Les téléspectateurs qui suivaient régulièrement Les dossiers de l'écran d'
Armand Jammot ont peut-être en mémoire une soirée consacrée à l'opération Chastise, accomplie dans la nuit du 16 au 17 mai 1943, par l'escadrille X (plus tard baptisée N°. 617 Squadron) de la Royal Air Force, dans le but de détruire les retenues d'eau de la région de la Ruhr, en Allemagne, ce qui était censé saccager par inondation les grands équipements de cette importante région industrielle à forte concentration urbaine.
Décollant de la base de Scampton, 19 bombardiers quadrimoteurs Avro Lancaster Mk-III de type 464, aménagés pour transporter la bombre Upkeep, conçue par l'ingénieur Barnes Wallis (qui, voyant un père de famille lancer en vrille horizontale des cailloux plats à la surface d'un lac écossais, avait trouvé l'idée de fabrication et les conditions d'emploi d'un engin explosif rebondissant de forme cylindrique lourd de cinq tonnes), dont les équipages (environ 133 hommes) placés sous le commandement du Wing Commander Guy Gibson (qui, à 24 ans, avait déjà 170 missions aériennes à son actif), effectuèrent des vols en rase-motte au-dessus de l'eau accumulée derrière les grands barrages du bassin de la Ruhr.
À une hauteur de 18,29 mètres, les avions devaient, au moment précis où les deux faisceaux lumineux de projecteurs embarqués allaient se rejoindre pour dessiner un huit sur la surface liquide, à distance calculée du point d'impact, larguer leurs bombes qui, après trois ricochets, devaient glisser le long de la paroi bétonnée jusqu'au pied du barrage, avant d'exploser au fond de l'eau - la déflagration provoquant dans l'édifice des fissures amenées à s'élargir jusqu'à libérer la totalité de la masse liquide, noyant tout sur son passage. Les barrages de la Möhne, de l'Eder et d'Ennepe furent ainsi plus ou moins détruits. Seul celui de Sorpe, construit avec d'autres matériaux, parvint à résister à l'attaque, qui fut coûteuse pour la R.A.F. et le Bomber Command,, puisque seulement 8 appareils, sur les 19 engagés, parvinrent à rejoindre une base britanniques. Reste que l'effet psychologique fut atteint cette nuit-là, et que les dégâts matériels frappèrent de stupeur les Allemands.
Il avait fallu à Wallis user de tout son pouvoir de persuasion pour convaincre le célèbre Arthur Harris d'accepter de passer de l'essai théorique, dont la mise en oeuvre fut assez laborieuse, à l'envoi de bombardiers dans un raid qui avait autant de chances de réussir que d'échouer.
Le film réalisé par Michael Anderson et projeté dans les salles à partir du 16 mai 1955 (avec
Michael Redgrave dans le rôle Barnes Wallis et Richard Todd dans celui du Wing Comander Gibson), fut donc présenté aux Dossiers de l'Écran. Il a fait récemment l'objet d'une réédition en dvd et blue-ray. Mais nous lui ferons un gros reproche : les descriptions des essais et préparatifs de l'opération, pour intéressants qu'ils soient, occupent trop de place dans ce long métrage, rendant le film un peu "lourd" à force d'informations techniques. Et il a un autre défaut : il focalise notre attention sur cette entreprise de la nuit du 16 au 17 mai 1943. Alors que le livre de
Paul Brickhill (au titre original de : The Dam Busters) étend son propos à l'emploi de l'escadrille dans les opérations postérieures. Il y eut des heures glorieuses et des heures dramatiques, non seulement en raison des pertes humaines et matérielles à déplorer, mais aussi à cause de la tuerie humaine que les bombardements alliés causèrent dans la population civile allemande. Vous me direz que c'était la guerre, et que la fin justifiait les moyens, y compris celui de briser le moral des populations dans les villes arrosées de bombes, opérations qui se firent de plus en plus meurtrières. Alors, doit-on considérer seulement avec admiration et célébrer comme des héros les hommes envoyés répandre la terreur sur l'Allemagne, le but étant d'anéantir le monstre nazi - objectif essentiel -, ou faut-il aussi regarder avec un oeil un peu plus objectif ce que peut causer de terrible une organisation de destruction de l'ampleur de celle que déployèrent les Alliés pour mettre fin à l'horrible Second Conflit mondial déclenché par le barbare régime nazi ?
Je laisse à chacun la liberté de répondre, sachant que le plus important était bien de terrasser le IIIème Reich.
François Sarindar