Les parois du cœur humain sont minces. On entend tout ce qui se passe chez lui. Si blindé qu'il se veuille, il finit en retour par entendre tout ce qui se passe chez les autres. Parvenu à la maturité de sa carrière, Anquetil ne fut pas insensible au dépit amoureux de ces foules qui espéraient tant de lui qu'elles le conspuaient. Comme on voit au crépuscule de la vie de vieux oncles réputés grigous modifier leur testament, il décida de prendre le départ de ce Tour de France où il n'avait rien à gagner et tout à perdre, de sacrifier à la prodigalité et au panache, de courir pour le seul bénéfice moral, de mener sa guerre de reconquête comme on finit par épouser la femme qu'on feignait de dédaigner. Ce faisant, Anquetil entreprenait simplement d'investir un royaume qui lui appartenait déjà.
Gymnaste, ballerine, sylphide ? On ne sait comment qualifier cette Lolita olympique qui semble avec une grâce implacable triompher de la loi commune de la pesanteur sans un effort d'accommodement. Lovée aux barres asymétriques, elle passe de l'une à l'autre dans un éclair souple de perruche. A la poutre, elle se fait palombe en lisière d'un toit. Quand elle est au sol, ses mouvements n'amusent pas le tapis, ils l'enchantent, en fond un tapis volant. Sous son effleurement, le cheval d'arçons, c'était Pégase, des ailes lui ont poussé. Nadia s'envole, Nadia nous quitte, la fille de l'air joue la fille de l'air. Ne cherchez plus l'ange blanc, le voilà ! On ne juge pas les anges. Certes, la jeune écolière roumaine a obtenu la note, jamais vue, de la perfection. Ce record-là ne pourra, par définition, être battu mais il est de peu d'importance au regard de la performance qualitative que Nadia Comaneci vient d'établir. Celui-ci aura la vie plus dure encore aux yeux du souvenir.
Au moment où l'on brandit la menace d'un sport définitivement broyé par les grandes machineries d'État, ce qui fut le comportement et l'attitude de Colette Besson dégage une leçon chaleureuse qui n'est pas loin d'avoir une saveur d'école buissonnière. On retrouve sur ces bancs glorieux d'autres francs-tireurs médaillés de Mexico, comme Hemery, Doubell, Fosbury ou même Gammoudi, qui n'émargent pas à un enseignement systématique traditionnel et, à la lumière des larmes de Colette Besson, il était permis de se demander si ce qu'on avait été amené à lui reprocher naguère ça n'était pas précisément une certaine forme d'amateurisme absolu. On était également tenté de souhaiter que se perpétuât cette race de champion de l'entreprise privée.
Le Tour est mon manteau parce que je m'y sens enveloppé, protégé et, ce qui m'est bien nécessaire, guidé. Ainsi, dans le cadre et l'encadrement du Tour, j'ignore la vacuité des jours et leurs agressions. En vérité, je crois qu'il n'existe que trois endroits privilégiés où l'adulte civilisé puisse éprouver sa liberté : un taxi, quand le chauffeur baisse le drapeau du compteur ; les toilettes, quand se ferme le verrou ; et le Tour de France, quand la course situable et intouchable nous livre la plus délectable des solitudes : celle qui est peuplée.
Le rugby, tel qu'il est, ne manque pas de chaleur. il possède spontanément la dimension pittoresque. Si paradoxal que cela puisse paraître, on aime d'abord l'ovale pour sa rondeur. La majesté lui est donnée par surcroît, quand on s'est pénétré de toutes les valeurs qu'il libère.
Michel Audiard, San Antonio, Antoine Blondin, monuments de la gouaille populaire, ont disparu avec le xxe siècle. le moule est-il cassé, le style perdu à jamais ? C'est sans compter sur JoeyStarr et Polo Labraise, issus de la culture rap pour l'un et du journalisme sportif pour l'autre, qui ressuscitent ici un argot irrévérencieux avec ses formules hilarantes autour de la vie d'un détenu-écrivain et de son curieux avocat…
En librairie le 15 mai : https://www.fayard.fr/livre/le-code-penal-en-argot-9782213727325/