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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Normalement, à un moment, on lira Bolaño.
J'ai attendu, longtemps, un peu nerveux, cette rencontre obligée.
Il faut dire aussi que ses livres retournent rarement sur le marché de l'occasion, encore un signe…
Avec la parution de ses oeuvres complètes à L'Olivier, la circulation renait.
...
« Je crois que mon roman comporte autant de lectures qu'il contient de voix. Il peut se lire comme une agonie. Mais aussi comme un jeu. »
...
Oui… suffit d'en parler avec d'autres lecteurs… selon la période de sa vie…
Lola l'a lu à la fin de son adolescence; elle en garde dix ans plus tard un souvenir fougueux, l'excitation de la poésie, l'émancipation de la jeunesse…
...
Paul, à l'aube de la quarantaine, en retient surtout cette délicieuse impossibilité de la création, ce tapis-roulant de l'Avant-Garde qui ne s'arrête jamais, cette quête dérisoire de la Modernité.
On y comprend, à demi-mot, les raisons de la fin des grands courants artistiques, collectifs, au passage du millénaire, et son triomphe provisoire de l'individu. du refus affirmé des figures tutélaires, celle d'Octavio Paz pour les mexicains, avec en interrogation de l'auteur, la poésie a-t-elle encore quelque chose de nouveau à raconter ?
...
On y observe ces individus, perdus dans l'océan des possibles, ivres d'une liberté toute relative, avec pour beaucoup la mécanique destructrice de l'attraction-répulsion comme moteur amoureux. Un roman d'apprentissage du néant, à la lecture aisée mais bel et bien chaotique.
Bolaño se rit de Belano tout autant qu'il le pleure. Fuis moi je te suis, suis moi je te fuis.
...
En mélangeant les auteurs réels et imaginés, l'histoire et le roman, Bolaño écrit cette poésie sans jamais en faire, le Gouffre ayant avalé la Ravine… et la souffrance est dérisoire… comme cette quête ultime de ce qui n'a pas encore été lu ou écrit… l'oeuvre la plus désirable car inatteignable…
...
L'agonie de la création quand elle devient un but en soi… disparu ce mirage sauvage que la jeunesse permet d'entrevoir… « parce que nous sommes seuls et que nous sommes perdus. »
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Il etait temps que je fasse honneur a mon avatar. J'ai choisi un petit pave bien en chair, de ceux qu'on aime tenir a deux mains. Un gros livre, quoi! Mais quel livre! Il est compose de trois parties, distinctes. La premiere, le journal d'un jeune mexicain, Juan Garcia Madero, gravitant autour d'une bande de poetes, qui s'auto-proclament “real-visceralistes", reprenant le nom porte par un mouvement litteraire d'avant-garde une ou deux generations avant eux. La troisieme continue avec ce journal, et raconte son periple, avec les deux leaders du mouvement, Ulises Lima et Arturo Belano, de Mexico City jusqu'au desert du Sonora, pour trouver une ancienne poetesse qui leur est devenue mythique, Cesarea Tinajero, et en meme temps pour aider une petite putain a fuir son maquereau. le road-trip insense de poetes-bouffons, dangereux, pathetique. “…mais ne vous en faites pas, le poète ne meurt pas, il s'enfonce, mais il ne meurt pas." La deuxieme partie est une violente interruption de cette, relativement classique, trame. C'est la plus longue partie, et elle repudie tout modele traditionnel de roman, ignorant la necessite de protagonistes, de heros, et meme de narrateur. C'est une suite de temoignages, de monologues de differentes personnes, qui racontent des souvenirs, des rencontres, fortuites ou plus regulieres, avec Ulises Lima et surtout Arturo Belano, depuis 1976 (date de leur depart pour le Sonora) jusqu'en 1996. Des rencontres sur tous les continents, au Mexique, a Barcelone, a Paris, en Autriche, en Israel, en Angola et au Rwanda. Des monologues de gens de differentes nationalites, de differents metiers, qui en fait se racontent, eux-memes, ce qui donne une multitude d'histoires, comme une suite de nouvelles dont le fil qui les coud est le rapport aux deux poetes.

Parmi tous ces temoins monologuant (en revenant au texte j'en ai compte 54, mais je me suis peut-etre trompe), un, qui revient souvent, donne une clef pour la troisieme partie. C'est un ecrivain public qui garde la memoire de la poetesse mythifiee, et possede un fascicule avec son seul et unique poeme publie: Sion. Un poeme visuel, sans mots. Trois lignes, une droite, une ondulee, une brisee. Et un tout petit rectangle sur chacune d'elles. “C'etait tout ce qui restait de Cesarea, j'ai pense, un bateau sur une mer calme, un bateau sur une mer agitee, un bateau dans la tempete”.

De toute cette deuxieme partie, le narrateur des deux autres grands chapitres, Garcia Madero, est absent. On y suit, on y devine, le devenir chaotique des deux tetes du “realisme visceral", Lima et Belano, mais on ne dit rien sur lui. Personne ne s'en rappelle. Il n'est pas important. Et pourtant le livre se termine quand il reste seul dans le desert avec la petite putain sauvee et qu'il lui pose des devinettes. Des devinettes graphiques. Des petits carres avec de petits details qui les differencient. Des devinettes ou des poemes graphiques? C'est peut-etre lui le plus poete de tous, le vrai, le seul continuateur de Cesarea Tinajero?


Enormement de themes sont developpes dans cette oeuvre. L'initiation a la poesie, entendue comme une recherche de sens, d'ideal, recherche qui peut s'averer dangereuse, nocive. Une recherche qui, du passage de l'adolescence a l'age adulte, menera les uns a la frustration et au vide, d'autres a l'autodestruction. Un autre theme central en est la memoire. Toute la deuxieme partie est a mon avis un enorme classeur d'archive, touffu et desordonne, documentant et maintenant la memoire de trois poetes, Lima, Belano, et la mythique Tinajero. Ce theme de memoire est d'autant plus fort qu'il est clair que Belano n'est autre que l'auteur, Bolano. Lima n'est autre que Mario Papasquiaro, avec qui Bolano s'etait lie (en 1975) au Mexique pour former le mouvement poetique des “infrarealistes", mouvement qui n'a pratiquement rien donne et il est heureux qu'au moins Bolano soit passe a la prose. Et autour et alentour de ces deux personnages camoufles et romances apparaissent enormement de poetes et d'auteurs reels. Beaucoup d'entre eux deja oublies, a qui l'auteur redonne une vie romancee, qu'il rappelle ainsi a notre memoire.


C'est un de ces livres ou je me perds et lentement, lentement, me retrouve. Qui m'embrasent. Il y a des livres comme ca. Qui me font sentir, tout en suscitant enormement de reminiscences, qu'ils sont differents. Que j'ai sous les yeux quelque chose de neuf, et en meme temps vieux comme le monde. Ils ne ressemblent a aucun autre mais ils en rappellent beaucoup. Justement ceux qui m'ont frappe par leur etrangete. Qui m'ont souleve, m'ont fait leviter au dessus de leurs pages. Qui m'ont marque, ont ete les grands jalons de ce que je designerais (avec un peu de grandiloquence, ca fait bien) ma culture livresque (il faut que je redescende sur terre, vite). Il y a des livres comme ca. Qui ouvrent une nouvelle breche ou s'engouffrera bientot toute une generation. Qui seront taxes de fou, de genial, de maudit. Eleves aux nues par les uns, excommunies par les autres. Des livres revolutionnaires. Et ce livre est une revolution. “Et alors je lui disais : comment peux-tu dire que tu es marxiste, Jacinto, comment peux-tu dire que tu es poete si ensuite tu fais de telles declarations, tu penses faire la revolution à coups de proverbes ? Et Jacinto me répondait que franchement il ne pensait plus faire la revolution d'une maniere ou d'une autre, mais que si une nuit ça le prenait, eh bien ce ne serait pas une mauvaise idee, avec des proverbes et avec des boleros.”


Avec ce livre nait une nouvelle generation de latino-americains. Parce que le realisme magique y est oublie, fini, relegue aux sieges du fond, tout comme les folklorismes particuliers. Parce qu'il revient a Borges, a Joyce, a Musil, qu'il mentionne souvent; a Lowry, dont une citation ouvre le livre. Il renie les peres et revient aux grands-peres.
Chaque generation se revolte contre la precedente? Non. Affirmation exageree. Chaque generation, pour s'affirmer, doit mettre en question les valeurs de la precedente? Question. A verifier. Et si on pose la question a l'envers, qu'en est-il de la transmission? Mais je m'eparpille, je m'effiloche, je me perds. Revenons a nos moutons. Bolano fustige, renie la generation d'auteurs qui l'ont precede, mais en un meme temps, d'un meme souffle, travaille a la sauvegarde de leur memoire. Ce livre est novateur a tous points de vue, mais c'est aussi le livre d'un continuateur, d'un fidele heritier. Un grand livre. A lui tout seul, il aurait pu etre l'oeuvre d'une vie. Mais heureusement Bolano etait un forcat de l'ecriture. 2666 m'attend.
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Los Detectives Salvajes
Traduction : Robert Amutio

ISBN : 9782070416769


Ah ! mes amis, quel livre ! Il ressemble à une piñata gigantesque que des adultes ivres de mots et d'écriture auraient bourré de tout et de n'importe quoi, de la gourmandise la plus délicate au bout de chiffon élimé encore poisseux d'un reste de sucre. A certains moments - c'est plus fort que soi, surtout avec l'un des deux héros prénommé "Ulises" - on songe à Joyce. La même puissance, qu'on dirait aveugle alors qu'elle est sait très bien où elle va, à l'oeuvre dans "Ulysse", est ici au rendez-vous, une puissance encore décuplée - que dis-je ? centuplée - par la chaleur des Tropiques. le roman fleurit, s'ouvre, se déroule, s'étale avec l'exubérance tenace et l'éclat carnassier des plantes de ces pays. Certains passages - comme le monologue mettant en scène Heimito Künst, à Vienne, ou l'errance avec Hans, sa femme et leur fils, entre l'Espagne et le sud de la France, sur laquelle ne cesse de planer un danger bien difficile à identifier - flirtent avec l'incohérence ou l'inutilité. D'autres - comme la découverte du seul poème publié de Cesárea Tinajero dans la revue qu'elle édita jadis - ne peuvent se passer sans nuire à la compréhension de l'histoire et du but ultime de nos deux chercheurs du Saint-Graal littéraire. Mais tous, fût-ce le moins compréhensible, le plus gratuit en apparence, à l'exemple des diverses réflexions sur la littérature espagnole et latino-américaine à la Foire du Livre de Madrid en 1994, tous accrochent le lecteur comme autant de ronces teigneuses et déterminées qui le ramènent à ce tourbillon de folie, d'onirisme, d'imagination et, bien sûr, de poésie qu'est l'univers de Roberto Bolaño.

Lire "Les Détectives Sauvages" est une expérience de lecture authentique, comparable à celle que vous faites en découvrant l'"Ulysse" de Joyce, "Le Bruit & la Fureur" de Faulkner ou, plus proche de nous mais sans doute moins connu (et on peut le regretter), "La Maison des Feuilles" de de Mark Z. Danielewski. Tout lecteur digne de ce nom comprendra sans peine qu'il faut donc s'accrocher fermement à son siège et à ses pages tout en s'abandonnant en confiance au courant qui prend possession de soi. Il saisira tout aussi vite que "Les Détectives Sauvages" n'est pas un livre à lire n'importe où, n'importe quand. Privilégiez un lieu calme et une période calme, où vous pourrez prendre tout votre temps pour bâiller, tourner vos pages, vous dire "Ce type est fou !", revenir en arrière, relire, savourer un ou deux détails qui vous avaient échappé, réfléchir un moment à ce que tout cela suscite en vous et penser soudain : "Ce type est génial !"

Vous entrerez tout de suite dans "Les Détectives Sauvages" - ou vous resterez à sa porte. Ce sera tout l'un ou tout l'autre : le moyen terme n'existe pas en ce monde dominé par une poésie onirique et réaliste, à vingt-mille lieues de celle, gonflée, ampoulée, des "Cent Ans de Solitude" de García Márquez mais qu'on apparenterait plus aisément, dans sa démesure et son flamboiement naturels, à celle d'un Jorge Amado écrivant sa "Boutique aux Miracles." Ca brûle et ça gèle, ça éclate de partout et pourtant les silences sont terribles, ça aveugle et puis, ça rafraîchit la manière d'envisager les choses, ça assourdit pour mieux replonger dans la perplexité et le silence, ça laisse sans voix et ça gratte là où ça agace mais on ne peut pas l'abandonner avant la dernière page.

Non qu'on veuille réellement savoir si Arturo Belano - alter ego de l'auteur - et Ulises Lima finiront par retrouver Cesárea Tinajero et le reste de ses poèmes. Simplement, on a fait tout ce long voyage avec eux (même si l'on vient de s'en apercevoir), on a vibré, on a vécu, on a partagé, on s'est étonné, on a perdu ses illusions, on a vieilli avec eux, alors, il est bien normal qu'on les accompagne jusqu'au bout. Car ce voyage que nous avons fait ensemble, qui est aussi une traversée presque complète de leurs vies et de celles de tant de personnages, qui est encore, ne l'oublions pas, une traversée de l'imaginaire social, poétique, fantasmatique, de l'Amérique latine, ce voyage, nous l'avons en quelque sorte vécu par anticipation, dans cet espace temporel et littéraire que constitue la seconde partie du livre, imbriquée, par la volonté de l'auteur, entre les deux parties, infiniment plus modestes, qui couvrent la fuite des poètes et de la prostituée loin du District fédéral de México, en direction de l'Etat de Sonora - où les attendent Cesárea et leur destin.

Et cela aussi, on l'a trouvé naturel : cette anomalie chronologique ne trouble pas un seul instant, elle va de pair avec l'ensemble et en rehausse la surprenante et majestueuse beauté. Certes, on n'est pas devenu l'un des "Détectives Sauvages" mais c'est tout de même un peu comme si ... Wink tant sont grands le génie de son auteur et la générosité avec laquelle il accueille son lecteur dès lors que celui-ci accepte de plonger sans filet.

Un livre incroyable, un auteur à découvrir et à placer au tout premier rang de sa bibliothèque car, à sa manière cahotique de rebelle obstiné, Roberto Bolaño fut et demeure l'un des auteurs latino-américains les plus extraordinaires du XXème siècle. ;o)
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« Moi j'ai conservé sa revue et j'ai conservé son souvenir. Ma vie, probablement, me le permettait. Comme tant d'autres Mexicains, moi aussi j'ai abandonné la poésie. Comme tant de milliers de Mexicains, moi aussi j'ai tourné le dos à la poésie. Comme tant de centaines de milliers de Mexicains, moi aussi, l'heure venue, j'ai cessé d'écrire et de lire de la poésie. À partir de ce moment ma vie a suivi le cours le plus triste que l'on puisse imaginer. J'ai fait de tout, j'ai fait ce que j'ai pu. »

C'est Amadeo Salvatierra qui s'exprime ici. On est en janvier 1976, à Mexico, et il vient de passer la nuit à boire et parler en compagnie de deux jeunes poètes qui se réclament d'un mouvement littéraire obscur nommé «réalisme viscéral», fondé cinquante ans plus tôt. L'un d'entre eux, Ulisses Lima, est mexicain mais l'autre, Arturo Belano est chilien, en exil. Ils sont à la recherche de l'oeuvre qu'a pu laisser Cesárea Tinajero, une poète mystérieusement disparue.

La voix, la confession presque, de ce vieil homme n'est qu'une des dizaines qui vous attendent dans ce merveilleux roman pour fous de littérature et de poésie, qui m'a laissé pantois d'un bout à l'autre.

Nous suivrons Ulisses Lima et Arturo Belano de 1975 à 1996 dans leurs voyages, leurs vies souvent difficiles mais exaltantes. Pourtant jamais ceux-ci ne s'exprimeront directement dans la narration. Ils apparaîtront dans le reflet de ce que disent d'eux certains de ceux qu'ils ont croisés, appréciés ou aimés.

La construction du roman est superbement maîtrisée : trois parties, inégales en longueur. D'abord un journal, celui d'un jeune poète nommé Juan Garcia Madero, qui à la fin de 1975 rencontre ces réal-viscéralistes et laisse tomber ses études de droit pour les suivre. La seconde partie, la plus ample, déroule les récits de toutes les voix qui ont notamment connu Arturo Belano et Ulisses Lima de 1976 à 1996, d'Amérique en Europe et en Afrique. La troisième partie est un retour au journal de Juan Garcia Madero, en 1976, alors qu'ils sont à la recherche de Cesárea Tinajero dans le désert du Sonora.

Ce roman sera certainement mon plus grand choc littéraire de l'année. Il dormait depuis longtemps sur mes étagères car j'étais un peu effrayé par sa longueur et par son exigence supposée. Quelle erreur !

C'est vrai que je suis, comme beaucoup d'entre nous en ce moment, disponible pour une lecture longue et touffue. Mais je n'ai trouvé que des qualités à ce roman de 930 pages. Il ne souffre pas d'un trop grand formalisme (pas d'effets de style grandiloquents, embrouillés ou obscurs). Roberto Bolaño était un très grand écrivain et je vais rapidement lire autre chose de lui.
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Idéal pour retrouver sa jeunesse et les sensations qui vont avec.
La première partie est drôle et rajeunissante.
Ensuite, l'auteur emploie une technique narrative qui donne un rendu intéressant. Plusieurs petits chapitres se succèdent dont les personnages principaux sont différents (mais tous se connaissent). On peut les lire à la suite ou bien rechercher tous les chapitres qui concernent le même individu et les lire ensemble. On peut aussi lire au hasard.
L'ensemble est inénarrable. Ca m'a semblé être une très grande oeuvre. du même niveau que "Le livre de l'intranquillité" de Fernando Pessoa.
Il me reste à attaquer le monument que constitue "2066" son oeuvre ultime et posthume.
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Un véritable tourbillon. Ce roman polyphonique est comparable à "2666" du même auteur.
Roberto Bolano est un écrivain hors normes qui bouscule l' art du roman pour créer ses propres codes, jouer avec le lecteur, l' emporter dans sa prose dont on ne se lasse pas une seconde, malgré les 850 pages (en poche).
Roberto Bolano raconte. Excellemment bien. le livre est comme un "mille feuilles", différentes strates, plusieurs interprétations ou niveaux de lecture.
L' air de rien, on sent comme un malaise, quelque chose d' indéfinissable qui vient comme un nuage gris foncé précédant la pluie.
Métaphore de la vie, illusions perdues d' une jeunesse en manque d' avenir, derrière cette histoire se cachent tout un bouquet de sentiments, de ressentis, de miroirs qui se reflètent et s'opposent.
C'est un voyage.
A faire.

Nb. On m'a offert ce livre En collection Point. La couverture, non protégée se dégrade rapidement. Les couleurs choisies, ce bleu hypothétique côtoyant un vert dissentrique sont du plus mauvais effet.
Le must reste le 4eme de couverture, illisible en blanc sur cette marée verdâtre (!)
Un grand raté de ce côté. (Quand je repense à l' édition Folio et sa sublime couverture...toujours protégée. Snif...
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« J'ai été cordialement invité à faire partie du réalisme viscéral. Évidemment, j'ai accepté. Il n'y a pas eu de cérémonie d'initiation. C'est mieux comme ça. »

Dans la première partie de ce livre « Mexicains perdus à Mexico (1975) », Juan Garcia Madero, étudiant en droit contre son gré et poète dans l'âme, est invité à faire partie du mouvement des poètes réal-viscéralistes, dont on ne sait pas vraiment en quoi il consiste.
Il nous raconte sa rencontre avec les membres de ce mouvement poétique obscur, sa découverte des femmes, du sexe, dans un récit sous forme de journal plutôt déconcertant, dans lequel le narrateur comme le lecteur semblent un peu perdus. L'action s'accélère dans les dernières pages de cette partie avec le sauvetage d'une prostituée, Lupe, des griffes de son maquereau et sa fuite de Mexico avec le narrateur et les deux figures du mouvement du réalisme viscéral, Arturo Belano et Ulises Lima.

Dans la deuxième partie « Les détectives sauvages (1976-1996) », des témoins racontent des épisodes de leur propre vie, lorsqu'elle a croisé celles de Arturo Belano, double littéraire de Roberto Bolaño, ou de Ulises Lima, ainsi que de Cesarea Tinajero, poétesse inconnue fondatrice du mouvement réal-viscéraliste. Inracontables récits qui s'enchâssent et se recroisent, innombrables chapitres très drôles, tragi-comiques ou dramatiques, parmi lesquels ce duel à l'épée entre Belano et un critique littéraire sur une plage espagnole, la disparition de Ulises Lima lors d'un voyage de poètes au Nicaragua, la rencontre avec l'arrière petite-fille de Trotski ou bien celle entre un journaliste et Belano dans le chaos du Libéria.

« ... et non pas elle, jamais elle, l'idiote, la stupide, l'innocente, celle qui est arrivée trop tard, celle qui s'intéresse à la littérature sans s'imaginer les enfers qui se cachent derrières les pages pourries ou immaculées, celle qui aime les fleurs sans savoir que dans le fond des vases vivent des monstres, celle qui se promène dans la Foire du livre et me traîne, celle qui sourit aux photographes qui me visent ...»

Un texte extraordinaire, écrit comme au fil des pensées ou des visions de tous ces témoins, prouesse littéraire qui ne laisse rien paraître des efforts de l'auteur pour le sculpter et retranscrire ainsi le flottement des vies, l'incertitude, les chemins non tracés, l'angoisse, l'absurdité et l'imposture de la vie, à moins que ce ne soit celle de la littérature.

Dans la dernière partie « Les déserts de Sonora (1976) », Madero à nouveau narrateur raconte comment Belano, Lima, Lupe et lui-même sillonnent les routes de l'état de Sonora à la recherche des traces de Cesarea Tinajero.

« Nous avons tous peur de faire naufrage ».
Les détectives sauvages est un grand livre dans lequel on peut facilement se noyer.
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Livre complexe et très dense qui demande de la part du lecteur de la patience et de la persévérance. On n'est pas parti pour une lecture légère et facile. Or, si on peut et veut faire l'effort d'entrer dans le texte, on sera récompensé par un univers littéraire impressionnant. le récit commence en 1976 à Mexico où on fait la connaissance des deux personnages principaux Arturo Belano et Ulises Lima, deux poètes amis. le premier est chilien et l'alter ego de Roberto Bolaño. Dans cette première partie Juan García Madero, un jeune étudiant orphelin, nous raconte ses aventures à Mexico et sa rencontre avec Arturo et Ulises. A la fin de cette partie, il part avec eux, et avec la jeune prostituée Lupe pour le Nord du Mexique à la recherche d'une poétesse, Cesárea Tinajero, soi-disant fondatrice d'un mouvement poétique des années 20 du XX° siècle. Dans la deuxième partie qui occupe presque l'intégralité des pages, on découvre qui étaient Arturo et Ulises grâce aux témoignages d'une cinquantaine de personnages, situés au Mexique, les Etats-Unis, l'Europe et l'Afrique, des années 70 aux années 90. Bolaño y relate un peu sa propre vie. Belano, son alter ego, souffre aussi d'une maladie incurable au foie. Parfois les témoignages sont très courts, d'autres sont plus longs et pourraient faire figure de nouvelle. La lecture ressemble à un puzzle qui se complète lentement et nous donne à la fin une image, quoique opaqe, de qui étaient Arturo Belano et Ulises Lima. Les dernières pages sont un retour au désert du Sonora, au nord du Mexique, où on rejoint notre petit groupe quijotesque, partis un premier janvier des années 70, en quête d'un mirage. le décor est le désert du Sonora et la ville inexistante de Santa Teresa, la même ville qui joue un rôle dévastateur dans le chef d'oeuvre de Bolaño: 2666. Cesárea Tinajero annonce d'ailleurs 2666, écrit après Les détectives sauvages. Il y a des souvenirs de Borges, de l'Odyssée, de Joyce, du Quijote... Et il faut avouer que j'ai aussi aimé l'humour qui se situe dans les petits détails anodins qui sont combinés avec les aventures de nos héros.
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De même qu'il existe des chefs-d'oeuvre avares, capables d'annihiler toute postérité de par leur dimension, il arrive qu'un livre soit au contraire un géniteur très fécond. Les détectives sauvages de Roberto Bolano appartient à cette catégorie. Chacune de ses pages souffle comme une braise sur les doigts congelés de celles et ceux qui se refusaient à écrire ou à vivre par lâcheté.
Roman prodigieux de densité, hymne harmonieux de la démesure, épreuve infligée à l'âme étriquée de l'art, ce pavé (près de 900 pages) transforme chaque lecteur en un ami aux allures de disciple. Bolano y convoque ses idoles – c'est-à-dire toute la littérature – à sa table de magicien fou pour mieux se moquer d'elle(s). de sa plume sensible et caustique, l'auteur peint une épopée rimbaldienne – cette « foutue modernité » – son avènement autant que son aboutissement, aux frontières de l'échec et du deuil poétique.
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Que dire, sinon, chef d'oeuvre !
Un livre dans lequel il faut avoir le courage d'entrer, parce qu'il est imposant, et qu'il peut déstabiliser, mais une fois que l'on est dedans, tout se savoure avec la même délectation, chaque voix est unique et se rejoint. Bref, un chef d'oeuvre.
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