi, existé.
Et ceci grâce à un manuscrit totalement inédit trouvé à la Bibliothèque nationale de Palerme , et parvenu à quelqu' un qui connaît l'oeuvre d'Athanase Kircher mieux que quiconque , et même de façon un peu obsessionnelle, Eléazard von Wogau .
A partir de là on va lire, alternativement, les aventures d'Athanase, les réflexions que celles-ci inspirent à Eléazard, et, parallèlement les aventures de la famille von Wogau et de quelques autres au Brésil.

Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'Eléazard n'aime guère Athanase.Un "artiste de l'échec "l'appelle-t-il. Alors lire et étudier à longueur de journée les louanges de Caspar Schott sur le génie de cet homme ne le mettent pas d'humeur joyeuse dans ses carnets,qui sont la partie je dirais "philosophique" du livre .Réflexions auxquelles il faut ajouter ses conversations avec un ancien jésuite devenu maoïste, Euclides. Il parlent de beaucoup de choses,et entre autres, de ce qu'est l'Histoire.
L'Histoire c'est -ce qui s'est réellement passé , pense-t-il citant Léopold von Ranke ( vous comprendrez le temps que l'on met à lire ce livre, vu le nombre de références , soupir..).
Euclides lui répond Duby : "L'historien est un rêveur contraint, contraint à rêver devant les faits, à replâtrer les failles, à rétablir de chic le bras manquant d'une statue qui n'existe toute entière que dans sa tête."
Et l'art… "Toute l'histoire de l'art et même de la connaissance est faite de cette assimilation plus ou moins poussée de ce que d'autres ont expérimenté avant nous…"

Qui a pensé quoi, qui a écrit quoi.." Ce qui importe, c'est la matière grise universelle, pas les individus qui s'en trouvent par hasard, ou s'en rendent sciemment, propriétaires "( j'ai appris dans ce roman qui avait -vraiment -écrit « Rome, Rome l'unique objet de mon ressentiment etc, ) et tant d'autres choses , que j'oublie, bien sûr au fur et à mesure, hélas..).
C'est dans ces réflexions que Jean Marie Blas de Roblès, archéologue, donc, nous dit beaucoup sur l'histoire, donc, mais aussi la science , science et réalité, ou plutôt science et appréhension du réel , la religion etc, et c'est toujours passionnant. Très érudit aussi , et je recommande de consulter un index qu'il avait rajouté sur tous ceux qui sont nommés.

Cet Euclides va pousser Eléazard à se réconcilier avec le personnage historique qu'il étudie .Et à en tirer des enseignements sur sa propre personnalité, bien sûr.
"Qu'ai-je aimé chez Kircher, sinon ce qui le fascinait lui-même: la bigarrure du monde, son infinie capacité à produire des fables, Wunderkamer: galerie des merveilles, cabinet des fées.. Grenier, cagibi, coffre à jouets où se lovent nos étonnements premiers, nos frêles destins de découvreurs."
"L 'effet Kircher: le baroque. Ou, comme l'écrivait Flaubert, ce désespérant besoin de dire ce qui ne peut se dire…"

C'est un personnage vraiment étonnant, Athanase! Qui au siècle de Galilée , à l'époque où les sciences expérimentales donnent accès à la compréhension, invente lui absolument n'importe quoi de façon complètement compulsive et dans n'importe quel domaine. Il a l'art de profiter de l'évènement, et bien sûr, bénéficiant des faveurs divines, ses inventions et découvertes ne sauraient être contestées. Il y a ainsi des épisodes très drôles au moment d'une épidémie de peste, où il saute sur les bubons pour étudier leurs contenus, découvrant le vermicelle de la peste, installe dans les cercueils des alarmes pour les malheureux enterrés un peu vite, à chaque jour sa trouvaille!
Dans un autre domaine, il est donc persuadé d'avoir percé à jour la lecture des hiéroglyphes, de pouvoir communiquer en chinois et même de pouvoir reconstituer la langue de Dieu lui-même, celle qui était parlée en haut de la tour de Babel , et son dernier ouvrage, intitulé La Tour de Babel, donnait la preuve mathématique que la tour de Babel n'aurait jamais pu atteindre la Lune, attestant ainsi que "sa destruction résultait plus de la folie de son entreprise que de la volonté divine." CQFD.
Et même au moment de sa mort! Avec la balance à peser l'âme que Caspar Schott devait utiliser juste au moment où il rendait son dernier soupir.. Un demi-scrupule pesait l'âme de Kircher…

J'ai vraiment beaucoup aimé toute cette partie de ce roman,peut être un peu moins le reste. Peut être y a-t-il trop de personnages , un peu survolés, du moins si on compare avec le duo Kircher- Eleazard.
Je ne vais pas tout reprendre, mais ces nombreux personnages qui évoluent dans cette histoire suivent chacun leur chemin- et quel chemin pour certains! Ils ont donc tous en commun un rapport plus ou moins familial avec Eleazard, et, comme dans tout bon roman choral, des liens entre eux. Et un destin commun.. En tout cas, pendant qu'Eléazard va se "trouver", les autres vont tous se "perdre".Un peu ou beaucoup.
Même si, à mon avis , les chapitres qui narrent leurs aventures sont d'intérêt inégal, c'est un roman qui est difficile à lâcher.

Quant à ce qu'il raconte vraiment, ce qui est vrai, ce qui est faux, alors là…:
"Le problème n'est pas de savoir si un tel a vraiment dit ce qu'on lui fait dire, mais de juger si on a réussi à le lui faire dire d'une façon cohérente. La vérité n'est-elle pas ce qui finit par nous convenir assez pour que nous l'acceptions en tant que telle? le cas limite de la satisfaction, disait W.V. Quine."

Très satisfaite, moi!
Bien sûr, si vous aimez les textes concis, vous évitez..












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— L'homme a la bite en pointe ! Haarrk ! L'homme a la bite en pointe ! fit la voix aiguë, nasillarde et comme avinée de Heidegger. [J.M.B.de R.]

Heidegger, ici, c'est un perroquet, le perroquet d'Eléazar von Wogau, un correspondant de presse établi au Brésil qui a accepté de commenter l'édition de la biographie hagiographique d'Athanase Kircher rédigée par son disciple Caspar Schott. Athanase Kircher est un polymathe jésuite du XVIIe siècle, époque baroque s'il en est. Il intervint dans tous les sujets scientifiques de son temps que ce soit l'archéologie, les langues orientales, l'égyptologie et les hiéroglyphes, la géographie, les mathématiques, la musicologie, l'astronomie, la physique et l'ingénierie, ou la géologie et la volcanologie, tout cela teinté fortement de théologie. Comme l'affirme Jean-Marie Blas de Roblès par la voix d'Eléazar, « Kircher est baroque, tout simplement baroque ». Par-dessus l'épaule d'Eléazar, on suivra, curieux et étonné, le parcours de Kircher tel qu'il nous est narré par Schott, mais cette lecture sera accompagnée des commentaires du journaliste. Et, ces commentaires ainsi que les réflexions qu'ils provoquent sont autant de moments pour poser la question de notre rapport à la science, de notre rapport à la connaissance.

Dans l'instant prolongé où se déroule cette lecture et ce voyage dans le temps et dans l'espace vers une Europe baroque et friande de cabinets de curiosités, la vie brésilienne s'anime et des fenêtres s'ouvrent sur d'autres réalités, elles bien actuelles. On suivra ainsi les difficiles pérégrinations d'un groupe d'archéologues dans la forêt équatoriale, les tractations malveillantes du gouverneur Moreira da Rocha autour d'un projet de base militaire, les explorations psychédéliques d'un groupe de jeunes gens frayant dans les favelas, une aventure spirituelle et sexuelle liée aux rites du candomblé. On assistera à des dérives, des déroutements, des dérapages. Puis, on verra une société mouvante, pleine de contradictions, une société qui se cherche et qui s'invente. On y portera un regard intéressé comme celui d'un ethnologue, à la façon dont Jean-Marie Blas de Roblès nous invite à le faire.

Jean-Marie Blas de Roblès nous entraîne ainsi dans un périple vertigineux où l'intelligence est à l'avant-plan. Il nous offre un roman construit autour d'un livre, livre qui lui-même porte ses références et son histoire qui jongle avec la vérité et l'édification d'un monde de connaissances. Il faut accepter de plonger dans son univers et on ne regrettera pas notre décision. On sera tenté de s'arrêter pour noter des réflexions, pour citer des phrases qui marquent, qui imprègnent notre pensée et nous propulsent plus loin, plus avant.

Eléazar von Wogau note à propos de l'hagiographie de Kircher qu'il commente : « QU'AI-JE AIMÉ CHEZ KIRCHER, sinon ce qui le fascinait lui-même : la bigarrure du monde, son infinie capacité à produire des fables. ». Je pourrais tout à fait reprendre ce jugement pour l'appliquer tel quel à ce que j'ai aimé chez Jean-Marie Blas de Roblès et son Là où les tigres sont chez eux.


Lien : https://rivesderives.blogspo..
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N°329– Mars 2009
LA OU LES TIGRES SONT CHEZ EUX – jean-Marie BLAS DE ROBLES – ZULMA Éditeur. Prix Médicis 2008.

Quand j'ai vu le livre pour la première fois, j'ai hésité. Je n'aime pas beaucoup les « pavés » et je n'ai pas de bons souvenirs des « Frères Karamazov » et de « Guerre et paix ».

C'est en fait une drôle d'histoire [dont l'écriture a demandé à l'auteur pas moins de 10 ans de travail], ou plus exactement de drôles d'histoires qui s'entrecroisent, sans apparemment de lien direct les unes avec les autres. Eléazard von Wogan, correspondant de presse un peu esseulé et inquiet, domicilié à Alcantara dans le Nordeste brésilien qui transmets à son journal des dépêches qui n'intéressent personne. Il est séparé de son épouse Elaine et tente de se placer auprès d'une journaliste italienne, Loredana. On lui transmet un jour, en vue de sa publication, un manuscrit inédit qui retrace la vie authentique d'un célèbre jésuite du XVII°siècle, Athanase Kircher, surnommé « le maître des cent arts » grand voyageur, érudit, extravaguant, curieux, excentrique et génial inventeur comme le sont souvent les membres de cette Compagnie. Il passera pourtant à côté de la science de son temps et même se rendra coupable d'erreurs multiples. La supériorité intellectuelle du jésuite va l'opposer à l'Inquisition et le confronter à la condamnation prononcé par l'Église contre Galilée et ses théories, le mettant lui-même en situation d'hérésie. Cette biographie va servir de fil d'Ariane à ce roman et fascinera le narrateur au point de voir sa vie en être modifiée.

Eléazard, en plus d'être le témoin privilégié de la vie de cet ecclésiastique, va croiser une multitude de personnages comme on en voit souvent dans les contrées les plus reculées du globe en se demandant comment une région aussi désertique peut attirer tant de monde. Elaine, son ex-épouse, archéologue en mission au Mato Grosso, Moema, lesbienne et droguée, fille de la précédente, vaguement étudiante qui cherche sa voie mais qui aime surtout la marginalité et ses illusions, Nelson, jeune infirme des favelas qui remâche sa révolte contre son sort, la société ou on ne sait quoi? Dietlev, Milton et Mauro, universitaires et étudiant, à la recherche d'improbables fossiles, Herman Petersen, aventurier bolivien qui se veut un authentique Allemand, un peu nostalgique du nazisme et de sa violence aveugle. Moreira da Rocha, gouverneur sans scrupule, corrompu et magouilleur vers qui ne vont pas les sympathie de l'auteur, on le sent bien. Autant de personnages qui nous sont ici révélés, avec chacun leur leurs qualités, leurs fantasmes, leurs travers. Chacun se meut dans sa jungle personnelle qui ne manquera pas de le phagocyter

Dans ce roman fleuve, l'érotisme se mêle au réalisme cru et parfois horrible. C'est aussi un roman baroque, non seulement parce que l'un des personnages, Athanase Kircher, s'inscrit au XVII° siècle, mais aussi parce que l'action contemporaine se passe au Brésil, ce pays baroque, non seulement par la jungle mais également par les favelas. Dans ce récit dans lequel le lecteur peut se sentir un peu perdu, se mêlent fiction et réalité mais finalement il s'y retrouvera à la fin, pour peu qu'il suive jusqu'au bout la démarche de l'auteur.

Le style est agréable, fascinant, poétique même par moment, érudit assurément, avec une grande richesse de vocabulaire. Il sous-tend un récit passionnant et exotique, à la narration éblouissante, dans ce Brésil, de toutes les démesures qui s'attache le lecteur jusqu'à la fin... Une grande oeuvre, picaresque, comme je les apprécie aussi parfois. Je pense, en effet, que lorsque les auteurs choisissent ainsi de s'exprimer dans notre belle langue française, ils la servent et le lecteur ne peut que l'apprécier.

J'y vois un parcours initiatique et de retour aux sources, une quête impossible autant que la recherche d'une improbable vérité qui se révèle malheureusement être une tromperie de plus.


Hervé GAUTIER – Mars 2009.http://hervegautier.e-monsite.com 
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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L'histoire se déroule au Brésil, un journaliste française lit un manuscrit relatant la vie d'Athanase Kircher, personnage extraordinaire ayant vécu au XVIIème siècle. En même temps, on suit sa future ex-femme, paléontologue qui avec son équipe part en expédition à la recherche de fossiles. Mais aussi leur fille de dix-huit ans, Moéma, qui part à l'aventure avec sa copine et un professeur sympa...

Une histoire vraiment prenante même si par moments, l'histoire d'Athanase devient longue et répétitive mais elle est vraiment intéressante et quelques passages sont hilarants. Dommage que la fin soit un peu une désillusion... Les autres histoires qui gravitent autour de celles-ci sont aussi intéressantes à suivre même si certains moments sont déconcertants. Mais des personnages que j'ai aimé suivre même si l'ensemble me laisse une impression légèrement amère...
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Très beau voyage, avec peut-être - comme dans tout voyage - des passages à vide. Malgré la richesse du style (des styles ?) et des thèmes, je me suis surpris à retrouver avec lassitude certains personnages. Sans doute parce que ce que vivaient les autres avait une telle intensité que la comparaison jouait en leur défaveur et m'ont fait friser l'impatience.
Mais quand même, quel beau voyage !
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Là où les tigres sont chez eux peut être qualifié de pavé, de beau pavé je dirais même. Près de 900 pages très enrichissantes qui nous proposent des réflexions et nous font prendre conscience de la réalité qui nous entoure, des personnages haut en couleur et une fin qui me laisse perplexe malgré le recul pris pour écrire cette chronique. Ce livre réserve son lot de surprise.

Les chapitres sont relativement nombreux et de bonne taille ; entre 20 et 30 pages en moyenne, ce qui facilite et rythme la lecture mais permet également de faire des pauses. Chaque chapitre est introduit par des extraits de la biographie de Kircher, éminent savant du XVII, racontés par Caspar Schott. La vie d'Athanase Kircher est palpitante, l'auteur n'a de cesse de nous le présenter sous un jour différent, variant ainsi les plaisirs de la lecture. Nous admirions Kircher, nous le détestons, nous doutons de la paternité qu'il s'octroie parfois, nous sommes avides d'en apprendre davantage sur lui.

Kircher est loin d'être le seul personnage de ce récit, sinon quoi je pense que ma lecture aurait été un peu ennuyeuse. J'ai donc pris plaisir à suivre le parcours des autres personnages, à notre époque, chacun évoluant dans un lieu différent. Tous les changements de personnages et de lieux sont indiqués, le lecteur angoissé n'a pas à s'inquiéter : il ne peut se perdre. Les liens qui unissaient les multiples protagonistes n'étaient pas toujours identifiables de prime abord, ce fut donc une sorte de jeu que de mettre le doigt dessus, puzzle géant dans lequel les pièces ne coïncidaient pas forcément avec l'estampe à reproduire.

Eléazard, Elaine, Moéma, Nelson, Mauro, Loredana, Soledade, Kircher et bien d'autres sont autant de personnages emblématiques du livre, chacun jouant son rôle avec plus ou moins d'efficacité. Indépendamment des autres, la vie de chacun d'entre eux est très riche, elle nous ouvre les yeux sur un pan de la société, sur les contrastes saisissants qui fissurent le Brésil de part en part. Mises bout à bout, toutes ces existences façonnent une gigantesque toile qui semble représenter une certaine réalité, celle d'un monde dans lequel nous déambulons, aveuglés par des sentiments néfastes, à la recherche de la sérénité. À ce titre, un passage m'a particulièrement marqué ; Roetgen ( le professeur de Moéma ) et les pêcheurs d'un petit village à la marge. Roetgen constate avec effroi que la vie que nous menons n'est que faste et poussière, existences décousues dont nous ne sommes même plus les véritables maîtres, dont les rênes nous ont depuis longtemps glissées entre les mains.

L'auteur nous offre donc un large éventail de personnage, des sauts dans le passé avec Kircher et un retour à la réalité avec les autres. Chaque point de vue nous apporte quelques choses, réflexion et prise de conscience, découvertes et révélations, je ne me suis pas ennuyée même si l'action n'est pas vraiment présente. Je dirai qu'il s'agit d'une histoire progressive dans laquelle chaque engrenage avance doucement, laissant aux autres le temps de s'installer afin que la machine fonctionne correctement. Il me semble nécessaire de prendre son temps pour savourer cette oeuvre, pour tenter de comprendre les mécanismes du récit.

Certaines situations peuvent vous sembler communes voire stéréotypées, je vous l'accorde, elles n'en demeurent pas moins cohérentes et vivantes. Moéma a beau représenter l'image somme toute banale et caricaturale de la fille homosexuelle qui fume, qui boit, qui baise à droite à gauche, son personnage nous offre bien plus que cela, il nous livre la pensée d'une jeune femme qui vit en marge de la société, qui s'éveille et ouvre progressivement les yeux sur un autre moyen de vivre et de profiter, une prise de conscience progressive qui la rend presque attachante.

Une série de coïncidentes et d'imprévues vont contraindre les personnages à changer de parcours et/ou d'orientation, c'est dans un sens ce qui fait le charme de ce récit : son caractère imprévisible et la richesse de ses explications. On se demande quels enseignements doit-on retenir de tout cela. Morale et valeurs se fraient un chemin dans l'aveuglément dont sont victimes certaines personnes. Il n'est jamais trop tard pour ouvrir les yeux et son esprit. Il y a énormément de chose à dire sur un livre de cette envergure, pas seulement parce que ce livre est un pavé mais parce qu'il recèle de nombreux passages éclairants.

La lecture est addictive, je n'ai pas vu les 900 pages défiler même si j'avoue avoir mis du temps à lire ce livre. le style très vraiment très prenant. Tout au long de la lecture j'ai eu l'impression de cotoyer quelque chose d'indéfinissable, une impression qui tantôt se fracassait, tantôt se renforçait. Je pense que la lecture des Carnets d'Eléazard n'est pas étrangère à ce phénomène, j'ai trouvé ces carnets particulièrement intéressants voire croustillants – sorte de réflexion sur tout et n'importe quoi, moyen de laisser s'exprimer une facette de notre personnalité. le personnage d'Eléazard se permet de passer quelques coups de gueule qui m'ont bien fait rire, j'ai vraiment adoré cet homme.

Je n'aurai qu'un seul gros bémol pour ce livre, il s'agit de sa fin beaucoup trop ouverte pour moi. Tout au long de la lecture l'auteur nous propose un livre riche et complet, la fin est presque brutale, trop nette pour coller avec l'ambiance du livre, en ce sens je pense qu'un petit épilogue aurait permis aux lecteurs de ressortir de la lecture avec l'esprit un peu moins confus. Je me pose encore des questions avec cette fin, sans doute est-ce le but recherché mais je ne comprends pas la démarche. 900 pages très complètes pour une fin trop rapide et soudaine.

Je tiens toutefois à soulever ce qui me semble être un gros point positif, il s'agit des nombreuses annotations d'Eléazard sur la biographie de Kircher, annotations que vous retrouvez à la fin du livre. Elles ne sont pas indispensables pour comprendre le récit mais cela le rendra plus riche. Je n'ai pas toujours lu ces notes afin de ne pas casser mon rythme de lecture. La fin du livre est également doté d'un glossaire qui répertorie l'ensemble des termes brésiliens utilisés par l'auteur. Vous trouverez aussi une table des matières.

Je pourrai vous parler encore et encore de ce livre, aborder avec vous les autres personnages mais la chronique perdrait sans doute en intensité et votre attention diminuerait. Là où les tigres sont chez eux est un roman-fleuve, un roman-monde, un roman-monstre ( Prix médicis ), un roman-jungle ( Valérie Marin La Meslée ). Ce livre nous offre une plongée au coeur d'une réalité inaccessible, une jungle de sensations. J'ai apprécié ma lecture mais je déplore une fin trop brutale qui rompt avec l'harmonie qui s'était installée.
Lien : https://wolkaiw.blogspot.fr/..
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Surtout, ne pas se décourager par les presque 800 pages de ces histoires enchevêtrées, poursuivre sa lecture comme Eléazard von Wogau poursuit son travail, avec ses doutes et ses interrogations. S'attacher jusqu'au bout à suivre les destins croisés des personnages de ce récit foisonnant. Et à travers eux ou parfois comme eux, s'interroger sur ce que nous sommes, individuellement et collectivement.
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Nostalgie du baroque. Jean-Marie Blas de Roblès, Là où les tigres sont chez eux.

Extrait :
Là où les tigres sont chez eux est un bon roman et c'est déjà pas mal. Il s'agit pourtant du livre sans doute le plus décevant de cette rentrée littéraire parce qu'il n'est qu'un bon roman qui n'a pas tenu ses promesses, qui n'a pas réalisé ses ambitions.
L'ambition réside d'abord dans l'ampleur et la structure narrative de ce roman dont l'action se déroule au Brésil, une structure complexe qui va se mettre en place dès le premier chapitre. le prologue commence ainsi :

« – L'homme a la bite en pointe ! Haarrk ! L'homme a la bite en pointe ! fit la voix aiguë, nasillarde et comme avinée de Heidegger. Brusquement excédé, Eléazard von Wogau leva les yeux de sa lecture ; pivotant à demi sur sa chaise, il se saisit du premier livre qui lui tomba sous la main et le lança de toutes ses forces vers l'animal. A l'autre bout de la pièce, dans un puissant et multicolore ébouriffement, le perroquet se souleva au-dessus de son perchoir, juste assez pour éviter le projectile. Les Studia Kircheriana du père Reilly allèrent s'écraser un peu plus loin sur une table, renversant la bouteille de cachaça à demi pleine qui s'y trouvait. Elle se brisa sur place, inondant aussitôt le livre qui s'y trouvait. – Et merde !... grogna Eléazard. Il hésita un court instant à se lever pour tenter de sauver son livre du désastre, croisa le regard sartrien du grand ara qui feignait de chercher quelque chose dans son plumage, la tête absurdement renversée, l'oeil fou, puis choisit de revenir au texte de Caspar Schott. »

Eléazard dont le nom et le prénom sont eux-mêmes atypiques pour un Français est atopon à plus d'un titre. Géographiquement d'abord, puisqu'il vit à Alcântara dans le Nordeste, loin de tout ; professionnellement, puisqu'il est correspondant de presse dans une région où il ne se passe presque rien ; affectivement, puisqu'il vient de se séparer de sa femme Elaine, paléontologue en mission dans le Pantanal au sud-ouest du pays, qui ne supportait plus son cynisme et que sa fille, Moéma, vit à Fortaleza où elle est inscrite à l'Université et qu'il vit maintenant seul avec son perroquet imbécile qui répète sans cesse que « l'homme a la bite en pointe » au lieu du vers de Hölderlin « l'homme habite en poète » et Soledade, sa femme à tout faire qui ne fait d'ailleurs rien si ce n'est regarder la télévision, l'aimer en secret et lui servir à boire ; intellectuellement enfin puisque en plus d'être un spécialiste d'Athanase Kircher, un jésuite du XVIIème siècle qu'il a cessé d'étudier par désenchantement pour se consacrer à l'inactivité la plus totale, il a également renoncé à écrire, Bartleby moderne. Mais voilà qu'en cette matinée de juin 1982, Eléazard vient de recevoir d'Europe un manuscrit inédit, une biographie de Kircher par son disciple et ami Caspar Schott.

La suite ici : http://bartlebylesyeuxouverts.blogspot.com/2008/10/nostalgie-du-baroque-jean-marie-blas-de.html
Lien : http://bartlebylesyeuxouvert..
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